Intervention de Delphine Batho

Réunion du 18 décembre 2012 à 9h30
Questions orales — Avenir de la recherche intégrée dans le secteur de l'énergie

Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie :

Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, qui souligne l’importance de la recherche et développement en matière énergétique, notamment pour la sécurité et l’optimisation des réseaux de transport. Votre question met également en lumière l’un des impacts de la logique de libéralisation qui a dominé jusqu’à aujourd’hui les politiques mises en œuvre dans l’Union européenne pour le secteur de l’énergie.

Le troisième paquet énergie, composé de deux directives et relatives aux règles communes pour les marchés intérieurs de l’électricité et du gaz naturel, adoptées en juillet 2009, a fait l’objet de débats au sein de l’Union européenne.

Vous l’avez souligné à juste titre, ces directives ont poursuivi la libéralisation du marché du gaz et de l’électricité.

Parmi les deux options d’organisation envisagées dans le projet initial de la Commission européenne, une seule était en pratique réalisable : celle de la séparation patrimoniale du gestionnaire du réseau de transport de sa société mère.

Si l’on peut critiquer cette évolution des règles européennes, la troisième voie obtenue par la France, l’Allemagne et une minorité de blocage a néanmoins permis de préserver le maintien de la société gestionnaire du réseau de transport RTE au sein d’une entreprise verticalement intégrée, à savoir EDF, et d’éviter une séparation du patrimoine de ces deux entreprises.

En contrepartie de l’adoption de cette troisième voie, des dispositions très strictes concernant l’indépendance du gestionnaire de réseau ont été imposées par la directive, en particulier l’interdiction faite à la société mère de fournir des prestations de services au gestionnaire du réseau de transport.

Toutefois, il est apparu essentiel de permettre la fourniture des prestations strictement nécessaires pour assurer la sécurité et la sûreté du réseau.

Il s’agit avant tout des « services système » indispensables pour assurer la tenue de la fréquence et de la tension sur le réseau qui sont fournis par EDF au même titre que tous les autres producteurs. Cette disposition de bon sens, prévue dans le cadre de l’ordonnance du 9 mai 2011 portant codification de la partie législative du code de l’énergie et qui a transposé le troisième paquet sur le marché intérieur de l’électricité et du gaz, n’a pas été contestée par la Commission européenne.

En revanche, ces dispositions, que l’on retrouve à l’article L. 111-18 du code de l’énergie, ne s’appliquent pas aux prestations de recherche et développement. Aussi, afin d’être certifié en tant que gestionnaire de réseau de transport, sous le contrôle de la Commission européenne, RTE a dû s’engager à mettre un terme d’ici à la fin de 2012 aux relations contractuelles avec EDF en matière de recherche et développement. Nous le regrettons.

Il convient toutefois de rappeler que les activités de recherche et développement pour le réseau de transport, bien que réalisées au sein d’un laboratoire commun avec EDF, ont toujours eu un caractère très spécifique, lié aux missions particulières assignées au réseau de transport.

Ces recherches s’appuient – et c’était déjà vrai par le passé – sur un réseau de partenaires français et étrangers comme l’École des mines, Supélec, les universités de Rennes et de Liège et un réseau d’universités américaines.

Depuis 2009, s’est mise en place une coopération entre cinq gestionnaires de réseaux de transport européens, dont RTE, au sein de la plate-forme CORESO, centre de coordination régionale utilisant des outils innovants d’étude, d’analyse et de coordination opérationnelle issus de la recherche et développement, afin d’anticiper et de traiter les perturbations dans la conduite des réseaux.

Ainsi, malgré les nouvelles contraintes qui pèsent sur le gestionnaire du réseau public de transport du fait de la législation européenne, la clé du succès de la recherche de RTE résidera dans un cadre régulatoire adapté lui donnant suffisamment de moyens pour poursuivre et pour développer des collaborations en matière de recherche et développement avec ses partenaires, ainsi qu’avec les autres gestionnaires de réseaux de transport et de distribution européens.

C’est cette approche qui permettra le maintien du haut niveau de sécurité et d’innovation que vous appelez de vos vœux, monsieur le sénateur ; essentielle pour la réussite de la transition énergétique, elle fait l’objet du débat national que nous avons engagé.

Pour conclure, je rappelle que le Président de la République s’est engagé à promouvoir auprès de nos partenaires européens une Europe de l’énergie à la mesure des enjeux du xxie siècle.

Faire cette Europe de l’énergie, ce n’est pas prévoir encore de nouvelles étapes de libéralisation et de dérégulation du marché intérieur. C’est assurer la sécurité d’approvisionnement pour garantir à tous l’accès à ce bien essentiel. C’est aussi dégager des financements nécessaires pour des projets communs non seulement de développement des infrastructures du réseau de transport, mais aussi d’innovation, de recherche et développement, ainsi que de développement industriel, en particulier dans les domaines de l’efficacité et de la sobriété énergétiques ou des énergies renouvelables.

La France a d’ores et déjà fait un certain nombre de propositions qui sont discutées avec nos partenaires européens. Vous le savez, le Conseil européen de mai prochain sera consacré à la politique européenne de l’énergie, et nous y ferons valoir notre ambition.

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