Séance en hémicycle du 14 décembre 2012 à 9h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • CICE
  • d’impôt
  • rectificative

La séance

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La séance est ouverte à neuf heures quarante.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 204, rapport n° 213).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué. §

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget

Madame la présidente, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de présenter devant vous le projet de loi de finances rectificative pour 2012.

Ce texte, qui constituera la dernière loi de finances de l’année, va me permettre de donner des indications à la Haute Assemblée sur l’exécution budgétaire, mais aussi sur les intentions du Gouvernement en matière de lutte contre la fraude fiscale, lutte qui, vous le savez – j’ai déjà eu l’occasion de le dire dans cette enceinte –, est l’une des priorités de l’action que je mène au ministère de l’économie et des finances.

Je me permettrai également de préciser la volonté du Gouvernement en matière de compétitivité et d’emploi. Comment d’ailleurs ne pas en parler ? Vous le savez, la très importante réforme que je m’apprête à vous présenter ne figurait pas dans le texte adopté par le conseil des ministres ; c’est par voie d’amendement, et pour des raisons dont je m’expliquerai bien volontiers si le Sénat le souhaite, que le Gouvernement l’a introduite dans le projet de loi de finances rectificative.

Enfin, j’indiquerai quelles dispositions ont été adoptées en première lecture par vos collègues députés, dispositions qui ont d’ailleurs été très souvent inspirées des travaux du Sénat lors de l’examen du projet de loi de finances initial, qu’il n’a pas adopté dans les conditions – parfaitement légitimes – que l’on sait.

S’agissant d’abord de l’exécution budgétaire, je tiens à dire que l’objectif de réduction du déficit public, soit un déficit de 4, 5 % du produit intérieur brut en fin d’année, sera atteint.

Il le sera, d’une part, parce que l’actuel gouvernement a respecté l’annulation de 1, 2 milliard d’euros décidée par le précédent gouvernement et, d’autre part, parce que les taux d’intérêt ont évolué de telle sorte qu’ils nous permettent de faire une économie de 2, 4 milliards d’euros.

Cela signifie que le déficit budgétaire a été réduit de 3, 6 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale telle qu’elle fut votée et de 2, 4 milliards d’euros par rapport à la dernière loi de finances rectificative adoptée sous l’empire de la précédente majorité.

Au-delà de ces éléments, et une fois précisé que les économies réalisées n’ont pas été recyclées en de nouvelles dépenses mais sont exclusivement consacrées à améliorer le solde budgétaire, c'est-à-dire à nous désendetter, je veux souligner que l’année budgétaire 2012 marque un tournant dans notre histoire politique contemporaine puisque c’est la première fois que, en exécution, un exercice enregistre une diminution – autrement dit une amélioration – en valeur absolue du solde budgétaire de l’État.

Les cinq dernières années, en exécution et d’une année sur l’autre, l’aggravation du déficit budgétaire était de l’ordre de 5 milliards à 6 milliards d’euros en moyenne. En 2012, l’amélioration du solde budgétaire sera de 200 millions d’euros. Le chiffre peut paraître faible, mais il est à comparer à ces 5 milliards ou 6 milliards d’euros de dégradation annuelle moyenne.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

En exécution, c’est donc un effort budgétaire de 5 milliards à 6 milliards d’euros qui aura été réalisé en 2012.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Au-delà de tous les discours, de toutes les pétitions d’intention, le projet de loi de finances rectificative pour 2012 traduit donc bien l’adéquation des actes posés par ce gouvernement avec ses propos en matière de déficit et de retour à l’équilibre de nos finances publiques.

Ce projet de loi de finances rectificative démontre aussi la volonté du Gouvernement en matière de lutte contre la fraude fiscale, qui fait l’objet de plusieurs articles.

Comme je l’avais annoncé dès cet été à l’occasion de la présentation de la précédente loi de finances rectificative, des dispositions importantes, qui concernent tant les entreprises que les ménages, sont ainsi proposées au Parlement, dispositions qui toutes ont déjà été acceptées – avec, bien sûr, quelques amendements – par l’Assemblée nationale.

Concernant les particuliers, nous avons modifié la règle du double, facilité les procédures de flagrance et durci les sanctions en cas de non-déclaration de certaines sommes. Dans ce dernier cas, l’administration fiscale considérera ces sommes comme provenant d’une cession hors famille ou de gains ayant une autre origine qu’un travail pouvant légitimement justifier une telle rémunération.

Vous connaissez la règle du double : l’administration fiscale ne peut demander à un particulier l’origine des fonds détenus sur ses comptes dès lors que leur montant n’excède pas deux fois les revenus officiels déclarés. Cette règle est largement assouplie, ce qui permettra à l’administration fiscale de mieux faire son travail.

La flagrance sera également améliorée, et l’administration fiscale ainsi que la police fiscale créée sous l’ancienne majorité pourront agir plus efficacement.

Quant aux sommes déposées en dehors de nos frontières – elles ont acquis récemment une soudaine notoriété aux yeux de certains –, je veux indiquer que le Gouvernement, à ma demande, a très considérablement durci les sanctions dès lors que leur existence est avérée. Ce durcissement est tout à fait indispensable : on ne peut, au moment où l’on demande un effort considérable au pays, accepter que certains s’en exonèrent et manifestent, via leur déclaration fiscale, leur déloyauté à l’égard de la collectivité nationale.

Je voudrais dire un mot des dispositions adoptées par voie d’amendements gouvernementaux, notamment du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Il s’agit donc d’un amendement tout à fait indispensable compte tenu de la situation du pays : un million de chômeurs en plus depuis cinq ans ; 70 milliards d’euros de déficit pour notre commerce extérieur ; un taux de marge pour les entreprises historiquement bas… Tout cela est extrêmement préoccupant, et la situation de nos entreprises en témoigne parfaitement.

Le Gouvernement a souhaité qu’un constat objectif soit fait de cette situation et a donc demandé à M. Louis Gallois de lui remettre un rapport. Ce document constitue, me semble t-il, une critique particulièrement acerbe, virulente et très dure de la gestion passée. Cette critique ne peut être accusée d’être politiquement partisane : nous connaissons tous l’objectivité de Louis Gallois et, sur toutes les travées de cette assemblée, de la droite à la gauche et de la gauche à la droite, chacun a rendu hommage à la qualité de ce rapport.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Le constat qu’il dresse s’apparente à une condamnation très sévère des politiques économiques et industrielles menées ces dernières années dans notre pays. Il aurait été impossible au Gouvernement de ne pas réagir. C’est la raison pour laquelle, sans attendre une éventuelle loi de finances rectificative au début de l’année 2013, nous avons décidé de tenir compte de ce rapport le plus tôt possible, c’est-à-dire dans le texte qui vous est aujourd’hui présenté.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Si nous ne l’avions pas fait, des parlementaires de tout bord auraient fort légitimement pu critiquer le Gouvernement, coupable alors de rester inactif devant un constat d’une telle dureté pour les politiques menées par le passé. Nous engageons donc une rupture avec tout ce qui a été fait.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Au lieu d’une amélioration de compétitivité de 10 à 13 milliards d’euros – c’est ce que la précédente majorité avait suggéré –, c’est un effort de 20 milliards d’euros – presque le double – que nous proposons. C’est une première différence – et elle est de taille – avec ce que l’on a pu appeler la « TVA sociale » ou la « TVA compétitivité », votée sous l’empire de la majorité précédente.

La deuxième différence de taille, c’est que nous préservons le pouvoir d’achat en 2013, car nous sommes convaincus que ce dernier doit être au cœur de la politique économique : seule la consommation des ménages peut laisser espérer une croissance digne de ce nom l’année prochaine. Pénaliser cette croissance par une augmentation de la TVA dès le 1er janvier 2013 aurait constitué – c’est en tout cas l’opinion du Gouvernement – une très grave erreur d’analyse économique.

La troisième différence de taille, c’est que nous finançons la compétitivité des entreprises, ainsi que l’emploi, par des économies de dépense publique, ce que la précédente majorité s’était bien gardée de faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Le problème, c’est qu’il s’agit d’économies invisibles !

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Ces économies, à hauteur de 10 milliards d’euros, contraindront les autorités publiques de ce pays à engager des réformes structurelles courageuses.

Nous aurons, lors de la discussion de ce très important amendement, l’occasion de débattre des mérites comparés de ce qu’ont voulu les uns, la TVA sociale, et de ce que proposent les autres, le crédit d’impôt sur la compétitivité et l’emploi. Nous pourrons au moins nous accorder sur des éléments objectifs : il s’agit d’un effort plus important que celui qui avait été proposé par l’ancienne majorité, financé pour moitié par des économies, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Nous attendons de les voir, ces fameuses économies !

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Vous ne tromperez pas les Français très longtemps ! Vous ne savez faire que des promesses !

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

… et par une augmentation de TVA beaucoup plus prudente, afin de protéger le pouvoir d’achat des ménages et d’assurer un peu de croissance grâce à la consommation.

J’évoquerai enfin les apports, que je crois très utiles, de l’Assemblée nationale. Les députés ont repris plusieurs initiatives sénatoriales, notamment celle qui porte sur la réforme de la cotisation foncière des entreprises, la CFE. Le Sénat a souhaité cette réforme et c’est à juste titre que des amendements avaient été adoptés sur ce sujet par la Haute Assemblée. On sait que ces adoptions ont été sans conséquence institutionnelle de par le rejet que le Sénat a opposé à la première partie de la loi de finances initiale pour 2013. L’Assemblée nationale – et c’est une bonne chose – a donc repris la réforme imaginée et voulue par le Sénat.

D’autres éléments ont également été introduits. Je pense, par exemple, au fonds d’aide pour les collectivités publiques grevées par des emprunts toxiques et particulièrement imprudents, doté de 50 millions d’euros. Un fonds d’aide aux départements qui connaissent de très graves difficultés en raison de l’effet de ciseau bien connu dû à l’explosion des dépenses sociales et aux diminutions des recettes a également été créé et doté de 170 millions d’euros. Nous aurons le plaisir, mesdames, messieurs les sénateurs, d’examiner ensemble ces dispositions, ainsi que d’autres, auxquelles le Gouvernement tient beaucoup et, je l’espère, de les améliorer ou de les voir adoptées dans les mêmes termes que l’Assemblée nationale.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Tels sont, madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, les quatre axes de ce projet de loi de finances rectificative qui nous donneront l’occasion, j’en suis certain, d’un débat de très grande qualité, tradition ou noblesse oblige dans cette Haute assemblée. C’est dans cet espoir que je vous remercie de votre attention.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous apprêtons à modifier, pour la troisième fois, la loi de finances pour 2012.

La première fois, c’était au mois de mars, et l’ancien gouvernement nous demandait d’inscrire dans cette loi l’une des composantes du programme électoral du président sortant : la TVA sociale.

La deuxième fois, c’était au mois de juillet, et le nouveau gouvernement avait deux objectifs. D’abord, il fallait améliorer la justice fiscale en revenant sur un certain nombre de mesures injustes et emblématiques du quinquennat précédent : la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, le bouclier fiscal ou encore la réforme de l’ISF. Ensuite, il fallait consolider la trajectoire de nos finances publiques pour s’assurer que l’objectif du déficit public pour 2012, c’est-à-dire 4, 5 % du PIB, serait respecté. Si nous n’avions pas tenu cet objectif, nous savons combien le retour en deçà du seuil de 3 % aurait été encore plus difficile à atteindre pour 2013.

Nous examinons aujourd’hui le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2012, dont le contenu a été tellement enrichi par l’Assemblée nationale qu’il est devenu bien plus qu’un traditionnel collectif budgétaire de fin d’année.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Le projet a été enrichi sur le plan quantitatif : le texte a triplé de volume et comporte désormais quatre-vingt-dix articles, dont beaucoup traitent – c’est la loi du genre – des aspects les plus divers de notre vie économique et sociale, depuis le régime fiscal des débitants de tabac dans les gares jusqu’aux modalités de fixation des taux de taxe d’habitation dans les communes nouvelles. En effet, même si cela reste anecdotique, deux nouvelles communes ont vu le jour en 2012, et une troisième sera créée en 2013.

Le projet a aussi été enrichi sur le plan qualitatif, en particulier par deux amendements du Gouvernement instituant le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et modifiant en conséquence les taux de la taxe sur la valeur ajoutée. Je reviendrai sur ces deux dispositions mais, puisque nous débattons d’une loi de finances, il faut d’abord évoquer l’équilibre budgétaire et ses composantes.

La prévision de déficit public pour 2012 est maintenue à 4, 5 points de PIB, grâce aux mesures que nous avons votées en juillet et malgré une croissance bien inférieure à la prévision initiale du gouvernement précédent. La prévision officielle de croissance est aujourd’hui de 0, 3 %, alors qu’elle était de 1, 75 % au moment où la loi de finances pour 2012 a été conçue, avant d’être ramenée à 0, 5 % en mars et à 0, 3 % en juillet.

Cela étant, nous ne connaissons pas encore le traitement qui sera réservé en comptabilité nationale à la plus grosse opération budgétaire inscrite dans cette loi de finances rectificative, à savoir la recapitalisation de Dexia pour un montant de 2, 6 milliards d’euros environ, auquel s’ajoute une diminution de la rémunération de la garantie.

Lorsque l’on examine les facteurs d’évolution du solde budgétaire en 2012, on est frappé par trois éléments.

Tout d’abord, les recettes sont moins bonnes que prévu, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

… car l’impôt sur les sociétés et la TVA ne sont pas aussi dynamiques que ce à quoi nous nous attendions.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Vous avez mis en place un tel matraquage fiscal…

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Ensuite, les dépenses de l’État – et je pense que cela ne peut que vous satisfaire, monsieur Delattre – sont bien tenues…

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Voilà qui nous change de ce qu’on a pu connaître !

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

… si l’on en juge par la mise en œuvre des normes de dépenses : en 2012, nous assisterons, comme vient de l’indiquer M. le ministre, à une baisse en valeur des dépenses de l’État, que l’on se réfère au périmètre de la norme « zéro volume » ou à celui de la norme « zéro valeur ».

Enfin – et il s’agit du troisième élément –, la réparation des dommages causés par la crise financière et ses conséquences sur la zone euro a un coût. Force est de constater que les économies supplémentaires que nous réalisons en allant au-delà du respect des normes ne suffisent pas à compenser les importantes dépenses exceptionnelles, telles que la recapitalisation de Dexia, déjà évoquée, ou encore les 6, 5 milliards d’euros versés en mars au mécanisme européen de stabilité, le MES.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

À ces dépenses exceptionnelles, s’ajoute l’octroi de garanties de l’État à un établissement bancaire comme PSA finance – on sait pourquoi… –, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

… à l’UNEDIC, comme cela devient l’habitude, mais aussi à l’Union des entreprises et des salariés pour le logement, l’UESL, afin qu’elle puisse emprunter auprès de la Caisse des dépôts et consignations de façon à se substituer à l’État pour le financement de certaines politiques publiques.

Le déficit budgétaire de l’État en 2012 s’établira à 86, 1 milliards d’euros et sera supérieur à la prévision initiale. En effet, si nous parvenons à gager strictement toutes les ouvertures de crédits relevant du périmètre « normé », lesquelles portent surtout sur des guichets sociaux et des dépenses immobilières, nous ne sommes pas en mesure de gager en totalité les dépenses exceptionnelles.

Il n’en demeure pas moins que le déficit de 2012 sera inférieur à celui de 2011 et que notre trajectoire est bien orientée.

Comment la commission des finances a-t-elle abordé ce projet de loi de finances rectificative ? Nous avons d’abord constaté avec satisfaction que le texte issu de l’Assemblée nationale comportait de nombreuses dispositions relatives aux finances locales, en particulier un article consacré à la correction de défauts issus de la réforme de la taxe professionnelle et de nombreux autres articles visant à répondre aux préoccupations concrètes des élus.

Nous nous sommes efforcés de compléter ces dispositions et de formuler des propositions complémentaires. Il nous a notamment semblé, monsieur le ministre, qu’il fallait s’inquiéter des difficultés rencontrées par la territorialisation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE. Il s’agit du principal impôt économique local mais nous ne connaissons toujours pas la répartition définitive de son produit, commune par commune, depuis 2010.

Ce nouvel impôt, que nous avons de la peine à territorialiser, cohabite avec nos vieilles taxes locales qui sont assises sur des valeurs locatives obsolètes et dont le principal défaut est non pas d’être obsolètes, mais d’être à l’origine d’injustices majeures.

Mme Maryvonne Blondin acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Nous avons soutenu le gouvernement précédent lorsqu’il a engagé une expérimentation en vue de réviser les valeurs locatives des locaux professionnels. Je suis reconnaissant au gouvernement actuel d’avoir accompagné, au mois de juillet dernier, la démarche que j’avais entamée avec Pierre Jarlier lorsque nous étions rapporteurs spéciaux de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et dont l’objectif était la généralisation de la révision des valeurs locatives.

Je souhaite aujourd’hui que nous passions à l’étape suivante et que nous engagions une expérimentation en vue de réviser les valeurs locatives des locaux d’habitation.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Je remercie d’ailleurs la commission des finances de son soutien. Pour moi, réviser ces bases est une exigence de justice fiscale, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Cette révision est aussi une nécessité pratique pour rendre incontestables les critères retenus en vue de la mise en œuvre des différents dispositifs de péréquation. Il faut être sûr de prendre aux plus riches pour donner aux plus pauvres ; sinon, le processus serait tout à fait discutable.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

La révision des valeurs locatives a aussi vocation à donner plus d’équité et une légitimité à cette nécessaire péréquation dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Monsieur le ministre, croyez-nous : il n’y a pas de temps à perdre pour conduire cette réforme. Il faut engager l’expérimentation maintenant si nous voulons disposer en 2015 d’un bilan permettant d’envisager une généralisation à compter de 2017. Ces dates sont importantes, car nous savons bien que la réforme n’a aucune chance de réussir si elle perturbe les scrutins locaux. Le calendrier est un élément capital.

Je sais que le Gouvernement entendra mon argument concernant la nécessité de mettre en œuvre rapidement la révision des valeurs locatives, car, à l’occasion de ce collectif budgétaire, il a su montrer sa capacité à agir vite lorsque cela s’impose.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Je me réfère évidemment au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE.

