La séance est ouverte à neuf heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
La parole est à M. Michel Billout, auteur de la question n° 191, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les menaces pesant sur la recherche intégrée à EDF et GDF-SUEZ, qui sont une conséquence aberrante de l’application de la déréglementation européenne dans le secteur de l’énergie.
Le troisième paquet énergie, adopté par le Parlement européen en 2009, comprend deux directives, la directive 2009/72/CE sur le marché intérieur de l’électricité et la directive 2009/73/CE sur le marché intérieur du gaz naturel.
Ces deux directives, de caractère ultra-libéral, ont été transposées en droit français en 2011 dans la partie législative du code de l’énergie. L’objectif était de rendre les gestionnaires de réseaux de transport électriques et gaziers indépendants des groupes auxquels ils appartiennent, une évolution contre laquelle le groupe d’études de l’énergie du Sénat s’était longtemps mobilisé.
Aujourd’hui, c’est la recherche intégrée à ces entreprises qui est remise en cause. Ainsi, l’entreprise Réseau de transport d’énergie, ou RTE, s’est engagée à mettre fin d’ici à quelques jours au recours aux prestations d’études et d’essais confiées à EDF SA.
Dans le département de la Seine-et-Marne, le centre de recherche et développement d’EDF Les Renardières envisage en conséquence de se séparer du laboratoire des matériels électriques chargé des activités de recherche menées actuellement par EDF pour RTE. Ce morcellement de la recherche amputera le centre de près de 170 salariés sur les 600 agents du site, alors que les essais et études pour RTE concernent la sécurité, un domaine pourtant reconnu comme une exception par la loi.
Le maintien d’une recherche intégrée reste donc possible et souhaitable, pour la préservation d’une recherche de meilleure qualité. Les chercheurs soulignent en effet le risque de multiplication de petites entités de recherche : ces dernières n’auraient pas la taille critique suffisante pour réunir toutes les compétences pointues nécessaires à la réalisation des projets de recherches ambitieux. Or de tels projets doivent être menés pour répondre aux défis énergétiques du futur : les compteurs communicants, le réseau de distribution d’électricité « intelligent », dit smart grid, l’optimisation énergétique ou bien encore l’intégration au réseau des énergies renouvelables – je pense à la production éolienne –, qui pose souvent des problèmes techniques importants.
Or, d’autres projets de réorganisation d’EDF Recherche et développement vont dans ce sens et inquiètent autant les salariés de ces centres de recherche que l’ensemble des sous-traitants qui collaborent avec les équipes d’EDF.
Dans le contexte d’une augmentation croissante de consommation énergétique dans le monde, l’Agence internationale de l’énergie s’attend à une hausse de 20 % des émissions de dioxyde de carbone d’ici à 2035 ; cela conduirait à une augmentation de la température de la planète de plus de 3, 5 degrés Celsius, avec toutes les conséquences environnementales que cela implique.
Madame la ministre, le renforcement et le développement de la recherche dans ce domaine dépassant les seuls intérêts économiques des entreprises concernées et la poursuite exclusive de logiques concurrentielles de court terme, je souhaiterais connaître les mesures que compte prendre le Gouvernement pour soutenir la recherche dans un secteur d’activité où l’excellence française est encore mondialement reconnue.
Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, qui souligne l’importance de la recherche et développement en matière énergétique, notamment pour la sécurité et l’optimisation des réseaux de transport. Votre question met également en lumière l’un des impacts de la logique de libéralisation qui a dominé jusqu’à aujourd’hui les politiques mises en œuvre dans l’Union européenne pour le secteur de l’énergie.
Le troisième paquet énergie, composé de deux directives et relatives aux règles communes pour les marchés intérieurs de l’électricité et du gaz naturel, adoptées en juillet 2009, a fait l’objet de débats au sein de l’Union européenne.
Vous l’avez souligné à juste titre, ces directives ont poursuivi la libéralisation du marché du gaz et de l’électricité.
Parmi les deux options d’organisation envisagées dans le projet initial de la Commission européenne, une seule était en pratique réalisable : celle de la séparation patrimoniale du gestionnaire du réseau de transport de sa société mère.
Si l’on peut critiquer cette évolution des règles européennes, la troisième voie obtenue par la France, l’Allemagne et une minorité de blocage a néanmoins permis de préserver le maintien de la société gestionnaire du réseau de transport RTE au sein d’une entreprise verticalement intégrée, à savoir EDF, et d’éviter une séparation du patrimoine de ces deux entreprises.
En contrepartie de l’adoption de cette troisième voie, des dispositions très strictes concernant l’indépendance du gestionnaire de réseau ont été imposées par la directive, en particulier l’interdiction faite à la société mère de fournir des prestations de services au gestionnaire du réseau de transport.
Toutefois, il est apparu essentiel de permettre la fourniture des prestations strictement nécessaires pour assurer la sécurité et la sûreté du réseau.
Il s’agit avant tout des « services système » indispensables pour assurer la tenue de la fréquence et de la tension sur le réseau qui sont fournis par EDF au même titre que tous les autres producteurs. Cette disposition de bon sens, prévue dans le cadre de l’ordonnance du 9 mai 2011 portant codification de la partie législative du code de l’énergie et qui a transposé le troisième paquet sur le marché intérieur de l’électricité et du gaz, n’a pas été contestée par la Commission européenne.
En revanche, ces dispositions, que l’on retrouve à l’article L. 111-18 du code de l’énergie, ne s’appliquent pas aux prestations de recherche et développement. Aussi, afin d’être certifié en tant que gestionnaire de réseau de transport, sous le contrôle de la Commission européenne, RTE a dû s’engager à mettre un terme d’ici à la fin de 2012 aux relations contractuelles avec EDF en matière de recherche et développement. Nous le regrettons.
Il convient toutefois de rappeler que les activités de recherche et développement pour le réseau de transport, bien que réalisées au sein d’un laboratoire commun avec EDF, ont toujours eu un caractère très spécifique, lié aux missions particulières assignées au réseau de transport.
Ces recherches s’appuient – et c’était déjà vrai par le passé – sur un réseau de partenaires français et étrangers comme l’École des mines, Supélec, les universités de Rennes et de Liège et un réseau d’universités américaines.
Depuis 2009, s’est mise en place une coopération entre cinq gestionnaires de réseaux de transport européens, dont RTE, au sein de la plate-forme CORESO, centre de coordination régionale utilisant des outils innovants d’étude, d’analyse et de coordination opérationnelle issus de la recherche et développement, afin d’anticiper et de traiter les perturbations dans la conduite des réseaux.
Ainsi, malgré les nouvelles contraintes qui pèsent sur le gestionnaire du réseau public de transport du fait de la législation européenne, la clé du succès de la recherche de RTE résidera dans un cadre régulatoire adapté lui donnant suffisamment de moyens pour poursuivre et pour développer des collaborations en matière de recherche et développement avec ses partenaires, ainsi qu’avec les autres gestionnaires de réseaux de transport et de distribution européens.
C’est cette approche qui permettra le maintien du haut niveau de sécurité et d’innovation que vous appelez de vos vœux, monsieur le sénateur ; essentielle pour la réussite de la transition énergétique, elle fait l’objet du débat national que nous avons engagé.
Pour conclure, je rappelle que le Président de la République s’est engagé à promouvoir auprès de nos partenaires européens une Europe de l’énergie à la mesure des enjeux du xxie siècle.
Faire cette Europe de l’énergie, ce n’est pas prévoir encore de nouvelles étapes de libéralisation et de dérégulation du marché intérieur. C’est assurer la sécurité d’approvisionnement pour garantir à tous l’accès à ce bien essentiel. C’est aussi dégager des financements nécessaires pour des projets communs non seulement de développement des infrastructures du réseau de transport, mais aussi d’innovation, de recherche et développement, ainsi que de développement industriel, en particulier dans les domaines de l’efficacité et de la sobriété énergétiques ou des énergies renouvelables.
La France a d’ores et déjà fait un certain nombre de propositions qui sont discutées avec nos partenaires européens. Vous le savez, le Conseil européen de mai prochain sera consacré à la politique européenne de l’énergie, et nous y ferons valoir notre ambition.
Je vous remercie, madame la ministre, des informations que vous m’avez communiquées.
Vous avez conclu votre propos sur l’Europe de l’énergie, une ambition à laquelle nous adhérons tous, et sur la possibilité, enfin, de prévoir des coopérations entre les gestionnaires de réseaux au niveau européen, en particulier dans le domaine de la recherche.
Tout cela ne peut qu’aller dans le bon sens. Pour autant, si cette évolution devait s’accompagner d’un morcellement de la recherche dans les différents États de l’Union européenne, je ne suis pas sûr que nous arriverions au final à de bien meilleurs résultats.
Il y a évidemment des pans communs de recherche entre la production de l’énergie et son transport ; il est même souvent nécessaire que les deux aillent de pair.
Je m’étonne que vous ne proposiez pas d’intégrer la recherche au contrat de service public liant l’État à EDF, qui n’a pas été renouvelé depuis 2010. N’y aurait-il pas là une piste à creuser pour sauver notre recherche, qui, dans le domaine énergétique, compte parmi les plus opérationnelles au monde ?
La parole est à M. Jean-Yves Leconte, auteur de la question n° 175, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger.
Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur la situation existant au lycée Alexandre-Dumas de Moscou et sur ses perspectives d’extension.
En février 2012, en réponse à une précédente question orale, le ministre des affaires étrangères et européennes de l’époque annonçait qu’un accord avait été trouvé avec les autorités russes pour assurer l’extension du lycée français Alexandre-Dumas, en regroupant dans un même espace les différentes annexes de cet établissement.
Sur sa lancée, le ministre s’engageait à accueillir les élèves dans l’extension dès la rentrée de septembre 2012.
Or tel n’a pas été le cas, et la rentrée s’est passée dans des conditions extrêmement difficiles pour les élèves, avec des effectifs par classe souvent supérieurs à trente élèves dans des locaux trop exigus au regard des normes préconisées par l’éducation nationale.
Au moment du dépôt de cette question orale, en octobre dernier, la convention franco-russe permettant l’extension du lycée n’avait toujours pas été signée et la mise à disposition de bâtiments adjacents prévus pour septembre 2012 était repoussée à 2013, si ce n’est 2014.
L’accord avec les autorités russes mérite d’être défini puis concrétisé.
Je souhaiterais savoir, madame la ministre, si la signature de cette convention a bien été à l’ordre du jour du séminaire intergouvernemental russe qui a eu lieu mi-novembre.
Au-delà de cet accord, il reste à préciser, d’une part, le financement de l’opération et, d’autre part, la capacité à obtenir le détachement de suffisamment d’enseignants titulaires, dont la rémunération tiendrait compte du coût de la vie à Moscou. Je souhaiterais connaître les modalités arrêtées pour que cet établissement conserve son attractivité pour les enseignants titulaires.
Le lycée français de Moscou est un établissement en gestion directe : il est donc placé sous l’autorité directe de l’opérateur public qu’est l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.
Madame la ministre, envisagez-vous de prendre rapidement des mesures afin d’améliorer les conditions actuelles d’accueil des élèves et pour anticiper la rentrée prochaine ? Allez-vous mettre en place une planification prospective pour les années à venir, en concertation avec l’association des parents d’élèves, les professeurs, l’ambassade de France et les élus ?
Monsieur le sénateur, je vous remercie de m’interroger sur le lycée Alexandre-Dumas de Moscou, que vous connaissez particulièrement bien.
Vous le savez, je suis très attachée à notre réseau d’enseignement français à l’étranger, un réseau unique au monde qui est au service tant de nos concitoyens établis hors de France que du rayonnement de nos valeurs, de notre culture et de notre langue.
Cet établissement est victime de son succès : 1 277 élèves sont scolarisés cette année à Moscou. Le lycée connaît une croissance constante de ses effectifs. Cela rend nécessaire une extension de l’établissement pour accueillir les élèves, toujours plus nombreux, ce qui témoigne de la bonne attractivité de l’établissement.
À cet effet, le Gouvernement français a signé le 27 novembre dernier un accord qui officialise la mise à disposition par la Fédération de Russie de deux bâtiments et du terrain sur lequel ils sont construits à destination de cette extension.
Dans l’attente de la livraison de ces bâtiments, la direction de l’établissement et le poste diplomatique sont entrés en contact avec les autorités éducatives de la mairie de Moscou pour louer des salles de classe d’établissements locaux à proximité du lycée Alexandre-Dumas. Cette solution permettra de désengorger le site actuel.
J’en viens à la rémunération des enseignants et à l’indemnité spécifique liée aux conditions de vie locale servie aux personnels résidents. Son montant, qui est de l’ordre de 35 000 euros par an pour un grand nombre d’enseignants en Russie, est l’un des plus élevés au monde. C’est une question que je continuerai à suivre avec attention.
Je vous remercie, madame la ministre, de m’avoir confirmé la signature de cet accord, qui permet d’aller de l’avant.
J’attire l’attention du Gouvernement sur la nécessité de suivre presque quotidiennement la concrétisation de cet accord, tant les attentes sont grandes en la matière. Les annonces des gouvernements précédents ont quelque peu contribué à décrédibiliser la parole publique sur cette question.
Depuis le dépôt de ma question, un début de concertation s’est engagé avec les parents, et des mesures transitoires commencent à être envisagées. Si nous considérons ces avancées avec optimisme, il ne faut toutefois pas relâcher la vigilance face à cette opération très délicate.
Comme vous le savez probablement, madame la ministre, la Mission laïque française ouvrira un établissement à Moscou en septembre 2013. Si cette ouverture atteste de la situation difficile dans la capitale russe et des besoins énormes dans cette région du monde, elle prouve aussi que le suivi significatif d’une opération peut permettre d’aboutir à des résultats.
Je souhaite que l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger parvienne le plus rapidement possible à réaliser l’extension du lycée Alexandre-Dumas, afin de répondre à tous les besoins nécessaires.
La parole est à M. Claude Bérit-Débat, auteur de la question n° 187, adressée à M. le ministre du redressement productif.
Madame la ministre, la France a perdu plus de 700 000 emplois industriels en dix ans, et vous connaissez les difficultés de notre pays à enrayer la désindustrialisation qui le frappe.
La situation est telle que, dorénavant, avant même de penser à recréer des emplois, le Gouvernement comme les collectivités doivent surtout préserver ceux qui existent toujours.
Dans ces conditions, peut-on admettre que des entreprises historiquement liées à l’État, comme La Poste, ne jouent pas, elles aussi, le jeu du redressement productif ? Pour ma part, je m’y refuse, et c’est pourquoi je souhaite évoquer devant vous le cas de l’Imprimerie des timbres-poste et des valeurs fiduciaires, appelée désormais Phil@poste, seule entité industrielle de la Poste, située à Boulazac, en Dordogne.
Phil@poste dispose d’un savoir-faire unanimement reconnu en matière de réalisation de timbres, qu’il s’agisse de timbres d’usages ou bien encore de timbres d’écriture. Chaque année sont vendus 3 milliards de ses timbres, dont 600 millions de beaux timbres, et plus de 100 000 exemplaires de livres timbrés et de produits dérivés.
Malgré tout, le nombre d’emplois à Phil@poste est passé de 650 en 2007 à 430 depuis 2009. Cette véritable saignée des effectifs empêche l’entreprise de s’ouvrir à de nouveaux marchés. D'ailleurs, c’est sans doute la raison pour laquelle la direction a décidé de recourir à des sous-traitants basés en Roumanie pour l’activité liée à la découpe et à la délocalisation.
Certes, la nouvelle direction s’est aujourd’hui engagée auprès des élus à réaliser un projet de réorganisation industrielle qui reviendrait notamment sur l’utilisation de la sous-traitance.
Cependant, l’expérience du passé nous amène à la prudence, et toutes nos inquiétudes relatives au devenir du site ne se sont pas dissipées, loin s’en faut. Madame la ministre, vous comprendrez aisément cette inquiétude des salariés, comme des élus et de la population de Dordogne.
L’industrie historique du département qu’est Phil@poste a depuis longtemps fourni et continue de fournir les preuves qu’elle exerce une activité de pointe et qu’elle est véritablement compétitive. Du reste, ses salariés sont prêts à relever le défi de la conquête de nouveaux marchés.
Dans ces conditions, l’État doit faire preuve de volontarisme.
Dans ce but, madame la ministre, comment comptez-vous agir pour inciter La Poste à enrayer la baisse des effectifs et à faire preuve d’ambition pour Phil@poste ?
