Intervention de Philippe Marini

Réunion du 14 décembre 2012 à 14h30
Loi de finances rectificative pour 2012 — Article 13

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini :

Par cet article, le Gouvernement entend modifier le régime du sursis d’imposition qui s’applique, depuis 2000, aux plus-values d’échange réalisées dans le cadre d’un apport de titres à une société soumise à l’impôt sur les sociétés, lorsque le montant de la soulte reçue par le contribuable n’excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus.

Je rappelle que la mise en place de ce régime, qui date du gouvernement de Lionel Jospin, visait à favoriser les restructurations d’entreprises.

Néanmoins, le ministère des finances nous dit, pour remettre en partie en cause ce régime, qu’il existe des comportements d’optimisation, consistant, pour un redevable, à apporter à une société soumise à l’impôt sur les sociétés des titres dont la plus-value d’échange bénéficie du sursis d’imposition, puis, pour celle-ci, de les céder dans un délai très bref à un tiers. Le contribuable contrôlant la société bénéficiaire de l’apport dispose, au total, des liquidités obtenues lors de la cession, l’imposition de la plus-value d’échange étant différée à la cession ultérieure des titres reçus par le contribuable lors de l’apport.

Nous nous situons donc dans le champ de la lutte contre l’optimisation fiscale.

Pour autant, monsieur le ministre, nous abordons aussi des sujets qui concernent la vie concrète de nombreux groupes familiaux et sur lesquels, à mon avis, nous gagnerions à ne toucher à la loi que de façon très modérée et d’une « main tremblante ». Je n’ai, hélas ! pas l’impression que tel ait été le sens de la démarche inspirée par l’administration fiscale.

En effet, j’observe que ce long article a été sensiblement retouché à l’Assemblée nationale afin de corriger de nombreux défauts d’élaboration, dont certains auraient pu mettre le dispositif en contradiction avec le droit communautaire – et c’est la raison pour laquelle je proposerai dans un instant un amendement de simplification.

Mais, sur le fond, il m’arrive encore de recevoir des courriers de contribuables soulignant tel ou tel inconvénient du dispositif, qui n’a probablement pas été expertisé de manière suffisamment approfondie. En dernier lieu, par exemple, j’ai reçu une lettre soulignant que le report d’imposition que vous créez cesserait si la société dont les titres ont été apportés était absorbée par la société bénéficiaire des apports – ce qui pourrait arriver dans le cadre d’une restructuration. Et j’imagine qu’il y a bien d’autres cas qui n’ont pas encore été portés à votre connaissance et qui sont loin de constituer des abus.

Tout cela me conduit à conclure, monsieur le ministre, que bien des aspects n’ont sans doute pas été vus en amont, que l’on improvise probablement un peu en cours de route sur un sujet sérieux et que le plus raisonnable serait, à titre conservatoire, de ne pas adopter cet article.

La lutte contre l’optimisation ne s’en trouverait pas nécessairement affaiblie car, comme vous le soulignez vous-même dans votre étude d’impact, le Conseil d’État sanctionne de manière adéquate les montages purement fiscaux sur la base de l’abus de droit.

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