Intervention de Marie-France Beaufils

Réunion du 14 décembre 2012 à 9h45
Loi de finances rectificative pour 2012 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils :

L’allégement du coût salarial, que l’on nous présente comme un élément indispensable au développement de nos activités économiques, ne tient pas au vu du bilan de la situation.

Ce qu’il faut changer, ce n’est pas notre système fiscal, en allégeant toujours plus la contribution des entreprises, mais les modes de gestion qui privilégient la seule rentabilité à court terme, au détriment de la recherche d’une production efficace répondant aux besoins humains dans des conditions respectueuses de notre environnement.

Quelle est la situation réelle des entreprises face à l’impôt ?

L’annexe « Voies et moyens » au projet de loi de finances pour 2013 nous apprend que l’impôt sur les sociétés est censé rapporter 52, 311 milliards d’euros. Or, à la page 43 du même document, nous apprenons que 141, 4 milliards d’euros de recettes nettes seront perçus au titre de la TVA, sachant que 54, 5 milliards d’euros seront remboursés aux assujettis, dont 52, 4 milliards au seul titre du remboursement de la TVA déductible.

La TVA, cet impôt favorable aux investissements – celle qui les grève est remboursable ! – et à l’exportation, a pour défaut d’être une source d’externalisation des coûts et donne donc lieu à un remboursement qui équivaut au produit de l’impôt sur les sociétés.

Il est précisé, toujours dans le même document, que 2, 4 milliards d’euros d’impôt sur les sociétés sont dégrevés pour cause de politiques incitatives, que 3 milliards d’impôt sur les sociétés et de TVA sont remboursés pour trop-perçus, que 5, 9 milliards d’euros sont remboursés ou dégrevés au titre de la taxe professionnelle.

Si je fais le bilan du tome I de l’annexe « Voies et moyens », nous en sommes à 64 milliards d’euros.

Quant au tome II, consacré aux dépenses fiscales, il détaille les multiples mesures concernant l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu pour les activités non salariées, qui représentent 6, 8 milliards d’euros de dépenses fiscales chiffrées, dont la moitié est imputable au seul crédit d’impôt recherche.

Viennent ensuite diverses mesures d’allégement représentant 1, 6 milliard d’euros.

J’en viens aux mesures spécifiques relatives à l’impôt sur les sociétés : la niche Copé a atteint cette année un coût de 6, 95 milliards d’euros ; la taxation à taux réduit des premiers bénéfices des PME coûte 2, 55 milliards d’euros ; le régime mère-filiales représente une facture de 25, 1 milliards d’euros ; celui des groupes et de l’intégration fiscale coûte 19, 2 milliards d’euros, et l’exonération d’imposition forfaitaire annuelle des plus petites entreprises, 1, 91 milliard d’euros.

Outre que les mesures destinées aux groupes à vocation internationale ou quasi monopolistique sont nettement plus coûteuses que celles destinées aux PME, on constate que la facture globale s’élève à 55, 74 milliards d’euros de dépense fiscale. Ce sont donc 129 milliards à 131 milliards d’euros de recettes fiscales, hors effet du report en arrière, qui sont ainsi abandonnées par l’État, au bénéfice – normalement ! – des entreprises.

Pour être complet, il faut ajouter les 30 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales : 22 milliards de la ristourne dégressive, plus les mesures « ciblées » et l’allégement de la fiscalité locale à la suite du remplacement de la taxe professionnelle.

Pourquoi cette nouvelle décision fiscale aurait-elle plus d’effets que les précédentes ?

Depuis trente ans, tout a été essayé : baisse du taux de l’impôt sur les sociétés, baisse puis extinction progressive de la taxe professionnelle, gel puis réduction des cotisations sociales, flexibilité et précarité accrues du travail. Tout aura été mis en œuvre pour faciliter, paraît-il, embauche, investissement, innovation ; c’est en tout cas ce qui ressortait des arguments qui nous étaient présentés.

Dans le même mouvement, l’État s’est peu à peu désengagé du secteur industriel, revendant une bonne partie des entreprises nationalisées en 1981 et cédant ses positions dans le secteur de la banque et de l’assurance ; on en voit les conséquences avec le dossier Dexia...

Le constat est clair : la France est un pays de plus en plus sinistré sur le plan industriel, avec un commerce extérieur déficitaire et une main-d’œuvre qualifiée qui quitte de plus en plus souvent le territoire national, faute d’y trouver l’emploi correspondant à sa formation initiale.

En clair, les choix menés depuis trente ans nous ont conduits là où nous en sommes.

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