Ce dispositif constitue l’un des trente-trois éléments du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi annoncé par le Premier ministre le 6 novembre dernier, au lendemain de la remise par Louis Gallois d’un rapport sur la compétitivité de l’industrie française qui lui avait été commandé par le Gouvernement.

Il y a en effet urgence à améliorer la compétitivité des entreprises françaises et à soutenir, en particulier, nos entreprises industrielles. Les épisodes auxquels nous venons d’assister sont loin de démentir cette affirmation.

On connaît le diagnostic de ce rapport, publié le 5 novembre dernier. Louis Gallois utilise des termes très forts, voire très durs : il évoque un « véritable décrochage » et estime que « l’industrie française atteint aujourd’hui un seuil critique, »…

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

… « au-delà duquel elle est menacée de déstructuration ».

En outre, il rappelle les principaux chiffres disponibles.

La part de l’industrie dans la valeur ajoutée est passée dans notre pays de 18 % en 2000 à 12, 5 % en 2011, contre 18, 6 % pour l’Italie, 21, 2 % pour la Suède, 26, 2 % pour l’Allemagne. À qui la faute ?

La part de marché des exportations françaises en Europe est passée de 12, 7 % en 2000 à 9, 3 % en 2011.

Le solde de la balance commerciale est passé d’un excédent de 3, 5 milliards d'euros en 2002 à un déficit de 71, 2 milliards d'euros en 2012. J’insiste : il y a dix ans, ce solde était excédentaire. Bien que ce chiffre soit « faussé » par l’augmentation du prix du pétrole, la situation de la balance hors énergie est préoccupante, passant d’un excédent de 25 milliards d'euros en 2002 à un déficit de 25 milliards d'euros en 2011.

Pourquoi faut-il maintenir une industrie puissante ?

Jusqu’à la crise de la zone euro, les économistes étaient souvent assez sceptiques sur l’importance des questions de compétitivité. Beaucoup soulignaient que, dans les économies développées, la croissance proviendrait essentiellement des services et que la tertiarisation de l’économie n’était pas, en tant que telle, un facteur de chômage.

Les États de la zone euro – elle-même présente un solde extérieur courant équilibré – sont soumis à une contrainte particulière : éviter d’avoir entre eux des écarts de compétitivité trop importants. Or, comme ils ne peuvent dévaluer leur monnaie – c’était la vieille recette utilisée par le passé –, certains présentent parfois des déficits extérieurs courants très importants. La compétitivité est donc une condition essentielle du bon fonctionnement de notre union monétaire.

C’est pourquoi le « Six Pack », adopté au mois de novembre 2011, comprend notamment deux règlements ayant pour objet d’éviter les déséquilibres macroéconomiques excessifs. Je rappelle que ces textes européens prévoient la possibilité de sanctions. Au début de 2012, pour la première année d’application de la procédure, la Commission européenne a relevé que la France avait perdu 19, 6 % de parts de marché à l’export en cinq ans, alors que le seuil considéré comme acceptable dans le cadre de la nouvelle procédure est de 6 %. Nous ne pouvons manquer d’être attentifs au fait que notre pays encourt des sanctions à cause de sa gestion.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Dans ces conditions d’extrême urgence à améliorer la compétitivité, fallait-il attendre avant d’agir ? Bien sûr que non ! Lorsque nous discutions la première partie du projet de loi de finances pour 2013, je me souviens que certains collègues de l’opposition sénatoriale auraient souhaité que nous inscrivions sans délai ces dispositions dans le texte.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Aujourd’hui, le CICE arrive dans le projet de loi de finances rectificative pour 2012…

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

… et on entend les mêmes considérer que cela ne doit pas relever d’un tel texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Attendez d’entendre nos arguments ! Ne faites pas les questions et les réponses !

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

C’est une situation que vous avez-vous-même dénoncée, monsieur Marini. Ce qui était considéré comme une urgence voilà quelques semaines ne le serait plus aujourd’hui. Allez comprendre cette stratégie à l’emporte-pièce de l’opposition sénatoriale sur ce sujet !

Pour ma part, je pense que ce dispositif est tout à fait à sa place en seconde partie du premier projet de loi de finances disponible, pour que l’Assemblée nationale l’examine en premier lieu conformément à la priorité dont elle jouit en matière budgétaire. C’est bien cette démarche que le Gouvernement a souhaité respecter.

Le CICE n’est pas moins à sa place dans un projet de loi de finances rectificative que dans un projet de loi de finances, dès lors qu’il n’a d’incidence ni sur le solde de 2012 ni sur le solde de 2013.

En revanche, figurant dans le texte que nous examinons aujourd'hui et qui sera promulgué dans les prochains jours, le CICE pourra être utilisé par les entreprises dès le début de l’année 2013. Le CICE constitue un outil simple et lisible de nature à permettre aux entreprises de reconstituer leurs marges et donc d’investir plus afin, selon l’expression à la mode, de « monter en gamme ».

J’entends des critiques sur les modalités de versements de cet outil et son traitement en comptabilité nationale. Elles me semblent infondées, en particulier parce que le nouveau crédit d’impôt repose sur une technique fiscale identique à celle qui a été retenue pour le crédit d’impôt recherche. Elles masquent surtout l’absence de critiques de fond. Si l’on s’attache tant à la forme, c’est bien parce que l’on a peu à redire sur le fond.

Le CICE déplacera plus de 20 milliards d’euros à compter de 2016. Compte tenu de l’ampleur de la mesure, il n’est pas anormal que les modalités de mise en œuvre de celle-ci donnent lieu à des débats. Ces derniers ont été nourris à l’Assemblée nationale et le seront sans doute tout autant ici.

Pour ma part, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez, j’ai pleinement approuvé le principe d’un dispositif d’allégement du coût du travail financé pour moitié par des augmentations de prélèvements obligatoires et pour moitié par des économies de dépenses publiques. C’est bien ce que prévoit ce dispositif et ce que vient de rappeler le Gouvernement.

S’agissant des enseignements à tirer du rapport Gallois, il y a lieu à mon avis d’insister sur la nécessité de porter une attention toute particulière à l’industrie française. À cette fin, j’avais imaginé de recourir de façon accrue au dispositif du crédit d’impôt recherche qui profite aux deux tiers à l’industrie et dont le bénéfice est conditionné à la réalisation de dépenses de recherche-développement et, désormais, d’innovation. Mais j’ai conscience que le Gouvernement tient à la pureté de son dispositif unique, lisible et simple à comprendre par les chefs d’entreprise, qui bénéficieront d’un allégement de 6 % de leur masse salariale jusqu’à 2, 5 SMIC et qui ont d’ores et déjà intégré cette annonce dans leur stratégie d’entreprise pour 2013.

Monsieur le ministre, je sais que le Gouvernement est soucieux, s’agissant du secteur industriel, d’élargir et de renforcer ces dispositifs dès l’année prochaine. Je vous remercie d’être très attentif à notre action en faveur de la compétitivité industrielle.

Il faut le dire et le répéter, mes chers collègues : le CICE créera des emplois, améliorera la croissance et développera la compétitivité. Il sera efficace. Grâce à ce dispositif – les chiffres sont fiables et nos estimations ont permis de le confirmer –, plus de 300 000 emplois seront créés.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

C’est comme les 400 000 emplois prévus avec les 35 heures !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Il fallait les supprimer, alors ! Pourtant, vous les avez généralisées !

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

On sait très bien que le dispositif de TVA sociale que vous aviez souhaité mettre en place au mois de mars dernier et qui n’était que de l’affichage à l’approche de l’élection présidentielle ne créait quasiment aucun emploi ! Aujourd'hui, le problème, c’est l’emploi et la compétitivité de nos entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

C’est sur ce terrain que le dispositif apporte toute son efficacité.

Pour conclure, mes chers collègues, je vous invite à vous souvenir que nous avons débuté cette session budgétaire par l’examen de textes portant sur la gouvernance de nos finances publiques. Je pense en particulier à la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, que le Conseil constitutionnel a pour l’essentiel déclarée conforme à la Constitution hier.

Il s’agissait notamment de prendre en compte les règles européennes issues du traité budgétaire ainsi que des deux paquets « gouvernance ». Nous entamerons d’ailleurs dans deux semaines le troisième semestre européen, au cours duquel nous examinerons le programme de stabilité, qui porte sur la trajectoire des finances publiques, et le programme national de réforme, relatif aux mesures structurelles de transformation de notre économie.

Nous aurons alors la confirmation que le Gouvernement applique à l’échelon national les orientations qu’il défend à l’échelle européenne, c’est-à-dire à la fois la discipline budgétaire et la mise en œuvre de réformes de nature à stimuler la croissance.

Ce projet de loi de finances rectificative pour 2012, heureusement enrichi du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, s’inscrit pleinement dans cette démarche, et ce n’est pas la moindre des raisons pour lesquelles je vous invite, mes chers collègues, à l’adopter. §

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Si je prends la parole, c’est pour solliciter l’indulgence de la Haute Assemblée : l’embouteillage du calendrier parlementaire m’oblige à quitter cet hémicycle pour celui de l'Assemblée nationale afin d’y achever l’examen en nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2013.

Alain Vidalies, ministre chargé des relations avec le Parlement, me remplacera. Je reviendrai poursuivre ce débat dès que les travaux de l'Assemblée nationale seront terminés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai bien conscience que ces conditions de travail sont un peu difficiles et je vous prie de bien vouloir excuser mon absence.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le ministre, j’espère que vous aurez le temps d’entendre au moins un orateur de l’opposition dans cette discussion générale !

Nous voici parvenus à l’acte II, un peu tardif, de la session budgétaire. L’acte I s’est en particulier traduit par une ponction fiscale supplémentaire de 20 milliards d’euros sur les entreprises. L’acte II, ce serait, après l’illumination du rapport Gallois, la « restitution » de ces 20 milliards d’euros aux entreprises sous le vocable de « crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi », ou CICE.

En est-il réellement ainsi ? Il faut, me semble-t-il, approfondir davantage l’analyse. Tout d'abord, alors que le Gouvernement avait promis que ce projet de loi de finances rectificative ne comporterait pas de hausse d’impôt, l’imagination est toujours à l’œuvre dans ce domaine puisque nous verrons apparaître dès le 1er janvier 2013 une surtaxe sur les plus-values immobilières, applicable aux transactions à partir de 50 000 euros. Que n’y a-t-on pensé plus tôt, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013 ? C’est un merveilleux procédé, consistant à utiliser, petitement en l’espèce, un texte visant à ajuster les comptes de l’exercice à clore pour traiter de la fiscalité dans l’exercice à ouvrir.

Monsieur le ministre, où est la cohérence de ce dispositif avec la conjoncture du marché immobilier, sur lequel le nombre de transactions continue à diminuer ? Cette mesure induit des risques pour les finances des collectivités territoriales. Où est la cohérence avec l’abattement de 20 % sur l’assiette des plus-values pour l’année 2013 prévu en loi de finances ?

Un second élément doit être pris en compte pour approfondir l’analyse. Derrière l’efficacité, que je salue, de l’opération de communication à laquelle vous vous livrez sur le CICE, se cachent en réalité – je persiste à le dire – un revirement et une incohérence majeure. Vous avez, par un souci de revanche politique que je peux comprendre, au lendemain d’une élection décisive, annulé le peu que la précédente majorité avait fait, bien tardivement, en matière de restauration de la compétitivité des entreprises, avec le transfert, encore très limité, de certaines charges sociales vers la fiscalité indirecte.

Après ces quelques éléments d’introduction, je voudrais poser d’emblée deux questions au Gouvernement.

Ma première question – permettez-moi de la formuler de manière un peu solennelle – est la suivante : l’exercice du droit d’amendement reconnu au Gouvernement peut-il, dans le respect de nos institutions, aller jusqu’à autoriser ce dernier à insérer en cours de discussion parlementaire un dispositif de l’ampleur du CICE ?

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Le Conseil d'État n’a pas été consulté, et aucune étude d’impact n’a été réalisée !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Rappelons que le conseil des ministres a délibéré sur ce projet de loi de finances rectificative le 14 novembre dernier et que l’annonce d’une possible insertion du CICE dans ce projet de loi a circulé dès la semaine suivante.

Il aurait été matériellement possible d’adopter une lettre rectificative. Cela aurait permis de respecter les formes, notamment de mettre une étude d’impact à la disposition du Parlement et de soumettre le texte à l’examen préalable du Conseil d’État, lequel aurait ainsi pu formuler un avis utile au Gouvernement sur ce dispositif qui, comme nous le verrons tout à l'heure, est très complexe.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

En dépit d’un calendrier serré, je ne pense pas que l’adoption d’une lettre rectificative était impossible, et le respect de cette règle de procédure aurait été bien utile pour nos discussions.

J’en viens à ma seconde question : monsieur le ministre, l’adjonction à laquelle se livre le Gouvernement ne constitue-t-elle pas une véritable dénaturation, au sens propre, c'est-à-dire un changement de nature, de la notion même de « loi de finances rectificative » ? Nous avons, les uns et les autres, connu de très nombreuses lois de finances rectificatives. Ces lois sont souvent des fourre-tout fiscaux – une sorte de troisième partie de la loi de finances de l’année à venir – qui, utilisant la technique de ce que j’ai appelé « la serpillière législative », épongent ce qui reste dans les tiroirs. §

Certes, la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF, ne dit pas expressément ce que sont les lois de finances rectificatives. On peut toutefois – c’est le bon sens – déduire de leur libellé même et des dispositions de l’article 53 de la LOLF que ces textes ont pour vocation première de tirer les conséquences des évolutions de la situation économique et budgétaire apparues en cours d’exercice.

Raisonnons en ordres de grandeur, mes chers collègues. M. Cahuzac est parti, mais il a fait tout à l'heure une allusion à laquelle je voudrais répondre. Les ouvertures et annulations de crédits prévues par le présent projet de loi de finances rectificative portent sur environ 2 milliards d’euros, et le solde se dégrade de 2, 5 milliards d’euros – hors opération Dexia – par rapport au dernier collectif, essentiellement du fait d’une baisse des recettes fiscales et non fiscales qui n’est pas entièrement compensée par l’effet d’aubaine bienvenu que constitue l’atténuation de la charge de la dette.

Or ce texte, qui prévoit, je le répète, des mouvements de crédits de 2 milliards d'euros et une dégradation du solde de 2, 5 milliards d’euros, a été modifié par un amendement – l’amendement relatif au CICE – portant sur 20 milliards d'euros : 20 milliards d'euros par rapport à un solde de 2, 5 milliards d'euros !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

On ne me dira pas que le fait d’introduire une mesure représentant un impact de 20 milliards d'euros dans un texte conçu pour organiser un impact de 2, 5 milliards d'euros ne dénature pas, au sens propre, le texte en question.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Je le répète, il n’y aura pas un seul euro dépensé pour le CICE en 2012 ni en 2013 !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Il n’y a pas d’urgence à adopter cette mesure, qui pourrait très bien être mise en œuvre le moment venu, monsieur le rapporteur général.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Les anticipations des entreprises, vous savez ce que c’est ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Laissez-moi poursuivre !

Dans le cadre de l’examen de ce projet de loi de finances rectificative, nous sommes très loin de pouvoir absorber à la va-vite, sans étude d’impact ni avis du Conseil d'État, une mesure qui crée potentiellement une dette de 20 milliards d'euros de l’État à l’égard des entreprises. Par son ampleur et sa portée, cette mesure n’avait clairement pas sa place dans le collectif de fin d’année, marqué de surcroît, comme chaque année, par des délais d’examen très courts, scandaleusement courts même, qui interdisent de fait de procéder à un examen suffisamment approfondi de la mesure proposée.

Qui pis est, le Gouvernement a aggravé son cas en multipliant les amendements portant article additionnel ou en incitant le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale à le faire. Nombre de ces amendements, puisés à bonne source, portaient sur des sujets qui n’étaient pas médiocres et appelaient eux aussi une analyse plus scrupuleuse. Citons, par exemple, la garantie apportée par l’État aux prêts contractés par le 1 % logement, la surtaxation des plus-values immobilières ou encore la taxe sur les logements sous-occupés, même si cette dernière mesure a finalement été abandonnée.

Pas moins d’une quarantaine d’amendements du Gouvernement, dont une dizaine étaient réellement importants, ont ainsi dû être examinés dans des conditions inacceptables d’improvisation par la commission des finances de l’Assemblée nationale, dans le cadre d’une suspension de séance en plein milieu de la discussion des articles. Je crois être objectif en disant que, depuis le temps, hélas ! assez long – au moins une vingtaine d’années – que je m’intéresse aux lois de finances, je n’ai jamais vu cela.

Avant de développer les critiques de fond qu’appelle à mon sens le CICE, je dirai un mot du constat le plus alarmant qu’imposent les ajustements réalisés par le présent projet de loi : 605 millions d’euros supplémentaires sont inscrits au titre des dépenses salariales. Que l’on ne nous dise donc pas que les dépenses sont tenues, ni qu’elles sont mieux tenues aujourd'hui qu’elles ne l’étaient hier !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je le répète, ce sont 605 millions d'euros supplémentaires qui sont inscrits au titre des dépenses salariales.

Mais venons-en aux questions de fond que soulève le CICE. Certes, le rapport Gallois est une nouvelle icône républicaine. Quel beau plaidoyer pour l’industrie et la compétitivité des entreprises ! Quel beau plaidoyer, aussi, en faveur des intentions qu’avait, et que n’a sans doute pas suffisamment mises en œuvre, le précédent gouvernement. Et quel réquisitoire, monsieur le ministre, contre la politique que vous avez menée les premiers mois, avant le tournant !

Peut-on pour autant parler de conversion ? Auriez-vous, malgré les périls, trouvé le chemin de Damas ? J’en doute, car l’outil que vous nous demandez d’adopter soulève cinq difficultés.

Première difficulté, les effets du dispositif sont trop peu massifs, en volume et dans le temps, pour produire un impact significatif. De ce point de vue, je partage totalement l’analyse de Louis Gallois : il n’y a pas d’impact significatif à attendre d’un transfert de charges inférieur à 30 milliards d'euros.

