Intervention de Maurice Vincent

Réunion du 14 décembre 2012 à 9h45
Loi de finances rectificative pour 2012 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Maurice VincentMaurice Vincent :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative pour 2012 contient plusieurs articles majeurs qui traduisent la politique de redressement des comptes publics et, parallèlement, d’amélioration de la compétitivité et de l’emploi proposée avec courage par le Gouvernement.

En effet, la situation de notre pays, marquée d’une part par un alourdissement sans précédent de sa dette – de l’ordre de 900 milliards d’euros depuis 2002 – et, de l’autre, par les effets de la crise économique internationale qui dure depuis plus de quatre ans, exige cet effort considérable et désormais urgent. Elle commande également de tout faire pour favoriser la croissance et l’emploi. La voie est donc étroite, mais c’est la seule possible pour notre pays, sa jeunesse et les générations futures.

Je n’évoquerai pas à cette tribune les articles essentiels relatifs au crédit d’impôt compétitivité et à la TVA, que de nombreux orateurs viennent d’aborder brillamment, pour pouvoir me concentrer sur trois aspects qui ont également leur importance : premièrement, la nécessaire adaptation de la loi de suppression de la taxe professionnelle, compte tenu de ses conséquences sur la cotisation foncière des entreprises ; deuxièmement, le soutien aux collectivités et acteurs publics touchés par les emprunts toxiques ; troisièmement, enfin, la nouvelle recapitalisation de Dexia.

Tout d’abord, j’évoquerai la CFE. En effet, un certain nombre d’artisans et de commerçants ont brutalement découvert, voici quelques semaines, les effets pervers de dispositions relatives à cette cotisation, induits par la suppression de la taxe professionnelle.

Sans entrer dans les détails, je rappellerai que cette réforme a coûté près de 8 milliards d’euros au contribuable et s’est révélée très favorable à 80 % des entreprises. Avec le crédit d’impôt compétitivité que nous allons voter, c’est donc au bas mot 28 milliards d’euros qui auront été accordés aux entreprises en quelques années à peine. C’est là un effort considérable de la Nation au bénéfice des entreprises.

À mon sens, cet effort doit engager, en retour, les entreprises à un véritable effort d’investissement et de création d’emplois, même si, c’est vrai, 10 % d’entre elles – à savoir les commerçants et artisans que j’évoquais – ont à l’inverse été excessivement taxées en 2012 et le seraient de nouveau en 2013 sans la modification des textes en vigueur. §

Il faudra donc réparer cette injustice en adoptant, au sein de l’article 17, des dispositions tendant à permettre aux collectivités de modifier rapidement leurs délibérations antérieures, afin de revenir à une CFE raisonnable pour les catégories concernées.

J’en viens au problème désormais bien connu des emprunts toxiques, qui pénalisent fortement plus de 1 600 collectivités et acteurs publics.

J’aborde ce sujet non par plaisir ou par habitude – je rappelle qu’en tant qu’élu local, pour ma part, je n’ai jamais souscrit aucun emprunt de ce type – mais parce que je suis animé par une double conviction.

Ma première conviction est même une certitude : la quasi-totalité des élus locaux concernés ont été de bonne foi, même s’il existe nécessairement quelques exceptions – en tout petit nombre –, mis face à des propositions de crédits parfaitement pensées et conceptualisées par des organismes financiers nécessairement plus compétents qu’eux en la matière.

En résulte la nécessité de mobiliser les banques, pour financer la solution de ce problème qu’elles ont elles-mêmes provoqué, et non pas l’ensemble des collectivités territoriales. À défaut, les 10 milliards d’euros qu’il sera, en tout état de cause, nécessaire de dégager au cours des années à venir pour acquitter les coûts de sortie ou indemnités de remboursement anticipé, pèseront très lourdement sur les contribuables locaux. Cette solution serait à la fois injuste et irréaliste, en raison de la concentration de ces 10 milliards d’euros sur 1 600 collectivités.