Monsieur le sénateur, l’article 16 de la loi du 2 juillet 1990 modifiée relative à l’organisation du service public de la poste et des télécommunications confère à La Poste un droit exclusif d’émission des timbres-poste.
C’est à ce titre que, au sein de la direction du courrier du groupe La Poste, Phil@poste est chargée de l’activité philatélique et, en particulier, de la production de tous les produits d’affranchissement créés par La Poste.
L’Imprimerie des timbres-poste et des valeurs fiduciaires, devenu Phil@poste Boulazac en 2006, fabrique ainsi plus de 3 milliards de timbres par an.
Son savoir-faire, très recherché en matière de techniques d’impression, en particulier en taille douce, est une référence mondiale. Il lui a permis de se diversifier sur d’autres marchés, comme l’impression sécurisée. L’imprimerie de Boulazac est ainsi en mesure d’offrir à ses clients une technicité éprouvée en matière d’impression de timbres fiscaux, de documents d’état-civil et de chèques bancaires.
Cependant, l’activité de l’imprimerie de Phil@poste est soumise à la baisse des volumes du courrier, qui impacte directement ses volumes de production.
Dans ce contexte, la capacité de l’imprimerie à innover et sa faculté à s’imposer sur des marchés en concurrence seront des éléments clés qui permettront à Phil@poste de faire face à la baisse des volumes de courriers, en particulier par une diversification de ses activités.
À titre d’illustration, la livraison récente de deux nouvelles machines sur le site de Boulazac traduit la volonté de La Poste de se développer sur deux marchés porteurs : celui de l’impression personnalisée et celui de l’impression sécurisée. La première machine est déjà opérationnelle et la seconde le sera en mars prochain. Cet investissement important confirme la volonté de La Poste de maintenir cette activité, en dépit des contraintes et des difficultés qui pèsent sur elle et sur le courrier.
Le 19 novembre dernier, la directrice des opérations industrielles de Phil@poste et le directeur du site de Boulazac ont rencontré une délégation de parlementaires de Dordogne, ainsi que le maire de Périgueux. Cette rencontre a été l’occasion, pour Phil@poste, de réaffirmer son ambition pour le site.
Ainsi, sur le long terme, une réflexion stratégique visant à conforter l’activité à Boulazac est engagée. Elle permettra d’identifier un niveau global d’investissement et de maintenir durablement dans le temps cette activité productive au cœur de son bassin d’emploi.
Le Gouvernement sera très attentif à l’évolution de ce dossier.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.
Vous avez évoqué la rencontre avec la direction de Phil@poste : j’avais sollicité son organisation avec un certain nombre de mes collègues parlementaires. Malgré les réponses rassurantes qui nous ont alors été apportées, nous demeurons préoccupés par le passage de l’effectif salarié de Phil@poste de 650 emplois en 2007 à 430 emplois aujourd'hui et par l’appel à des intérimaires.
En outre, un certain nombre de tâches étaient jusqu’à présent sous-traitées dans des pays européens, alors que l’on pourrait les « réinternaliser » afin de conforter l’emploi.
Certes, un certain nombre de mesures ont été prises, notamment l’investissement dans de nouvelles machines pour moderniser l’outil industriel et pour permettre le développement des activités du groupe dans l’impression personnalisée et l’impression sécurisée : une machine devrait ainsi être livrée et être opérationnelle rapidement. Mais, compte tenu de ce qui s’est passé dans les années précédentes, je ne sens pas de volonté forte de la direction d’enrayer la baisse des effectifs.
Nous demandons au Gouvernement de montrer l’exemple en matière d’industrialisation ou, à tout le moins, de lutte contre la désindustrialisation.
En effet, Phil@poste, entreprise historique qui s’appelait auparavant « Imprimerie des timbres-poste et des valeurs fiduciaires », est arrivée en Dordogne dans les années soixante-dix, avec un nombre de salariés nullement comparable à ce qu’il est d’aujourd'hui. Il ne faudrait pas que le savoir-faire – il est réel – se perde du fait des nouvelles technologies. Notamment, un certain nombre de graveurs ou d’imprimeurs sont inquiets pour la pérennité, à terme, de leur catégorie professionnelle.
J’insiste donc vraiment pour que le Gouvernement prenne cette problématique à bras-le-corps.
La parole est à M. Marc Daunis, auteur de la question n° 273, adressée à M. le ministre du redressement productif.
Madame la ministre, comme notre collègue Claude Bérit-Débat vient de le rappeler excellemment, notre pays a, hélas ! perdu 700 000 emplois industriels ces dix dernières années.
Nous sommes engagés dans un immense bras de fer au niveau international en vue du maintien de l’industrie française et du développement de notre production industrielle.
Aussi, je me permets d’attirer l’attention du Gouvernement, particulièrement celle d’Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, ainsi que celle de Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès de ce dernier, quant à deux annonces récentes et malheureusement stratégiques pour l’économie azuréenne.
Alors que, cet été, une première vague de délocalisations avait semé le trouble parmi les salariés, la direction d’IBM France a annoncé, lors du comité d’établissement du 23 octobre dernier, le lancement d’une « réflexion concernant son implantation dans les Alpes-Maritimes ». Cette déclaration intervenait sans aucune consultation préalable des salariés concernés ou de leurs représentants.
L’intersyndicale locale évoque déjà un risque de suppression de 40 à 50 postes d’ici à 2014. Elle estime même que la présence d’IBM dans les Alpes-Maritimes ne serait plus assurée.
Cette annonce intervient alors que Texas Instruments, numéro un mondial des semi-conducteurs, dont le deuxième centre européen de recherche et développement est implanté dans les Alpes-Maritimes, a annoncé son désengagement du marché des mobiles, cœur de l’activité de ce site. Six cents salariés de Texas Instruments France craignent maintenant la fermeture complète du site de Villeneuve-Loubet, alors que 300 emplois ont déjà été supprimés dans cette entreprise en 2008.
Implantées dans les années soixante, ces deux entreprises sont emblématiques de la mutation économique des Alpes-Maritimes. Elles y occupent une place majeure, aux côtés de la technopole de Sophia Antipolis.
Nous avons le devoir d’agir collectivement. Les mesures gouvernementales récentes et la politique de fond engagée par le Président de la République démontrent la détermination de l’État à agir de manière concertée en faveur des salariés et du redressement du pays. Aux côtés de l’État, les élus de la République doivent être tous mobilisés, avec responsabilité, au service de l’emploi, de la justice sociale et de l’humain.
Aussi, je demande au Gouvernement de bien vouloir préciser sa position sur ces dossiers et les actions envisagées pour empêcher la suppression ou la délocalisation de ces emplois.
Monsieur le sénateur, vous insistez avec raison sur l’influence de Texas Instruments dans l’histoire industrielle des Alpes-Maritimes. En effet, l’entreprise s’est implantée sur la Côte d’Azur dix ans avant la création de Sophia Antipolis, participant ainsi au rayonnement international de la région.
En octobre 2012, le groupe Texas Instruments a annoncé l’abandon de la production liée à la technologie wireless. Ce choix s’explique à la fois par le développement de technologies propres par deux des principaux clients de Texas Instruments et par les difficultés d’un troisième.
Cet abandon de la technologie wireless pourrait avoir des conséquences pour quatre sites à travers le monde : Dallas, berceau de Texas Instruments, Bangalore, en Inde, Tel Aviv, en Israël, et Villeneuve-Loubet. Sur ce dernier site, Texas Instruments compte 550 salariés, parmi lesquels la proportion de cadres s’élève à environ 90 %. Il faut y ajouter près de 50 emplois chez les sous-traitants et 50 autres emplois annexes – employés de cafétéria ou encore jardiniers.
Un comité d’entreprise est prévu aujourd'hui même. Les incidences sur l’emploi de cette réorganisation devraient y être détaillées. Le ministère du redressement productif observera ces annonces avec la plus grande attention, dans le respect des règles du dialogue social.
En ce qui concerne IBM, son implantation à La Gaude date de 1962. Il faut préciser qu’IBM est locataire du site, à travers un dispositif de lease-back, en partenariat avec un fonds américain. Ledit bail arrive à échéance en 2015.
Dans ce contexte, le groupe IBM réfléchit à plusieurs hypothèses de relocalisation au niveau régional, qui pourraient concerner la Plaine du Var ou Sophia Antipolis. Lors d’un entretien à Bercy, le président d’IBM, M. Bénichou, a eu l’occasion de confirmer au ministère du redressement productif que l’emploi serait préservé.
Monsieur le sénateur, conscient de l’importance des implantations de ces deux entreprises pour la Côte d’Azur, le ministère du redressement productif prend acte de la forte mobilisation relayée par nombre d’élus des territoires concernés. Soyez certain que le Gouvernement sera particulièrement vigilant pour assurer l’avenir industriel du département des Alpes-Maritimes et de la Côte d’Azur, et que le ministre du redressement productif suivra personnellement l’évolution de ces deux dossiers.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Hier encore, je participais à une table ronde avec le maire de La Gaude, le premier vice-président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et mon collègue sénateur UMP des Alpes-Maritimes, Louis Nègre. Nous avons envisagé les différentes solutions pour nous mobiliser les uns et les autres.
Il ne m’appartient pas de faire un procès d’intention au président de la métropole, en laissant entendre qu’il pourrait éventuellement chercher à « aspirer » cette entreprise dans la plaine du Var. De même, je ne me permettrai pas d’émettre des doutes sur les engagements de la société IBM. En revanche, nous serons particulièrement attentifs à ce dossier et notre mobilisation sera sans faille.
Par ailleurs, vous avez évoqué « en creux », madame la ministre, ce qui ressemble à une erreur stratégique de positionnement de la part de l’entreprise Texas Instruments, dont les salariés risquent aujourd’hui de faire les frais.
Vous avez également rappelé le rôle de la technopole de Sophia-Antipolis qui a considérablement transformé l’économie azuréenne. Cette technopole est un territoire d’innovation technologique, ce qui m’incite à présenter la proposition suivante : nous devons être capables, ensemble, de nous appuyer sur la richesse humaine de cette technopole, cet extraordinaire potentiel de talents, pour faire en sorte que l’innovation technologique soit complétée par l’innovation sociale et pour accompagner le développement de nouveaux emplois et de nouvelles activités, afin de créer de nouvelles richesses et de donner un avenir aux salariés de Texas Instruments qui risquent d’être licenciés très brutalement.
Je me permets d’ajouter deux informations complémentaires.
Il convient tout d’abord de souligner que certains emplois menacés ont pu bénéficier du crédit d’impôt recherche, ce qui pose une nouvelle fois la question du contrôle des aides publiques.
De même, il serait nécessaire d’engager une réflexion sur une meilleure articulation territoriale des plans de mutation et de reconversion des salariés, afin de mieux prendre en compte la richesse de l’intelligence territoriale et des compétences locales, plutôt que de mener des actions séparées, entreprise par entreprise, plan par plan, en méconnaissant la dynamique territoriale. Je me propose d’ailleurs de saisir M. le ministre du redressement productif de cette question dans les jours qui viennent.
La parole est à M. Jean-Vincent Placé, auteur de la question n° 216, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la santé constitue l’une des préoccupations majeures des Françaises et des Français, au même titre que l’emploi et le logement.
Nous avons assisté ces dix dernières années à un délitement de notre système de santé du fait de l’instauration de franchises médicales, de la casse du service public hospitalier, d’un reste à charge de plus en plus important pour les patients, ou encore des dépassements d’honoraires toujours plus nombreux.
Ces politiques ont eu pour conséquence d’aggraver les inégalités de santé, poussant une part croissante de Français à retarder des soins, voire à y renoncer pour des raisons financières. Cette tendance au renoncement aux soins est amplifiée par la difficulté à obtenir un rendez-vous chez un professionnel de la santé, en raison du nombre décroissant de praticiens exerçant une activité libérale et de leur répartition inégale sur le territoire, à l’origine de l’apparition de ce que l’on appelle des « déserts médicaux ». Les zones rurales ne sont pas les seules concernées, et les zones périurbaines ou encore certains quartiers plus populaires apparaissent comme des zones sous-dotées en professionnels.
L’Île-de-France n’est pas épargnée par cette tendance qui est confirmée dans un document intitulé État de santé et inégalités sociales et territoriales : éléments de diagnostic francilien, dans lequel l’agence régionale de santé, l’ARS, présente les forces et faiblesses de l’offre régionale, cette dernière étant caractérisée par de nombreux déséquilibres touchant autant les professionnels eux-mêmes que le territoire régional.
À cela s’ajoutent les difficultés liées au départ en retraite des professionnels de santé qui risque de ne pas être compensé par l’installation de jeunes professionnels, ceux-ci se désintéressant de plus en plus de la médecine générale libérale, pour de multiples raisons. La profession de médecin n’est pas la seule concernée, le même phénomène de tension étant constaté pour les métiers d’infirmier, de sage-femme ou encore de masseur-kinésithérapeute.
Le département de l’Essonne n’échappe pas, lui non plus, au phénomène de baisse démographique des professionnels de santé. Ainsi, parmi les vingt-neuf territoires franciliens qui devraient être reconnus déficitaires par l’ARS d’Île-de-France, quatre sont situés dans l’Essonne : Grigny, La Ferté-Alais, Méréville et Vigneux-sur-Seine. En outre, parmi les vingt et un territoires complémentaires retenus comme fragilisés, deux appartiennent à ce même département : Saint-Chéron et Morsang-sur-Orge.
Face à l’ampleur croissante des inégalités d’accès financières et territoriales aux soins primaires, Mme la ministre des affaires sociales et de la santé a annoncé le lancement d’un pacte « territoire-santé », ce dont je me félicite.
Concrètement, madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il adopter dans le cadre de ce pacte pour que chacune et chacun, sur notre territoire, puisse accéder à une offre de soins de qualité, une offre de soins de proximité et une offre de soins financièrement accessibles, notamment dans l’Essonne dont la population souffre également du manque de professionnels de santé ?
Monsieur le sénateur Jean-Vincent Placé, la question des déserts médicaux concerne tous les territoires, et pas seulement certains territoires ruraux isolés, comme vous l’avez noté. Les premières difficultés apparaissent aussi en zone urbaine. Celles-ci vont s’accroître rapidement si nous ne nous mobilisons pas, car un grand nombre de médecins vont partir à la retraite dans les prochaines années.
En moyenne, en France, près de 27 % des médecins généralistes installés ont plus de soixante ans, et à peine plus de 10 % d’entre eux ont moins de quarante ans La relève n’est donc pas assurée. Comme vous le soulignez, le département de l’Essonne, comme beaucoup d’autres départements, est situé sous cette moyenne : 31 % des médecins généralistes qui y sont installés ont plus de soixante ans, et seulement 7, 5 % d’entre eux ont moins de quarante ans.
Vous le savez, les causes de ce phénomène sont multiples : notre pays ne connaît pas un manque global de médecins, mais ceux-ci sont mal répartis. Les jeunes médecins cherchent d’autres conditions d’exercice, en équipe, avec d’autres professionnels de santé, et souhaitent atteindre un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.
Une mesure unique n’apportera pas de réponse satisfaisante. J’ajoute que, dans cette perspective, la coercition est une mauvaise solution et qu’elle ne fonctionnera pas. En revanche, c’est grâce à un ensemble de mesures coordonnées destinées à mobiliser l’ensemble des acteurs, professionnels, élus locaux et, bien sûr, services de l’État et de l’assurance maladie, que nous pourrons faire face à ces difficultés.
Ma collègue Marisol Touraine a présenté le pacte « territoire-santé », le 13 décembre dernier, dans la Vienne. Ce pacte comporte douze mesures fondées sur la mobilisation et l’incitation des professionnels de santé, pour répondre au problème des déserts médicaux.
La formation initiale doit être davantage ouverte pour inciter au choix de la médecine générale. La découverte au plus tôt de ce métier, notamment en parvenant à ce que 100 % des étudiants aient suivi un stage en médecine générale, permettra d’attirer plus d’internes vers cette spécialité majeure pour notre système de soins.
Le moment de l’installation est également stratégique. Il ne s’agit plus de multiplier les dispositifs d’aide, déjà très nombreux, il est maintenant temps de les faire connaître et de sécuriser les jeunes médecins, en les accompagnant dans leur installation.
Il faut aussi transformer en profondeur l’exercice des soins de proximité, avec la constitution d’équipes pluri-professionnelles, des transferts de compétences, le développement de la télémédecine. C’est grâce à une nouvelle organisation de ce type que nous pourrons attirer les jeunes.
