Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons tous, la complexité de notre droit fiscal fait le bonheur des officines de conseil en défiscalisation et en optimisation fiscale.
Le Gouvernement nous propose, par cet article 12, de mettre fin à un montage permettant d’éluder toute imposition sur les cessions à titre onéreux d’usufruit temporaire sur un immeuble ou des parts sociales. En effet, le cas visé consiste en la cession, pour une période déterminée, par un contribuable, de l’usufruit d’un bien, le plus souvent un immeuble, à une société placée sous son contrôle. Cette vente à soi-même, en quelque sorte, permet au contribuable d’échapper à l’imposition des plus-values de cession, et à la société, soumise à l’impôt sur les sociétés, d’annuler ses bénéfices en imputant les charges d’emprunt qui lui ont permis de financer l’acquisition de l’usufruit. Il me semble donc tout à fait légitime de faire cesser ce type d’opération, pour lequel l’administration a du mal à démontrer l’abus de droit lorsqu’elle s’efforce de réprimer les conduites contestables.
Cependant, le texte qui nous est proposé va plus loin, car il procède à un changement général de la règle d’assiette de l’imposition des cessions d’usufruit temporaire, en les assimilant aux modalités d’imposition des différentes catégories de revenus, qu’il s’agisse des revenus fonciers, des revenus mobiliers ou des bénéfices non commerciaux. L’adoption de l’article 12 alourdira donc, de manière générale, l’imposition des cessions d’usufruit.
Deux éléments me paraissent choquants. En premier lieu, au prétexte de mettre fin à un schéma particulier et marginal d’optimisation fiscale, la mesure va priver les entreprises d’un dispositif qui leur permet de conserver des marges de trésorerie et d’autofinancement. Par exemple, en recourant à la cession d’usufruit temporaire sur un bien immobilier, une entreprise peut tirer, tout à fait légalement et sans chercher à annuler l’impôt, un avantage en remboursant un emprunt pour l’acquisition de l’usufruit immobilier au lieu de financer des loyers. Par ailleurs, l’amortissement de l’usufruit lui-même permet d’accroître la marge brute d’autofinancement.
En second lieu, il me paraît choquant que l’article 12 vise à soumettre à l’imposition des revenus un revenu brut, alors que l’impôt sur le revenu s’applique en règle générale – le principe a été constant jusqu’ici – à des revenus nets. Pour respecter ce principe fondamental, il faudrait, monsieur le ministre, que l’assiette d’imposition soit déterminée par différence entre le prix de cession du droit et le prix d’acquisition. C’est pourquoi je présente un amendement visant à recentrer l’article 12 sur la seule lutte contre la fraude fiscale, alors que le Gouvernement entend, subrepticement à mon avis, alourdir l’imposition de toutes les cessions onéreuses d’usufruit temporaire.