Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 14 décembre 2012 à 9h45
Loi de finances rectificative pour 2012 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier :

Le seul résultat de cette opération, outre qu’elle fera la fortune des avocats fiscalistes, sera de donner le tournis à nos chefs d’entreprise !

Mais, à la vérité, ce bricolage est très grave, car il vide de son sens votre discours affirmant que le crédit d’impôt, ciblé sur les rémunérations inférieures ou égales à 2, 5 SMIC, va permettre de baisser le coût du travail et, partant, de renforcer notre compétitivité. Cet argument ne tient pas la route, car les 20 milliards d’euros sont intégralement repris par la hausse de fiscalité.

Le calcul est absolument implacable et, disons-le, désolant : 10 milliards d’euros de hausse pérenne de taxation des entreprises prévue dans le projet de loi de finances, 2 milliards d’euros de prélèvements dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, 4 milliards d’euros dans le collectif de juillet. Si l’on y ajoute 3, 6 milliards d’euros de fiscalité écologique, cela fait un total de 19, 6 milliards d’euros de taxation, contre 20 milliards d’euros de créance.

Autant dire que le CICE n’apportera aucun gain de compétitivité ! C’est un jeu à somme nulle, un jeu de poker menteur, un jeu de bonneteau où l’on ne gagne jamais.

Nous sommes donc bien dans un manège fiscal, en train de tourner en rond...

Sans compter que, sur les 20 milliards d’euros de crédit d’impôt – le rapport écrit de M. Marc le montre bien –, 3 milliards d’euros n’iront pas directement à des entreprises réellement créatrices de richesses ou exportatrices puisque 900 millions profiteront aux services financiers – cela a été également dit par notre collègue du groupe CRC – et 2 milliards d’euros aux services administratifs et de soutien.

J’ajoute que le coût du crédit d’impôt est exorbitant, 20 milliards d’euros par an en valeur absolue, mais aussi et surtout – c’est ça qui compte réellement – en valeur relative, au regard de son rapport coût/efficacité.

Le redressement productif n’est pas pour demain, car, malheureusement, les entreprises industrielles ne bénéficieront que faiblement du CICE, même si elles sont toutes concernées sur le papier. En effet, étant ciblé sur la masse salariale inférieure à 2, 5 SMIC, le CICE ne concernera que très peu l’industrie, qui est un secteur où le salaire moyen brut à temps complet est plus du double du SMIC. C’est la raison pour laquelle le rapport Gallois préconisait de cibler un allégement de charges pour les salaires inférieurs à 3, 5 SMIC. Selon nous, il eût plutôt fallu le cibler sur les salaires compris entre 1, 6 SMIC et 3, 5, voire 4 SMIC.

À en croire le rapport de M. Marc, 80 % du CICE profitera ainsi à d’autres secteurs non industriels, qui sont essentiellement des secteurs protégés et non concurrentiels, comme la distribution, l’hôtellerie-restauration, la construction, déjà grands bénéficiaires de l’allégement des charges sur les bas salaires, inférieurs à 1, 6 SMIC.

En outre, la question du financement du CICE est posée : il est en effet fondé sur une hausse de la TVA pour 2014, dont les recettes escomptées sont très certainement surévaluées eu égard à une hypothèse de croissance bien trop optimiste.

Dans ce troisième et dernier projet de loi de finances rectificative pour l’année 2012, il n’est d’ailleurs prévu qu’une seule des trois mesures de compensation du coût du CICE, en l’occurrence cette hausse des taux de TVA. Je rappelle que le taux réduit sera ramené de 5, 5 % à 5 %, tandis que le taux intermédiaire sera porté de 7 % à 10 % et le taux normal, de 19, 6 % à 20 %.

Si, en elle-même, la hausse de la TVA est acceptable – je ne vais pas dire le contraire puisque nous l’avions nous-mêmes proposée et votée en mars dernier –, c’est l’incohérence et le manque de lisibilité dans l’action du Gouvernement qui est en question.

D’abord, faut-il le souligner, le revirement est impressionnant : voilà seulement quelques mois, avant son élection, François Hollande jugeait la hausse de la TVA « inopportune, injuste, infondée et improvisée ».

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