Deuxième difficulté, le CICE a un problème de ciblage. En décidant de limiter la mesure aux salaires inférieurs à 2, 5 SMIC, le Gouvernement n’a pas voulu, ou pas pu, faire de choix entre une politique de soutien à l’emploi, qui suppose de favoriser les plus bas salaires, et une politique de compétitivité, qui impose de monter plus haut sur l’échelle des salaires concernés afin de favoriser ce que le Gouvernement a lui-même appelé « la montée en gamme de notre économie ». La belle icône – je veux parler du rapport Gallois – préconisait pourtant d’opérer un transfert de charges sur les salaires jusqu’à 3, 5 SMIC.

Tel que le Gouvernement l’a conçu, le dispositif risque de bénéficier largement à des secteurs protégés de l’économie – distribution, hôtellerie, restauration, bâtiment –, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… auxquels vous allez ajouter, en écoutant leurs demandes d’une oreille favorable, le secteur de l’économie solidaire et le secteur associatif, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… qui, s’ils sont certes très sympathiques, ne subissent aucune concurrence extérieure.

Cher Jean-Pierre Caffet, je me souviens des débats que nous avons eus de bonne foi sur la TVA sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Vous disiez alors que cette mesure ne profiterait pas suffisamment à l’industrie. Je vous retourne exactement le même argument à propos du CICE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

J’en viens à la troisième difficulté que soulève le CICE. Si nous argumentons aujourd'hui à fronts renversés, nous n’en sommes pas moins dans la continuité de nos débats précédents, à la différence près que le CICE pose un problème d’effet de seuil tout à fait redoutable. Ce dispositif constitue une barrière à la hausse des salaires autour de 2, 5 SMIC dans la mesure où, à ce niveau de rémunération, toute hausse de salaire se traduira par une hausse disproportionnée du coût du travail.

Il aurait fallu à tout le moins lisser la mesure, comme le prévoit le dispositif Fillon d’exonération des cotisations sociales et comme le prévoyait, monsieur le rapporteur général, un amendement excellent par son inspiration que la commission des finances avait dans un premier temps approuvé, en saluant votre initiative.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le rapporteur général, je parle de l’amendement excellemment préparé qui avait été approuvé très largement, voire à l’unanimité, par la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Pourquoi avez-vous retiré cet amendement ? Je suppose que c’est parce que le Gouvernement ne vous a pas donné son accord.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Et si le Gouvernement ne vous a pas donné son accord sur votre texte, c’est qu’il assume cet effet de seuil !

Alors, il faudra que le Gouvernement s’explique sur l’effet de seuil et qu’il nous dise pourquoi le lissage n’est pas possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Encore faudrait-il que le débat au Sénat soit clair et que l’on ne s’autocensure pas, qu’il soit complet, que tout soit sur la table !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Par ailleurs, pour bien des entreprises, la mesure sera un leurre puisque la créance détenue sur l’État devra être imputée sur le montant de l’impôt sur les bénéfices au cours des trois années suivant celle où elle est apparue. En d’autres termes, une entreprise ne faisant pas de bénéfices ne pourra pas faire jouer sa créance les trois premières années : ce n’est que la quatrième année que cette créance pourra être éventuellement restituée par le Trésor.

On nous dit que le dispositif est urgent, décisif, qu’il aura un impact important sur l’économie. Permettez-moi d’en douter !

J’en viens au quatrième élément. Il était bien sûr inimaginable, du point de vue de la soutenabilité de nos comptes publics, que vous puissiez vous présenter devant le Parlement sans annoncer les contreparties permettant d’équilibrer le coût du CICE. Il y va de la crédibilité de notre pays. Or, vous le savez, cette crédibilité se paie en points de base sur nos emprunts, et il va nous falloir emprunter 140 milliards d’euros sur le marché en 2013.

Comment allez-vous équilibrer les 20 milliards d’euros d’engagements, qui constituent une véritable dette de l’État ? On nous parle – je me tourne vers nos collègues du groupe écologiste – de fiscalité environnementale à partir de 2016. §Quelle fiscalité ? Sur quelles assiettes ? Payée par qui ? Avec quelles conséquences ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. À ce stade, il s’agit pour moi d’une fausse fenêtre, sur une belle toile peinte « à la Potemkine » !

Exclamations

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Du reste, les 10 milliards d’euros supplémentaires d’économies ne sont-ils pas une autre fausse fenêtre sur la même toile peinte, selon une belle symétrie, sous un beau fronton ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

C’est une méthode de communication gouvernementale encore très actuelle, monsieur le rapporteur général. Les technologies changent, pas le cœur et le comportement des hommes au pouvoir !

Je ne suis donc pas satisfait, parce que je ne sais pas d’où viendront ces 10 milliards d’euros d’économies supplémentaires. Il faudra bien nous le dire !

Certes, je lis des commentaires « à la sauce RGPP ». Ce sont quasiment les mêmes formules que naguère, probablement rédigées par les mêmes personnes… Comment ces accents et ces ambitions vont-ils se traduire dans la réalité ?

En dernier lieu, je souhaiterais soulever un point de droit concernant la rédaction du premier alinéa du nouvel article 244 quater C du code général des impôts instituant le CICE.

L’Assemblée nationale a complété le texte du Gouvernement pour prévoir que l’entreprise bénéficiaire devra retracer dans ses comptes annuels l’utilisation du crédit d’impôt, lequel ne pourra « ni financer une hausse de la part des bénéfices distribués ni augmenter les rémunérations des personnes exerçant des fonctions de direction dans l’entreprise ».

Monsieur le ministre, je vois bien à quelle nécessité politique cette disposition répond : rassurer votre majorité en lui garantissant que M. Mittal ne pourra pas utiliser ce crédit d’impôt pour faire des choses inacceptables, inavouables, contraires aux intérêts stratégiques du pays et à la morale publique. Je comprends bien qu’il s’agit d’un souci pour vous.

Cependant, votre dispositif a été imaginé sans conditionnalité, et vous n’avez cessé de le dire et de l’assumer devant vos groupes parlementaires.

Alors, cette mesure introduit-elle ou non une conditionnalité ? Cet article ne serait-il pas un chapiteau corinthien peint sur la toile à laquelle je faisais allusion tout à l’heure, pour plaire à l’œil, pour que tout cela ait une apparence agréable, sans souci de la réalité, afin de franchir l’obstacle de cette fin d’année ?

Telles sont, mes chers collègues, les quelques réflexions que je voulais vous livrer. Outre le fait que le solde public n’est pas tenu comme il devrait l’être, le CICE est, à mon sens, un dispositif improvisé, pour ne pas dire un peu cafouilleux – pardonnez-moi l’expression –, et, sinon dangereux, au moins inefficace. Le peu de temps dont nous avons disposé pour le travail en commission nous conduira évidemment à rejeter le dispositif du CICE et, avec lui, le projet loi de finances rectificative pour 2012. §

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Avant que nous n’entendions les orateurs inscrits dans la discussion générale, je me permets d’inviter chacun d’eux à respecter scrupuleusement son temps de parole, de manière qu’ils puissent tous s’exprimer d’ici à la suspension de nos travaux, à douze heures trente.

La parole est à M. Vincent Delahaye.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce PLFR, s’il est adopté, amplifiera notre déficit budgétaire, et donc notre besoin de financement, de 5 milliards d’euros.

Il nous conforte ainsi dans plusieurs idées que le groupe UDI-UC défend depuis longtemps ici même, bien avant votre arrivée aux affaires, monsieur le ministre.

Tout d’abord, nous sommes convaincus de la nécessité d’adopter sans tarder des mesures radicales pour soutenir la compétitivité des entreprises françaises. Je vous renvoie sur ce point à nos interventions dans cet hémicycle, en particulier celles du président Jean Arthuis, en faveur de la mise en place d’une TVA anti-délocalisation, qui fera d’ailleurs l’objet d’un amendement.

Ensuite, nous avons toujours mis en avant l’obligation d’être plus prudent dans les prévisions budgétaires. Les lois de finances initiales qui sont proposées à notre vote en fin d’année sont fondées sur des taux de croissance bien trop optimistes, nous obligeant à effectuer en cours d’année des ajustements drastiques, souvent mal ficelés, car établis dans la précipitation.

Enfin, nous considérons qu’il y a urgence à effectuer d’amples réformes de structure et à consentir des efforts, portant notamment sur les dépenses de personnel, faute de quoi le Gouvernement ne pourra pas tenir ses engagements de réduction des déficits publics.

Je commencerai par les deux derniers points, qui constituent la partie « classique » d’un collectif de fin d’année.

S’agissant des recettes, les hypothèses de croissance retenues pour l’élaboration des budgets de l’État sont systématiquement trop optimistes et poussent à des ajustements en cours d’année mal préparés. Notre groupe avait déjà lancé cette mise en garde ici même l’an dernier. Rendez-vous compte : nous avons voté en décembre 2011 un budget fondé sur une hypothèse de croissance de 1, 75 % ; la croissance sera finalement, au mieux, de 0, 3 % et, au pis, nulle.

Nous aurions pu, nous aurions dû intégrer ces chiffres dès nos premières prévisions budgétaires : le consensus des experts se faisait à l’époque sur une croissance de 1, 2 % et notre recommandation était de nous placer, par prudence, à 0, 5 point en dessous.

L’erreur du passé ne fait toujours pas leçon pour le présent : dans le PLF pour 2013, on fait la même erreur en croyant pouvoir forcer le destin avec 0, 8 % de croissance pour établir la prévision budgétaire, quand tous les économistes tablent sur, au mieux, moitié moins et que nous aurons vraisemblablement une croissance nulle, voire négative.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Pratiquement tous !

Dans ces conditions, il ne fait pas de doute que nos rendez-vous pour les collectifs budgétaires de 2013 seront aussi douloureux que ceux que nous aurons eu à subir cette année, notamment celui d’aujourd’hui.

De collectif en collectif, les recettes fiscales auront été revues à la baisse de 4, 8 milliards d’euros depuis la loi de finances initiale, dont 4, 2 milliards au titre de l’impôt sur les sociétés, et de 2, 4 milliards d’euros dans le présent collectif.

Ce constat ne vous aura pas empêchés de surestimer encore les recettes fiscales dans le PLF pour 2013. Leur évolution dite « spontanée » a été estimée à 8 milliards d’euros, soit 3 % d’augmentation, alors que la croissance effective annoncée n’est pas meilleure qu’en 2012 et que la consommation des ménages et l’investissement des entreprises sont en berne.

Le choc fiscal en deux temps qui nous a été proposé, en juillet puis aujourd’hui, avec son côté récessif, va encore accentuer la déprime de l’économie française. Comment, dans ces conditions, valider une progression spontanée de nos recettes de 3 % ?

À cette question, que je lui avais déjà posée lors du débat sur le PLF pour 2013, M. Cahuzac n’avait pas répondu.

Si ce sont les modèles de Bercy qui aboutissent à ces hypothèses, il est grand temps d’en changer ! Un tel investissement est bien plus urgent que les énormes investissements immobiliers que vous nous proposez d’autoriser aujourd’hui.

Nous surestimons donc chroniquement nos recettes, rendant finalement peu sincère la prévision initiale et ce n’est pas le milliard – très optimiste et même très utopique milliard ! – que vous espérez retirer des mesures anti-fraude de ce PLFR qui viendra me rassurer sur ce point.

Abordons à présent la question des dépenses publiques : monsieur le ministre, nous continuons de dépenser trop, beaucoup trop !

Je suis choqué, par exemple, de voir des ouvertures de crédits prévues au titre d’opérations immobilières visant au regroupement des services du Premier ministre, d’une part, et des services chargés des ministères de l’écologie et du logement, d’autre part, le tout pour un montant de plus de 900 millions d’euros en autorisations d’engagement.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Cela a été décidé par le précédent gouvernement !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Eh bien, il faut arrêter !

Monsieur le ministre, ce sont les élus, et non l’administration, qui doivent décider. En la matière, ce sont eux qui ont la main !

Dans des temps comme ceux que nous traversons, je suis farouchement opposé à ce type de dépenses. À moins que vous nous fassiez une démonstration digne de ce nom du gain à en obtenir en retour. Mais, pour ce que j’en sais, la preuve est loin d’être établie.

Je saisis là une nouvelle et pénible occasion d’attirer votre attention, mes chers collègues, sur la question de la gestion du patrimoine immobilier de l’État. Un rapport de la Cour des comptes, rédigé à la demande de la commission des finances du Sénat, sur le patrimoine immobilier des établissements de santé nous avait déjà alertés, en janvier dernier, sur tout un ensemble de dysfonctionnements. Le sujet doit être approfondi, car il y a là, sans nul doute, un gisement important d’économies à réaliser. En la matière, je le répète, les élus ne doivent pas laisser le pouvoir à l’administration.

En ce qui concerne les dépenses de personnel, lors d’une séance de questions cribles thématiques sur la dépense publique qui s’est déroulée voilà un peu plus d’un mois, j’ai demandé à M. Cahuzac comment il comptait s’y prendre pour tenir l’objectif « zéro valeur » en se fixant comme ligne de conduite la stabilité des effectifs de la fonction publique d’État et de ses opérateurs, soit une enveloppe cumulée de plus de 100 milliards d’euros.

Or cette dépense augmentera mécaniquement de 2 % au moins chaque année, par l’effet des avancements et promotions, du glissement vieillesse technicité, de la GIPA, c’est-à-dire la garantie individuelle de pouvoir d’achat, et des indemnités catégorielles dont bénéficient, notamment, les fonctionnaires du ministère des finances.

M. Cahuzac avait balayé mon argument en minimisant tous ces effets. Or, dans le décret d’avance qui a précédé ce PLFR, il a inscrit 600 millions d’euros supplémentaires au titre des dépenses salariales : c’est un premier signe qui, je le crains, me donne raison.

Je vous prends à témoin, mes chers collègues : la reconduction dans le PLF pour 2013 du même niveau de masse salariale qu’en 2012 est un objectif inaccessible si les effectifs des fonctionnaires restent les mêmes, voire augmentent.

Voilà pourquoi je proposerai un amendement qui tend à réduire de 3 % les plafonds d’emplois des opérateurs de l’État en 2013, lesquels plafonds ne cessent d’augmenter depuis des années, quand des efforts ont été demandés à tous les ministères dans le cadre de la RGPP.

Il est grand temps que les opérateurs de l’État participent aux efforts de redressement des comptes publics. Il faut en finir avec la débudgétisation des services de l’État. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le rapport de l’Inspection générale des finances publié cet été, et je ne comprends pas qu’il ait si peu inspiré vos propositions budgétaires.

Nos efforts pour réduire les dépenses publiques ne sont donc pas suffisants et ne nous donnent aucune marge lorsqu’arrivent les mauvaises surprises, telles que la recapitalisation de Dexia à hauteur de 2, 5 milliards d’euros, somme qui correspond en fait à la couverture des pertes dont nous ne voyons, d’ailleurs, ni l’ampleur ni la fin.

À ce sujet, après qu’en commission des finances nous avons procédé à de nombreuses auditions sur le sujet et qu’on nous a « vendu » la garantie de l’État à Dexia comme indolore, voire profitable pour le budget de l’État – à l’instar de ce que l’on nous le dit aujourd’hui au sujet de la garantie apportée à la banque de PSA –, je suis surpris de voir arriver une facture, la première peut-être, d’un montant non négligeable.

Nous faisons semblant de fermer les yeux, puisqu’une astuce pourrait ne pas nous obliger à comptabiliser la somme dans le déficit du budget, alors que cette somme est bel et bien une charge pour l’État et que l’objectif d’un déficit situé à 4, 5 % de PIB n’est, en réalité, pas tenu.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Pourquoi Dexia en est-elle arrivée là ?

Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

C’est une bonne question, qui mériterait un débat un peu plus large.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Je demande à l’État ce qu’on peut demander à tout actionnaire digne de ce nom : une vision claire de la situation de cette banque et de ses perspectives de pertes pour éviter de nouvelles mauvaises surprises.

J’en viens maintenant aux deux amendements qu’a présentés le Gouvernement pour introduire, dans le texte, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.

Tout d’abord, comme d’autres le diront sans doute aussi, la forme est choquante, cavalière même pour une réforme de cette importance : quelques lignes, quelques pages, pour des mesures chiffrées à 20 milliards d’euros – excusez du peu ! –, sans aucune véritable étude d’impact.

Ce matin, M. Cahuzac a évoqué le rapport Gallois. Or, d’après mes souvenirs, ce dernier préconisait non pas un crédit d’impôt, …

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

… mais un choc beaucoup plus important de compétitivité.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Ce n’est pas du tout ce qui nous est proposé aujourd'hui.

Je suis d’ailleurs surpris que le Gouvernement ait attendu six mois et la publication du rapport Gallois pour s’apercevoir qu’il y avait un problème de compétitivité dans notre pays. Cela n’a jamais été dit pendant la campagne présidentielle, à aucun moment !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Vous êtes arrivés aux affaires avec des dogmes en tête…

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

… et l’envie d’en découdre, ou plutôt d’en « détricoter ».

Au final, les dispositions au service de la compétitivité des entreprises – bien qu’insuffisantes, nous l’avions dit à l’époque – que nous aurions pu mettre en œuvre dès le mois d’octobre à la suite de la loi votée en février dernier, vous nous proposez de ne les mettre en place qu’en 2014 – après avoir fait voter une surcharge de 10 milliards d’euros d’impôts pour les entreprises en 2013 – et, qui plus est, via un système de crédit d’impôt dont l’efficacité est bien moindre.

À la baisse des charges sociales, nettement plus favorable à l’emploi, vous avez préféré un crédit d’impôt qui risque fort de manquer sa cible puisque, par définition, il ne s’appliquera qu’aux entreprises redevables de l’impôt sur les sociétés, c’est-à-dire celles qui résistent le mieux à la crise et non pas celles qui sont à court terme dans la gêne.

Pour financer la mesure, plutôt que d’augmenter significativement le taux normal de TVA, vous choisissez de porter de 7 % à 10 % le taux intermédiaire, lequel ne concerne que des secteurs peu ou pas soumis à la concurrence des produits importés, à l’image de la restauration, de la rénovation des logements ou de l’hôtellerie.

Au lieu des 30 milliards d’euros préconisés par le rapport Gallois pour obtenir un vrai choc de compétitivité, vous annoncez des mesures représentant un montant de 20 milliards d’euros : un maxi-prix pour un mini-choc !

