Intervention de Ambroise Dupont

Réunion du 14 décembre 2012 à 9h45
Loi de finances rectificative pour 2012 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Ambroise DupontAmbroise Dupont :

Monsieur le ministre, pardonnez-moi d’aller directement au but de cette courte intervention, sans oublier de saluer au préalable la commission des finances, son président et son rapporteur général, pour le travail accompli.

J’évoquerai donc les articles 22 bis et 23 du projet de loi.

L’article 23 prévoit le relèvement du taux de TVA applicable aux opérations relatives aux équidés lorsque ceux-ci ne sont pas « normalement destinés à être utilisés dans la préparation de denrées alimentaires ou dans la production agricole ». Il met en œuvre l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le 8 mars dernier.

L’article 22 bis a, quant à lui, été introduit par les députés sur l’initiative du Gouvernement. Il vise à abroger un dispositif issu de la loi de finances pour 2012 qui applique le taux réduit de TVA à la filière équine sportive. Cette abrogation n’interviendra qu’après la publication d’un décret par le Gouvernement et au plus tard le 31 décembre 2014. Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le ministre, que ce dispositif contesté par la Commission européenne ne sera abrogé qu’en cas de condamnation de notre pays au contentieux ?

Je profite donc de notre débat pour vous alerter, mes chers collègues, et pour vous interpeler, monsieur le ministre, sur l’impact dévastateur qu’aura le relèvement du taux de TVA applicable à la filière équine si aucun dispositif alternatif de soutien à la filière n’est mis en place.

Je citerai quelques chiffres.

Pour ce qui concerne le galop, cette mesure pourrait conduire près de 1 000 propriétaires à cesser leur activité. Elle risque d’aboutir à une baisse de 1 500 chevaux à l’entraînement ainsi qu’à près de 600 suppressions d’emplois dans les écuries de course. Il s’agira par ailleurs d’une mauvaise affaire financière pour l’État, avec une baisse de près de 30 millions d’euros de recettes fiscales liées aux paris hippiques.

S’agissant du trot, le relèvement du taux de TVA pourrait conduire à une réduction de 17 % des ventes de chevaux et de 14 % des chevaux à l’entraînement.

Le relèvement du taux de TVA applicable à la filière sportive, envisagé à terme par l’article 22 bis, pourrait provoquer la disparition de près de 2 000 centres équestres, la perte de près de 6 000 emplois directs, tout en favorisant le retour à des pratiques de travail illicites et d’associations non fiscalisées.

Ce sujet est donc loin d’être anecdotique.

La filière équine représente, je vous le rappelle, près de 75 000 emplois dans notre pays. Elle constitue une vraie filière agricole « aménageuse » du territoire et toujours créatrice d’emplois. Le relèvement du taux de TVA pourrait déstabiliser cette filière, qui constitue, à bien des égards, un modèle pour nos voisins européens.

Il ne s’agit pas pour moi d’appeler à rejeter les articles 22 bis et 23 et de demander le maintien du taux réduit de TVA pour l’ensemble de la filière équine. Une telle position serait irresponsable. La non-adoption de ces articles exposerait notre pays à une condamnation par la Cour de justice à payer plusieurs dizaines de millions d’euros d’amende. Encore pourrait-on les comparer aux recettes, pour l’État, provenant du PMU.

Pour autant, il est indispensable que les textes réglementaires qui suivront l’adoption de l’article 23 soient discutés en lien avec les professionnels et permettent la mise en place, comme en Allemagne ou aux Pays-Bas – pays qui ont été condamnés comme la France –, de dispositifs protecteurs pour notre production nationale.

Il conviendra de prendre en compte les situations spécifiques des chevaux d’élevage : comment les qualifier aux différents âges de leur existence ? Quel taux s’appliquera à une pouliche sortant de l’entraînement qui prendrait, elle aussi, le chemin du haras après avoir fait l’objet d’une transaction ? Quel taux s’appliquera à un foal qui retourne au haras après avoir été vendu ? Qu’en sera-t-il d’un yearling vendu à un débourreur qui assurerait sa transformation pendant neuf mois avant de le représenter à une vente de chevaux montés de deux ans l’année suivante ? Où est la cohérence de l’activité d’élevage ?

Il revient par ailleurs au Gouvernement de prendre des mesures pour soutenir la filière équine. Je sais que les professionnels vous ont soumis une proposition : l’alignement du statut des propriétaires non-intervenants sur celui des éleveurs hors-sol ; ce sont souvent les mêmes.

Il s’agit d’une piste parmi d’autres qui permettrait de soutenir l’activité de la frange la plus fragile de la filière hippique. Ce sont en effet non seulement les grands propriétaires mais aussi les petits propriétaires qui assurent l’offre de jeu nécessaire pour les recettes de la filière, mais également de l’État. Il n’y a pas de grand propriétaire sans de nombreux petits propriétaires. Je voudrais vous rappeler que, sur les douze derniers mois, près de 40 % du volume d’enchères sur les ventes de trotteurs ou de pur-sang a été réalisé avec des acheteurs non assujettis.

Où en sont les réflexions du Gouvernement sur cette question ? Compte-t-il se mobiliser pour soutenir notre filière équine, y compris auprès de l’Europe ? Le refus de l’assujettissement proposé créerait une distorsion de concurrence avec la Grande-Bretagne, notre grand concurrent, qui a adopté un dispositif similaire.

Je sais que M. le ministre de l’agriculture a entendu ces arguments et que, lors de sa campagne, M. le Président de la République avait quant à lui indiqué : « Je ferai regarder attentivement toute mesure qui permettrait d’atténuer, pour les propriétaires de chevaux, l’impact du changement de taux de TVA. »

La filière équine est en danger. Sans vouloir faire de catastrophisme, je voudrais simplement, mais avec conviction, attirer l’attention du Gouvernement sur la nécessité d’adapter cette disposition très lourde à la réalité de la situation de cette filière. Il l’a envisagé pour le sport équestre ; il faut le faire aussi pour les courses, qui, encore une fois, sont le nerf de la guerre de toute la filière.

Ce point est très important pour l’avenir de la ruralité, qui est l’un des sujets du jour. §

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