Enfin, certains territoires isolés doivent faire l’objet d’un suivi tout particulier : les médecins salariés, les hôpitaux de proximité, les centres de santé doivent pouvoir venir en appui dans ces territoires isolés.
Ces solutions seront concertées au niveau national et régional, afin de les enrichir et les compléter éventuellement, pour permettre leur mise en œuvre rapide, dès 2013.
Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse précise et ancrée dans le réel.
Vous avez rappelé que Mme la ministre des affaires sociales et de la santé a présenté un pacte « territoire-santé », par lequel le Gouvernement s’est engagé sur trois objectifs : changer la formation et faciliter l’installation des jeunes médecins, transformer les conditions d’exercice des professionnels de santé et investir dans les territoires isolés.
Vous l’aurez compris, je serai très vigilant sur le respect de ce troisième engagement. Il s’agit en effet de garantir l’accès aux soins urgents en moins de trente minutes d’ici à 2015, de permettre aux professionnels hospitaliers salariés d’apporter leur appui aux structures ambulatoires, qui peuvent représenter une bonne réponse aux difficultés rencontrées aujourd’hui par les territoires isolés, d’adapter les hôpitaux de proximité et de responsabiliser les centres hospitaliers de niveau régional à l’égard de leur territoire d’implantation et, enfin, de conforter les centres de santé.
Tous les membres de la représentation nationale sont également attachés à l’objectif de la santé pour tous affiché par le Gouvernement.
La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 118, adressée à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.
Madame le ministre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur l’avenir de nos communes, qui font face à l’inévitable dilution de leurs compétences, particulièrement dans le domaine des investissements.
Les réformes envisagées à ce sujet nous laissent tous perplexes. En effet, dans notre paysage institutionnel, la commune s’efface peu à peu devant les cadres juridiques multiples et variés, parfois complexes : communautés de communes, communautés d’agglomération, pays, départements, régions, sans oublier les divers syndicats à vocation multiple.
Personne ne demande de privilèges spécifiques ; c’est simplement une parité de traitement qui est souhaitée, afin de compenser les nombreux handicaps tels que l’altitude, le climat, l’enclavement, l’espace, la topographie. La France rurale ne peut pas se contenter d’être la spectatrice passive de son déclin régulier ; au contraire, elle doit être une actrice de son renouveau et de sa renaissance ! Elle attend d’être mieux comprise et donc mieux aidée.
Les différents gouvernements, qu’il s’agisse de celui d’hier ou de celui d’aujourd’hui, ne tiennent pas suffisamment compte de ce que j’appelle « l’espace à gérer ». Une commune de 150 habitants à 200 habitants pourrait être logée dans une copropriété, mais cette commune doit entretenir des dizaines de kilomètres de chemins, de fossés, de ponts…
Madame le ministre, trouvera-t-on encore dans quelques années des maires pour assurer le volontariat dans ces communes ? Un maire acceptera-t-il d’être seulement officier d’état civil, garde champêtre ou président d’association ?
Une petite commune ne peut pas s’attendre à rester une oasis de montagne ou de zone de revitalisation rurale, ZRR, par exemple. Je sais que la situation de la France est difficile, mais nous devons apporter un peu plus, ensemble, aux secteurs qui le méritent Le monde rural est une chaîne composée de maillons complémentaires ; son désenclavement et son égalité de traitement sont des éléments incontournables de son avenir.
Toutefois, il faut être réaliste. On compte 98 508 communes en Europe, dont 36 600 en France, soit 32 % du total des communes européennes. Dans cette situation, les communes françaises ne pourront pas, compte tenu de leurs dimensions, bénéficier de crédits européens, et donc de la parité de traitement.
Dans les réformes des collectivités territoriales à venir, n’oublions pas non plus que, sur les 36 000 communes de France, 11 688 sont classées en zone de revitalisation rurale. Elles représentent 4 442 962 habitants, pour une surface de 212 339 kilomètres carrés. Pour toutes ces raisons, les ZRR sont inquiètes, et elles doivent être soutenues et accompagnées dans leur développement.
Il est donc nécessaire de prendre en compte l’espace à gérer de ce pays. En effet, je le répète – et je tenais les mêmes propos au précédent gouvernement –, personne ne réclame la constitution d’« oasis rurales » ; nous demandons simplement l’attribution de moyens appropriés pour gérer ces espaces, où l’on compte parfois moins de dix habitants au kilomètre carré – et dans mon département, on n’en compte parfois que trois !
La conclusion de mon propos revêt donc un ton plus solennel. Je représente un département où l’altitude moyenne de l’habitat moyen est la plus élevée de France, où vingt-deux cantons sont classés en zone de revitalisation rurale, trois de ces cantons comptant moins de dix habitants au kilomètre carré et un moins de cinq habitants au kilomètre carré. Madame le ministre je vous demande avec insistance de transmettre à vos collègues le message de la France rurale !
Monsieur le sénateur Jean Boyer, le Gouvernement a conscience de vos attentes et inquiétudes sur l’avenir de tous les territoires, en particulier des territoires de montagne. Pour répondre à ces enjeux majeurs, le Président de la République a souhaité la création d’un ministère de l’égalité des territoires, dont le mandat et l’ambition portent ces problématiques.
L’égalité des territoires se traduit par deux objectifs majeurs. Il s’agit, d’une part, de la réparation des territoires meurtris, ou affectés par des handicaps particuliers : les zones de montagne souffrent par exemple de difficultés particulières liées à leur enclavement, à leur géographie ou à leur tissu économique parfois peu diversifié. Il s’agit, d’autre part, de la mise en capacité de tous les territoires : nous devons les aider à trouver les moyens de leur développement, en valorisant leurs forces et leurs ressources.
Les zones de revitalisation rurale sont l’un des outils qui agissent pour le développement du tissu économique et de l’emploi des territoires ruraux. Toutefois, il apparaît nettement que ce zonage ne cible pas toujours les territoires où les difficultés socio-économiques sont les plus patentes, en raison de certains critères qui, à l’aune de l’évolution démographique des territoires ruraux, ne sont plus pertinents. Le taux d’agriculteurs, qui est l’une des composantes du zonage, n’est par exemple plus systématiquement révélateur d’un territoire défavorisé.
Le Gouvernement souhaite donc engager une réflexion pour faire évoluer ce zonage et rendre l’objectif de développement et de structuration économique des territoires plus opérant.
Par ailleurs, Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement a annoncé la semaine dernière, au Sénat, qu’un projet de loi pour l’égalité des territoires serait porté devant le Parlement en 2013. L’aboutissement de ce travail qui s’engage permettra de répondre aux objectifs de développement, d’équilibre et de solidarité des territoires, et fera une large place à l’accès aux services publics.
Cette ambition pour l’égalité des territoires ne pourra se traduire, dans tous ses aspects, que dans une démarche partagée entre l’État et toutes les collectivités. Les communes, échelon de proximité, ont donc toute leur place dans la réalisation de cet objectif. L’enjeu essentiel sera celui de la mise en cohérence des politiques publiques au service de l’aménagement du territoire, notamment grâce à la contractualisation : de l’accord de partenariat avec l’Union européenne aux contrats régionaux, ou de territoire.
Madame la ministre, j’ai écouté votre réponse avec attention et j’y décèle une volonté de la part du Gouvernement dans ce domaine. « Là où il y a une volonté, il y a un chemin », dit-on. Mais parfois, vouloir ne suffit pas.
Vous avez évoqué, à la fin de votre propos, les contrats de projets. Cela me paraît fondamental. Les pôles d’excellence rurale, les PER, ont très bien fonctionné dans nos territoires dans la mesure où ils correspondaient à des projets d’initiative locale et non à un droit de guichet. Si le Gouvernement avait la possibilité de les relancer, ce serait une excellente chose, car leur action remonte de la base, des acteurs de la France rurale, qui savent distinguer ce qu’il est possible de faire de ce qui ne l’est pas.
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, auteur de la question n° 224, adressée à Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement.
Madame la ministre, le logement est rare, cher, insuffisamment sécurisé et aménagé dans l’île de Mayotte. De plus, la grande majorité de la population mahoraise est éligible au logement social en raison de la faiblesse des revenus et d’un taux de chômage particulièrement élevé.
Longtemps caractérisée par la production d’un seul type de logement, la « case SIM » – du nom du principal constructeur de logement social, la Société immobilière de Mayotte –, la politique d’aide au logement à Mayotte s’est dotée en 2006 et en 2008 de deux nouveaux produits en accession sociale : le logement en accession très sociale pour les ménages les plus défavorisés, et le logement en accession sociale.
Sur les 237 logements mis en chantier, seuls 150 ont été achevés, sans pour autant être occupés. La promotion de ces habitations s’est très vite heurtée au problème de régularisation foncière que connaît le département. En effet, sans titre de propriété, les nouveaux accédants ne peuvent prétendre à l’emprunt bancaire.
Quant à l’offre locative sociale, le logement locatif social et le logement locatif très social n’ont connu, depuis leur création en 2008, qu’un succès très relatif. La seule allocation personnelle au logement applicable dans l’île depuis 2004 est l’allocation de logement familiale, mais elle n’est versée qu’à 173 familles et les montants sont nettement inférieurs à ceux qui s’appliquent dans les DOM.
Le président de la République de l’époque avait promis, lors de son déplacement à Mayotte en janvier 2010, de donner les moyens nécessaires pour accompagner le département dans la construction de 40 000 logements sociaux d’ici à 2017. Pourtant, dans un rapport interministériel visant à établir un diagnostic du logement locatif social à Mayotte, commandé par le Gouvernement et remis en janvier 2011, les auteurs s’étaient interrogés sur le réalisme de la programmation inscrite dans le projet d’aménagement et de développement durable de Mayotte, qui évaluait les besoins de l’île à 500 logements sociaux par an jusqu’en 2017 et à 600 logements à réhabiliter annuellement.
Je souhaiterais savoir, madame la ministre, quelles suites seront données aux vingt-cinq recommandations formulées par la mission et quelles actions le Gouvernement entend entreprendre pour développer le logement social à Mayotte.
Monsieur le sénateur Thani Mohamed Soilihi, la problématique foncière constitue à Mayotte le préalable de toute l’action publique en matière de construction de logements. C’est la raison pour laquelle les cinq premières préconisations du rapport de janvier 2011 relatif au développement du logement social à Mayotte visent à faciliter la mobilisation foncière.
La proposition de créer un établissement public foncier d’État est en cours d’expertise. Ce projet devrait en effet aller de pair avec l’action du conseil général pour mener à son terme le processus de titrage des quelque 20 000 propriétés coutumières qui ont été répertoriées.
Six préconisations – n° 11 à 16 – visent à débloquer l’accession à la propriété, à renforcer l’amélioration de l’habitat et à instituer un accompagnement social des personnes concernées ; c’est une démarche complexe qui suppose de renforcer les synergies entre les services locaux de l’État, les services sociaux du département et les opérateurs publics de l’aménagement et de la construction, dont bien sûr la Société immobilière de Mayotte.
Dans ce cadre, les autorités locales auront à établir un plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées, et le département de Mayotte se verra confier à partir de 2013 la gestion d’un fonds de solidarité pour le logement.
Cinq autres préconisations – n° 6 à 10 –, toutes prises en compte, concernaient la mise à contribution de l’expertise de l’État au niveau de la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement, ou DEAL, dans le champ de l’ingénierie et des coûts de construction, au niveau de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, s’agissant de la connaissance et du renforcement de la concurrence, et au niveau des services centraux pour faciliter la mobilisation de certaines procédures d’aide.
Les préconisations n° 17 à 19 sont particulièrement importantes puisqu’elles concernent l’extension à Mayotte de l’allocation de logement social et la distribution du prêt à taux zéro plus, ou PTZ+. Ces deux mesures seront effectives en 2013.
Les quatre dernières préconisations – n° 21 à 25 – constituent des priorités de travail pour les ministères chargés du budget et de l’outre-mer ; elles visent à préparer l’extension à Mayotte des règles fiscales.
Enfin, l’instance collégiale suggérée par la vingtième recommandation existe et se réunit régulièrement sous la présidence du préfet pour superviser l’avancement des programmes de logements sociaux et pour coordonner l’action des différents acteurs.
Le logement est rare, cher, insuffisamment sécurisé et aménagé dans l’île. De plus, la grande majorité de la population mahoraise est éligible au logement social en raison de la faiblesse des revenus et d’un taux de chômage particulièrement élevé.
Madame la ministre, je vous remercie de ces réponses, qui sont rassurantes pour la population de Mayotte. Je me permets de rappeler que des promesses ont déjà été formulées dans le passé, mais je suis certain que ce gouvernement, auquel la population de Mayotte accorde énormément de confiance, va enfin concrétiser ses promesses.
La conjoncture, vous l’avez souligné, est à la fois compliquée et difficile : les logements manquent et, dans le même temps, les aides sont insuffisantes. La situation actuelle de la Société immobilière de Mayotte est assez paradoxale, puisqu’elle parvient à construire des logements mais que ceux-ci ne trouvent pas preneur, la population n’ayant pas les moyens de compléter l’aide au logement, dont le niveau est bien trop bas. Il me semble que l’une des premières mesures à prendre est le relèvement du montant de l’aide au logement, qui est le plus bas des départements.
J’ai pris acte des autres mesures ainsi que de la nécessité d’associer les collectivités locales, notamment le département de Mayotte, et je vous remercie de ces précisions. Je tiens à cet égard à souligner l’état des finances locales : les finances du département sont au plus bas, en raison non pas d’un problème de gestion, mais de dotations insuffisantes par rapport aux besoins des Mahorais.
Je compte sur le Gouvernement pour aller de l’avant pour permettre enfin aux Mahorais d’obtenir l’égalité républicaine.
La parole est à M. René Beaumont, auteur de la question n° 197, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Monsieur le ministre, les voies navigables à grand gabarit sont aujourd’hui l’outil le moins cher en fonctionnement et en investissement, le plus écologique – un moteur de 600 chevaux peut pousser un convoi de 4 000 tonnes –, le plus durable, car en grande partie inusable – l’eau ne s’use pas et seules les écluses sont à entretenir.
À l’heure de la maritimisation de l’économie mondiale, la voie d’eau est seule à être en phase avec cette évolution et la mieux placée pour la redistribution sur nos territoires du fret maritime, qui ne fait qu’augmenter.
La liaison Rhin-Rhône par la Franche-Comté, qui était programmée et totalement financée par la « rente du Rhône », a été définitivement anéantie par le gouvernement Jospin en 1997.
Dès lors, les élus rhône-alpins, bourguignons, lorrains et champenois se sont penchés sur un autre tracé par le plateau de Langres et la Moselle, laquelle se révèle aujourd’hui l’axe fluvial français transportant le tonnage de fret le plus élevé. Ainsi est née l’association Seine-Moselle-Saône, qui, réunissant toutes les régions fréquentées, a assuré avec l’État et les régions le financement des préétudes de ce tracé.
Aujourd’hui, les études ont confirmé très largement cette hypothèse et l’État lui-même a considéré ce tracé comme possible après la réalisation Seine-Nord-Escaut en cours.
La loi Grenelle 1 de juillet 2009 a confirmé ce tracé en y ajoutant, à la demande légitime de quelques élus alsaciens, la possibilité de desserte des ports rhénans français de Strasbourg et de Mulhouse. L’État a décidé, avec l’accord bien sûr de la Commission nationale du débat public, que le débat public sur cette nouvelle liaison aurait lieu dans le courant de l’année 2013.
Dans cette perspective, Voies navigables de France a récemment déposé un dossier de débat public qui ne me semble pas parfaitement conforme au Grenelle 1 de l’environnement, précisant : « Les études nécessaires à la réalisation d’une liaison fluviale à grand gabarit entre les bassins de la Saône et de la Moselle seront poursuivies et un débat public sera organisé d’ici 2012 – cette date a été reportée à 2013. Ce débat envisagera également l’intérêt d’une connexion fluviale entre la Saône et le Rhin, qui fera l’objet d’études complémentaires préalables ».
Ce document présente une seule liaison totale Saône-Moselle/Saône-Rhin et programme, à partir de Saint-Jean-de-Losne, en Côte-d’Or, au sud de la Bourgogne, un ouvrage à deux branches. L’une, verticale, vers la Moselle, correspond bien à l’engagement primordial. L’autre décrit une large courbe vers l’est pour rejoindre Mulhouse et le Rhin.
Une telle interprétation augmente bien sûr singulièrement le coût de l’investissement et risque d’en amoindrir très significativement la rentabilité, donc d’en détourner les investisseurs.