Qui plus est, toujours pour en revenir à notre sujet du jour, la sincérité de la prévision initiale, vous entendez nous faire voter une créance sur l’État constatée par les entreprises, mais non prise en compte par lui-même la même année. Comme Jean Arthuis l’a souligné, vous la chiffrez à 13 milliards d’euros pour 2014 quand nous devrions l’inscrire dans nos comptes, en tout cas dans notre dette, dès 2013.

Si l’on ajoute ces 13 milliards d’euros aux 8 milliards d’euros de surestimation de recettes dont j’ai parlé tout à l’heure et qui, selon moi, ne figureront pas dans les coffres de l’État à la fin de 2013, ce sont quelque 21 milliards d’euros – pas moins ! – engagés effectivement par l’État en 2013 qui ne seront pas couverts par des recettes et viendront accroître le déficit et la dette réelle de l’État en fin d’année.

Le mécanisme du crédit d’impôt est coûteux et son efficacité, douteuse. Lorsqu’on gère une collectivité, en général, on s’abstient de prendre une mesure à la fois coûteuse et à l’efficacité douteuse !

Nous visons à une vraie réindustrialisation de notre pays – je serai d’ailleurs très vigilant quant aux résultats obtenus dans un an par la politique que vous menez à ce sujet –, mais seulement 20 % des sommes engagées iront à l’industrie. Pour financer le coût de la mesure, 10 milliards d’euros sont censés provenir d’économies sur le budget de l’État, quand vous avez été incapables de trouver le moindre milliard à économiser dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013.

Vous inventez un système qui est une usine à gaz, tout juste bon à créer du contentieux fiscal. Les seules professions qui trouveront à en tirer bénéfice seront probablement les conseillers fiscaux…

Si je calcule bien, entre 2013 et 2017, ce crédit d’impôt coûtera 58 milliards d’euros cumulés au budget de l’État. On en espère, à vous entendre, la création de 300 000 emplois. Cela fait près de 200 000 euros par emploi ! C’est tout de même un peu cher ! Ou bien ce n’est pas assez efficace : sans aucun doute, on peut faire mieux avec une telle somme.

Monsieur le ministre, la stratégie que nous propose le Gouvernement est celle du dos rond. La crise finira bien par s’essouffler, selon vous : c’est le pari que vous faites de pouvoir rembourser nos dettes réalisées en 2013 sur 2014, en tablant sur une croissance de 2 % cette année-là pour y arriver.

Je crains, pour ma part, que la crise, loin d’être derrière nous, ne se trouve malheureusement encore devant nous. Je crains que le répit que les marchés nous accordent aujourd’hui en nous gratifiant de taux historiquement bas pour les emprunts que nous engageons ne soit de courte durée. Pour peu que la tendance des taux se retourne brutalement, et dans les proportions très élevées que nous avons pu voir, les conséquences que nous aurons à en subir sur le plan budgétaire seront très lourdes. J’ai bien peur que vous ne prépariez pas suffisamment les Français à un effort inévitable sur la durée.

Nous, élus, nous devons la vérité aux Français. Nous devons nous préparer à plusieurs années d’efforts si nous voulons ouvrir pour notre pays, pour nos enfants, pour nos jeunes, un cycle plus prometteur et plus durable.

Monsieur le ministre, l’action, ce doit être maintenant. Le courage, c’est maintenant. Les réformes structurelles, c’est maintenant. Demain, il sera trop tard ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative pour 2012 que nous examinons aujourd’hui aurait pu être un collectif budgétaire de fin d’année « classique ».

Lorsqu’il a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, voilà tout juste un mois, il comportait 31 articles consistant en des ouvertures et fermetures de crédits. Il se rapprochait donc, malgré des différences sur le fond, de ceux qui nous ont été présentés ces dernières années.

Après son adoption à l’Assemblée nationale, c’est un texte fort différent qui nous est soumis puisqu’il comprend désormais 90 articles, soit 59 articles additionnels ajoutés par nos collègues députés, dont la plupart, il faut le souligner, résultent de l’adoption d’amendements émanant du Gouvernement, lequel avait déposé pas moins de 52 amendements au total.

Monsieur le ministre, je tiens d’ailleurs à cette occasion à saluer l’efficacité des services ministériels concernés, capables d’écrire l’équivalent d’un second collectif budgétaire en moins d’un mois : c’est une forme d’exploit !

Au final, analyser ce texte dans le délai très court qui sépare son adoption par les députés de son examen par nous-mêmes, et ce malgré l’excellent travail de notre commission des finances, m’apparaît tout de même comme une gageure.

À nos yeux, permettez-moi de le dire, le présent collectif n’est pas le reflet d’une coopération suffisamment efficace et constructive entre le Gouvernement et le Parlement. Nous le regrettons. Je le dis en toute franchise : sur ce point, des progrès peuvent être faits.

Après ces remarques préliminaires de forme, venons-en au fond.

Le texte, compte tenu notamment des modifications importantes dont il a fait l’objet – je pense, bien sûr, à l’article 24 bis, qui introduit le nouveau crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – est un texte majeur, un tournant essentiel en faveur de la compétitivité des entreprises ; j’y reviendrai tout à l’heure.

Je commencerai par un autre point du projet de loi, qui figurait, lui, dans le texte initial : les mesures visant à lutter contre la fraude et l’optimisation fiscales.

Je salue les efforts du Gouvernement et l’engagement dont il a fait preuve sur ce point dès la loi de finances rectificative de juillet dernier, puis dans le projet de loi de finances pour 2013, textes qui comportent déjà des dispositions très importantes, en particulier la limitation de la déductibilité des intérêts d’emprunt pour les entreprises.

Ce troisième collectif budgétaire pour 2012 prévoit de nouvelles mesures anti-abus et accroît utilement les pouvoirs de l’administration fiscale, notamment à l’article 8, qui adapte ces derniers aux évolutions technologiques.

L’article 9 renforce les moyens de lutte contre la fraude à la TVA sur les voitures d’occasion. C’est également une avancée importante. Il faudra certainement poursuivre les efforts concernant la TVA, considérée par la Commission européenne comme deux fois plus « fraudée », si je puis oser ce barbarisme, que les autres impôts. La Commission évalue la fraude à 10 milliards d’euros pour notre pays : c’est un tiers des efforts demandés aux Français en 2013 pour redresser nos finances publiques. Il semble qu’il y ait donc là une manne importante pour le budget de l’État. Il faudra sans doute approfondir le sujet.

Pour être véritablement efficaces, les efforts menés dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales devront se poursuivre, et ce à l’échelle européenne. Je pense aux travaux sur l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, dont la mise en œuvre permettrait notamment de neutraliser l’optimisation fiscale que certaines entreprises réalisent par le biais des « prix de transfert ». Voilà indéniablement une piste sur laquelle il nous faut avancer avec nos partenaires européens pour sortir par le haut de la crise économique et financière.

La crise est également ressentie par les collectivités territoriales. Nous y sommes, ici, très sensibles et c’est le second point que je souhaitais aborder ce matin.

Au travers de ce collectif, les difficultés auxquelles font face les collectivités sont reconnues. Ainsi, l’article 17 duodecies, introduit à la suite de l’adoption d’un amendement gouvernemental, met en place un fonds exceptionnel de soutien aux départements en difficulté, fonds doté de 170 millions d’euros, conformément aux derniers engagements pris par le M. le Président de la République. Ce n’est pas rien, mais, nous le savons, ce n’est pas encore suffisant, et d’autres mesures plus structurelles, que nous appelons de nos vœux, devront être prises.

L’article 3 bis institue un autre fonds, plus discutable selon nous, en faveur des collectivités ayant souscrit des emprunts structurés, autrement dit des « emprunts toxiques ». L’adoption de l’amendement déposé par le rapporteur général permettrait d’améliorer le texte actuel puisqu’il vise à ne pas faire participer l’ensemble des collectivités, donc pas celles qui ont géré vertueusement leur budget, au « renflouement » d’autres collectivités qui se sont montrées sans doute moins prudentes. Voilà une mesure fondée sur des principes de justice et d’équité, que nous défendons au sein du RDSE.

Cependant, il conviendrait selon nous de supprimer purement et simplement l’article 3 bis, car son principe même constitue un aléa moral, souvent dénoncé dans la régulation financière, mais qui vaut tout autant s’agissant de la gestion des acteurs publics.

Quoi qu’il en soit, s’il y a urgence à venir en aide à certaines collectivités, il y a surtout urgence à mettre en place des dispositifs de péréquation verticale et horizontale véritablement justes, afin de réduire les inégalités qui ne cessent de se creuser entre les territoires. C’était, du reste, l’un des points soulignés, ici même, hier après-midi par le RDSE, à l’occasion de l’examen de notre proposition de résolution pour une politique de lutte contre la fracture territoriale, texte adopté, il faut le souligner, à l’unanimité par notre assemblée, chargée de la représentation des collectivités territoriales de la République.

Pour terminer sur le thème des collectivités et pour assurer une transition avec mon sujet suivant, je parlerai de la cotisation foncière des entreprises, la CFE. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013, notre excellent rapporteur général avait proposé un amendement, adopté à l’unanimité, qui visait à permettre aux collectivités de procéder à une seconde délibération sur le montant de la base minimum de CFE due au titre de 2012.

L’absence de simulations disponibles pour les collectivités au moment de leur première délibération avait en effet conduit à des augmentations très importantes et particulièrement inopportunes de l’imposition de certaines entreprises. Nous avions eu, bien sûr, beaucoup de retours à ce sujet. Il était donc urgent d’agir, et je me réjouis qu’une disposition introduite à l’Assemblée nationale à l’article 17 de ce collectif reprenne l’esprit de l’amendement adopté par le Sénat dans le projet de loi de finances pour 2013. C’est pourquoi nous soutiendrons les amendements du rapporteur général qui tendent à améliorer le dispositif prévu par l’article sur la base minimum de CFE.

J’en viens à mon dernier sujet : les entreprises. Il occupe manifestement le devant de la scène depuis la remise par Louis Gallois, au début du mois de novembre, de son excellent rapport, auquel est venu s’ajouter l’examen des textes relatifs à la Banque publique d’investissement.

Comme je l’ai déjà dit, le collectif a fait l’objet d’une modification plus que substantielle, avec l’adoption d’un amendement à l’Assemblée nationale qui instaure, à l’article 24 bis, un dispositif évalué à 20 milliards d’euros : il s’agit du fameux CICE. Celui-ci correspond à l’une des mesures annoncées par le Premier ministre dans son Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, répondant ainsi à une urgence, celle de créer un « choc de compétitivité », comme le préconise le rapport Gallois.

Je sais que le Gouvernement n’a pas souhaité reprendre le terme de « choc ». Mais peu importe les éléments de langage retenus, l’idée est bien là : il faut redonner à nos entreprises, en particulier à celles du secteur industriel, les moyens de briser le cercle vicieux de la faiblesse des marges, qui conduit à une faiblesse des investissements, de l’innovation, les empêchant de monter en gamme et, surtout, d’exporter.

Je regrette cependant que, comme le dispositif proposé par la précédente majorité, le CICE ne vise pas spécifiquement ou principalement le secteur industriel. Car c’est grâce à la capacité d’innovation et à la compétitivité de nos industries que nous retrouverons véritablement une croissance soutenue et durable ; mon collègue Christian Bourquin a eu l’occasion de le dire avec force lors de la discussion du projet de loi relatif à la création de la Banque publique d’investissement.

Soutenir d’autres secteurs, moins exposés à la concurrence internationale et dans lesquels l’innovation a un impact moins important sur la croissance, ne devrait pas être une priorité.

Un débat intéressant a eu lieu en commission des finances – j’espère que nous le poursuivrons ici – sur ce qu’il y a de troublant à voir le CICE s’appliquer, même pour une petite partie, aux services financiers, qui n’en ont vraisemblablement pas besoin. Peut-être n’était-il pas possible de faire autrement ? Je suis bien conscient des difficultés que pose la législation européenne sur les aides d’État, qui menace tout dispositif beaucoup trop ciblé. Quelques marges de manœuvre ne subsistent-elles pas néanmoins ? J’aimerais beaucoup entendre la position du ministre délégué chargé du budget sur cette question.

D’ailleurs, monsieur le rapporteur général, même si vous vous en êtes expliqué, nous regrettons que vous ayez retiré ce matin en commission votre amendement n° 22, qui réécrivait très ingénieusement, selon nous, une partie de l’article 24 bis, démontrant ainsi qu’il était possible d’augmenter, dans ce nouveau dispositif, la part dont bénéficierait l’industrie. Nous étions prêts à le soutenir avec ardeur, car il aurait sans doute permis de supprimer l’effet de seuil du CICE, d’en réduire le coût, sans en diminuer pour autant l’effet positif sur l’emploi. Je fais partie de ceux qui trouvent dommage que cet amendement n’ait pas pu poursuivre son parcours !

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré des réserves sur la façon dont ce nouveau crédit d’impôt a été introduit – sans étude d’impact –…

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

… dans ce projet de loi de finances rectificative, la grande majorité des membres du RDSE soutient le CICE, qui répond à l’impérieuse nécessité de rétablir sans tarder la compétitivité de nos entreprises pour retrouver des marges de croissance. L’heure n’est plus aux tergiversations : il nous faut agir, et agir vite !

Les radicaux de gauche et la majorité des membres du RDSE apporteront leur soutien à ce projet de loi de finances rectificative. Nous pensons en effet qu’il favorisera l’emploi, la compétitivité et la croissance et qu’il permettra de lutter plus efficacement contre la fraude fiscale : autant de chantiers prioritaires pour redresser la situation budgétaire et économique de notre pays ! §

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le vote d’un projet de loi de finances rectificative en fin d’année est, en général, un exercice relativement facile, qui consiste à ajuster les ouvertures de crédits de l’année en cours en tenant compte des différences survenues entre les prévisions de début d’année et la réalité de l’exécution en cours d’année.

Or, cette année, je le dis sans acrimonie, nous nous essayons à un exercice où le caractère hétéroclite de la forme le dispute aux contorsions devant les objectifs fixés et les effets espérés ! J’aurai l’occasion d’y revenir.

Mais je veux d’abord dire que le groupe écologiste se réjouit des mesures contenues dans ce projet de loi de finances rectificative concernant la fraude fiscale. En effet, renforcer la lutte contre la fraude et pour la transparence constitue un enjeu très important au regard tant de l’équité fiscale que de la justice sociale.

Nous souscrivons pleinement aux propositions qui visent à imposer davantage de transparence aux contribuables, à renforcer les moyens d’action de l’administration dans ce domaine, à accroître la responsabilité des auteurs de montages fiscaux complexes, à améliorer la traçabilité des produits de tabacs et à aggraver les sanctions en cas de fraude.

De même, nous nous félicitons de la mise en place de mesures qui permettent de déjouer diverses stratégies d’optimisation fiscale, notamment en matière de transmission de patrimoine entre personnes physiques.

Le texte prévoit également l’augmentation du plafond de la garantie attribuée à Dexia, conformément à l’accord passé avec la Belgique le 8 novembre dernier ; c’est une bonne chose !

Ces mesures sont grandement encouragées par les écologistes.

Il convient aussi de souligner que ce projet de loi de finances rectificative entérine dans nos comptes publics la réduction de la charge de la dette opérée cette année grâce à des taux d’intérêt encore plus bas que prévu sur les marchés obligataires. Sur ce point, il serait malhonnête de ne pas accorder un satisfecit à l’actuel gouvernement qui, bien loin des prédictions catastrophiques énoncées en la matière par l’ancienne majorité durant la campagne présidentielle, a su agir avec une très grande dextérité pour ne pas subir les effets négatifs de la dégradation de la note de notre pays. §(Mme Corinne Bouchoux applaudit.)

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

J’aurais aimé pouvoir conclure sur cette note positive, mais il me reste malheureusement beaucoup de choses à dire sur les articles ajoutés quelque peu précipitamment à la version initiale du projet de loi de finances rectificative pour 2012.

En effet, le revers de la médaille, ce sont, sans surprise, les articles reprenant le fameux « pacte de compétitivité » du Gouvernement.

Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi proposé par le Gouvernement coûtera, en effet, pas moins de 20 milliards d’euros par an. Son financement reposera sur trois piliers : d’abord, 10 milliards d’euros d’économies supplémentaires en dépenses, dont, pour l’instant, nous ne savons guère – c’est le moins que l’on puisse dire ! – sur quels champs elles s’appliqueront ; ensuite, 7 milliards d’euros d’augmentation de la TVA à compter du 1er janvier 2014, avec des modalités d’application qui restent à définir et à évaluer en termes d’impact concret sur notre économie ; enfin, une nouvelle fiscalité écologique, dont je salue l’annonce mais dont j’ignore le contenu et dont le rendement atteindrait 3 milliards d’euros, peut-être avant 2016, date pour laquelle on nous a promis l’institution d’une véritable fiscalité écologique. Au demeurant, le flou qui entoure cette source de financement, qui intéresse tout particulièrement les écologistes que nous sommes, nuit encore plus à la visibilité que la brume qui enveloppe à ce jour les deux sources précédemment évoquées…

En février dernier, M. Cahuzac s’insurgeait contre la TVA sociale, démontrant que son objectif était de faire payer aux consommateurs les gains de compétitivité pour les entreprises. Et, à l’époque, il encourageait le précédent gouvernement à assumer ses choix.

Alors, je ne peux m’empêcher de m’interroger : qu’est-ce qui, depuis février dernier, a changé dans les équilibres ? Le pouvoir d’achat des ménages ne s’est pas amélioré et la TVA reste un impôt profondément injuste, dont l’augmentation pénalise toujours plus les catégories populaires et les classes moyennes que les plus aisés !

Permettez-moi donc d’exprimer, au nom des écologistes, ma très grande perplexité devant cette hausse de la TVA.

Certes, elle n’augmente que de 0, 4 point pour le taux normal, qui passe de 19, 60 % à 20 %. Mais qu’en est-il pour le taux intermédiaire ? Il subit une augmentation de trois points ! Une augmentation qui va directement et négativement impacter les ressources de certains secteurs essentiels de notre économie, ainsi que la vie sociale et culturelle de nos concitoyens. C’est le cas du secteur des transports en commun, de celui de la rénovation des bâtiments et de nombreux domaines de la culture.

