Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 22 décembre 2004 à 10h15
Loi de finances pour 2005 — Vote sur l'ensemble

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous n'attendions pas que la commission mixte paritaire éclaire d'un jour nouveau le projet de loi de finances pour 2005 : notre déception a été constante tout au long du débat.

Je voudrais revenir sur les grands équilibres, notamment sur l'affirmation que nous aurions atteint pour 2005 l'objectif de réduction des déficits. Ce n'est qu'un trompe-l'oeil : je ne crois pas, monsieur le ministre, que vous retrouviez l'année prochaine la marge de manoeuvre que vous a donnée la soulte versée par EDF. La dette est peut-être réduite à court terme, mais les engagements différés, qui sont très nombreux dans le projet de loi de finances, sont accrus d'un montant équivalent.

On peut s'associer au voeu de croissance retrouvée en 2005, mais les effets macroéconomiques du projet de budget sur la croissance et l'emploi ne seront malheureusement pas en mesure de donner des marges de manoeuvre à notre pays pour affronter des temps plus difficiles. Et nous savons que 2005 sera une année très difficile !

Le débat fiscal a finalement été très restreint puisqu'il est resté au sein de la majorité ; l'opposition a assisté en spectateur aux débats, notamment à ceux qui portaient sur l'impôt de solidarité sur la fortune. A plusieurs reprises, la majorité sénatoriale a essayé de bricoler par un jeu de rapports de force subtil, sans poser le problème de fond de l'assiette et du produit, ni même de la finalité de cet impôt qui, comme son nom l'indiquait, était un impôt de solidarité.

Dans un débat sur l'impôt de solidarité sur la fortune - cela vaut aussi pour l'impôt sur le revenu -, ce qui intéresse le groupe socialiste, c'est sa seule fonction redistributive. A l'évidence, l'ISF, après plusieurs années d'existence, ne remplit plus cette fonction, tout comme l'impôt sur le revenu, même si ce dernier reste le meilleur impôt pour assurer une redistribution en faveur des couches défavorisées et moins favorisées.

J'ai été très attentive au débat qui a essayé de germer, le président de la commission des finances l'a rappelé, sur les PME. Franchement, mes chers collègues, vous ne pouvez pas croire que c'est en bricolant l'ISF, qui est un impôt statique, que vous allez apporter de l'air aux PME !

Ce sujet est à la fois fiscal et économique : comment favoriser le tissu industriel de notre pays, comment lui faire gagner des marchés à l'exportation. Nous perdons actuellement des parts de marché parce que notre tissu industriel n'a pas été renouvelé et parce qu'il est inadapté à la demande mondiale.

Il nous faudra mener ce débat au fond. Cela n'a pas été possible pendant la discussion du projet de loi de finances, qui était pipée parce que ses véritables enjeux étaient des enjeux de pouvoir à l'intérieur de la majorité présidentielle.

Le projet de budget élaboré par la commission mixte paritaire ne favorisera ni la croissance ni l'emploi, je l'ai dit, et le groupe socialiste ne le votera pas. Pour autant, je ne suis pas entièrement négative, et je voudrais revenir sur quelques mesures qu'il contient et qui sont peut-être intéressantes.

Nous avons eu ici de longs échanges à propos des délocalisations et des pôles de compétitivité. La commission mixte paritaire, en retenant certains amendements sénatoriaux, apporte une plus grande lisibilité aux « usines à gaz » - c'est bien ainsi qu'il faut les appeler ! - que nous avait proposées le Gouvernement dans la première version du texte. Je ne sais pas si les mesures adoptées seront effectivement porteuses d'activité, de croissance, d'emploi ; mais il faut tenter l'expérience.

Un effort de clarification a également été fait en ce qui concerne les collectivités locales. Ainsi, aux termes de l'article 31 bis, un rapport sera établi en 2005 sur la péréquation entre départements urbains et départements ruraux, entre départements riches et départements moins favorisés. Il sera certainement intéressant ! Par ailleurs - à la demande du Sénat, au demeurant -, les modalités du transfert aux départements de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, seront désormais inscrites dans la loi. Cela peut être un outil intéressant pour les exécutifs départementaux ; mais nous y reviendrons sans doute l'année prochaine.

Pour finir, la majorité sénatoriale a voulu créer un « conseil des prélèvements obligatoires ». Un tel organisme peut être utile en nous permettant de nous adapter au contexte européen ; car Bruxelles considère les comptes consolidés, c'est-à-dire intégrant toutes les dépenses. Ce conseil représente donc un élément de modernisation, même si nous avons bien senti qu'il doit probablement sa naissance à un règlement de compte assez peu élégant avec le Conseil supérieur des impôts : celui-ci avait en effet montré, à juste titre me semble-t-il, que les éléments de fiscalité voulus par la majorité gouvernementale pour contrer les délocalisations pesaient peu et n'étaient pas, en termes à la fois d'attractivité et de projection à l'extérieur, les éléments déterminants qui font une politique économique.

La commission mixte paritaire a donc introduit quelques petites améliorations. J'en relèverai encore une, à propos de l'article 69 bis. Je me suis beaucoup battue, lors de la discussion du projet de loi de finances, pour que, dans les « ventes à la découpe » qui ont lieu dans les grandes agglomérations, le rapport de force soit mieux équilibré et plus favorable aux locataires qu'aux investisseurs institutionnels, qui alimentent la bulle immobilière. Le compromis qu'a trouvé la CMP en imposant un délai de deux ans aux investisseurs institutionnels est un compromis honnête. Comme l'a souligné le rapporteur, seul le temps nous montrera s'il aura un effet sur la frénétique montée des prix dans l'immobilier qui pèse sur les revenus des ménages, et pas toujours des plus favorisés.

Aucun effet positif n'est donc à attendre de ce projet de budget.

M. le président de la commission des finances a présenté ses bons voeux au ministre délégué au budget : je crains, et je ne m'en réjouis pas, que l'année 2005 ne soit extrêmement dure, car les conséquences de nombreux reports seront de plus en plus sensibles en 2005 et en 2006. Dans ces conditions, vous comprendrez que le vote du groupe socialiste ne puisse qu'être négatif : l'exercice budgétaire n'a pas été en mesure de remettre notre pays dans une dynamique de croissance et d'emploi.

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