Un tracé strictement mosellan sur lequel on grefferait un barreau entre Port-sur-Saône et Mulhouse paraîtrait beaucoup plus réaliste. Il permettrait, entre autres, la desserte du seul pôle économique du centre-est français, à savoir le triangle Mulhouse-Bâle-Montbéliard.
Je tiens à faire remarquer que le sud de la Franche-Comté traversé par la liaison vers Mulhouse prévue par Voies navigables de France est une région à risques écologiques certains et, qui plus est, sans aucune activité économique lourde susceptible d’être cliente de la voie d’eau, ce secteur étant depuis toujours celui de la mécanique de précision et de l’horlogerie.
Ma question est double, monsieur le ministre.
Que pense faire l’actuel gouvernement du projet Seine-Nord Europe prévu en partenariat public-privé, sachant que le dialogue compétitif entre les deux entreprises retenues devrait se terminer prochainement ?
Cet équipement étant lancé, quel tracé retiendra-t-on pour la liaison Saône-Rhin, afin que, pendant l’achèvement de la liaison Seine-Nord Europe, les études définitives de travaux soient réalisées pour permettre le lancement de ce nouveau projet, indispensable à l’achèvement d’un réseau français à grand gabarit total ?
Avec les deux investissements précités, ce réseau pourrait être complété définitivement par une liaison Seine-Moselle, le tout devant permettre un développement économique tout à fait performant pour le Nord et le Nord-est français, encore aujourd’hui très lourdement pénalisés par l’abandon des activités minières et métallurgiques.
Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, qui est retenu au conseil des ministres européens sur la pêche. Vous avez appelé son attention sur le projet de liaison fluviale à grand gabarit Saône-Moselle/Saône-Rhin, ainsi que sur le canal Seine-Nord Europe.
Le ministre des transports souhaite promouvoir la voie fluviale, car elle favorise le transport multimodal de marchandises et le développement durable des territoires, en dynamisant leur économie.
S’agissant plus particulièrement du projet de liaison fluviale à grand gabarit entre les bassins de la Saône et de la Moselle et les bassins de la Saône et du Rhin, il est hors norme, à la fois par ses enjeux et par son envergure. À ce stade, des études pré-fonctionnelles sont conduites par Voies navigables de France.
Permettez-moi maintenant de dire un mot sur les aspects financiers de cette opération, dont le coût est évalué dans une fourchette comprise entre 8, 5 milliards d’euros et 11, 5 milliards d’euros. Cette opération est inscrite dans le schéma national des infrastructures de transport, le SNIT. Elle sera donc examinée, comme toutes les autres, dans les prochaines semaines par la commission composée de parlementaires et de personnalités qualifiées mise en place par M. Cuvillier afin de réexaminer le projet de SNIT.
Lorsqu’on fait l’addition du coût de toutes les opérations et des projets divers inscrits dans le SNIT préparé par le précédent gouvernement et devant être réalisés au cours des vingt-cinq prochaines années, on atteint le montant de 245 milliards d’euros. Or aucune priorité, aucune solution de financement ne sont précisées dans le SNIT.
Frédéric Cuvillier, de façon réaliste et pragmatique, a donc mis en place une mission chargée d’établir un diagnostic global sur la pertinence et la faisabilité de ce schéma, au vu de la situation actuelle et des perspectives de nos finances publiques. Il s’agit également de tenir compte de la priorité que le Gouvernement entend donner aux transports du quotidien et à la rénovation des réseaux existants.
Les conditions d’une saisine de la Commission nationale du débat public, à laquelle vous avez fait référence, pour le canal Saône-Moselle/Saône-Rhin seront précisées à l’issue des travaux de cette commission.
Quant au dossier du canal Seine-Nord Europe, contrairement aux annonces du précédent gouvernement, il n’était pas du tout bouclé du point de vue financier. Le coût global de l’opération ayant été sous-évalué et la capacité des partenaires privés à réunir les financements nécessaires étant tout à fait incertaine, Frédéric Cuvillier a demandé à une mission conjointe du Conseil général de l’environnement et du développement durable et de l’Inspection générale des finances de faire un bilan de situation de ce projet, d’en auditer les aspects financiers et de proposer les solutions possibles pour en permettre la réalisation. Ses conclusions sont attendues en début d’année prochaine.
Frédéric Cuvillier, je tiens à le dire ici, a affirmé sa volonté de tout mettre en œuvre afin de rendre ce projet viable et réalisable.
Je vous remercie, monsieur le ministre, ainsi que M. Cuvillier, de votre réponse. Celle-ci est pleine d’espoir. Toutefois, en tant que vieux routier du Parlement et de la voie navigable, je dois dire que j’ai déjà entendu nombre de paroles d’espoir, sur toutes les travées.
La voie navigable est délaissée en France alors qu’elle se développe dans tous les autres pays, en Europe et dans le monde. Elle continuera de l’être, parce qu’il faut aujourd'hui faire des économies budgétaires. Il y a toujours une bonne raison pour éviter la voie fluviale ! Je suis très déçu, car je considère qu’elle est l’un des principaux outils aujourd'hui de transport de fret. La voie fluviale, je le répète, est à la fois écologique, économique et durable.
La parole est à Mme Esther Sittler, auteur de la question n° 198, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire.
Monsieur le ministre, j’attire votre attention sur la situation inquiétante des industriels du secteur alimentaire face à la flambée du coût des matières premières.
En raison de la hausse historique des prix des matières premières, notamment des œufs, du blé et du porc, ces industriels ont vu leurs faibles marges se dégrader depuis deux ans. En effet, les dispositions de la loi de modernisation de l’économie, la LME, ne permettant pas de renégocier les contrats avec la grande distribution en cours d’année, de nombreuses entreprises connaissent une très nette dégradation de leur trésorerie et de leurs fonds propres.
Ne conviendrait-il pas d’entamer très rapidement des discussions entre les différents acteurs de la filière agroalimentaire afin de remédier à cette situation de crise ?
Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question. Je partage votre préoccupation sur la situation de nos PME, en particulier dans le secteur agro-alimentaire. Nous avons d’ores et déjà pris la mesure du problème et des difficultés qu’elles rencontrent et nous avons donc apporté des premières réponses fortes.
À cet égard, le pacte de compétitivité présenté par le Premier ministre est de nature à apporter une véritable bouffée d’oxygène aux entreprises qui sont dans les situations les plus vulnérables. De même, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi permettra de soutenir leurs efforts d’innovation, d’exportation et d’investissement. Les premiers résultats du pacte de compétitivité, qui sera mis en œuvre dès le 1er janvier prochain, se feront sentir rapidement.
Toutefois, le secteur de l’agro-alimentaire se trouve dans une situation spécifique. Nous traitons également ses difficultés et recherchons des solutions.
Pourquoi, quelques années après l’entrée en vigueur de la loi de modernisation de l’économie, son bilan n’est-il pas satisfaisant ? Telle est finalement la question que vous posez, madame la sénatrice.
En fait, chacun le constate, nos PME sont prises en étau aujourd'hui entre la hausse du prix des matières premières, qui renchérit les coûts de production, et leur incapacité à répercuter cette hausse dans les prix pratiqués par la grande distribution. Certaines d’entre elles sont donc véritablement dans une situation très difficile.
Toutefois, nous agissons. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, et moi-même avons réuni au ministère, le 21 novembre dernier, l’ensemble des acteurs concernés par l’application de la LME – les producteurs, les transformateurs, mais aussi la grande distribution – afin d’aboutir à un nouvel équilibre entre chacun des maillons de cette chaîne et de faire en sorte que tous puissent s’y retrouver, vivre de leur travail et dégager les marges nécessaires pour avancer, investir et exporter.
Une table ronde a été organisée en présence de M. Benoît Hamon et trois groupes de travail ont été constitués, lesquels sont d’ores et déjà à l’œuvre, afin de concevoir et de proposer les ajustements et les modifications nécessaires à une bonne application de la LME.
Ces modifications pourraient être de nature législative. Comme vous le savez, Stéphane Le Foll, Benoît Hamon – pour le volet consommation –, et moi-même préparons pour la seconde partie de l’année une loi d’avenir pour l’agriculture. Le cas échéant, nous pourrions également procéder aux ajustements qui s’imposent par voie réglementaire. Enfin, nous n’éviterons pas les accords contractuels, afin que les différents maillons de la chaîne soient plus efficaces et plus respectueux des nécessités et des contraintes qui s’imposent aux uns et aux autres. Nous avons une exigence : garantir de la stabilité, bien sûr, mais aussi de la visibilité à nos PME. C’est très important pour que celles-ci retrouvent des marges de manœuvre.
Enfin, les PME de certaines filières, notamment l’aviaire et la porcine, rencontrent des problèmes très urgents. Stéphane Le Foll et moi-même avons donc demandé à Alain Berger, délégué interministériel à l’agro-alimentaire, de nous faire des propositions avant la fin de l’hiver afin de répondre aux besoins et aux difficultés criantes des PME dans ces secteurs.
Faire face à l’urgence, ouvrir des perspectives, promouvoir la concertation tout en agissant sans tarder, voilà le sens du travail que le Gouvernement entend mener. Madame la sénatrice, je ne doute pas que vous nous accompagnerez dans cette voie, qui est celle de l’intérêt général.
Je vous remercie de vos réponses, monsieur le ministre.
Je vous souhaite de tout cœur de réussir dans votre action. Il y a urgence, car nos PME souffrent. Face à la grande distribution, la négociation est difficile. J’espère que vous en avez pris la juste mesure.
Certes, la loi de modernisation de l’économie a été votée. Toutefois, vous le savez, en France certaines entreprises ou certaines personnes trouvent toujours un moyen pour contourner la loi ou, du moins, pour ne pas l’appliquer dans le sens voulu par le législateur.
Il y a urgence, je le répète. Nos producteurs ont besoin de prix corrects pour vivre, et nos PME, qui transforment leurs produits, ont besoin de dégager une marge pour assurer leur survie. Ils tentent de faire face à la grande distribution. Vous le voyez, c’est un vaste chantier, monsieur le ministre.
Je vous remercie, encore une fois, de votre intervention. Néanmoins, il faut transformer ces paroles en des projets concrets, indispensables à la survie des PME agroalimentaires.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix heures quarante-cinq, est reprise à dix heures cinquante.
La parole est à M. Jean-Paul Amoudry, auteur de la question n° 223, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos ne doit pas laisser penser que je ne partagerais pas la conviction de tous les élus de France, pour qui l’enfant, et l’école, doivent être considérés comme l’une des premières priorités – sinon la première – de nos politiques publiques.
Cela dit, les annonces du Gouvernement relatives à la réorganisation du temps scolaire suscitent beaucoup d’inquiétudes et d’interrogations, en raison de l’impact prévisible que cette réforme entraînera sur l’administration des collectivités territoriales.
Tout d’abord, l’obligation d’accueil de tous les enfants scolarisés en primaire jusqu’à seize heures trente, voire dix-sept heures, alors que le nombre quotidien d’heures de cours sera limité à cinq, requerra une organisation spéciale des activités périscolaires, à la charge des collectivités territoriales.
Ensuite, la mise en place d’une semaine de quatre jours et demi à l’école primaire aura des incidences non négligeables sur le coût des transports scolaires. Ces frais supplémentaires, financés pour l’essentiel par les départements, créeront inévitablement une inégalité de traitement entre les territoires, au préjudice de ceux dont les distances entre domicile et école sont les plus importantes.
Enfin, l’allongement d’une à deux semaines de la durée de l’année scolaire aura des répercussions sur le coût des services périscolaires. Je pense notamment aux transports et à la restauration scolaires, à la garderie périscolaire, ainsi qu’à la surveillance et à la sécurité aux abords des groupes scolaires.
Même si, encore une fois, les élus des collectivités adhèrent très majoritairement au principe d’une meilleure organisation des temps éducatifs de l’enfant, ils demeurent préoccupés par les incidences financières de la réforme sur les budgets locaux, d’autant que la nature des activités organisées hors temps scolaires, les statuts des intervenants, ou encore les normes d’encadrement ne sont, à ce jour, pas définis.
Au-delà de la question du financement de ces mesures, la mobilisation des ressources humaines entraînera des difficultés dans les plus petites communes, rurales et de montagne, dépourvues de personnels compétents, et ne disposant pas de structures sportives et culturelles pour accueillir les écoliers après le temps scolaire.
Dans ces conditions, pourriez-vous m’indiquer, monsieur le ministre, si le Gouvernement a procédé à une étude d’impact des mesures projetées sur l’administration des collectivités territoriales, en matière de moyens tant humains que financiers ?
Quelles sont les dispositions envisagées pour que cette réforme des rythmes scolaires n’induise pas des inégalités excessives entre les élèves scolarisés dans les communes disposant de moyens suffisants et ceux qui sont accueillis dans des communes qui ne seront pas en mesure de leur offrir un niveau d’encadrement équivalent ?
Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir rappelé un objectif auquel nous souscrivons tous, quelle que soit notre tendance politique : le nécessaire retour à la semaine de quatre jours et demi de classe.
Je vous le rappelle, voilà seulement quatre ans que la semaine de quatre jours a été mise en place. Elle cause un préjudice extrêmement grave aux enfants de notre pays et nous place dans une situation unique en Europe. Elle est la manifestation, je dois le dire, d’une forme d’abandon de notre jeunesse. Elle est au cœur de nos préoccupations pour la France. Le constat tiré, semaine après semaine – la semaine dernière encore –, est terrible. Des évaluations internationales montrent à quel point la France est en situation difficile en matière d’apprentissages fondamentaux, inculqués à l’école primaire.
Il faut donc revenir à 180 jours de classe par an, au lieu de 144. Cela suppose un retour à la situation prévalant en 2008, ce qui ne semble pas impossible.
Je tiens également à vous dire, monsieur le sénateur, que vous avez raison : les budgets sont contraints. Nous avons tous des choix à faire. L’État a défini les siens. Ainsi, lorsque nous choisissons, dans la situation budgétaire qui est la nôtre, de donner la priorité aux élèves et aux enfants de France, cela coûte, vous l’aurez observé, un certain nombre de postes à d’autres ministères, sans que cela remette en cause l’objectif de maîtrise des finances publiques. Gouverner, c’est aussi choisir, à l’échelle nationale comme à l’échelle locale.
J’en viens plus précisément à la question que vous posez, monsieur le sénateur. Nous avons reçu l’ensemble des associations d’élus. Désireuses de bien faire, elles peuvent avoir besoin d’être aidées ; la dernière partie de votre question en témoigne également. Pour cette raison, le Président de la République a souhaité la création d’un fonds d’amorçage, dont il a évalué la dotation à 250 millions d’euros.
Le Premier ministre, qui a, lui aussi, rencontré toutes les associations d’élus, fera connaître ses arbitrages dans les quarante-huit heures à venir. Ils se feront dans le souci d’attribuer à chaque commune ce que l’on pourrait appeler une « part universelle », tout en accordant une attention scrupuleuse aux communes, urbaines comme rurales, qui éprouvent des difficultés particulières et qui ont donc besoin d’un supplément d’aide pour articuler les temps scolaire et éducatif de manière satisfaisante.
Ces arbitrages seront rendus dans les jours qui viennent, après une consultation de l’ensemble des élus. Ils garantiront que cette réforme, que tout le monde souhaite mais que personne n’a voulu faire, ce qui fut préjudiciable aux enfants, puisse être mise en œuvre obligatoirement au début de l’année 2013, même si des dérogations seront possibles jusqu’en 2014. À cette date, cependant, tous les enfants de France auront des semaines de classe de quatre jours et demi. C’est leur intérêt et celui de la France.
Monsieur le ministre, je vous remercie de vos explications et des perspectives que vous ouvrez.
Je veux simplement souligner un point : le fonds annoncé par le Président de la République est une dotation dont les effets seront limités dans le temps, alors que les dépenses seront permanentes, surtout pour les collectivités les moins riches. C’est un souci que je partage avec les élus, que l’annonce d’une réduction des dotations de l’État aux collectivités territoriales pour les trois années à venir ne vient pas apaiser.
Vous comprendrez, monsieur le ministre, que la situation puisse susciter des interrogations. Les élus ont besoin d’avoir des garanties, surtout à un moment où il est de bon ton de mettre les collectivités territoriales sur la sellette et de considérer que la nécessaire réduction de la dépense publique doit commencer par elles.
Je tiens également à souligner que la perspective de la scolarisation à partir de deux ans peut aussi accroître les charges des collectivités.