Développement des transports en commun et rénovation des bâtiments sont pourtant deux axes forts d’une véritable politique de transition écologique de notre économie. Ce sont aussi des secteurs où l’emploi n’est pas délocalisable.

Depuis l’ouverture de la conférence environnementale, en septembre dernier, le Président de la République a exprimé à plusieurs reprises sa volonté d’agir fortement dans ces domaines. Le chef de l’État a annoncé, par exemple, un grand plan pour la rénovation thermique des bâtiments afin d’atteindre « un million de logements mis aux normes chaque année ».

De quelle manière le Gouvernement parviendra-t-il à tenir de telles promesses tout en alourdissant, via une hausse de la TVA, le coût des prestations de secteurs essentiels de la transition écologique ?

Si le Gouvernement veut tenir les promesses du président Hollande à l’horizon 2014, il devra donc engager des dépenses supplémentaires très substantielles, d’abord pour contrebalancer les effets négatifs du projet de loi de finances rectificative sur ces secteurs, ensuite pour inverser la tendance.

La hausse prévue du taux intermédiaire de TVA pourrait, en l’état, annihiler une bonne part des effets économiques attendus de la mise en place d’une fiscalité écologique.

En termes macro-économiques comme en termes micro-économiques, il ne nous paraît pas logique de dissocier de la sorte les effets des mesures lourdes entourant le pacte de compétitivité et les objectifs logiquement recherchés à travers la future fiscalité écologique que le Gouvernement dit vouloir prochainement instaurer.

Aujourd’hui, on parle beaucoup du retard de la France en matière de compétitivité, mais on oublie étrangement de souligner notre retard en matière de fiscalité écologique. Je le rappelle, les taxes environnementales au Danemark et aux Pays-Bas représentent respectivement 5, 7 % et 3, 9 % du PIB, contre seulement 2, 1 % en France.

Lorsque les écologistes proposent la suppression des niches fiscales anti-écologiques ou la mise en place d’une véritable fiscalité verte, ils s’entendent répondre qu’il faut prendre le temps d’étudier les impacts, de procéder à des concertations…

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

En revanche, lorsqu’il s’agit de demander aux parlementaires de voter un très lourd crédit d’impôt « compétitivité-emploi », on se passe hélas, et assez facilement, de toute réelle étude d’impact, de toute concertation, notamment, il faut bien le dire, avec les partenaires de la majorité !

Certes, les mesures entourant le CICE doivent être entérinées rapidement pour permettre aux entreprises d’anticiper leurs investissements de 2014. C’est un argument pertinent, surtout quand on connaît la manière dont les entreprises fonctionnent.

Mais le crédit d’impôt, tel qu’il est conçu, ne permet pas de répondre de façon stratégique aux enjeux de l’économie et de l’industrie française, et, à notre sens, c’est là que le bât blesse. Il n’y a aucune sectorisation des aides ! On ne fait, au contraire, que consolider les secteurs traditionnels de notre économie, qui sont parfois bien vieillissants !

Nous avons voté voilà quelques jours la création de la Banque publique d’investissement : pourquoi ne pas prendre exemple sur ce projet de loi, co-élaboré avec les parlementaires dans un souci de transition écologique, de développement des PME et des filières d’avenir ?

Le CICE, lui, ne prévoit aucune « critérisation », hormis l’interdiction, grâce à un amendement adopté à l’Assemblée nationale, de financer une hausse des dividendes ou une augmentation des rémunérations de la direction des entreprises. Nous nous en félicitons, mais c’est bien le moins que l’on pouvait demander !

Les sénateurs et sénatrices écologistes sont soucieux de la bonne tenue de notre économie et se préoccupent sincèrement du sort des entreprises, tout particulièrement de celui de nos PME-PMI et de nos TPE.

Mais, comme nous prônons la parcimonie dans l’usage de l’argent public, nous nous méfions des chèques en blanc qui pourraient être donnés à certains.

Je rappelle que Total a engrangé plus de 12 milliards d’euros de bénéfices en 2011. Je ne vois pas pourquoi ce genre d’entreprises aurait vraiment besoin de l’argent de nos impôts pour développer ses investissements !

D’ailleurs, aujourd’hui, seul le MEDEF semble véritablement se réjouir des mesures annoncées. Et notons au passage qu’il s’empresse de crier au scandale dès que l’on parle de contreparties !

Eh bien, les écologistes, eux, réclament des contreparties, et contrairement au MEDEF, nous faisons bel et bien partie de la majorité parlementaire de gauche !

Comment peut-on accepter de subventionner aussi indifféremment le secteur privé, sans conditions, tandis que l’on envisage de réduire encore de 10 milliards d’euros les dépenses de l’État ? Nos ministères ont déjà été durement affectés par les coupes du projet de loi de finances pour 2013. En matière d’écologie, de culture, de santé, comme dans bien d’autres domaines, les choses risquent encore de s’aggraver.

Par ailleurs, le crédit d’impôt est censé jouer en faveur de l’emploi, mais la mesure, appliquée en fonction de la masse salariale brute supportée au cours de l’année pour les rémunérations inférieures ou égales à 2, 5 SMIC, ne risque-t-elle pas de créer un effet de seuil, de tirer certains salaires vers le bas ? Je crains, en effet, que toutes les personnes dont les salaires sont inférieurs à ce seuil n’obtiennent pratiquement plus de revalorisation de leurs salaires. J’aimerais d’ailleurs savoir si les services de Bercy ont étudié cette question avec précision.

« La compétitivité est un faux prétexte. Ce n’est pas en baissant de quelques points les cotisations patronales qu’il y aura quelque progrès que ce soit pour notre commerce extérieur. » Cette phrase prononcée par François Hollande en février dernier est, à nos yeux, pleine de bon sens.

Les écologistes conviennent que le problème de notre compétitivité est loin de résider dans le seul coût du travail. Pour nous, le problème est avant tout « hors coût » : il tient à une défaillance structurelle des entreprises en ce qui concerne l’innovation, l’investissement et la recherche.

Il nous semble primordial de concentrer les aides sur les entreprises en difficulté conjoncturelle, sur les TPE, et notamment les entreprises individuelles, malheureusement non concernées par le CICE alors qu’elles créent de l’emploi – après tout, il existe aussi des emplois non salariés dans ce pays ! –, les PME, l’économie locale et non délocalisable, ainsi que sur les filières d’avenir, notamment dans le domaine des énergies renouvelables.

La politique industrielle de la France doit prendre en compte une vision globale et stratégique des enjeux économiques, sociaux et écologiques. Les sénatrices et sénateurs écologistes craignent que le CICE, mis en place précipitamment et sans objectifs sectoriels, ne crée dans les faits plus d’effets d’aubaine que de résultats en termes d’emploi.

En résumé, nous convenons que le projet de loi de finances rectificative pour 2012 contient de bonnes mesures, notamment en matière de fraude fiscale, mais le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, son financement et les conditions de son application nous laissent plus que perplexes.

C’est donc avant tout dans un esprit de responsabilité à l’égard de nos concitoyens et de la majorité gouvernementale, à laquelle nous appartenons pleinement, et avec la volonté de faire avancer les projets qui nous tiennent à cœur sur de nombreux autres sujets, que nous voterons au final, mais non sans réserves, ce projet de loi de finances rectificative pour 2012. §

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le collectif budgétaire de fin d’année civile dont nous entamons la discussion revêtait un aspect relativement anodin lors de sa présentation initiale : il s’agissait d’enregistrer un constat, celui de l’exécution du budget de 2012. Peu de sujets étaient donc susceptibles de susciter des divergences ou des controverses.

La première partie se limitait aux ajustements terminaux des prélèvements sur recettes de l’État en direction des collectivités territoriales.

Dans la seconde partie, une importante série de propositions destinées à lutter contre la fraude fiscale pouvait recueillir l’assentiment de la majorité, dans la mesure où l’excellent travail de la commission d’enquête constituée sur l’initiative de notre groupe, et dont le rapport a été adopté à l’unanimité, commençait à être pris en compte.

Toutefois, l’introduction de plus de cinquante amendements d’origine gouvernementale qui inscrivent dans ce projet de loi une partie des recommandations du rapport Gallois, intitulée par le Gouvernement Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, a changé la nature du texte que nous devons examiner.

Plusieurs mesures sont proposées : l’instauration d’un crédit d’impôt de 20 milliards d’euros, fondé sur la prise en compte de la masse salariale des entreprises, une hausse du taux réduit et du taux normal de la TVA, ainsi qu’un taux réduit au plancher « européen », le tout pour permettre aux entreprises de financer, comme le dispose l’article 24 bis du collectif, leurs « efforts en matière d’investissement, de recherche, d’innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés et de reconstitution de leur fonds de roulement ».

Quelle incidence ce dispositif aura-t-il sur le débat parlementaire relatif aux deux ou trois prochaines lois de finances ? Le rapporteur général a tenté de nous l’expliquer en commission des finances.

On pouvait lire dans la loi de programmation des finances publiques : « L’effort en recette est égal à l’impact estimé des mesures fiscales et sociales nouvelles sur les prélèvements obligatoires affectées aux administrations centrales. Il est concentré en 2013 en début de période pour contribuer au retour du déficit sous 3 %. En 2016 et 2017, l’effort en recette serait négatif, reflet des baisses de prélèvements obligatoires. » Or nous constatons aujourd’hui qu’une part de l’impôt sur les sociétés et de l’impôt sur le revenu concernant les revenus d’activité non salariée sera remplacée par un produit de TVA. La nouveauté consiste à privilégier la fiscalité indirecte, en lieu et place de la fiscalité directe. Ce choix est contradictoire avec la justice fiscale et sociale !

Vous proposez de mettre en place un crédit d’impôt, en vue de dégager 20 milliards d’euros pour les entreprises. Nous relevons au passage que le MEDEF, par la voix de Laurence Parisot, a manifesté une certaine insatisfaction, souhaitant qu’on aille plus loin, jusqu’à 50 milliards d’euros, afin de créer un « choc de compétitivité ».

Ces 20 milliards d’euros représentent pourtant un bon tiers du déficit budgétaire prévu dans le projet de loi de finances pour 2013, et plus que les crédits ouverts pour la plupart des missions budgétaires. Il me semble que seuls les crédits de la défense, de l’enseignement ou de la mission « Remboursements et dégrèvements » dépassent ce montant. Cela équivaut pratiquement à la charge financière de la ristourne dégressive sur les bas salaires, mais représente seulement 1 % du produit intérieur brut marchand.

Pour gagner en compétitivité, nous dit-on, il faut que les entreprises reconstituent leurs marges.

Certes, la marge opérationnelle de nos entreprises baisse. Nous observons néanmoins que, selon le rapport sur les comptes de la nation de 2011, les sociétés présentent un taux de marge de 28, 6 %, soit 287 milliards d’euros. En 1985, première année où fut enregistrée une baisse du taux de l’impôt sur les sociétés, ce taux était de 26, 4 %.

Je ne me souviens plus du nombre exact de chômeurs à la fin de 1985, mais je ne crois pas qu’il atteignait 3, 5 millions. Il est vrai que, depuis quelque temps, les entreprises s’étaient habituées à atteindre les 30 % de marge ; il est donc normal que cette diminution les préoccupe. Est-ce la faute aux salaires et aux cotisations sociales ?

En 1982, salaires et traitements bruts mobilisaient 55, 5 % de la valeur ajoutée produite et les cotisations sociales en retenaient 19, 4 %. En 2000, après la mise en œuvre de la loi sur les 35 heures, si souvent critiquée dans cet hémicycle, la part des salaires est passée à 48, 5 % de la valeur ajoutée et celle des cotisations sociales à 16, 5 %. En dix-huit ans, nous avons donc vu le bloc « salaires et cotisations » passer de 74, 9 % de la valeur ajoutée produite par le travail à 65 %.

En 2011, les salaires sont légèrement remontés, atteignant 51, 1 % de la valeur ajoutée, et les cotisations sociales 16, 6 %, soit en tout 67, 7 %.

Malgré une hausse relative des coûts salariaux, sur laquelle doivent sans doute s’interroger les smicards de notre pays, la part de la valeur ajoutée préemptée par les salaires et les cotisations sociales demeure donc plus faible qu’il y a trente ans.

Regardons maintenant les dividendes et revenus de la propriété.

En 1982, les sociétés distribuaient 16, 5 % de la valeur ajoutée pour de tels revenus. En 2000, ce taux atteignait 24, 8 %. En 2011, il s’est établi à 31, 7 %. Ainsi, le montant des dividendes et revenus distribués dépasse, précisément depuis l’an 2000, celui des cotisations sociales. Aujourd’hui, le volume des prélèvements pour versement des dividendes et des intérêts est largement supérieur à l’excédent brut d’exploitation, ce qui signifie que la financiarisation de l’économie est désormais maximale.

Il est rarement fait état de ces observations dans les analyses de la situation économique.

Par ailleurs, la valeur de la production intérieure au prix de marché est quasiment stable depuis 2008, avec une hausse de 1, 4 % entre 2008 et 2011, mais la part de la valeur ajoutée stagne autour de 39, 5 % de cette production.

Nous ne croyons donc aucunement qu’il soit nécessaire de recourir au crédit d’impôt pour venir au secours des entreprises et les rendre plus compétitives.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

L’allégement du coût salarial, que l’on nous présente comme un élément indispensable au développement de nos activités économiques, ne tient pas au vu du bilan de la situation.

Ce qu’il faut changer, ce n’est pas notre système fiscal, en allégeant toujours plus la contribution des entreprises, mais les modes de gestion qui privilégient la seule rentabilité à court terme, au détriment de la recherche d’une production efficace répondant aux besoins humains dans des conditions respectueuses de notre environnement.

Quelle est la situation réelle des entreprises face à l’impôt ?

L’annexe « Voies et moyens » au projet de loi de finances pour 2013 nous apprend que l’impôt sur les sociétés est censé rapporter 52, 311 milliards d’euros. Or, à la page 43 du même document, nous apprenons que 141, 4 milliards d’euros de recettes nettes seront perçus au titre de la TVA, sachant que 54, 5 milliards d’euros seront remboursés aux assujettis, dont 52, 4 milliards au seul titre du remboursement de la TVA déductible.

La TVA, cet impôt favorable aux investissements – celle qui les grève est remboursable ! – et à l’exportation, a pour défaut d’être une source d’externalisation des coûts et donne donc lieu à un remboursement qui équivaut au produit de l’impôt sur les sociétés.

Il est précisé, toujours dans le même document, que 2, 4 milliards d’euros d’impôt sur les sociétés sont dégrevés pour cause de politiques incitatives, que 3 milliards d’impôt sur les sociétés et de TVA sont remboursés pour trop-perçus, que 5, 9 milliards d’euros sont remboursés ou dégrevés au titre de la taxe professionnelle.

Si je fais le bilan du tome I de l’annexe « Voies et moyens », nous en sommes à 64 milliards d’euros.

Quant au tome II, consacré aux dépenses fiscales, il détaille les multiples mesures concernant l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu pour les activités non salariées, qui représentent 6, 8 milliards d’euros de dépenses fiscales chiffrées, dont la moitié est imputable au seul crédit d’impôt recherche.

Viennent ensuite diverses mesures d’allégement représentant 1, 6 milliard d’euros.

J’en viens aux mesures spécifiques relatives à l’impôt sur les sociétés : la niche Copé a atteint cette année un coût de 6, 95 milliards d’euros ; la taxation à taux réduit des premiers bénéfices des PME coûte 2, 55 milliards d’euros ; le régime mère-filiales représente une facture de 25, 1 milliards d’euros ; celui des groupes et de l’intégration fiscale coûte 19, 2 milliards d’euros, et l’exonération d’imposition forfaitaire annuelle des plus petites entreprises, 1, 91 milliard d’euros.

Outre que les mesures destinées aux groupes à vocation internationale ou quasi monopolistique sont nettement plus coûteuses que celles destinées aux PME, on constate que la facture globale s’élève à 55, 74 milliards d’euros de dépense fiscale. Ce sont donc 129 milliards à 131 milliards d’euros de recettes fiscales, hors effet du report en arrière, qui sont ainsi abandonnées par l’État, au bénéfice – normalement ! – des entreprises.

Pour être complet, il faut ajouter les 30 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales : 22 milliards de la ristourne dégressive, plus les mesures « ciblées » et l’allégement de la fiscalité locale à la suite du remplacement de la taxe professionnelle.

Pourquoi cette nouvelle décision fiscale aurait-elle plus d’effets que les précédentes ?

Depuis trente ans, tout a été essayé : baisse du taux de l’impôt sur les sociétés, baisse puis extinction progressive de la taxe professionnelle, gel puis réduction des cotisations sociales, flexibilité et précarité accrues du travail. Tout aura été mis en œuvre pour faciliter, paraît-il, embauche, investissement, innovation ; c’est en tout cas ce qui ressortait des arguments qui nous étaient présentés.

Dans le même mouvement, l’État s’est peu à peu désengagé du secteur industriel, revendant une bonne partie des entreprises nationalisées en 1981 et cédant ses positions dans le secteur de la banque et de l’assurance ; on en voit les conséquences avec le dossier Dexia...

Le constat est clair : la France est un pays de plus en plus sinistré sur le plan industriel, avec un commerce extérieur déficitaire et une main-d’œuvre qualifiée qui quitte de plus en plus souvent le territoire national, faute d’y trouver l’emploi correspondant à sa formation initiale.

En clair, les choix menés depuis trente ans nous ont conduits là où nous en sommes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Selon nous, il ne saurait être question de poursuivre dans ce sens !

Lors des élections présidentielle et législatives, le débat a porté sur la nécessité de changer de politique, et les électeurs ont exprimé leur refus du libéralisme économique sans rivage ni frontière.

La compétitivité des entreprises n’est regardée qu’en fonction de leurs capacités à exporter et à faire front à leurs concurrents en proposant des coûts moins élevés. L’expérience de l’Allemagne nous est régulièrement présentée comme l’exemple à suivre. Cependant, les politiques d’austérité menées en Europe ont aujourd’hui des conséquences sur les politiques d’exportation qui ont tiré vers le haut les résultats de ce pays.