Ma seconde conviction est qu’il est de notre intérêt commun de résoudre rapidement ce problème pour éclaircir à nouveau l’horizon des acteurs publics concernés, qui regroupent également des centres hospitaliers et des sociétés d’habitat social, en leur permettant de poursuivre leurs projets d’investissement au service de l’emploi. C’est un enjeu particulièrement important dans la conjoncture actuelle.

Pour la première fois, le Gouvernement s’empare sérieusement de la question, via la création d’un fonds de soutien aux collectivités. C’est un premier pas, mais l’ambition, le mode de financement et le fonctionnement de ce dispositif appellent, à mon sens, des modifications significatives pour gagner à la fois en justice et en efficacité.

Enfin, j’évoquerai Dexia, dont ce qu’il est convenu d’appeler le plan de « résolution ordonnée », selon le vocabulaire de la Commission européenne – il s’agit en réalité du démantèlement et de la réorganisation progressive de cette banque, aux frais du contribuable – conduit le Gouvernement à proposer une participation de 2, 6 milliards d’euros à sa recapitalisation, et une augmentation des garanties à hauteur de 38, 7 milliards d’euros. Je le rappelle, il ne s’agit là que de la participation de la France : des montants légèrement supérieurs sont également apportés par la Belgique, ce qui illustre l’ampleur du problème.

Il ne s’agit pas pour moi de contester ces décisions, rendues inévitables par le caractère systémique de Dexia, mais je crois nécessaire de relever trois points.

Premièrement, cette déconfiture a déjà coûté 5, 6 milliards d’euros à la France depuis 2008, sans compter l’augmentation de garantie que je viens d’évoquer. Le processus de résolution en cours va conduire à transférer à la collectivité toute la responsabilité du portefeuille de la filiale Dexia Municipal Agency, ou DexMA, via le Nouvel établissement de crédit, le NEC. Or ce portefeuille abrite 6, 5 milliards d’euros de crédits toxiques, porteurs d’un risque avoisinant les 5 milliards d’euros.

Deuxièmement, s’ajoutent 2, 5 milliards d’euros de crédits toxiques présents chez Dexia crédit local. Bref, la probabilité, ou plutôt la certitude des pertes avoisinent, pour ces seuls produits, les 7 milliards d’euros. Hélas, ce n’est pas tout !

En effet, troisièmement, tant DexMA que Dexia crédit local sont porteurs d’autres risques potentiellement élevés à travers leurs filiales, notamment étrangères, et certains autres actifs qu’elles possèdent.

Nous sommes donc placés face à une situation aussi complexe que dangereuse, concernant l’évolution de ce dossier : avec un total de 9 milliards d’euros de crédits toxiques, l’État, qui est le nouvel actionnaire, se trouve directement en face des 1 600 collectivités territoriales concernées. La situation risque de devenir ubuesque puisqu’on va de facto opposer le contribuable national aux contribuables locaux de ces 1 600 collectivités !

J’espère que, sur ce point, l’État ne se comportera pas en actionnaire arrogant et agressif à l’égard des collectivités. Un rapport de l’Inspection générale des finances, récemment rendu public par certains médias, suggère hélas cette attitude, et sans ambiguïté. Ce choix serait non seulement inefficace, car il est probable que Dexia et, partant, l’État perdent bon nombre de contentieux, mais aussi particulièrement choquant.

Il convient donc d’ouvrir une autre voie, fondée sur la volonté ferme de limiter au maximum le coût pour le contribuable, qu’il soit national ou local : cette méthode impose, contrairement à la précédente, la concertation et la recherche de financements plus justes et plus adaptés.

L’ensemble du dossier Dexia atteint aujourd’hui un tel degré de complexité et induit de telles incertitudes qu’il serait selon moi utile de conduire une mission d’information sur ce sujet. Les travaux de celle-ci nous permettraient d’y voir plus clair et d’anticiper correctement les conséquences qui se profilent pour les années à venir.

En effet, il est indispensable d’évaluer correctement la situation dont hérite le Gouvernement. Il est impératif de comprendre dans le détail comment une banque publique unanimement respectée il y a encore quelques années a pu s’engager dans de pareilles dérives, et comment les institutions de contrôle ont pu à ce point être mystifiées.

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