Je souhaite que le Gouvernement veille à inclure ces questions au sein des projets de loi sur l’école et sur les collectivités territoriales, dont on nous annonce l’examen prochain. Il faudrait également les intégrer à la réflexion sur le numérique à l’école. En effet, nous ne voudrions pas que cet enjeu majeur puisse être un facteur supplémentaire de déséquilibre et de rupture de l’égalité des chances, entre, pour faire simple, les jeunes issus des centres urbains et ceux qui sont implantés dans des secteurs plus éloignés, où, nous le savons, le réseau numérique aura plus de difficultés à parvenir.
La parole est à Mme Michelle Demessine, auteur de la question n° 156, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis des années, les victimes de l’amiante et leurs familles, soutenues par leurs associations et les syndicats, mènent un combat exemplaire face au drame de santé publique qui les touche et qui coûte la vie à plus de dix personnes par jour dans notre pays.
Dans ce combat, qui revêt une dimension sociale aussi bien que juridique, elles ont obtenu, par un arrêt de la Cour de cassation en date du 11 mai 2010, le droit à une indemnisation financière, devant être versée par leurs anciens employeurs, au titre de la reconnaissance d’un préjudice d’anxiété.
Le préjudice d’anxiété recouvre ainsi la « situation d’inquiétude permanente » éprouvée par toutes les personnes qui ont travaillé au contact de l’amiante, sans que la maladie se soit encore déclarée, dans les entreprises figurant sur une liste fixée par arrêté, leur donnant droit au bénéfice de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, l’ACAATA.
Pour les salariés, le préjudice d’anxiété se manifeste par la crainte d’avoir dans les poumons des fibres d’amiante dormantes, qui peuvent causer des maladies graves. Ces salariés vivent avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête.
Or, si rien n’est fait très prochainement, le rideau va se rabattre sur la reconnaissance de la réparation du préjudice d’anxiété : sous l’effet de la loi du 17 juin 2008 instaurant une prescription de principe de cinq ans en matière civile, la porte de nos tribunaux va se fermer, le 17 juin prochain, pour tous les salariés de l’amiante qui ont quitté leur entreprise depuis plus de cinq ans, soit la quasi-totalité d’entre eux.
Ainsi les industriels de l’amiante vont-ils une fois de plus passer entre les mailles du filet judiciaire, alors que leur procès pénal se fait attendre depuis seize ans.
Pourtant, selon le rapport annuel de 2011 de la Cour de cassation, la reconnaissance de ce préjudice et son indemnisation, accordée par les juridictions prud’homales et financée par les employeurs fautifs, vont dans le sens d’une amélioration de la prévention et de la sécurité au travail, ce dont l’ensemble des acteurs sociaux et professionnels, ainsi que l’État, devraient se féliciter. Cela peut permettre de faire de réelles économies à notre protection sociale, grâce à la raréfaction des pathologies professionnelles.
Maintenir la prescription pour l’anxiété reviendrait à remettre une nouvelle fois en cause, par la loi, des décisions des cours d’appel, de la chambre sociale de la Cour de cassation, ainsi que l’analyse de l’étude publiée dans ce même rapport, pourtant si importante pour la prévention et la réparation des préjudices subis par les personnes concernées.
C’est pourquoi il me semble nécessaire de modifier la loi du 17 juin 2008, en lui ajoutant une dérogation pour tout ce qui concerne les questions d’anxiété au travail ou découlant du travail de la contamination par l’amiante en particulier.
Madame la sénatrice, vous me permettrez de vous répondre au nom de ma collègue Christiane Taubira, retenue à l’Assemblée nationale pour un débat.
Mme la garde des sceaux est particulièrement sensible à la nécessité d’apporter une réponse efficace aux demandes légitimes des victimes du drame de l’amiante, non seulement celles qui ont développé des pathologies, mais aussi celles qui vivent aujourd’hui dans la crainte permanente d’être atteintes d’une maladie liée à l’amiante encore non déclarée.
Le préjudice d’anxiété dont elles peuvent de ce fait souffrir est, vous le savez, réparable depuis les arrêts du 11 mai 2010 de la chambre sociale de la Cour de cassation.
Vous vous inquiétez du sort des victimes au regard des règles de prescription applicables depuis la réforme intervenue en cette matière en 2008, et vous souhaitez qu’une dérogation en faveur de celles-ci soit introduite. Après examen, il ne semble pas nécessaire de s’engager dans cette voie, et ce pour plusieurs raisons.
Premièrement, il convient de le rappeler, lorsque le préjudice d’anxiété est la conséquence d’une pathologie déclarée, le délai de prescription de l’action en réparation de ce préjudice est non pas de cinq ans, mais de dix ans, en application de l’article 2226 du code civil, issu de la réforme du droit de la prescription introduite en 2008.
Le point de départ de ce délai étant la date de la consolidation du dommage, en pratique, l’action de la victime pourra, dans bien des cas, être engagée plus de dix ans après l’apparition de la pathologie.
Deuxièmement, il est vrai, en revanche, que lorsque ce préjudice d’anxiété n’est pas la conséquence d’une pathologie déclarée, la prescription décennale applicable aux demandes d’indemnisation des dommages corporels ne peut pas jouer. L’action en réparation de ce préjudice est alors soumise à la prescription quinquennale de droit commun, introduite par la loi du 17 juin 2008.
Lorsque l’ancienne prescription de droit commun de trente ans n’est pas acquise, ce nouveau délai de prescription de cinq ans court à compter de l’entrée en vigueur de la loi.
Troisièmement, on ne peut toutefois considérer que l’ensemble des actions en réparation de ce préjudice d’anxiété seront prescrites à compter du 17 juin 2013, sans préjuger des décisions qui pourraient être rendues à l’avenir.
En effet, selon l’article 2224 du code civil, les actions ne se prescrivent qu’« à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Le juge a un large pouvoir pour apprécier le point de départ du délai de prescription et, en l’espèce, pour déterminer le jour où le titulaire d’un droit était à même d’agir.
Ainsi, le juge devra apprécier, au cas par cas, en fonction des éléments produits aux débats et de la situation individuelle de chacune des victimes, la date à retenir pour faire courir ce délai de prescription, en envisageant également les faits qui seraient susceptibles d’interrompre ou de suspendre la prescription, ou d’en reporter le point de départ.
C'est la raison pour laquelle il n’apparaît pas nécessaire de prévoir une règle dérogatoire au bénéfice des victimes de l’amiante ayant subi un préjudice d’anxiété. Il paraît en revanche essentiel de veiller à l’information des personnes concernées, pour qu’elles soient en mesure de faire pleinement valoir leurs droits dans les meilleurs délais. C’est ce à quoi le Gouvernement s’attachera.
Je remercie M. le ministre et, par son intermédiaire, Mme la garde des sceaux de cette réponse extrêmement détaillée et argumentée, que je vais examiner avec beaucoup d’attention en compagnie des associations, afin de voir si elle est de nature à apaiser leurs craintes.
La parole est à M. Michel Houel, auteur de la question n° 253, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre, conformément à la réglementation européenne, depuis la fin du mois de juin 2009, quelque 2 074 communes délivrent au public les passeports biométriques.
Ainsi, 3 506 stations d’enregistrement ont été installées dans les mairies concernées, celles qui se sont engagées dans ce nouveau service au public.
Trois ans plus tard, ces communes constatent une montée en puissance des demandes et déplorent l’insuffisance de la dotation annuelle de compensation attribuée par l’État.
Par exemple, dans ma commune, 1 500 passeports ont été réalisés en 2011, sachant qu’il faut en moyenne une demi-heure pour enregistrer la demande et dix minutes pour délivrer le document. La dotation de l’État ne s’élève depuis 2010 – elle est restée constante – qu’à 5 030 euros par an et par station en fonctionnement dans la commune. Ce montant ne couvre donc pas le coût réel de ces stations.
Nous savons également que cette offre de service va prochainement s’accroître avec la création de la carte nationale d’identité électronique.
Par conséquent, monsieur le ministre, j’aimerais savoir quelles mesures vous comptez mettre en place pour améliorer l’indemnisation des communes. Celle-ci a aujourd'hui un caractère forfaitaire. Ne pourrait-elle pas être remplacée par une indemnisation au prorata des titres délivrés ?
Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur les dotations accordées aux communes pour la délivrance des passeports biométriques.
Comme vous l’avez souligné, le principe du versement d’une indemnité forfaitaire annuelle par station d’accueil et d’enregistrement des demandes de passeport biométrique aux communes volontaires est acquis depuis le lancement du projet. Il s’agit d’une indemnité, et non de la compensation financière d’un transfert de compétence. Cette indemnité est liée au traitement des demandes de titres présentées par les usagers extérieurs à la commune d’implantation.
La loi du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 a ainsi créé une dotation annuelle de fonctionnement, appelée « dotation pour les titres sécurisés », en faveur des communes équipées d’une ou plusieurs stations d’enregistrement des demandes de passeports. Son montant a été fixé à 5 000 euros par an et par station en fonctionnement dans la commune au 1er janvier de l’année 2009.
Pour 2013, le montant de cette indemnité annuelle forfaitaire a été fixé à 5 030 euros par station.
Les audits réalisés en 2010, à la fois par l’Inspection générale de l’administration et par la Cour des comptes, qui a été saisie par le Sénat, ont établi que les communes bénéficiaient collectivement d’une indemnité moyenne par demande supérieure aux coûts de traitement. Ainsi, en 2009, les communes équipées ont reçu, en moyenne, 25 euros pour les demandes des non-résidents, pour un coût brut de l’ordre de 16 euros par titre. Cependant, sur les 2 079 communes équipées, 69 avaient une charge supérieure à l’indemnisation.
Ce sujet a été abordé lors des réunions organisées avec l’Association des maires de France, dans le cadre de la préparation de la mise en place de la carte nationale d’identité électronique, à laquelle vous avez fait allusion. Tirant les conclusions de ces réunions de travail, le rapport de l’Inspection générale de l’administration de juin 2011 a envisagé différents nouveaux modes de calcul de la dotation pour les non-résidents.
Compte tenu de la décision du 22 mars 2012 du Conseil constitutionnel sur le projet de loi relatif à la protection de l’identité, le Gouvernement souhaite – j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur le sujet – qu’une étude soit menée afin de déterminer s’il y a lieu de reprendre le processus législatif. Il a donc missionné au mois de novembre dernier l’Inspection générale de l’administration, en lui demandant de rendre son rapport sous quatre mois.
En conséquence, dans l’attente de la reprise éventuelle d’un nouveau dispositif législatif relatif à la carte d’identité électronique, les modalités actuelles d’indemnisation des communes volontaires participant à la délivrance des passeports biométriques ne devraient pas être modifiées.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui me convient en partie. Nous allons attendre la fin de l’étude pour connaître le coût exact pour les communes.
J’aimerais évoquer le cas de ma commune de 4 200 habitants. Nous traitons 1 500 dossiers par an, notamment parce que des habitants d’autres communes, voire d’autres départements viennent nous voir. Nous avons mis en place une organisation efficace, uniquement sur rendez-vous. Toutefois, pendant que les agents municipaux répondent aux demandes des habitants d’autres départements, ils ne s’occupent pas des affaires de la commune…
Cela étant, indépendamment de l’aspect financier, il faut se féliciter de la réforme ; la population en est d’ailleurs très satisfaite. Autrefois, les délais d’attente pour obtenir un passeport pouvaient aller jusqu’à deux mois. Le nouveau système représente une réelle amélioration pour nos concitoyens.
La parole est à M. André Reichardt, auteur de la question n° 72, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Je suis au regret de devoir attirer une nouvelle fois l’attention du Gouvernement sur l’abandon du grand contournement ouest de Strasbourg.
Le grand contournement autoroutier à l’ouest de Strasbourg, projet de grande ampleur, vital pour le développement de la région Alsace, a été abandonné au lendemain des dernières élections, et ce sans concertation avec le conseil régional et les deux départements alsaciens, qui s’étaient largement impliqués dans ce dossier depuis des années.
Le gouvernement précédent avait donné son feu vert, le contrat de concession était sur le point d’être signé et les travaux devaient commencer prochainement quand le Gouvernement a brutalement décidé l’abandon du projet.
Cette décision est un coup dur pour l’accessibilité de la région tout entière et, plus encore, pour l’économie alsacienne. Aussi, de plus en plus d’organisations professionnelles, l’ensemble des compagnies consulaires et, à présent, la quasi-totalité des chefs d’entreprise qui utilisent cette infrastructure demandent la révision de la décision. Ils considèrent à juste titre que, dans une conjoncture économique détestable, cela représente un frein supplémentaire à la compétitivité, compte tenu du temps passé chaque jour, et plusieurs fois par jour, dans les bouchons !
Un tel abandon pose également un véritable problème de santé publique pour tous les riverains des autoroutes A4 et A35, qui ont à souffrir des pollutions atmosphériques. Je pense en particulier aux émissions de particules fines.
Pour tenir compte de la grogne de plus en plus importante des Alsaciens et, vous l’avez compris, des acteurs économiques de la région, M. le ministre des transports a fini par recevoir une délégation qui était composée, notamment, de représentants des milieux économiques alsaciens. Il leur a annoncé, semble-t-il, qu’une étude allait être lancée sur différentes options pour régler les problèmes rencontrés.
Monsieur le ministre, pouvez-vous m’indiquer de quelle étude il s’agit ? Quels en sont les objectifs ? Sous quel délai ses résultats pourront-ils être connus ?
Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue Frédéric Cuvillier, retenu au conseil des ministres européen sur la pêche.
Le Gouvernement n’a pas décidé d’abandonner le projet de réalisation du grand contournement ouest, le GCO, de Strasbourg. Simplement, au mois de mai dernier, il s’est vu contraint de retirer la qualité de concessionnaire pressenti au groupement conduit par Vinci Concessions, à la suite des difficultés rencontrées par celui-ci pour réunir le financement nécessaire à la réalisation de l’opération. Je parle sous le contrôle de M. le sénateur-maire de Strasbourg.
M. Roland Ries sourit.
En effet, en dépit de deux décisions de prolongation par rapport au délai fixé par le règlement de consultation, le groupement n’a été en mesure de fournir ni la documentation financière attendue ni les nouveaux éléments permettant de lui accorder une troisième prolongation. L’État a donc tiré les conséquences prévues en pareil cas par le règlement de consultation, c’est-à-dire la perte de sa qualité de concessionnaire pressenti.
Par ailleurs, il n’a pas paru possible de se tourner vers les autres offres, qui n’étaient pas acceptables, s’agissant tant des coûts que des conditions de partage des risques entre le concédant et le concessionnaire. Ainsi la procédure de dévolution du contrat de concession a-t-elle dû être clôturée.
Toutefois, et vous l’avez souligné – M. le maire de Strasbourg m’avait d’ailleurs signalé ce dossier dès mon entrée en fonction –, la congestion de l’agglomération de Strasbourg pose de réelles difficultés, aussi bien pour les acteurs économiques que pour les citoyens.
Si la nécessité de résoudre un tel problème fait consensus, force est en revanche de constater que la réponse qu’apporterait le GCO fait toujours débat. Compte tenu de l’importance de ces enjeux, il est nécessaire de disposer d’une analyse de la situation actuelle et des différentes solutions de transport envisageables pour éclairer pleinement les décisions à venir.
Dans ce cadre, M. le ministre chargé des transports a confié au Conseil général de l’environnement et du développement durable une mission qui devra, sur la base des différentes analyses menées tant par l’État que par les collectivités concernées, dresser un constat objectif des difficultés de déplacement et examiner les solutions envisagées.
Le délai de la mission est de quatre mois et elle sera conduite en associant à ses réflexions l’ensemble des acteurs locaux concernés, les acteurs économiques et bien évidemment les élus. D’ici là, il n’y a pas lieu de remettre en cause la DUP actuelle du grand contournement ouest de Strasbourg, dont la validité s’étend jusqu’en 2018.
Monsieur le sénateur, telle est la réponse que le ministre chargé des transports voulait vous apporter.
Monsieur le ministre, j’ai bien entendu votre réponse. Sans revenir sur les motifs, qui à tout le moins font débat, de cet abandon du grand contournement ouest, car je veux rester positif, je soulignerai néanmoins que le temps presse ; je le fais d’autant plus aisément que je m’exprime devant le sénateur-maire de Strasbourg.
Malgré les efforts soutenus des uns et des autres pour développer les transports collectifs, qu’il s’agisse du TER sur l’initiative de la région ou des transports en site propre à l’instigation du département du Bas-Rhin ou de la communauté urbaine de Strasbourg, la situation du trafic se dégrade de jour en jour.