Disons-le sans ambages, ce sont les exportations vers les autres pays de l’Union européenne qui ont permis le développement de l’Allemagne. Quand le pouvoir d’achat des salariés est mis en cause dans ces pays, les conséquences en sont très rapidement visibles, y compris dans leurs achats de produits exportés.

La France souffre d’un déficit d’innovation, mais nombre de ceux qui pourraient rendre notre pays plus dynamique dans ce domaine sont bien souvent partis vers d’autres pays où les entreprises consacrent plus de moyens à l’innovation !

Nous venons d’accepter la création de la Banque publique d’investissement, même si nous regrettons qu’elle ne soit pas un établissement de crédit à part entière pouvant se refinancer auprès de la Banque centrale européenne. C’est un outil parmi d’autres pour répondre à certaines des exigences portées lors des dernières élections, ainsi que, peut-être, aux besoins de financement des entreprises.

En effet, nous savons qu’au fur et à mesure de la privatisation du secteur bancaire et financier l’accès au crédit des petites entreprises s’est, chaque fois, avéré plus délicat. Ce n’est donc pas la voie de la fiscalité incitative qu’il convient de retenir ; c’est bel et bien celle de la réforme du crédit.

La dernière mesure envisagée avec ce pacte, même si elle n’est pas inscrite dans le débat pour le moment, est la réduction de la dépense publique. En m’efforçant de ne pas dépasser mon temps de parole, je tiens à le redire : on oublie une fois de plus son importance dans la vie économique et le développement de la richesse. C’est pourquoi nous ne sommes pas partisans de cette diminution. §

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai l’impression que, avec Mme Beaufils, nous allons nous rejoindre sur le vote final, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

... mais pas pour les mêmes raisons. En vérité, nos raisons sont à l’opposé des siennes !

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Non, et je vais vous expliquer pourquoi nous ne sommes pas dans le reniement.

Devant ce projet de loi de finances rectificative, j’ai une impression de tournis, comme si j’étais face à une sorte de manège fiscal qui tourne... en rond. Voilà tout simplement ce que nous inspire ce collectif de fin d’année.

Cette impression est renforcée par la concomitance de l’examen, à l’Assemblée nationale, du projet de loi de finances et, au Sénat, du projet de loi de finances rectificative. Le ministre délégué chargé du budget est d’ailleurs parti à l’Assemblée nationale. Cette concomitance suscite de nombreuses interrogations, met en évidence une très forte contradiction et, finalement, une certaine schizophrénie gouvernementale.

En effet, faute d’avoir déterminé un cap pour notre économie, le Gouvernement poursuit son matraquage fiscal, bien sûr – ce n’est pas nouveau –, mais aussi ce que je considère comme du bricolage.

Pour ce qui est du matraquage, je rappellerai que, depuis l’élection de François Hollande, la hausse de la fiscalité bat tous les records, avec près de 16 milliards d’euros d’impôts nouveaux et de prélèvements sociaux supplémentaires sur les ménages, et 14 milliards sur les entreprises. En Allemagne, les entreprises sont deux fois moins taxées : 143 milliards d’euros, au lieu de 283 milliards d’euros en France, selon les données d’Eurostat.

L’effort sur la dépense publique est toujours aussi insuffisant. De ce point de vue, le collectif budgétaire que nous examinons aujourd’hui en est un nouvel exemple, particulièrement parlant : mise en place d’une nouvelle dépense à travers un nouveau crédit d’impôt, d’une hausse de la TVA et de la fiscalité immobilière, mais, en regard, aucune baisse des dépenses !

Alors même que la mise en place du CICE, le fameux crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, devait s’accompagner de mesures de compensation dont la moitié était censée reposer sur une diminution de la dépense publique, seule une hausse de la fiscalité nous est proposée. La baisse des dépenses, si elle est l’objet d’un bel effet d’annonce, est encore et toujours reportée à plus tard. Et encore la compensation qu’on nous propose maintenant ne sera-t-elle que partielle

Il est quand même surprenant de voir un gouvernement annoncer la mise en place d’un dispositif de 20 milliards d’euros, selon lui neutre pour les finances publiques, car compensé, tout en reportant à un prochain collectif budgétaire l’inscription de 13 milliards d’euros de mesures de compensation !

Un bout du dispositif dans un texte, un autre bout plus tard, on ne sait exactement quand : cela s’appelle bien du bricolage !

Un amendement qui pèse 20 milliards d’euros dans un collectif de fin d’année, sans aucune concertation ni étude d’impact, sans passage en conseil des ministres, sans avis du Conseil d’État, c’est aussi du bricolage.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Et votre TVA sociale, ce n’était pas du bricolage ?

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Il y a le feu, mais, les mesures ne s’appliquant qu’à partir de 2014, nous avions tout le temps de les examiner selon la procédure normale, c’est-à-dire avec passage en conseil des ministres, avis du Conseil d’État et, bien sûr, étude d’impact. Si le Gouvernement considérait que c’était urgent, il pouvait avoir recours à une lettre rectificative !

Quelques mois après avoir taxé les entreprises, à la faveur d’un rapport, vous réalisez votre erreur et décidez donc de leur accorder un crédit d’impôt pour la compétitivité !

Quelques mois après avoir fustigé et supprimé la hausse de la TVA, vous la mettez en œuvre !

Le ministre nous opposera son argument sur la justice sociale, nous expliquera que l’effort fiscal vise les grandes entreprises et que le crédit d’impôt s’adresse aux entreprises innovantes et exportatrices. Mais ce sont peut-être les mêmes qui sont concernées, nos grandes entreprises figurant, on le sait bien, parmi les plus innovantes et étant généralement exportatrices.

Selon le dernier classement établi par Thomson Reuters et publié voilà quelques jours, treize entreprises françaises figurent dans le Top 100 des champions mondiaux de l’innovation. Nous sommes en troisième position mondiale derrière les États-Unis et le Japon, et en première position en Europe, donc devant l’Allemagne.

Vous affirmez que la compétitivité a aussi une dimension hors coût – c’est indiscutable, je vous en donne acte et le rapport Gallois le dit aussi –, que l’innovation en est le moteur et que vous allez faire ce que nous n’avons pas réussi à faire en la matière.

Or ce classement semble montrer que notre politique en matière d’innovation et de recherche a été plus que payante, malgré la crise qui nous a frappés de plein fouet, grâce au renforcement du crédit d’impôt recherche, grâce à la réduction d’ISF au titre des investissements dans les PME, grâce aux investissements d’avenir, grâce aux pôles de compétitivité, grâce à la sanctuarisation du budget de la recherche et de l’enseignement supérieur, sans oublier l’autonomie des universités, qui leur a permis de se rapprocher du monde de l’entreprise.

Cela dit, le choc fiscal que vous imposez aux entreprises concerne également les entreprises de taille intermédiaire et les PME. Du reste, ses conséquences lourdes sur les grandes entreprises, dont dépend très largement notre balance commerciale, ne vont pas manquer d’avoir aussi des répercussions sur les sous-traitants et les fournisseurs, qui sont essentiellement des petites et moyennes entreprises.

Nous nous félicitons que Louis Gallois vous ait fait prendre conscience de la nécessité de soutenir nos entreprises, qui sont le moteur de notre croissance, des créatrices majeures de la richesse nationale et des emplois. Pour ces raisons, notre groupe ne s’opposera pas sur le fond au crédit d’impôt que vous allez mettre en place. En revanche, nous sommes très critiques sur la forme et jugeons erratique la démarche qui consiste à commencer par prendre pour redonner après.

Vous changez d’opinion et vous prônez désormais une hausse de la TVA. Si vous aviez eu, dès le départ, une vision économique claire et une vraie stratégie fiscale, vous n’auriez pas supprimé la TVA compétitivité et anti-délocalisation que nous avions mise en place. Au lieu de cela, vous allez redonner un chèque aux entreprises, mais en établissant une conditionnalité excessive, dans le cadre de ce qui sera probablement une usine à gaz, après les avoir bien trop lourdement ponctionnées.

Le CICE apparaît comme une bouée de sauvetage, certes, mais au milieu d’une tempête de fiscalité !

Au moment même où nous examinons ici, au Sénat, la proposition de redonner 20 milliards d’euros aux entreprises, les députés, quant à eux, discutent des 10 milliards d’euros dont on va les ponctionner. C’est, monsieur le ministre, à quoi s’emploie en ce moment même votre collègue en charge du budget. Avouez quand même que tout cela ressemble à du bricolage !

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Le seul résultat de cette opération, outre qu’elle fera la fortune des avocats fiscalistes, sera de donner le tournis à nos chefs d’entreprise !

Mais, à la vérité, ce bricolage est très grave, car il vide de son sens votre discours affirmant que le crédit d’impôt, ciblé sur les rémunérations inférieures ou égales à 2, 5 SMIC, va permettre de baisser le coût du travail et, partant, de renforcer notre compétitivité. Cet argument ne tient pas la route, car les 20 milliards d’euros sont intégralement repris par la hausse de fiscalité.

Le calcul est absolument implacable et, disons-le, désolant : 10 milliards d’euros de hausse pérenne de taxation des entreprises prévue dans le projet de loi de finances, 2 milliards d’euros de prélèvements dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, 4 milliards d’euros dans le collectif de juillet. Si l’on y ajoute 3, 6 milliards d’euros de fiscalité écologique, cela fait un total de 19, 6 milliards d’euros de taxation, contre 20 milliards d’euros de créance.

Autant dire que le CICE n’apportera aucun gain de compétitivité ! C’est un jeu à somme nulle, un jeu de poker menteur, un jeu de bonneteau où l’on ne gagne jamais.

Nous sommes donc bien dans un manège fiscal, en train de tourner en rond...

Sans compter que, sur les 20 milliards d’euros de crédit d’impôt – le rapport écrit de M. Marc le montre bien –, 3 milliards d’euros n’iront pas directement à des entreprises réellement créatrices de richesses ou exportatrices puisque 900 millions profiteront aux services financiers – cela a été également dit par notre collègue du groupe CRC – et 2 milliards d’euros aux services administratifs et de soutien.

J’ajoute que le coût du crédit d’impôt est exorbitant, 20 milliards d’euros par an en valeur absolue, mais aussi et surtout – c’est ça qui compte réellement – en valeur relative, au regard de son rapport coût/efficacité.

Le redressement productif n’est pas pour demain, car, malheureusement, les entreprises industrielles ne bénéficieront que faiblement du CICE, même si elles sont toutes concernées sur le papier. En effet, étant ciblé sur la masse salariale inférieure à 2, 5 SMIC, le CICE ne concernera que très peu l’industrie, qui est un secteur où le salaire moyen brut à temps complet est plus du double du SMIC. C’est la raison pour laquelle le rapport Gallois préconisait de cibler un allégement de charges pour les salaires inférieurs à 3, 5 SMIC. Selon nous, il eût plutôt fallu le cibler sur les salaires compris entre 1, 6 SMIC et 3, 5, voire 4 SMIC.

À en croire le rapport de M. Marc, 80 % du CICE profitera ainsi à d’autres secteurs non industriels, qui sont essentiellement des secteurs protégés et non concurrentiels, comme la distribution, l’hôtellerie-restauration, la construction, déjà grands bénéficiaires de l’allégement des charges sur les bas salaires, inférieurs à 1, 6 SMIC.

En outre, la question du financement du CICE est posée : il est en effet fondé sur une hausse de la TVA pour 2014, dont les recettes escomptées sont très certainement surévaluées eu égard à une hypothèse de croissance bien trop optimiste.

Dans ce troisième et dernier projet de loi de finances rectificative pour l’année 2012, il n’est d’ailleurs prévu qu’une seule des trois mesures de compensation du coût du CICE, en l’occurrence cette hausse des taux de TVA. Je rappelle que le taux réduit sera ramené de 5, 5 % à 5 %, tandis que le taux intermédiaire sera porté de 7 % à 10 % et le taux normal, de 19, 6 % à 20 %.

Si, en elle-même, la hausse de la TVA est acceptable – je ne vais pas dire le contraire puisque nous l’avions nous-mêmes proposée et votée en mars dernier –, c’est l’incohérence et le manque de lisibilité dans l’action du Gouvernement qui est en question.

D’abord, faut-il le souligner, le revirement est impressionnant : voilà seulement quelques mois, avant son élection, François Hollande jugeait la hausse de la TVA « inopportune, injuste, infondée et improvisée ».

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Il avait alors fait de son abrogation un argument électoral, vous vous en souvenez tous.

En septembre dernier, le Premier ministre assurait qu’il n’y aurait pas de hausse de la TVA durant le quinquennat.

Quelques mois plus tard, l’improvisation semble plutôt être du côté de l’actuel gouvernement, qui retourne brusquement sa veste et renie sa promesse en décidant une hausse des taux de TVA.

L’improvisation se caractérise par le fait de décider unilatéralement de cette hausse de TVA, sans aucune concertation, pas même avec sa majorité, sans aucune étude d’impact, en décalant l’entrée en vigueur de la mesure à 2014, pour finalement annoncer qu’en fonction de l’impact sur les différents secteurs concernés les taux de TVA pourraient être corrigés dans un collectif budgétaire en 2013...

Cette fois, je pense pouvoir dire que nous sommes au paroxysme du « bricolage » fiscal !

Cette annonce intervient donc quatre mois après que le Gouvernement a voté l’abandon de la TVA compétitivité que nous avions votée quelque temps avant l’élection présidentielle. Cette TVA compétitivité impliquait une hausse du taux normal de TVA, celui-ci passant de 19, 6 % à 21, 2 % ; certes, la hausse était supérieure à celle que vous proposez, mais le nouveau taux ne s’en situait pas moins dans la moyenne européenne.

Aujourd’hui, vous essayez de vous démarquer en prétendant, comme chaque fois, que votre hausse serait plus juste que celle que nous avions décidée. Je rappelle pourtant que notre choix de ne cibler que le taux normal de TVA nous semblait au contraire le plus juste : il ne concernait ni les biens de première nécessité, comme l’alimentation ou les médicaments, par exemple, ni les produits qui sont aujourd’hui au taux réduit de 7 % ; je pense en particulier aux travaux de rénovation d’une habitation. Au total, ce sont 60 % des produits et services entrant dans le panier de consommation des Français qui n’auraient pas été concernés par cette augmentation du taux normal de TVA.

Le Gouvernement nous explique que l’abaissement du taux réduit de TVA de 5, 5 % à 5 % démontre que la hausse proposée parallèlement est différente et plus juste que notre TVA sociale ou TVA compétitivité puisque les classes populaires et les classes moyennes seraient plutôt épargnées, les produits de première nécessité, notamment l’alimentation, et certains produits de consommation courante étant soumis au taux réduit.

J’en conviens, ces achats représentent une part d’autant plus importante des budgets des ménages que ceux-ci ont des revenus modestes. Mais cela ne signifie pas que cette baisse touche davantage les classes populaires et moyennes ; elle intéresse aussi ceux qui disposent de revenus supérieurs, qui ont également besoin de se nourrir et de se chauffer.

En outre, il convient de rappeler que le taux normal à 19, 6 %, qui va être relevé à 20 %, concerne en fait l’essentiel de la consommation courante : vêtements, produits d’hygiène, essence... bref, tout ce que les Français achètent chaque jour et paieront donc plus cher.

Mais surtout, la baisse du taux réduit de TVA – qui déséquilibrera encore davantage les comptes publics – n’augmentera pas réellement le pouvoir d’achat des Français, car elle concerne des produits dont le prix est très peu élevé. La différence, de l’ordre de quelques centimes, sera imperceptible : pour un panier – ou plutôt un caddie – de 100 euros, l’économie sera de 50 centimes seulement !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Autant dire rien ! Mais combien cela va-t-il coûter à l’État ?

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Pensez-vous qu’elle aura réellement un impact sur le pouvoir d’achat ? Pour les ménages, le bénéfice sera quasi nul ! En revanche, cette mesure aura un effet réel sur les finances publiques puisqu’elle représentera 800 millions d’euros de pertes de recettes.

D’un côté, un gain de 50 centimes sur un panier de 100 euros, de l’autre, une perte de recettes de 800 millions d’euros chaque année !

Mais, pour ce qui est de la TVA, nous n’en sommes pas à une contradiction près !

Ainsi, la billetterie de cinéma se trouve incluse dans le champ d’augmentation de la TVA intermédiaire, qui passe à 10 %, contrairement à d’autres biens et services culturels, comme la billetterie de spectacles vivants et le livre, qui voient leur taux réduit à 5 %.

Cette hausse fait suite à une première modification adoptée dans le collectif de juillet dernier, qui faisait passer le taux réduit de la TVA de 7 % à 5, 5 % sur le livre et la billetterie de spectacles vivants, mais sans inclure le cinéma, alors que celui-ci, auparavant, bénéficiait également du taux réduit de TVA.

Comment est-il possible de justifier que les billets d’entrée pour les spectacles vivants soient soumis à un taux de TVA à 5, 5 %, alors qu’une place de cinéma sera, elle, taxée à 10 % ?

Bref, le Gouvernement s’en tient à du bricolage et, comme si cela ne suffisait pas, il propose un crédit d’impôt recherche pour le cinéma de 150 millions d’euros, crédit d’impôt qui s’adressera aux producteurs et aux réalisateurs, tandis que les exploitants de salles, les distributeurs, ceux qui sont fragilisés, supporteront la TVA à 10 %.

Voilà encore un exemple de ce bricolage fiscal qu’alimentent les contradictions et les incessants changements de position de la majorité.

Autre exemple inattendu : par voie d’amendements déposés à la dernière minute, ont été créées deux nouvelles taxes sur les plus-values immobilières, qui ont surpris jusque dans les rangs de la majorité à l’Assemblée nationale. D’ailleurs, le rapporteur général, Christian Eckert, a décidé de supprimer l’une d’entre elles afin « de ne pas alourdir la pression fiscale sur les ménages ».

