Intervention de André Gattolin

Réunion du 14 décembre 2012 à 9h45
Loi de finances rectificative pour 2012 — Discussion d'un projet de loi

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

En revanche, lorsqu’il s’agit de demander aux parlementaires de voter un très lourd crédit d’impôt « compétitivité-emploi », on se passe hélas, et assez facilement, de toute réelle étude d’impact, de toute concertation, notamment, il faut bien le dire, avec les partenaires de la majorité !

Certes, les mesures entourant le CICE doivent être entérinées rapidement pour permettre aux entreprises d’anticiper leurs investissements de 2014. C’est un argument pertinent, surtout quand on connaît la manière dont les entreprises fonctionnent.

Mais le crédit d’impôt, tel qu’il est conçu, ne permet pas de répondre de façon stratégique aux enjeux de l’économie et de l’industrie française, et, à notre sens, c’est là que le bât blesse. Il n’y a aucune sectorisation des aides ! On ne fait, au contraire, que consolider les secteurs traditionnels de notre économie, qui sont parfois bien vieillissants !

Nous avons voté voilà quelques jours la création de la Banque publique d’investissement : pourquoi ne pas prendre exemple sur ce projet de loi, co-élaboré avec les parlementaires dans un souci de transition écologique, de développement des PME et des filières d’avenir ?

Le CICE, lui, ne prévoit aucune « critérisation », hormis l’interdiction, grâce à un amendement adopté à l’Assemblée nationale, de financer une hausse des dividendes ou une augmentation des rémunérations de la direction des entreprises. Nous nous en félicitons, mais c’est bien le moins que l’on pouvait demander !

Les sénateurs et sénatrices écologistes sont soucieux de la bonne tenue de notre économie et se préoccupent sincèrement du sort des entreprises, tout particulièrement de celui de nos PME-PMI et de nos TPE.

Mais, comme nous prônons la parcimonie dans l’usage de l’argent public, nous nous méfions des chèques en blanc qui pourraient être donnés à certains.

Je rappelle que Total a engrangé plus de 12 milliards d’euros de bénéfices en 2011. Je ne vois pas pourquoi ce genre d’entreprises aurait vraiment besoin de l’argent de nos impôts pour développer ses investissements !

D’ailleurs, aujourd’hui, seul le MEDEF semble véritablement se réjouir des mesures annoncées. Et notons au passage qu’il s’empresse de crier au scandale dès que l’on parle de contreparties !

Eh bien, les écologistes, eux, réclament des contreparties, et contrairement au MEDEF, nous faisons bel et bien partie de la majorité parlementaire de gauche !

Comment peut-on accepter de subventionner aussi indifféremment le secteur privé, sans conditions, tandis que l’on envisage de réduire encore de 10 milliards d’euros les dépenses de l’État ? Nos ministères ont déjà été durement affectés par les coupes du projet de loi de finances pour 2013. En matière d’écologie, de culture, de santé, comme dans bien d’autres domaines, les choses risquent encore de s’aggraver.

Par ailleurs, le crédit d’impôt est censé jouer en faveur de l’emploi, mais la mesure, appliquée en fonction de la masse salariale brute supportée au cours de l’année pour les rémunérations inférieures ou égales à 2, 5 SMIC, ne risque-t-elle pas de créer un effet de seuil, de tirer certains salaires vers le bas ? Je crains, en effet, que toutes les personnes dont les salaires sont inférieurs à ce seuil n’obtiennent pratiquement plus de revalorisation de leurs salaires. J’aimerais d’ailleurs savoir si les services de Bercy ont étudié cette question avec précision.

« La compétitivité est un faux prétexte. Ce n’est pas en baissant de quelques points les cotisations patronales qu’il y aura quelque progrès que ce soit pour notre commerce extérieur. » Cette phrase prononcée par François Hollande en février dernier est, à nos yeux, pleine de bon sens.

Les écologistes conviennent que le problème de notre compétitivité est loin de résider dans le seul coût du travail. Pour nous, le problème est avant tout « hors coût » : il tient à une défaillance structurelle des entreprises en ce qui concerne l’innovation, l’investissement et la recherche.

Il nous semble primordial de concentrer les aides sur les entreprises en difficulté conjoncturelle, sur les TPE, et notamment les entreprises individuelles, malheureusement non concernées par le CICE alors qu’elles créent de l’emploi – après tout, il existe aussi des emplois non salariés dans ce pays ! –, les PME, l’économie locale et non délocalisable, ainsi que sur les filières d’avenir, notamment dans le domaine des énergies renouvelables.

La politique industrielle de la France doit prendre en compte une vision globale et stratégique des enjeux économiques, sociaux et écologiques. Les sénatrices et sénateurs écologistes craignent que le CICE, mis en place précipitamment et sans objectifs sectoriels, ne crée dans les faits plus d’effets d’aubaine que de résultats en termes d’emploi.

En résumé, nous convenons que le projet de loi de finances rectificative pour 2012 contient de bonnes mesures, notamment en matière de fraude fiscale, mais le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, son financement et les conditions de son application nous laissent plus que perplexes.

C’est donc avant tout dans un esprit de responsabilité à l’égard de nos concitoyens et de la majorité gouvernementale, à laquelle nous appartenons pleinement, et avec la volonté de faire avancer les projets qui nous tiennent à cœur sur de nombreux autres sujets, que nous voterons au final, mais non sans réserves, ce projet de loi de finances rectificative pour 2012. §

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