L’image d’accessibilité difficile qui s’attache à Strasbourg a des conséquences directes sur l’attractivité de toute notre région. En qualité de président de l’agence de développement Alsace international, qui est chargée de prospecter les investisseurs étrangers pour les attirer dans notre région, je peux vous affirmer que l’Alsace, donc aussi la France, perd des points dans la compétition entre sites d’accueil pour cette seule raison.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la question n° 206, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.
Madame la ministre, je ne reviens pas sur la méthode et les raisons qui ont prévalu dans la décision de Nicolas Sarkozy de délocaliser une partie des agents de l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, à Metz.
Sur les 1 500 emplois publics qui avaient été promis aux élus mosellans, inquiets des conséquences des fermetures de casernes, l’INSEE devait contribuer à hauteur de 625 emplois.
Un centre statistique a donc ouvert à Metz le 1er septembre 2011. En septembre dernier, il comptait 130 agents, très majoritairement non-INSEE.
Ce centre loue actuellement des locaux sur le technopôle de Metz d’une capacité d’accueil de 180 agents. C’est une situation transitoire, puisque l’État a acquis, au début de 2011, pour 8 millions d’euros, le bâtiment de l’ancienne gare de Metz où ce centre est censé être pérennisé, après de lourds travaux de rénovation estimés à plus de 34 millions d’euros. Je dis « censé » car la finalisation de cette opération n’est pas tranchée. Pour preuve, à ma connaissance, aucun marché n’a encore été notifié. Et le ministre de l’économie et des finances, qui devait visiter le centre de Metz hier, a reporté sa visite pour la seconde fois.
Ce projet pose en effet de multiples problèmes, qui devraient plaider en faveur de son arrêt.
Le rapporteur spécial à l’Assemblée nationale, M. Alain Fauré, a même estimé, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2013, qu’il était « grand temps de stopper cette opération, qui s’apparente à de la gabegie, et d’en revenir à des pratiques plus saines ». Il chiffre le coût total du projet à plus de 70 millions d’euros.
Je veux pour ma part insister sur les conséquences qu’il aurait sur le fonctionnement même de l’INSEE, puisqu’il s’agit en fait de déplacer à Metz des emplois exercés principalement dans les autres établissements régionaux, ainsi que dans les centres nationaux et services informatiques existants.
Nous sommes confrontés à deux réalités. Pour les agents originaires de l’INSEE, le volontariat pour rejoindre Metz n’a pas fonctionné. Pour les autres agents, issus principalement de l’administration pénitentiaire et du ministère de la défense, si les recrutements locaux n’ont jusqu’ici pas posé de problème, le ministre, dans une réponse aux deux rapporteurs spéciaux du Sénat MM. Bourquin et Ferrand à l’occasion du projet de loi de finances pour 2013, a indiqué : « Une éventuelle augmentation de rythme s’avérerait délicate, puisque ce sont essentiellement des fonctionnaires déjà présents sur le bassin messin qui postulent pour rejoindre le centre statistique. »
Dans le même temps, les départs à la retraite vont crescendo et la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux s’applique toujours à l’INSEE. Comment, dans ces conditions, ne pas imaginer que l’institut sera fragilisé dans ses missions si ce projet est maintenu ?
Ma question est donc simple, madame la ministre : le Gouvernement compte-t-il aller au bout de ce déploiement ? Si oui, avec quels agents et en fermant quels centres ? Ou accepte-il ce que réclame l’intersyndicale des agents de l’INSEE, à savoir le gel du projet de Metz ?
Madame la sénatrice, vous avez souhaité interroger M. le ministre de l’économie et des finances sur le pôle statistique de l’INSEE à Metz.
La décision de créer un centre statistique à Metz a été prise par le gouvernement précédent en 2008 afin de compenser, en partie seulement d'ailleurs, les pertes d’emploi causées par la refonte de la carte militaire. Cette création s’inscrit dans le cadre d’une opération plus vaste, impliquant des établissements publics et différents ministères, pour un total de 1 500 emplois à transférer.
Le centre statistique de Metz, comme vous l’avez rappelé, a ouvert ses portes le 1er septembre 2011, dans des locaux loués sur le technopôle de Metz, le bâtiment TDF. En septembre 2012, son effectif était de 130 agents INSEE.
Trois entités, sur les six initialement envisagées, sont d’ores et déjà actives : la production de statistiques sociales et locales ; le centre de services en ressources humaines, le CSRH, qui assure « en double » la gestion administrative des personnels de l’INSEE, afin de tester le nouveau progiciel de gestion SIRHIUS ; enfin, le centre d’exploitation informatique, qui a repris certaines fonctions relatives à la gestion à distance des postes de travail et qui continue à étendre son champ d’activité.
Dans le courant de l’année 2013, le centre statistique de Metz atteindra la capacité de ses locaux actuels, soit 180 agents. Son développement fait l’objet de réflexions, qui doivent intégrer différentes dimensions ; vous me permettrez de vous les rappeler.
Tout d’abord, du point de vue immobilier, l’État a acquis, au début de l’année 2011, le bâtiment de l’ancienne direction régionale de la SNCF à Metz. Aucun marché n’a été notifié à ce jour. Une réflexion va être engagée pour optimiser le coût du projet. Le site pourrait être utilisé aussi pour accueillir d’autres services de l’État.
Par ailleurs, le rythme de croissance du site dépend de la relative difficulté à recruter des personnels. Le volontariat des agents de l’INSEE se révèle pour le moins modéré. Si les recrutements d’agents locaux ne posent pas problème, une augmentation de rythme pourrait se faire au détriment d’autres administrations présentes sur le bassin messin.
En outre, les élus locaux demandent le respect des engagements de l’État quant au nombre d’emplois transférés.
Enfin, les représentants des personnels de l’INSEE sont opposés au développement du centre de Metz.
Un bilan de la mise en œuvre des engagements des différents ministères a été réalisé récemment sous l’égide du cabinet du Premier ministre. Il a montré que le calendrier global des transferts d’emplois était jusqu’à présent respecté.
S’agissant du cas particulier de l’INSEE, le ministre de l’économie et des finances, Pierre Moscovici, envisage un déplacement à Metz au début de 2013.
En conclusion, madame la sénatrice, le ministre de l’économie et des finances confirme que le réseau des directions régionales de l’INSEE n’est pas menacé par le développement du site de Metz.
Madame la ministre, je vous remercie de ces précisions.
J’avais déjà dénoncé en 2008 les risques de désorganisation pour la statistique publique et le maintien des missions de l’INSEE de ces implantations locales et, bien sûr, les conséquences qui pouvaient en découler pour les collectivités territoriales. Mes craintes ne sont pas aujourd’hui apaisées. J’observe d’ailleurs que je ne suis pas la seule à m’être exprimée sur ce sujet, puisque d’autres élus ont déjà déposé des questions écrites et que la région Provence-Alpes-Côte d’Azur s’est fortement manifestée.
Vous avez rappelé que le centre de Metz comportait plusieurs unités. Il ne faut pas se cacher que l’objectif visé par la délocalisation est une recentralisation. J’en veux pour preuve que c’est aujourd’hui Metz qui traite les statistiques locales de l’appareil productif de quatre régions, à l’exception de la Lorraine elle-même puisqu’il existe pour l’instant une direction régionale à Nancy. Or, c’est un point sur lequel je voudrais insister, s’il est difficile pour les agents implantés localement de suivre l’activité économique de leur région, on imagine les difficultés qui s’ensuivraient si ce lien devait être totalement rompu.
Mon autre inquiétude, vous l’avez compris, porte sur le déploiement du centre d’exploitation informatique qui pourrait déclencher le regroupement de plusieurs services de production informatique déjà existants et la fermeture de certains d’entre eux, notamment Aix-en-Provence et Orléans.
Par ailleurs, je reste tout de même inquiète quant au coût global du projet si devait être activé le déplacement de 180 agents.
Madame la ministre, pour conclure, je souligne que les agents de l’INSEE ont besoin de sérénité et que celle-ci passe certainement par l’inactivation ou tout au moins le gel momentané de ce projet de Metz, qui suscite énormément d’inquiétudes, comme vous l’avez rappelé.
La parole est à M. Robert Tropeano, auteur de la question n° 211, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon interrogation porte sur le projet de suppression des recettes locales des douanes dans le département de l’Hérault.
En effet, trois centres seraient concernés : ceux de Gignac, d’Olonzac et de Saint-Chinian, et ce dès la prochaine campagne viticole. Les usagers de ces services, qui sont majoritairement des viticulteurs, devraient donc se rendre à Montpellier ou à Béziers pour bénéficier des conseils et des aides des agents des douanes, soit un parcours d’au moins 100 kilomètres aller et retour.
Alors que l’Hérault compte 343 communes, ces trois recettes locales en couvrent plus d’une centaine, soit près d’un tiers du département. C’est donc tout l’arrière-pays héraultais qui est touché.
Ce projet de suppression de trois recettes locales des douanes s’appuie sur la dématérialisation des déclarations récapitulatives mensuelles, les DRM, qui, jusqu’à présent, sont traitées par les fonctionnaires de ces recettes locales, dont les conseils éclairés apportent une grande satisfaction aux usagers.
Une fois encore, les territoires ruraux sont touchés par la fermeture des services publics, obligeant les usagers à se déplacer vers des centres toujours plus éloignés de leur domicile, sans bénéficier pour autant d’un meilleur service rendu – car c’est ce que nous pouvons légitimement craindre.
En effet, ces trois recettes locales de Gignac, d’Olonzac et de Saint-Chinian seraient regroupées au sein des centres de viticulture de Béziers et de Montpellier, déjà en sous-effectifs et qui devront assumer cette charge de travail supplémentaire. Comment, dans ces conditions, apporter un service public de qualité à tous les usagers ?
Après la fermeture des perceptions, des tribunaux, des subdivisions de l’équipement, c’est maintenant au tour des recettes locales des douanes. Quelle logique territoriale, dans un département dont l’activité viticole est très importante, pousse à contraindre les adhérents à se rendre à Montpellier ou à Béziers ? Les agences, telles qu’elles étaient situées au cœur des bassins viticoles, assuraient un véritable service public de proximité.
La réforme de l’État ne peut pas se limiter à une recentralisation des services publics. Elle doit répondre à un souci d’aménagement du territoire, comme l’ont souligné de très nombreux élus qui ont participé aux États généraux de la décentralisation.
D’ailleurs, le 22 novembre 2012, votre collègue ministre de l’égalité des territoires et du logement déclarait : « En effet, si l’égalité entre les grandes régions a plutôt augmenté, les inégalités au sein des territoires, elles, se sont accrues. Si 85 % de la population vit aujourd’hui en ville, l’espace rural représente 70 % du territoire français. Nous ne pouvons accepter de laisser perdurer cette fracture, et même de la voir croître. »
La question de l’accès au service public est absolument déterminante pour lutter contre le sentiment d’isolement, voire de relégation que peut ressentir une partie des habitants de notre pays dans les zones rurales.
Aussi, je souhaiterais, madame la ministre, que cette décision puisse être reconsidérée et que les recettes locales des douanes soient maintenues, notamment dans les communes précitées.
Monsieur le sénateur, vous avez souhaité interroger le ministre de l’économie et des finances sur le projet de suppression de trois recettes locales des douanes dans l’Hérault.
Nous sommes tous attachés au maintien du service public dans les territoires ruraux. Toutefois, nous sommes également tous attachés à ce que le service fiscal assuré par les douanes puisse s’adapter de manière pragmatique aux besoins des usagers et aux évolutions de son environnement.
La douane s’est engagée dans une démarche de modernisation et a mis en place des procédures dématérialisées permettant aux usagers d’accomplir leurs formalités à distance.
La téléprocédure EMCS-GAMMA dispense ainsi les entrepositaires de faire valider leurs titres de mouvement auprès d’une recette locale.
Cette évolution technique a été amplifiée par l’adoption de mesures de simplification administrative. La déclaration récapitulative mensuelle, ou DRM, à laquelle vous avez fait référence dans votre question, peut être adressée au service des douanes par courrier. L’annualisation des paiements participe de la même logique. Les viticulteurs n’ayant plus à se déplacer, la proximité ne constitue plus une contrainte.
Le projet de regroupement des recettes locales de Gignac, Olonzac et Saint-Chinian au sein des centres de viticulture de Béziers et de Montpellier s’inscrit dans ce contexte. Ces centres disposent de la taille suffisante et de moyens adaptés pour apporter, sur place ou à distance, un service de qualité à l’ensemble des opérateurs de la filière vitivinicole.
Sa mise en œuvre, qui est prévue pour le début de 2014, donnera lieu au préalable à une information des élus locaux et des syndicats professionnels pour expliquer la démarche engagée. De surcroît, un accompagnement spécifique des viticulteurs locaux sera organisé de manière à garantir la mise en place progressive du nouveau dispositif.
Le Gouvernement a deux exigences : préserver le service public dans les territoires ruraux et trouver un juste équilibre entre ce souci et la poursuite de la modernisation de nos services publics dans un contexte budgétaire que chacun sait contraint.
La réponse apportée par l’administration des douanes aux viticulteurs de l’Hérault satisfait à ces deux exigences.
J’ai participé ce matin à la première réunion du comité interministériel de modernisation de l’action publique depuis le séminaire sur ce thème organisé par le Premier ministre.
En tant que ministre du commerce extérieur, je suis amenée à connaître des questions relatives aux douanes et je sais que les chefs des petites et moyennes entreprises se plaignent souvent de la longueur des formalités, car celle-ci les handicape dans leur activité. Je suis convaincue et voudrais vous convaincre que la mise en place des télé-déclarations sera un élément utile de la modernisation de cette administration et améliorera l’efficacité de l’action publique.
Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Je suis tout à fait d’accord avec vous s’agissant de la nécessité de dématérialiser et de simplifier les tâches des agents des douanes.
Toutefois, j’ai rencontré voilà quelques semaines le directeur régional des douanes et celui-ci ne serait pas opposé au maintien de permanences dans chacune des trois communes concernées, afin de faciliter la vie des viticulteurs qui, contrairement à ce que vous semblez penser, seront sans doute nombreux à avoir des difficultés à accomplir leurs formalités par internet. J’espère donc que des permanences pourront être assurées dans chacune de ces trois communes.
La parole est à M. Jean-Claude Requier, en remplacement de M. Jacques Mézard, auteur de la question n° 210, adressée à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Madame la ministre, je me permets de remplacer mon collègue, dont l’avion est parti en retard d’Aurillac ce matin.
Dans le Cantal, l’enseignement supérieur est une question fondamentale, qui mobilise toutes les collectivités territoriales compétentes dans une volonté commune de maintenir et de développer les filières.
L’enseignement supérieur concerne environ 1 400 étudiants répartis en formations diversifiées de niveau bac+2 ou bac+3, notamment dans les secteurs de l’agroalimentaire, de la biologie, de la santé ou de la communication.
Ces enseignements visent à favoriser l’insertion professionnelle des jeunes par le ciblage de formations spécialisées et non généralistes. Ce choix permet aujourd’hui de former de nombreux jeunes du département, mais aussi, en majorité même, des jeunes issus de territoires voisins, voire de l’étranger. Il garantit en outre que les jeunes diplômés pourront s’installer et travailler sur ce même territoire.
Les deux départements de l’IUT accueillent une partie très importante des étudiants post-baccalauréat. Or, si le nombre d’étudiants de l’IUT d’Aurillac a diminué de 12 % entre 2010 et 2012, passant de 627 à 557, cela résulte non pas d’un défaut de candidatures, mais du manque des moyens d’encadrement alloués.
Sur ce point, il n’est pas acceptable que le Cantal soit, comme nombre de territoires situés hors des métropoles, une variable d’ajustement. Une large part du financement des établissements d’enseignement et des équipements qui y sont rattachés provient des collectivités territoriales, à commencer par la communauté d’agglomération du bassin d’Aurillac, présidée par Jacques Mézard, et par le conseil général, qui interviennent à la place de l’État dans des domaines de compétences facultatives.
Comme vous le savez, madame la ministre, le Président de la République a fait de la jeunesse une priorité pour notre pays. La tenue des Assises nationales de l’enseignement supérieur et de la recherche constitue d’ailleurs une étape importante dans la réalisation de cette ambition.
Je souhaiterais donc que vous nous indiquiez les dispositions qu’entend prendre le Gouvernement pour maintenir et développer les antennes universitaires hors des métropoles régionales et pour que les moyens indispensables à leur fonctionnement leur soient garantis.