Il est ainsi prévu de durcir la taxe sur les plus-values immobilières réalisées à compter du 1er janvier 2014. Initialement, une taxe sur les logements sous-occupés situés dans les zones tendues, à savoir la région parisienne, la Côte d’Azur et d’autres grandes villes, devait s’appliquer aux logements non affectés à l’habitation principale. Mais, par le biais d’un amendement du rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, la majorité, considérant que cela pouvait « alourdir la pression fiscale sur les ménages », a décidé de supprimer la taxe sur les résidences secondaires et, par voie de conséquence, de durcir encore la fiscalité des plus-values immobilières.

Bref, il existe des problèmes de réglage entre le Gouvernement et sa majorité, qui ne sont manifestement pas toujours sur la même longueur d’onde !

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué

Il n’y en a pas dans l’opposition, peut-être ?

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Monsieur le ministre, on a assisté en moins de quarante-huit heures à un complet revirement de la position du Gouvernement en matière de taxation des résidences secondaires et des plus-values de cessions immobilières. Alors même qu’il a décidé, dans le projet de loi de finances pour 2013, d’instaurer un abattement de 20 % sur la cession des biens immobiliers afin de relancer le marché, de créer un « choc d’offre », alors même qu’il nous a expliqué qu’il ne fallait pas alourdir la pression fiscale sur l’immobilier, il présente deux amendements tendant à alourdir la fiscalité des plus-values immobilières !

Bref, en matière de fiscalité immobilière, le Gouvernement fait preuve d’une assez remarquable constance… dans l’inconstance !

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué

Vous confondez les terrains à construire et l’immobilier !

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Décidément, ce projet de loi de finances rectificative donne vraiment le tournis !

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Ce sont les déficits que vous avez accumulés ces dix dernières années qui donnent le tournis !

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

L’impôt est d’autant mieux accepté qu’il est intelligible. En l’espèce, je considère que la loi fiscale est inintelligible parce qu’elle est constamment modifiée, parce que deux textes financiers aussi importants qu’un projet de loi de finances et un projet de loi de finances rectificative examinés concomitamment se trouvent finalement en contradiction : pendant que nous examinons ce texte, nos collègues députés sont en train de le démonter à l’Assemblée nationale !

C’est pour l’ensemble de ces raisons et parce qu’il est soucieux de cohérence que le groupe UMP votera contre ce troisième et dernier projet de loi de finances rectificative pour l’année 2012.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Albéric de Montgolfier m’a rajeunie de quelques années !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

En effet, si l’on se reporte au compte rendu de la commission des finances, en 2008, notre collègue Philippe Marini, alors rapporteur général et désormais président de la commission de la commission des finances, évoquant la réforme de la taxe professionnelle, parlait déjà d’un jeu de bonneteau.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Les conséquences de cette réforme, les multiples problèmes qu’elle a engendrés sont aujourd’hui visibles, à tel point que nous en sommes réduits à poser des rustines en permanence.

Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi est, certes, devenu le sujet vedette de la discussion du présent projet de loi de finances rectificative, mais ce sujet, aussi intéressant soit-il, ne doit pas nous faire oublier que ce texte est d’abord la deuxième grande étape, après le collectif budgétaire de l’été, de la tâche d’assainissement des finances publiques avec laquelle, nous, la gauche, avons choisi et décidé de nous colleter, et ce avec un seul objectif : le redressement de la France, notamment sur le plan économique et sur le plan social.

La seconde partie de l’année 2012 aura ainsi été riche en changements, y compris dans le domaine des finances publiques. Ce collectif de fin d’année, qui aurait pu être un exercice traditionnel, présente pourtant d’éminentes particularités : il doit en effet tirer les conséquences des surévaluations de recettes et des sous-évaluations de dépenses effectuées par le gouvernement précédent ; dans le même temps, il doit démontrer la capacité du nouveau gouvernement à tenir les engagements de réduction du déficit public pris devant les partenaires européens de la France et devant les Français.

N’oublions pas, mes chers collègues, que le déficit public est dû, pour un tiers, à la crise de 2008 et, pour deux tiers, à la mauvaise politique économique du gouvernement précédent. Philippe Seguin lui-même l’avait fait remarquer dans cette enceinte.

Aussi ce collectif budgétaire s’inscrit-il dans le contexte tout à fait particulier d’un déficit de la demande, confronté à un excédent de la capacité de production des entreprises, celles-ci fournissant globalement une offre à la compétitivité insuffisante. Malgré cette difficulté, le budget rectificatif vise à réduire les déficits, sans peser sur la consommation, tout en favorisant l’emploi, et recherche la compétitivité, tout en évitant le risque de réduire la demande L’exercice est complexe qui vise à surmonter la dette et le chômage par la croissance et l’emploi, et ce dans la plus grande justice possible.

Les indicateurs conjoncturels disponibles actuellement montrent une certaine résistance de l’économie française, même en matière de production industrielle. Les exportations résistent elles aussi et le déficit commercial tend à se réduire. N’oublions pas qu’en 2002, après la gestion quinquennale de la gauche, quand l’ancienne majorité de droite est arrivée au pouvoir, le commerce extérieur de la France était en excédent d’un ou deux points de PIB depuis sept ou huit ans. Depuis 2003, le déficit s’est creusé chaque année. Or je n’ai pas le souvenir qu’au cours des huit années écoulées une seule mesure favorisant la compétitivité ait été prise.

Un million de chômeurs de plus ces cinq dernières années : cette augmentation continuelle est l’une des conséquences de la perte de compétitivité de nos entreprises, et le gouvernement de gauche a décidé de tenter d’y remédier dès le début de la législature par des mesures d’application immédiate et non en toute fin de législature par des mesures d’application différée.

Ainsi, les prévisions d’exécution du budget de 2012, telles qu’elles ressortent du projet de loi de finances rectificative sont inédites. Malgré les impasses de budgétisation initiale héritées du précédent gouvernement de droite, l’ensemble des dépenses de l’État, y compris la charge de la dette et des pensions, devraient baisser de 200 millions d’euros par rapport à l’exécution de 2011.

La bonne gestion a permis au Gouvernement de ne proposer aucune mesure de rendement fiscal dans la première partie du collectif. C’est tout à fait nouveau dans l’histoire budgétaire française. Quand la droite nous dit que nous ne réduisons pas les dépenses publiques, nous répondons que, cette année, elles seront réduites de 200 millions d’euros, alors qu’elles progressaient annuellement de 5 milliards à 6 milliards d’euros par an sous la gestion précédente, le ministre chargé du budget l’a rappelé tout à l'heure.

L’objectif de déficit prévisionnel sera tenu grâce à une maîtrise impressionnante des dépenses. Ce collectif budgétaire maîtrise les finances publiques dans les faits, et non pas seulement dans les annonces.

Le solde budgétaire, hors opération de recapitalisation de Dexia, lourd héritage de la dernière époque – Maurice Vincent y reviendra plus longuement – est cohérent avec l’objectif de réduction du déficit public à 4, 5 % du PIB en 2012.

Le temps de la sincérité, de la précision et du sérieux budgétaire est donc venu.

À l’opposé, les révisions successives de la prévision de recettes fiscales nettes, qui ont conduit à les abaisser de 4, 8 milliards d’euros depuis la loi de finances initiale, sont l’indice d’une surévaluation des recettes fiscales nettes par la loi de finances pour 2012 et, partant, de l’insincérité de la prévision initiale.

Le plafond de dépenses, tel qu’il a été défini par la loi de finances rectificative d’août 2012, a été respecté, l’ensemble des ouvertures de crédits étant couvert par des annulations.

Les ouvertures de crédits couvrent les insuffisances de crédits qu’avait identifiées la Cour des comptes dans son rapport de juin 2012, tout en assurant le financement des priorités du Gouvernement, notamment en faveur de la politique de l’emploi et du logement.

Certes, la baisse des taux d’intérêt a contribué à cette bonne orientation au regard de l’objectif de réduction du déficit, mais la baisse des taux est justement la conséquence de la confiance qu’inspire aux marchés le sérieux de la gestion de l’économie française par l’actuel gouvernement.

Le cap sera maintenu grâce, aussi, aux décisions courageuses et justes contenues dans la loi de finances rectificative de l’été dernier, votée au lendemain des élections législatives.

C’est un effort structurel de 1, 2 point de PIB qui aura été constaté en cette fin d’année 2012, réduction à laquelle s’ajoutera une réduction de 2 points l’année prochaine. En deux ans, ce sont donc 3, 2 points de PIB de résorption du déficit qui auront été réalisés. Jamais la France n’aura consenti, en si peu de temps, un effort aussi important.

N’oubliez pas, chers collègues de l’opposition qui criez au matraquage fiscal, que vous aviez promis de baisser les impôts de 80 milliards d’euros entre 2007 et 2012. Le résultat, c’est qu’ils ont augmenté de 30 milliards d’euros, soit 1, 5 point de PIB.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Si nous devons fournir de tels efforts, c’est que la France est surendettée : 900 milliards d’euros de dettes de plus en dix ans ! La crise, si elle y est pour quelque chose, n’est pas seule responsable. Sans économies, elle ne pouvait conduire qu’à l’endettement et, par voie de conséquence, qu’au surendettement structurel que nous connaissons aujourd’hui et dont nous subissons les conséquences.

Le rapporteur général ayant amplement développé ce point, je ne m’étendrai pas sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, mais je veux saluer la démarche du Gouvernement : cette mesure illustre, outre la réactivité bienvenue et salutaire de sa part, le mariage difficile entre la recherche d’un dispositif simple et la nécessité de l’efficacité.

Depuis 2002, la place de la France dans la compétition internationale ne cesse de se dégrader : excédentaire en 2002, la balance commerciale est devenue déficitaire de plus de 70 milliards d’euros en 2011. Au cours de la même période, 700 000 emplois industriels ont disparu et 25 % des parts de marché à l’export ont disparu.

Le CICE a l’avantage de favoriser l’investissement et de donner de la respiration aux entreprises dès 2013 tandis que son financement sera reporté à 2014. Ce crédit d’impôt s’inscrit donc dans la logique du projet de loi de finances et en conserve la cohérence.

Le Gouvernement a trouvé la bonne mesure, jouant sur les conditions d’une réelle compétitivité, donnant de l’impulsion à l’investissement et recherchant la création d’emplois par les entreprises sans peser sur les ménages en 2013.

Le Gouvernement a en effet choisi de laisser la négociation sociale se saisir de la gouvernance de ce crédit d’impôt. C’est un changement profond au regard des habitudes françaises de considérer que c’est à la négociation, et non à la loi, d’instaurer des contreparties.

Le crédit d’impôt doit financer des efforts d’investissement, de recherche, d’innovation, de formation, d’embauche, de compétitivité, de conquête de nouveaux marchés, et non la distribution des dividendes ni la rémunération des dirigeants.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Saluons cette initiative. Elle est suffisamment simple pour être comprise de tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Grâce à ce changement, qui permettra à la négociation d’entreprise de prendre les décisions concernant la gouvernance du crédit d’impôt, les entreprises peuvent avoir confiance : dès 2013, elles pourront utiliser ce crédit d’impôt qui figurera dans leurs comptes.

Cela étant, nous devons faire preuve de vigilance, car pendant la crise de 2008-2010, ce ne sont pas les versements de dividendes qui ont servi de variable d’ajustement aux entreprises – les actionnaires ont été rétribués comme si rien ne s’était passé ! –, mais c’est l’investissement, la formation et l’emploi qui en ont souffert.

J’en profite pour saluer ce gouvernement actif et réactif, qui a pris l’initiative de créer la Banque publique d’investissement. La commission mixte paritaire, qui s’est réunie hier matin, nous a permis de trouver un terrain d’entente avec nos collègues députés. Nous allons en outre voter une loi bancaire qui engagera profondément notre pays dans une dynamique européenne bien nécessaire.

Pour conclure, je me réjouis que ce collectif budgétaire soit structuré autour de la recherche d’un meilleur équilibre des comptes de 2012, mais qu’il se penche aussi concrètement sur la problématique de la lutte contre les abus de l’optimisation fiscale et la fraude fiscale.

Je ne saluerai pas les nouveaux émigrés de Coblence, acteurs en tout genre de nouvelles fuites de Varennes, qui, en toute sincérité, ne font honneur ni à la morale républicaine, ni à l’image de la justice, ni à la solidarité nationale.

Pour toutes ces raisons, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe socialiste approuvera avec fierté, avec espoir, le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2012. §

Debut de section - PermalienPhoto de Ambroise Dupont

Monsieur le ministre, pardonnez-moi d’aller directement au but de cette courte intervention, sans oublier de saluer au préalable la commission des finances, son président et son rapporteur général, pour le travail accompli.

J’évoquerai donc les articles 22 bis et 23 du projet de loi.

L’article 23 prévoit le relèvement du taux de TVA applicable aux opérations relatives aux équidés lorsque ceux-ci ne sont pas « normalement destinés à être utilisés dans la préparation de denrées alimentaires ou dans la production agricole ». Il met en œuvre l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le 8 mars dernier.

L’article 22 bis a, quant à lui, été introduit par les députés sur l’initiative du Gouvernement. Il vise à abroger un dispositif issu de la loi de finances pour 2012 qui applique le taux réduit de TVA à la filière équine sportive. Cette abrogation n’interviendra qu’après la publication d’un décret par le Gouvernement et au plus tard le 31 décembre 2014. Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le ministre, que ce dispositif contesté par la Commission européenne ne sera abrogé qu’en cas de condamnation de notre pays au contentieux ?

Je profite donc de notre débat pour vous alerter, mes chers collègues, et pour vous interpeler, monsieur le ministre, sur l’impact dévastateur qu’aura le relèvement du taux de TVA applicable à la filière équine si aucun dispositif alternatif de soutien à la filière n’est mis en place.

Je citerai quelques chiffres.

Pour ce qui concerne le galop, cette mesure pourrait conduire près de 1 000 propriétaires à cesser leur activité. Elle risque d’aboutir à une baisse de 1 500 chevaux à l’entraînement ainsi qu’à près de 600 suppressions d’emplois dans les écuries de course. Il s’agira par ailleurs d’une mauvaise affaire financière pour l’État, avec une baisse de près de 30 millions d’euros de recettes fiscales liées aux paris hippiques.

S’agissant du trot, le relèvement du taux de TVA pourrait conduire à une réduction de 17 % des ventes de chevaux et de 14 % des chevaux à l’entraînement.

Le relèvement du taux de TVA applicable à la filière sportive, envisagé à terme par l’article 22 bis, pourrait provoquer la disparition de près de 2 000 centres équestres, la perte de près de 6 000 emplois directs, tout en favorisant le retour à des pratiques de travail illicites et d’associations non fiscalisées.

Ce sujet est donc loin d’être anecdotique.

La filière équine représente, je vous le rappelle, près de 75 000 emplois dans notre pays. Elle constitue une vraie filière agricole « aménageuse » du territoire et toujours créatrice d’emplois. Le relèvement du taux de TVA pourrait déstabiliser cette filière, qui constitue, à bien des égards, un modèle pour nos voisins européens.

Il ne s’agit pas pour moi d’appeler à rejeter les articles 22 bis et 23 et de demander le maintien du taux réduit de TVA pour l’ensemble de la filière équine. Une telle position serait irresponsable. La non-adoption de ces articles exposerait notre pays à une condamnation par la Cour de justice à payer plusieurs dizaines de millions d’euros d’amende. Encore pourrait-on les comparer aux recettes, pour l’État, provenant du PMU.

Pour autant, il est indispensable que les textes réglementaires qui suivront l’adoption de l’article 23 soient discutés en lien avec les professionnels et permettent la mise en place, comme en Allemagne ou aux Pays-Bas – pays qui ont été condamnés comme la France –, de dispositifs protecteurs pour notre production nationale.

Il conviendra de prendre en compte les situations spécifiques des chevaux d’élevage : comment les qualifier aux différents âges de leur existence ? Quel taux s’appliquera à une pouliche sortant de l’entraînement qui prendrait, elle aussi, le chemin du haras après avoir fait l’objet d’une transaction ? Quel taux s’appliquera à un foal qui retourne au haras après avoir été vendu ? Qu’en sera-t-il d’un yearling vendu à un débourreur qui assurerait sa transformation pendant neuf mois avant de le représenter à une vente de chevaux montés de deux ans l’année suivante ? Où est la cohérence de l’activité d’élevage ?

Il revient par ailleurs au Gouvernement de prendre des mesures pour soutenir la filière équine. Je sais que les professionnels vous ont soumis une proposition : l’alignement du statut des propriétaires non-intervenants sur celui des éleveurs hors-sol ; ce sont souvent les mêmes.

Il s’agit d’une piste parmi d’autres qui permettrait de soutenir l’activité de la frange la plus fragile de la filière hippique. Ce sont en effet non seulement les grands propriétaires mais aussi les petits propriétaires qui assurent l’offre de jeu nécessaire pour les recettes de la filière, mais également de l’État. Il n’y a pas de grand propriétaire sans de nombreux petits propriétaires. Je voudrais vous rappeler que, sur les douze derniers mois, près de 40 % du volume d’enchères sur les ventes de trotteurs ou de pur-sang a été réalisé avec des acheteurs non assujettis.

Où en sont les réflexions du Gouvernement sur cette question ? Compte-t-il se mobiliser pour soutenir notre filière équine, y compris auprès de l’Europe ? Le refus de l’assujettissement proposé créerait une distorsion de concurrence avec la Grande-Bretagne, notre grand concurrent, qui a adopté un dispositif similaire.

Je sais que M. le ministre de l’agriculture a entendu ces arguments et que, lors de sa campagne, M. le Président de la République avait quant à lui indiqué : « Je ferai regarder attentivement toute mesure qui permettrait d’atténuer, pour les propriétaires de chevaux, l’impact du changement de taux de TVA. »

La filière équine est en danger. Sans vouloir faire de catastrophisme, je voudrais simplement, mais avec conviction, attirer l’attention du Gouvernement sur la nécessité d’adapter cette disposition très lourde à la réalité de la situation de cette filière. Il l’a envisagé pour le sport équestre ; il faut le faire aussi pour les courses, qui, encore une fois, sont le nerf de la guerre de toute la filière.

Ce point est très important pour l’avenir de la ruralité, qui est l’un des sujets du jour. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative est dans la ligne de l’action gouvernementale, qui tend à approfondir la construction européenne, manifester notre sérieux budgétaire et améliorer la compétitivité de notre pays.

