Intervention de Vincent Delahaye

Réunion du 14 décembre 2012 à 9h45
Loi de finances rectificative pour 2012 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Vincent DelahayeVincent Delahaye :

… et l’envie d’en découdre, ou plutôt d’en « détricoter ».

Au final, les dispositions au service de la compétitivité des entreprises – bien qu’insuffisantes, nous l’avions dit à l’époque – que nous aurions pu mettre en œuvre dès le mois d’octobre à la suite de la loi votée en février dernier, vous nous proposez de ne les mettre en place qu’en 2014 – après avoir fait voter une surcharge de 10 milliards d’euros d’impôts pour les entreprises en 2013 – et, qui plus est, via un système de crédit d’impôt dont l’efficacité est bien moindre.

À la baisse des charges sociales, nettement plus favorable à l’emploi, vous avez préféré un crédit d’impôt qui risque fort de manquer sa cible puisque, par définition, il ne s’appliquera qu’aux entreprises redevables de l’impôt sur les sociétés, c’est-à-dire celles qui résistent le mieux à la crise et non pas celles qui sont à court terme dans la gêne.

Pour financer la mesure, plutôt que d’augmenter significativement le taux normal de TVA, vous choisissez de porter de 7 % à 10 % le taux intermédiaire, lequel ne concerne que des secteurs peu ou pas soumis à la concurrence des produits importés, à l’image de la restauration, de la rénovation des logements ou de l’hôtellerie.

Au lieu des 30 milliards d’euros préconisés par le rapport Gallois pour obtenir un vrai choc de compétitivité, vous annoncez des mesures représentant un montant de 20 milliards d’euros : un maxi-prix pour un mini-choc !

Qui plus est, toujours pour en revenir à notre sujet du jour, la sincérité de la prévision initiale, vous entendez nous faire voter une créance sur l’État constatée par les entreprises, mais non prise en compte par lui-même la même année. Comme Jean Arthuis l’a souligné, vous la chiffrez à 13 milliards d’euros pour 2014 quand nous devrions l’inscrire dans nos comptes, en tout cas dans notre dette, dès 2013.

Si l’on ajoute ces 13 milliards d’euros aux 8 milliards d’euros de surestimation de recettes dont j’ai parlé tout à l’heure et qui, selon moi, ne figureront pas dans les coffres de l’État à la fin de 2013, ce sont quelque 21 milliards d’euros – pas moins ! – engagés effectivement par l’État en 2013 qui ne seront pas couverts par des recettes et viendront accroître le déficit et la dette réelle de l’État en fin d’année.

Le mécanisme du crédit d’impôt est coûteux et son efficacité, douteuse. Lorsqu’on gère une collectivité, en général, on s’abstient de prendre une mesure à la fois coûteuse et à l’efficacité douteuse !

Nous visons à une vraie réindustrialisation de notre pays – je serai d’ailleurs très vigilant quant aux résultats obtenus dans un an par la politique que vous menez à ce sujet –, mais seulement 20 % des sommes engagées iront à l’industrie. Pour financer le coût de la mesure, 10 milliards d’euros sont censés provenir d’économies sur le budget de l’État, quand vous avez été incapables de trouver le moindre milliard à économiser dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013.

Vous inventez un système qui est une usine à gaz, tout juste bon à créer du contentieux fiscal. Les seules professions qui trouveront à en tirer bénéfice seront probablement les conseillers fiscaux…

Si je calcule bien, entre 2013 et 2017, ce crédit d’impôt coûtera 58 milliards d’euros cumulés au budget de l’État. On en espère, à vous entendre, la création de 300 000 emplois. Cela fait près de 200 000 euros par emploi ! C’est tout de même un peu cher ! Ou bien ce n’est pas assez efficace : sans aucun doute, on peut faire mieux avec une telle somme.

Monsieur le ministre, la stratégie que nous propose le Gouvernement est celle du dos rond. La crise finira bien par s’essouffler, selon vous : c’est le pari que vous faites de pouvoir rembourser nos dettes réalisées en 2013 sur 2014, en tablant sur une croissance de 2 % cette année-là pour y arriver.

Je crains, pour ma part, que la crise, loin d’être derrière nous, ne se trouve malheureusement encore devant nous. Je crains que le répit que les marchés nous accordent aujourd’hui en nous gratifiant de taux historiquement bas pour les emprunts que nous engageons ne soit de courte durée. Pour peu que la tendance des taux se retourne brutalement, et dans les proportions très élevées que nous avons pu voir, les conséquences que nous aurons à en subir sur le plan budgétaire seront très lourdes. J’ai bien peur que vous ne prépariez pas suffisamment les Français à un effort inévitable sur la durée.

Nous, élus, nous devons la vérité aux Français. Nous devons nous préparer à plusieurs années d’efforts si nous voulons ouvrir pour notre pays, pour nos enfants, pour nos jeunes, un cycle plus prometteur et plus durable.

Monsieur le ministre, l’action, ce doit être maintenant. Le courage, c’est maintenant. Les réformes structurelles, c’est maintenant. Demain, il sera trop tard ! §

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