Monsieur le sénateur, comme cela a été répété lors des Assises nationales de l’enseignement supérieur et de la recherche qui se sont tenues à la fin du mois dernier, et dans la ligne de la priorité accordée à la jeunesse que vous avez évoquée, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche est attentif à ce qu’une offre de formations d’enseignement supérieur de proximité et de qualité soit mise à la disposition de tous les jeunes, quelle que soit leur origine sociale ou géographique, et ce dans tous les territoires.
Participent à cet enseignement non seulement les antennes universitaires, mais également les sections de techniciens supérieurs et les classes préparatoires aux grandes écoles, qui sont proposées dans plus de 600 sites sur le territoire français.
Je suis tout à fait déterminée à maintenir une présence de l’enseignement supérieur dans les villes moyennes. J’ai d’ailleurs récemment reçu le président et une délégation de la Fédération des maires des villes moyennes que j’ai rassurés à ce sujet.
Ces établissements assurent un avenir à des jeunes qui souvent, sans cela, n’auraient pas poursuivi d’études supérieures. Ils offrent un accueil de qualité, ainsi que des conditions d’études, de logement et de vie souvent plus favorables et moins couteuses que dans les grandes métropoles. Ce sont donc des offres tout à fait complémentaires.
Les IUT participent pleinement à cette offre locale. Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche est convaincu de l’importance des IUT dans l’offre de formation post-baccalauréat, qui tient autant à la pédagogie qui y est mise en œuvre qu’à leur maillage territorial et aux liens qu’ils ont développés avec leur écosystème et en particulier avec l’entreprise, ce qui favorise l’insertion professionnelle des jeunes qui en sont issus.
La spécificité des IUT et leur bonne intégration au sein des universités, qui avaient été mises à mal par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, dite « loi LRU », et le passage à l’autonomie des universités, ont été réaffirmées. Nous veillons donc avec une grande attention à l’application des règles qui doivent présider à la bonne insertion des IUT dans l’université.
S’agissant de la situation spécifique d’Aurillac, l’IUT de Clermont-Ferrand dont dépend cette antenne et l’université de tutelle ont signé au début de 2012 un contrat d’objectifs et de moyens qui témoigne d’un projet de développement partagé.
L’offre de formations, conduisant tant à des DUT, des diplômes universitaires de technologie, qu’à des licences professionnelles, s’est enrichie régulièrement ces dernières années et les effectifs sont en croissance, puisque le nombre d’étudiants est passé de 2 200 à la rentrée de 2006 à plus de 2 800 sur l’année 2011-2012.
S’il est vrai que l’antenne IUT d’Aurillac a vu ses effectifs baisser récemment, cette diminution n’est pas liée à une baisse des crédits ou des taux d’encadrement.
Au contraire, les éléments d’évaluation dont dispose le ministère révèlent que le site d’Aurillac bénéficie d’un vrai soutien de son établissement de rattachement, Clermont-Ferrand, comme des collectivités locales, vous l’avez rappelé. Pour le taux d’encadrement, malgré la baisse des effectifs, deux postes de maîtres de conférences ont été affectés en 2010 et deux postes de professeurs d’université devraient l’être en 2013.
Pour enrayer la baisse de ses effectifs, le site universitaire d’Aurillac doit s’engager dans une phase de consolidation de l’offre de formation supérieure existante.
Cette consolidation passe par le renforcement de ses liens avec l’université de Clermont-Ferrand et avec les autres établissements d’enseignement supérieur de la région, puisque son recrutement est régional ; cela implique un travail en réseau, la mutualisation des moyens ainsi que la définition d’une offre de formation cohérente au niveau régional et local, en lien avec l’écosystème territorial.
C’est dans cet esprit de consolidation des offres de formation sur l’ensemble des territoires que le ministère proposera, dans le projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche qui sera présenté au Parlement en 2013, l’établissement de schémas régionaux d’enseignement supérieur et de recherche aboutissant à la signature de conventions, au service d’une offre diversifiée de formations sur l’ensemble des territoires et de l’élévation du niveau de qualification de nos jeunes pour une meilleure insertion professionnelle.
La parole est à Mme Laurence Cohen, auteur de la question n° 201, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Madame la ministre, né en 1945, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le dispositif des ALD, les affections de longue durée, a été mis en place afin de permettre une prise en charge à 100 % par la sécurité sociale des soins délivrés aux patients souffrant de l’une des « affections comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse ».
Cette conception fonde la particularité de notre système de santé et de sécurité sociale, où « chacun contribue selon ses moyens et reçoit en fonction de ses besoins », principe défendu par Ambroise Croizat.
Ce fondement est mis à mal, depuis plusieurs années, sous couvert d’objectifs conventionnels de maîtrise médicalisée des dépenses de santé. C’est ainsi notamment qu’a été créée, par arrêté du 23 décembre 1993, l’ordonnance dite « bizone », entrée en application en 1994.
Cette ordonnance bizone comporte deux zones distinctes : la partie haute est réservée aux soins en rapport avec l’ALD, pris en charge à 100 % ; la partie basse sert à la prescription des soins sans rapport avec l’ALD, remboursés aux taux habituels.
La mise en œuvre de ce nouveau protocole de soins a été accompagnée d’un renforcement de la vérification de la bonne distribution des prescriptions sur l’ordonnance bizone tant par les médecins que par les pharmaciens. On a ainsi assisté à des dérives, avec un véritable dessaisissement des prescripteurs.
Le 14 décembre 2006, dans un point d’information mensuel sur les « contrôles et lutte contre les abus et les fraudes à l’assurance maladie », la Caisse nationale de l’assurance maladie se félicitait de sa politique : « Lancés fin 2005, plusieurs chantiers ont dépassé leurs objectifs en termes financiers comme en termes de dissuasion et de changements de comportements.
« Contrôles sur l’ordonnancier bizone : les dépenses de soins indûment prises en charge à 100 %.
« Seuls les soins en rapport avec une affection de longue durée peuvent être pris en charge à 100 %. […]
« Ces actions ont produit un effet dissuasif et les résultats montrent déjà un premier impact sur les comportements. »
S’il souscrit à l’objectif de réduction du déficit de notre système de protection sociale, le groupe CRC propose des mesures qui ne reposent d’aucune manière sur la culpabilisation des médecins et des usagers, rendus les uns et les autres responsables du déficit, alors même que ce prétendu appel à la coresponsabilité entraîne un important renoncement aux soins.
En outre, cette façon d’utiliser les médecins pour restreindre l’accessibilité aux soins les place dans un rapport de dépendance vis-à-vis des directions de caisses, dont les pouvoirs sont devenus absolus, et dans un rapport de défiance de la part des personnes soignées, qui ne savent plus si les motivations du médecin sont de leur apporter les meilleurs soins ou de faire faire des économies aux caisses de sécurité sociales en observant leurs restrictions.
Depuis plusieurs années, les parlementaires communistes proposent tout au contraire, en suggérant, dans le cadre des projets de loi de financement de la sécurité sociale successifs, des recettes nouvelles en mesure de combler à hauteur de plusieurs milliards d’euros le déficit. La majorité de gauche aurait pu et peut encore faire siennes ces propositions.
En ce qui concerne les ordonnances bizones, de l’avis de nombreux professionnels de santé et de syndicats de médecins, cette disposition est un véritable casse-tête ou tout au moins un véritable cas de conscience, tant il est impossible d’établir scientifiquement certaines distinctions. L’arbitraire a donc toute sa place.
Le docteur Poupardin, médecin généraliste à Vitry-sur-Seine, est depuis plusieurs années le symbole, pour ne pas dire la victime, de ces ordonnances. Considérant qu’il est parfois impossible de décider ce qui relève directement de l’ALD ou ce qui lui est lié, qu’on ne peut pas compartimenter la maladie ou les symptômes, mais qu’il faut au contraire les prendre dans leur globalité, il a fait le choix de placer sur la partie haute de l’ordonnance tous les médicaments des patients qu’il suivait dans le cadre d’une ALD.
Pour ma part, je ne prendrai qu’un seul exemple : comment ne pas considérer que le diabète a des effets désastreux sur la santé bucco-dentaire d’un patient et que, par conséquent, les soins dentaires relèvent de cette ALD ? Malheureusement, le docteur Poupardin vient d’être condamné par la caisse primaire d’assurance maladie du Val-de-Marne.
La vraie question que ce praticien pose au travers de ce choix est l’accès aux soins pour toutes et tous, notamment pour les personnes aux revenus les plus modestes. En permettant à des patients d’être remboursés à 100 %, il estime leur avoir permis de se faire soigner.
Cette attitude conforme au serment d’Hippocrate interroge d’autant plus quand on connaît le pourcentage de renoncements aux soins, notamment du fait de difficultés financières.
Il y a deux poids et deux mesures ! On condamne à 4 000 euros d’amende ce médecin qui n’a fait qu’exercer en toute conscience son métier alors que quelques praticiens – une minorité – continuent de pratiquer des dépassements d’honoraires, le dernier accord avec le Gouvernement n’y ayant rien changé.
Madame la ministre, ma question est simple : comptez-vous supprimer les ordonnances bizones, soulageant, d’une part, les médecins de ce casse-tête administratif et offrant, d’autre part, aux malades d’ALD des conditions de remboursement leur permettant de se soigner correctement ?
Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Marisol Touraine, retenue par des obligations extérieures.
Vous évoquez un sujet qui nous concerne tous et sur lequel les élus de terrain que nous sommes ont souvent été alertés.
Les patients souffrant d’une pathologie réclamant un traitement prolongé et particulièrement coûteux bénéficient d’une prise en charge à 100 % pour les soins relatifs à cette pathologie, au titre des affections de longue durée, ou ALD.
Lorsque le patient souffre, comme vous l’avez souligné, d’une autre pathologie, les soins relatifs à cette dernière sont remboursés au taux habituel.
L’ordonnance bizone permet depuis près de vingt ans de distinguer, parmi les prescriptions, celles qui sont relatives au traitement de l’affection de longue durée de celles qui concernent les autres pathologies du patient.
Pour chacune des affections de longue durée, la Haute Autorité de santé, ou HAS, établit des référentiels scientifiques qui retracent les recommandations de prise en charge. La HAS précise notamment quels médicaments doivent être considérés comme liés au traitement de l’affection de longue durée, donc pris en charge à 100 %.
L’ensemble de ces traitements sont retracés dans le protocole de soins établi avec l’assurance maladie. Le médecin traitant peut également ajouter dans le protocole des actes ou prestations qui ne sont pas prévus par le référentiel, afin d’adapter la prise en charge aux besoins du patient. C’est sur cette base, vous l’avez rappelé, madame la sénatrice, que le médecin remplit l’ordonnance bizone.
Il faut par ailleurs rappeler que les patients aux revenus les plus modestes peuvent bénéficier de la CMU complémentaire, attribuée sous conditions de ressources, qui leur permet d’être remboursés à 100 % de l’ensemble de leurs soins.
La convention médicale, signée entre les médecins et l’assurance maladie, précisait des objectifs relatifs au bon respect de ces règles de prescription. L’assurance maladie a mené, dans ce cadre, une campagne d’information personnalisée auprès des praticiens, afin de leur permettre de mieux comprendre les règles d’utilisation de l’ordonnancier bizone.
Il est d’ailleurs légitime que le respect des règles de remboursement fasse l’objet de vérifications. Dans le cadre de ces contrôles, le médecin est entendu par le médecin conseil et peut faire valoir ses observations dans le respect de la procédure contradictoire.
En cas d’infraction avérée, la pénalité prononcée – après avis d’une commission paritaire composée pour moitié de médecins – peut faire l’objet d’un recours devant le juge.
La très grande majorité des médecins respectant les règles de prescription, les contrôles ne concernent qu’un nombre très limité d’entre eux : en 2011, quelque 112 médecins ont été contrôlés, pour 61 mises en garde et 9 pénalités prononcées. En regard du nombre de médecins et de prescriptions réalisées, les sanctions sont donc très minoritaires.
Dans ces conditions, je ne peux qu’inviter le professionnel que vous avez évoqué et dont vous connaissez le sens de la déontologie et la pratique à faire appel de cette décision afin de bénéficier d’un second examen de ses prescriptions. Encore une fois, le nombre infime de sanctions prononcées semble accréditer la pertinence de l’ensemble du dispositif.
Madame la ministre, tout d'abord, je vous remercie d’avoir répondu à ma question au nom de Mme la ministre de la santé.
J’appelle toute votre attention sur le problème que j’ai soulevé et qui va à l’encontre d’une prise en charge globale du patient, lequel se retrouve en quelque sorte morcelé par symptômes. On en vient à perdre de vue combien les pathologies sont liées entre elles. S’il existe des protocoles répertoriant les conséquences des plus lourdes d’entre elles, il faut également prendre en compte les incidences psychologiques de ces affections, qui en entraînent d’autres à leur tour. En effet, ces dernières, qui ne relèvent pas directement de la pathologie initiale, en découlent tout de même.
Par ailleurs, j’ai étudié les publications de la Haute Autorité de santé et je pense qu’il est extrêmement difficile de se prévaloir de sources scientifiques : la médecine n’est pas obligatoirement une science exacte, car elle a affaire à des êtres humains.
De plus, s’il y a effectivement très peu de médecins qui se voient infliger des pénalités, c’est non pas parce qu’ils respectent dans leur très grande majorité les ordonnances bizones, mais plutôt parce qu’ils préfèrent s’arranger avec les caisses. Le docteur Poupardin, lui, a voulu mener ce combat qu’il estime conforme à sa déontologie et à son éthique de médecin. Son comité de soutien est extrêmement important et regroupe des personnes de sensibilités politiques diverses.
Je voudrais également attirer votre attention, madame la ministre, sur ce qui s’apparente à un certain acharnement à son encontre, puisque, tout récemment, avant même que je ne pose ma question orale, le directeur de la caisse primaire d’assurance maladie du Val-de-Marne, M. Filiberti, l’a menacé de saisie s’il ne réglait pas ses pénalités. Il faut que les plus hautes autorités apportent un peu d’apaisement, car ce médecin, reconnu et apprécié dans sa ville de Vitry et dans l’ensemble du Val-de-Marne, n’a fait qu’exercer son métier.
La parole est à Mme Claudine Lepage, auteur de la question n° 192, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage.
Ma question porte sur le devenir de l’Association pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, notamment sur les actions de cet organisme à destination de nos compatriotes résidant à l’étranger.
Après la gestion désastreuse de l’ancien gouvernement, l’AFPA a connu une grave crise, aussi bien économique que morale. Elle a aussi été une victime collatérale du basculement des compétences de formation vers les conseils régionaux. Au début du mois de juillet dernier, l’AFPA accusait ainsi pour 2012 un déficit de 12 millions d’euros ; selon le journal Le Monde, il pourrait atteindre aujourd’hui près de 75 millions d’euros.
Le Premier ministre déclarait, lors de la grande conférence sociale au Conseil économique, social et environnemental, que « l’État met tout en œuvre pour assurer l’avenir de l’AFPA ». De fait, le Gouvernement a débloqué, dès la fin du mois de juillet dernier, la somme de 80 millions d’euros. Cette somme, évidemment bienvenue, ne permet malheureusement que d’éponger les dettes sociales de l’association.
La situation financière de l’AFPA reste assurément très précaire : l’association estimait dernièrement ses besoins en fonds propres à 200 millions d’euros. Or la crise économique que nous subissons depuis plusieurs années rend d’autant plus indispensable l’existence d’un organisme tel que l’AFPA, qui, je le rappelle, a contribué à former en 2011 quelque 170 000 stagiaires et 70 000 salariés.
À l’heure où les plans sociaux se multiplient un peu partout sur le territoire, la capacité de l’AFPA à requalifier les salariés est primordiale. Aujourd’hui, alors que la France compte environ 9 millions de pauvres, cette association, qui agit au service des plus défavorisés, doit être sauvée.
L’AFPA constitue également une aide précieuse pour nos compatriotes résidant à l’étranger. En partenariat avec le ministère des affaires étrangères, elle permet aux personnes âgées de plus de 17 ans, demandeuses d’emplois et immatriculées au consulat général de France, de suivre des formations qualifiantes. Ces dernières sont fondamentales, car il va sans dire que la crise économique n’épargne pas nos compatriotes résidant hors de nos frontières.