Ce projet de loi de finances rectificative renforce la crédibilité de la France et sa parole ; on le voit à la façon dont il est commenté à l’extérieur de notre pays.

Il intervient dans un contexte de quasi-récession. Il s’agit de « caler » une politique économique alors que nous connaissons actuellement un sensible ralentissement de la demande, un excédent de capacités de production des entreprises, un défaut d’offres compétitives – le rapport Gallois l’a montré –, et tout cela dans une période où il faut réduire les déficits.

Donc, l’exercice est difficile. Est-il réussi ? À mon sens oui.

Tout d’abord, ce projet de loi de finances rectificative réduit les déficits sans peser sur la consommation en 2013, tout en donnant une impulsion à l’emploi par le CICE – j’y reviendrai dans quelques instants –, mais aussi par la promotion des emplois d’avenir, des contrats de génération, et sans affecter à court terme la demande puisque, d’un point de vue fiscal, il instaure une justice distributive.

Sur un plan purement technique, ce budget augmente la réserve de précaution de 1, 5 milliard d’euros, conserve les normes « zéro valeur » et « zéro volume » et garantit la diminution des frais financiers de 2, 4 milliards d’euros. Le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, M. Carrez, l’a lui-même relevé.

Il est évidemment d’autres sujets dont traite ce projet de loi de finances rectificative, touchant à la fraude fiscale, à l’approbation de la directive anti-blanchiment et du plan communautaire de lutte contre la fraude fiscale. L’accord trouvé avec le gouvernement belge sur Dexia est abordé dans ce texte, mais notre collègue Maurice Vincent en parlera plus longuement. En outre, une garantie est offerte à la banque PSA-finances.

Je voudrais revenir sur le crédit d’impôt compétitivité-emploi qui me semble être une mesure tout à fait décisive bien qu’elle ait été éreintée successivement sur les travées de l’opposition sénatoriale…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

… mais aussi dans certains rangs de la majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Tout à fait !

Une mesure aussi décriée par des élus de différents horizons serait-elle forcément mauvaise ?

M. Albéric de Montgolfier s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Effectivement, le Président de la République et le Gouvernement font aujourd'hui des choix qui s’écartent quelque peu de la politique de droite menée ces dernières années, mais aussi d’un certain nombre de décisions retenues par la gauche lorsqu’elle était au pouvoir. Car il faut bien tenir compte du monde tel qu’il est aujourd'hui !

On a parlé tout à l’heure de recettes appliquées dans le passé. Elles sont nombreuses, mais n’ont jamais produit l’effet escompté. L’enjeu est de pouvoir redonner de l’entrain à notre économie et d’inverser la courbe du chômage à la fin de 2013. Les résultats obtenus seront notre seul juge de paix.

Est-il anormal de proposer un crédit d’impôt pour relancer la compétitivité ? Nullement. J’entends les condamnations qui, ici ou là, évoquent un cadeau qui serait fait aux entreprises, aux patrons.

M. Albéric de Montgolfier s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Pour créer des emplois, il faut tout de même des entreprises qui dégagent des marges !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Sinon ce n’est pas possible ! Qu’on m’explique comment créer des emplois si les entreprises n’enregistrent que des pertes !

Nous ne souhaitons naturellement pas revenir à une économie socialiste administrée, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

M. Jean Germain. … le réalisme socialiste ayant, en économie, à peu près le même succès qu’en peinture.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

De surcroît, le crédit d’impôt compétitivité est soutenu par de nombreux économistes à travers le monde. Un certain nombre d’États des États-Unis ont du reste créé un dispositif de cette nature.

Cela étant, cette mesure est-elle appliquée trop rapidement ? Et faut-il fixer des conditions à son application ?

L’instauration de ce crédit d’impôt serait trop brutale, à en croire le chœur qui se fait entendre sur certaines travées. Pas du tout ! Car enfin, nul n’ignore la situation dans laquelle se trouvent la France et l’Europe actuellement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Faut-il vraiment, dans une telle conjoncture, prendre son temps, discuter, reprendre l’ouvrage encore et encore, le polir sans cesse ? Sûrement pas !

En tant qu’ancien professeur de droit, j’ai bien conscience que les règles de la procédure parlementaire sont quelque peu bousculées. Certes ! Mais, à mes yeux, les circonstances le justifient. On peut très bien ne pas être d’accord avec cette analyse. Pour ma part, je la crois pertinente.

La compétitivité des entreprises est un sujet important.

Monsieur le président de la commission des finances, je ne considère pas le rapport Gallois comme la vérité révélée, pas plus, du reste, que l’Ancien Testament ou le Nouveau Testament, qui sont également tout à fait respectables !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Ils ne sont pas tout à fait du même ordre ! En tout cas, ils sont plus durables !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

J’en conviens, mais le rapport Gallois n’en renferme pas moins des vérités, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

… j’en suis intimement persuadé.

Voilà pourquoi il faut mettre en œuvre un certain nombre de préconisations de ce rapport, et le faire rapidement. Pourquoi ? Parce que les entreprises ont besoin de préparer leurs investissements ; parce que ce sont ces investissements qui, en définitive, vont créer la croissance et, partant, susciter des embauches. Il faut donc agir promptement ! C’est ce que fait le Gouvernement et, à mon sens, c’est une bonne chose.

De plus, d’un point de vue comptable, les entreprises doivent pouvoir, dès le 1er janvier 2013, se présenter devant leur banque en leur soumettant un bilan tenant compte de ce crédit d’impôt, dont la mise en œuvre doit aller de pair avec celle de la BPI.

Mes chers collègues, un patron de PME dynamique, qui accepte d’assumer une certaine gouvernance de son entreprise, et dont l’unique but n’est pas d’accaparer tous les profits de cette dernière, mérite d’être aidé. Voilà pourquoi, dès le 1er janvier 2013, un tel chef d’entreprise doit pouvoir se présenter devant la BPI en déclarant : « Dans les conditions actuelles, je pense pouvoir bénéficier d’un crédit d’impôt. » Dès lors, la banque lui accordera un emprunt dans les conditions plus favorables, en tenant compte de ce crédit d’impôt inscrit à son bilan.

À mon avis, il est astucieux de faire en sorte que les intérêts ne soient versés qu’à compter de 2014 et étalés sur trois ans. En effet, ce système permet de ne pas tuer la demande dans notre pays au cours de l’année 2013, durant laquelle nous pourrons par ailleurs réfléchir à la manière de réaménager notre système de TVA.

Cette disposition peut être critiquable, mais elle peut également être soutenue. Pour ma part, je la soutiens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Ce n’est qu’à la fin de 2013 et surtout, en fait, de 2014 que l’on pourra porter un jugement sur ce crédit d’impôt.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

De même que certains censeurs peuvent se montrer très sévères sur ce sujet, d’autres – et c’est mon cas – sont en droit de considérer qu’il s’agit d’une très bonne mesure, tout à fait novatrice.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Il n’y a pas de procès sans avocat ni procureur !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Pour ma part, j’assume d’autant plus volontiers cette position que je n’ai jamais considéré la TVA comme un impôt à éliminer, et ce n’est pas la première fois que je l’affirme.

Je le rappelle, en Suède et en Norvège, les taux de TVA s’élèvent à 25 % sur les biens et services et à 12 % sur l’alimentation, tandis que le taux d’impôt sur les sociétés ne s’établit, quant à lui, qu’à 28 %. Mais cela ne peut se faire que parce qu’il existe une véritable justice dans l’imposition des revenus. Pourquoi la TVA est-elle considérée, dans notre pays, comme un impôt très injuste ? Parce que, parallèlement, notre impôt sur le revenu est non seulement peu progressif, mais souffre d’une accumulation de niches fiscales !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Ainsi, les contribuables les moins aidés considèrent qu’ils payent plus d’impôts que les autres.

Toutefois, dès lors qu’on rétablit la justice de l’impôt sur le revenu, la TVA devient beaucoup plus défendable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Là réside la différence entre la mesure présentée aujourd’hui et la réforme proposée il y a un an par le précédent gouvernement.

Je le souligne, Thomas Piketty, qui est un économiste de renommée mondiale – il travaille notamment au sein des équipes de recherche de Harvard, qui comptent plusieurs prix Nobel – nous indique que les 10 % des Français les moins aisés consacrent 13 % de leurs revenus à la TVA quand les 60 % qui se trouvent au-dessus y consacrent 11 % de leurs revenus. Il est donc vrai que la TVA pèse plus sur les bas revenus.

Cela étant, je le répète, en rétablissant la justice et la progressivité de l’impôt sur le revenu, on efface cette injustice de la TVA, dont la part dans les revenus ne commence à décroître de nouveau que pour les 0, 1 % des contribuables les plus riches. Il me semble donc que nous disposons d’une véritable marge de manœuvre, en France, pour l’augmentation de la TVA.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Je répondrai brièvement aux propos de M. le président de la commission des finances quant à l’opportunité de consacrer ce crédit d’impôt aux salaires inférieurs à 2, 5 SMIC.

Je le rappelle, à l’heure actuelle, 85 % des salariés de notre pays gagnent moins de 2, 5 SMIC, et plus de 50 % des salariés sont rémunérés en dessous de 1, 6 SMIC. Il faut tout de même en tenir compte, car il faut restituer du pouvoir d’achat à nos concitoyens.

À ceux qui, dans les rangs de la gauche, demandent la conditionnalité de ce crédit d’impôts, je réponds simplement : bien sûr, une part de conditionnalité est nécessaire pour garantir l’équité de ce dispositif. Cependant, tout l’enjeu sera de ne pas créer une usine à gaz. §En effet, il ne faut pas que cette conditionnalité se transforme, de facto, en une impossibilité de bénéficier de ce crédit d’impôt.

On peut considérer que, dès lors que les entreprises auront une gouvernance modernisée et seront exemplaires en matière de rémunération des dirigeants comme de civisme fiscal, les bonnes conditions seront réunies.

Bien d’autres remarques mériteraient naturellement d’être formulées : je les réserve pour une autre intervention.

Je tiens simplement à remercier de nouveau M. le rapporteur général de la présentation synthétique qu’il a faite des différentes mesures de ce collectif budgétaire. Bien entendu, je voterai, ainsi que les membres du groupe socialiste, le présent projet de loi de finances rectificative, avec espoir, avec dynamisme et avec plaisir ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Vincent

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative pour 2012 contient plusieurs articles majeurs qui traduisent la politique de redressement des comptes publics et, parallèlement, d’amélioration de la compétitivité et de l’emploi proposée avec courage par le Gouvernement.

En effet, la situation de notre pays, marquée d’une part par un alourdissement sans précédent de sa dette – de l’ordre de 900 milliards d’euros depuis 2002 – et, de l’autre, par les effets de la crise économique internationale qui dure depuis plus de quatre ans, exige cet effort considérable et désormais urgent. Elle commande également de tout faire pour favoriser la croissance et l’emploi. La voie est donc étroite, mais c’est la seule possible pour notre pays, sa jeunesse et les générations futures.

Je n’évoquerai pas à cette tribune les articles essentiels relatifs au crédit d’impôt compétitivité et à la TVA, que de nombreux orateurs viennent d’aborder brillamment, pour pouvoir me concentrer sur trois aspects qui ont également leur importance : premièrement, la nécessaire adaptation de la loi de suppression de la taxe professionnelle, compte tenu de ses conséquences sur la cotisation foncière des entreprises ; deuxièmement, le soutien aux collectivités et acteurs publics touchés par les emprunts toxiques ; troisièmement, enfin, la nouvelle recapitalisation de Dexia.

Tout d’abord, j’évoquerai la CFE. En effet, un certain nombre d’artisans et de commerçants ont brutalement découvert, voici quelques semaines, les effets pervers de dispositions relatives à cette cotisation, induits par la suppression de la taxe professionnelle.

Sans entrer dans les détails, je rappellerai que cette réforme a coûté près de 8 milliards d’euros au contribuable et s’est révélée très favorable à 80 % des entreprises. Avec le crédit d’impôt compétitivité que nous allons voter, c’est donc au bas mot 28 milliards d’euros qui auront été accordés aux entreprises en quelques années à peine. C’est là un effort considérable de la Nation au bénéfice des entreprises.

À mon sens, cet effort doit engager, en retour, les entreprises à un véritable effort d’investissement et de création d’emplois, même si, c’est vrai, 10 % d’entre elles – à savoir les commerçants et artisans que j’évoquais – ont à l’inverse été excessivement taxées en 2012 et le seraient de nouveau en 2013 sans la modification des textes en vigueur. §

Il faudra donc réparer cette injustice en adoptant, au sein de l’article 17, des dispositions tendant à permettre aux collectivités de modifier rapidement leurs délibérations antérieures, afin de revenir à une CFE raisonnable pour les catégories concernées.

J’en viens au problème désormais bien connu des emprunts toxiques, qui pénalisent fortement plus de 1 600 collectivités et acteurs publics.

J’aborde ce sujet non par plaisir ou par habitude – je rappelle qu’en tant qu’élu local, pour ma part, je n’ai jamais souscrit aucun emprunt de ce type – mais parce que je suis animé par une double conviction.

Ma première conviction est même une certitude : la quasi-totalité des élus locaux concernés ont été de bonne foi, même s’il existe nécessairement quelques exceptions – en tout petit nombre –, mis face à des propositions de crédits parfaitement pensées et conceptualisées par des organismes financiers nécessairement plus compétents qu’eux en la matière.

En résulte la nécessité de mobiliser les banques, pour financer la solution de ce problème qu’elles ont elles-mêmes provoqué, et non pas l’ensemble des collectivités territoriales. À défaut, les 10 milliards d’euros qu’il sera, en tout état de cause, nécessaire de dégager au cours des années à venir pour acquitter les coûts de sortie ou indemnités de remboursement anticipé, pèseront très lourdement sur les contribuables locaux. Cette solution serait à la fois injuste et irréaliste, en raison de la concentration de ces 10 milliards d’euros sur 1 600 collectivités.

Ma seconde conviction est qu’il est de notre intérêt commun de résoudre rapidement ce problème pour éclaircir à nouveau l’horizon des acteurs publics concernés, qui regroupent également des centres hospitaliers et des sociétés d’habitat social, en leur permettant de poursuivre leurs projets d’investissement au service de l’emploi. C’est un enjeu particulièrement important dans la conjoncture actuelle.

Pour la première fois, le Gouvernement s’empare sérieusement de la question, via la création d’un fonds de soutien aux collectivités. C’est un premier pas, mais l’ambition, le mode de financement et le fonctionnement de ce dispositif appellent, à mon sens, des modifications significatives pour gagner à la fois en justice et en efficacité.

Enfin, j’évoquerai Dexia, dont ce qu’il est convenu d’appeler le plan de « résolution ordonnée », selon le vocabulaire de la Commission européenne – il s’agit en réalité du démantèlement et de la réorganisation progressive de cette banque, aux frais du contribuable – conduit le Gouvernement à proposer une participation de 2, 6 milliards d’euros à sa recapitalisation, et une augmentation des garanties à hauteur de 38, 7 milliards d’euros. Je le rappelle, il ne s’agit là que de la participation de la France : des montants légèrement supérieurs sont également apportés par la Belgique, ce qui illustre l’ampleur du problème.

Il ne s’agit pas pour moi de contester ces décisions, rendues inévitables par le caractère systémique de Dexia, mais je crois nécessaire de relever trois points.

Premièrement, cette déconfiture a déjà coûté 5, 6 milliards d’euros à la France depuis 2008, sans compter l’augmentation de garantie que je viens d’évoquer. Le processus de résolution en cours va conduire à transférer à la collectivité toute la responsabilité du portefeuille de la filiale Dexia Municipal Agency, ou DexMA, via le Nouvel établissement de crédit, le NEC. Or ce portefeuille abrite 6, 5 milliards d’euros de crédits toxiques, porteurs d’un risque avoisinant les 5 milliards d’euros.

Deuxièmement, s’ajoutent 2, 5 milliards d’euros de crédits toxiques présents chez Dexia crédit local. Bref, la probabilité, ou plutôt la certitude des pertes avoisinent, pour ces seuls produits, les 7 milliards d’euros. Hélas, ce n’est pas tout !

En effet, troisièmement, tant DexMA que Dexia crédit local sont porteurs d’autres risques potentiellement élevés à travers leurs filiales, notamment étrangères, et certains autres actifs qu’elles possèdent.

Nous sommes donc placés face à une situation aussi complexe que dangereuse, concernant l’évolution de ce dossier : avec un total de 9 milliards d’euros de crédits toxiques, l’État, qui est le nouvel actionnaire, se trouve directement en face des 1 600 collectivités territoriales concernées. La situation risque de devenir ubuesque puisqu’on va de facto opposer le contribuable national aux contribuables locaux de ces 1 600 collectivités !

J’espère que, sur ce point, l’État ne se comportera pas en actionnaire arrogant et agressif à l’égard des collectivités. Un rapport de l’Inspection générale des finances, récemment rendu public par certains médias, suggère hélas cette attitude, et sans ambiguïté. Ce choix serait non seulement inefficace, car il est probable que Dexia et, partant, l’État perdent bon nombre de contentieux, mais aussi particulièrement choquant.

Il convient donc d’ouvrir une autre voie, fondée sur la volonté ferme de limiter au maximum le coût pour le contribuable, qu’il soit national ou local : cette méthode impose, contrairement à la précédente, la concertation et la recherche de financements plus justes et plus adaptés.

L’ensemble du dossier Dexia atteint aujourd’hui un tel degré de complexité et induit de telles incertitudes qu’il serait selon moi utile de conduire une mission d’information sur ce sujet. Les travaux de celle-ci nous permettraient d’y voir plus clair et d’anticiper correctement les conséquences qui se profilent pour les années à venir.

En effet, il est indispensable d’évaluer correctement la situation dont hérite le Gouvernement. Il est impératif de comprendre dans le détail comment une banque publique unanimement respectée il y a encore quelques années a pu s’engager dans de pareilles dérives, et comment les institutions de contrôle ont pu à ce point être mystifiées.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Vincent

Telle est la proposition que je vous soumets.

Au-delà de ces observations et de cette proposition, le présent projet de loi de finances rectificative me semble évidemment indispensable à la poursuite du redressement de notre pays que j’évoquais en préambule. Il recueille donc, naturellement, tout mon assentiment. §

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.