Certains Français de l’étranger, victimes du chômage et de la précarisation du marché de l’emploi, sont plongés dans des situations de grand désespoir. Au cours de ces dernières années, nombre d’entre eux ont eu plus difficilement accès aux comités consulaires pour l’emploi et la formation professionnelle, en raison tout simplement de leur fermeture ou de leur transformation en services de type associatif, parfois moins performants. Certains Français de l’étranger, souhaitant se réinsérer, se tournent donc vers l’AFPA et se portent candidats pour suivre une formation, soit dans la perspective d’un retour en France, soit, forts de nouvelles compétences, pour retrouver un travail dans leur pays d’accueil.
Au vu des conditions économiques que connaît actuellement l’association, je m’interroge. Monsieur le ministre, quelle politique l’AFPA compte-t-elle mettre en place pour pouvoir continuer à aider les Français résidant hors de France à se réinsérer et à retrouver le chemin de l’emploi ?
Madame la sénatrice, comme vous l’avez souligné, j’ai effectivement trouvé l’AFPA dans une situation financière catastrophique lors de ma prise de fonction. Il s’agissait d’une structure au bord du dépôt de bilan. Le Gouvernement s’est alors pleinement mobilisé pour sauver ce formidable outil de formation, sur lequel l’État s’est tant appuyé par le passé.
Le Gouvernement accompagne aujourd’hui le plan global et dynamique proposé par son nouveau président, M. Yves Barou, conformément aux engagements pris par le Premier ministre lors de la conclusion de la grande conférence sociale de juillet dernier. À partir de cette date, le Gouvernement a fait ce qu’il fallait pour assurer à l’association la trésorerie nécessaire. Je puis le confirmer devant vous aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs : la pérennité de l’AFPA sera assurée.
Pour en revenir au cœur de votre question, la formation des Français résidant à l’étranger fait l’objet d’une disposition législative explicite, inscrite dans le code de l’éducation. L’article L. 241-12-2 de ce dernier précise ainsi que « les actions menées à l’égard des Français établis hors de France en matière de formation professionnelle et d’apprentissage relèvent de la compétence de l’État ».
En moyenne, une cinquantaine de Français de l’étranger bénéficient chaque année d’un parcours de formation dans le cadre d’un marché « Formation des publics spécifiques ». En 2011, quarante-six parcours de formation ont été financés pour un coût annuel de 900 000 euros au titre des actions pédagogiques, et de 200 000 euros au titre de la rémunération des stagiaires eux-mêmes. Ce marché a été reconduit le 14 novembre dernier, pour une durée d’un an, renouvelable deux fois. Il représentera, pour les Français résidant à l’étranger, une enveloppe financière annuelle de 974 000 euros, auxquels s’ajouteront 200 000 euros pour la rémunération des stagiaires, dont le nombre oscillera chaque année entre quarante et soixante-dix.
Les ressortissants français à l’étranger appelés à être formés dans ce cadre sont généralement en situation de précarité, voire de grande pauvreté, et ne disposent pas de la qualification suffisante ou appropriée leur permettant de s’insérer localement ou en France. Le dispositif mis en place par le ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social vise à permettre aux stagiaires de conduire à leur terme les parcours de formation définis dans le cadre d’un projet d’insertion professionnelle.
À cet effet, et dans une logique de sécurisation, ce dispositif prévoit la mobilisation de prestations indispensables aux spécificités des Français résidant à l’étranger : des prestations de suivi personnalisé, d’hébergement, de restauration et d’accompagnement psychopédagogique viennent compléter les prestations de formation professionnelle pré-qualifiantes et certifiantes.
Par ailleurs, nous cherchons, dans le cadre de la future loi de décentralisation, le moyen d’intégrer ces publics dans le droit commun des actions des conseils régionaux. Cela permettra d’élargir les possibilités de formation. D’ici là, l’AFPA pourra continuer à mener ses missions, notamment parce que le Gouvernement souhaite sauver cet outil indispensable au secteur de la formation professionnelle en France.
Monsieur le ministre, je vous remercie de ces propos tout à fait rassurants, tant sur la pérennité de l’AFPA, qui semble acquise, que sur l’aide que cette association continuera d’apporter aux Français de l’étranger.
La parole est à M. Jean-Pierre Chauveau, auteur de la question n° 124, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Monsieur le ministre, l’ensemble des acteurs de la filière équine, mais aussi tous les élus concernés par ce secteur d’activité, sont extrêmement inquiets depuis la décision de la Cour de justice de l’Union européenne en date du 8 mars 2012.
Après les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Autriche, la France, elle aussi, a été condamnée à un relèvement du taux de TVA applicable à la filière équine. L’impact de cette décision sera très fort et laisse présager des conséquences importantes.
Comme vous le savez, c’est l’ensemble du monde équestre qui sera durement affecté, alors même qu’il est indissociable de l’agriculture.
Pourtant, les activités équestres sont par essence liées à l’élevage. Elles contribuent à préserver la diversité biologique. Elles participent également à l’aménagement équilibré du territoire et renforcent la diversification de l’économie rurale. Cette filière agricole est, je le rappelle, forte de plus de 70 000 emplois.
Le 29 mai 2011, le Sénat a adopté une résolution européenne pour appeler au maintien du taux réduit de TVA par l’application du principe de subsidiarité. Malheureusement, la Cour de justice de l'Union européenne en a décidé autrement.
Monsieur le ministre, Ambroise Dupont, en tant que président de la section cheval du groupe d’études de l’élevage du Sénat, qui rassemble des parlementaires de toutes les tendances politiques, vous a écrit le 21 juin dernier afin d’appeler votre attention sur ce grave problème et connaître les intentions du Gouvernement.
Aujourd’hui, nous en sommes à l’étape suivante, celle qui consiste à mettre en œuvre des dispositifs de substitution. Il est en effet indispensable de garantir des mesures de compensation ciblées, notamment en direction de ceux qui sont les plus durement touchés au sein de la filière.
Selon les représentants de la filière, trois pistes méritent d’être consolidées.
Tout d’abord, pour les éleveurs, il faudrait reconnaître le caractère agricole des ventes des équidés d’élevage. C’est partiellement fait.
Ensuite, pour les agriculteurs diversifiés, il conviendrait d’affirmer la spécificité des entreprises agricoles, qui pourraient être considérées comme des très petites entreprises, des TPE.
Enfin pourrait être envisagé le classement en « établissement sportif » des centres et fermes équestres pour que ces établissements bénéficient d’un taux réduit de TVA.
Ces éléments permettraient notamment d’accroître la visibilité économique de la filière pour les prochaines années.
Le ministre chargé du budget a récemment précisé qu’une « disposition spécifique a été introduite dans le code général des impôts depuis le 1er janvier 2012, par transposition de la faculté ouverte par la directive communautaire TVA de 2006, de façon à continuer d’appliquer le taux réduit de la TVA à des prestations correspondant au droit d’utilisation des animaux à des fins d’activités physiques et sportives ». Il assure qu’« il n’est pas envisagé de supprimer cette disposition qui permet d’appliquer le taux réduit notamment aux activités des centres équestres ».
Dans ce contexte, je souhaite que la filière « course » puisse obtenir de fortes garanties et bénéficier d’un plan global, car les menaces qui pèsent sur son avenir restent réelles, directes et immédiates.
Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur la filière équestre et sur la TVA réduite. À ce titre, vous avez rappelé les arrêts qui ont été rendus par la Cour de justice de l'Union européenne concernant d’autres pays européens. Les mêmes conclusions s’appliquent aujourd'hui à notre pays.
Comme vous l’avez souligné, un débat a déjà eu lieu sur ce sujet au mois de mars et au mois de mai dernier.
La France s’est mise en conformité avec les décisions européennes sur la question des courses. Cependant, comme la Cour de justice de l'Union européenne n’a pas donné d’avis sur tous les aspects afférents aux centres équestres, notre pays plaide en faveur de l’application d’un taux de TVA réduit sur les activités sportives. La discussion avec la Commission européenne et la Cour de justice de l'Union européenne est en cours.
Comme vous, monsieur le sénateur, j’ai parfaitement conscience que les centres équestres sont indissociables de l’activité agricole et constituent un enjeu dans le monde rural, en termes à la fois d’aménagement du territoire et de vitalité. En outre, par l’activité sportive qu’ils permettent, ils forment aussi un espace dans lequel un certain nombre de jeunes peuvent trouver les moyens de s’épanouir.
Vous savez qu’il y a déjà un manquement et que nous pouvons être condamnés pour manquement sur manquement. C’est pourquoi, dans cette affaire, nous faisons valoir le lien entre centres équestres et activités sportives pour justifier le maintien d’une TVA à taux réduit. Nos juristes sont pleinement impliqués, et nous irons jusqu’au bout.
Sur la filière équestre, de façon plus globale, vous avez évoqué les enjeux et les compensations possibles : j’ai engagé un travail et un dialogue avec l’ensemble des partenaires concernés.
Moi aussi, je pense qu’il faut, sur la base des pistes que vous avez évoquées, trouver les moyens de réorganiser cette filière et de lui permettre de retrouver un équilibre. Il s’agit en effet d’un secteur important non seulement en termes de patrimoine, grâce aux races qui sont préservées dans les centres à activités équines, mais aussi par la place importante que les centres équestres occupent dans le monde rural.
Monsieur le sénateur, le département de la Sarthe – il nous est cher à tous deux ! –, le nord de l’Orne et bien d’autres départements sont directement concernés par ces questions.
Soyez assuré que, face à cette pression très forte de l’Union européenne, le Gouvernement tout entier, par l’intermédiaire du ministre de l’agriculture, résiste et fait valoir ses arguments, lesquels sont aussi les vôtres.
Monsieur le ministre, je vous remercie des éclaircissements que vous venez d’apporter.
La filière équine tient une place très importante dans notre territoire : en nombre de licenciés, la fédération française d’équitation est la troisième fédération française derrière celles qui sont chargées du football et du tennis.
En termes d’aménagement du territoire, un travail important reste à faire. Si des solutions pouvaient être trouvées pour que, dans certains domaines en tout cas, un taux réduit de TVA continue de s’appliquer, cela conforterait cette filière et apporterait un plus à nos communes.
La parole est à M. Roland Ries, auteur de la question n° 202, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur le contexte de distorsions de concurrence dont souffrent actuellement les producteurs de fruits et légumes français, plus particulièrement les producteurs frontaliers, vis-à-vis de nos voisins européens.
La production de fruits et légumes représente dans notre pays un potentiel de 200 000 emplois qui s’adressent en particulier à des personnels peu qualifiés ou en difficultés d’insertion et à des jeunes dans le cadre d’emplois saisonniers.
Cette production connaît, depuis plusieurs années, un recul continu des surfaces exploitées, donc des volumes produits. Au cours des quinze dernières années en effet, les surfaces cultivées en légumes, à l’exception des légumes secs, ont diminué de 30 % dans notre pays. Ce mouvement est particulièrement marqué pour certains produits comme les asperges, les fraises ou encore les carottes.
Ces produits qui composent notre quotidien alimentaire sont donc aujourd’hui largement importés. Dès lors, la question de notre indépendance alimentaire se trouve posée.
Ce recul des surfaces exploitées s’explique en grande partie par les distorsions de concurrence qui existent à l’échelon européen entre la France et ses voisins directs, l’Espagne et l’Allemagne, deux pays dans lesquels les salaires pratiqués sont souvent bien moindres. En effet, tandis qu’en France le coût horaire du travail est estimé à 12 euros, il est, par exemple, de 6 euros en Allemagne, où n’existe pas, pour l’heure, de salaire minimum.
Ces différentiels de coût de la main-d’œuvre constituent pour le secteur français des fruits et légumes un handicap lourd, qui menace la pérennité de nombreuses exploitations. En effet, comme vous le savez, monsieur le ministre, il s’agit d’un secteur dans lequel le poids de la main-d’œuvre, rapporté au coût de production total, est important, du fait des techniques de récolte souvent peu mécanisables.
Ce problème de distorsion de concurrence en matière de coût du travail, mais aussi de législation sociale, par exemple en ce qui concerne la durée de travail, se pose avec d’autant plus d’acuité pour les exploitants agricoles situés dans les régions frontalières. C’est le cas dans ma région, l’Alsace, où nos exploitants partagent le même marché que leurs concurrents allemands et sont donc touchés de plein fouet par cette concurrence faussée.
Face à cette situation, les précédents gouvernements s’étaient engagés dans des mesures d’allègement de charges. Je pense notamment à l’élargissement successif du dispositif dit « TO-DE », c'est-à-dire « travailleurs occasionnels et demandeurs d’emplois », dont l’objectif est la réduction des charges sur les salaires de ces catégories de personnel.
La solution véritablement efficace, monsieur le ministre, vous la connaissez : c’est une Europe plus intégrée, une Europe de l’agriculture renforcée et coordonnée, une Europe de l’agriculture pensée comme un espace de coopération plus qu’un espace de concurrence, une Europe de l’agriculture qui encourage une « solidarité de production », pour reprendre une expression de Robert Schuman. Cette Europe-là constitue pour les agriculteurs de nos territoires une attente forte. Elle est une attente, mais elle est aussi une urgence.
Monsieur le ministre, depuis les fameux discours de Jean Jaurès au monde paysan, les socialistes ont toujours su prendre la mesure des problèmes posés au monde agricole. C’est pourquoi je souhaite savoir quelles initiatives européennes le Gouvernement entend engager rapidement dans le domaine agricole, afin de parvenir à une plus grande harmonisation de nos systèmes fiscaux et sociaux.
Monsieur le sénateur, vous avez soulevé une vaste question, qui touche à des sujets importants, tels que l’harmonisation sociale et fiscale en Europe. En effet, une telle évolution fait débat, puisque les États restent pour l’instant souverains en matière sociale et fiscale.
S'agissant des fruits et légumes, vous avez souligné que les écarts de coût du travail étaient l’un des éléments expliquant la diminution des quantités produites en France, au point de nous mettre aujourd'hui en difficulté. C'est pourquoi le Gouvernement a pris deux décisions.
La première concerne les fameux travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi, TO-DE, que vous avez évoqués. En dépit du contexte budgétaire, qu’il n’est pas nécessaire de rappeler, j’ai prévu une ligne budgétaire de 506 millions d'euros, soit l’équivalent du montant inscrit dans la loi de finances pour 2012. Il se trouve que, durant cette année 2012, les dépenses ont largement dépassé ce montant, atteignant environ 600 millions d'euros. Ma priorité a été de préserver le dispositif TO-DE, en maintenant ses crédits à leur niveau de 2012.
La seconde décision relève du pacte de compétitivité-emploi. Le crédit d’impôt s’appliquera – ce point est très important – aux entreprises agricoles, en particulier à celles dont l’activité est très intensive en emplois. C’est le cas de la filière fruits et légumes. Je vous rappelle que le crédit d’impôt permettra de diminuer la masse salariale de 4 % dès 2013 et de 6 % au bout du compte. C’est un élément qui va dans le sens de l’amélioration de notre compétitivité.
Au-delà de ces deux dispositifs, qui additionnent leurs effets, il faut évoquer, comme vous l’avez fait, le débat européen. Le premier élément à prendre en compte – vous le savez mieux que moi –, c’est que, dans le grand pays voisin de l’Alsace, des débats sont en cours dans la perspective des élections. L’un d’entre eux porte sur le salaire minimum.
En effet, actuellement, ce sont des conventions collectives qui fixent le salaire minimum en Allemagne, et il n’en existe pas vraiment, pour des raisons historiques, dans le domaine agricole et agroalimentaire. Cependant, pour écouter de temps en temps ce qui se passe chez nos amis allemands, je sais qu’il y a aujourd'hui un débat sur cette question. Il appartiendra aux Allemands de décider, mais je pense que des évolutions sont possibles sur ce sujet.
Le second élément important, c’est la directive européenne sur le détachement de travailleurs, qui permet à des salariés d’être embauchés pour une période courte. Cette directive est extrêmement déstabilisatrice aujourd'hui. J’en suis parfaitement conscient, et la France soutient la refonte de ce texte, afin que son application ne permette plus les dérives actuelles, avec l’utilisation d’une main-d’œuvre étrangère bon marché dans certains pays. Il faut remettre un peu d’ordre dans le marché unique européen, en particulier dans les secteurs que vous avez évoqués.
Enfin, il faut mentionner le débat sur l’harmonisation sociale et fiscale. Il faut le dire, on ne parle même plus d’harmonisation aujourd'hui : les dix dernières années ont au contraire été marquées par une divergence sociale et fiscale entre les États membres. Il faut mettre un terme à ce mouvement de divergence, afin de reprendre nos efforts d’harmonisation. Ce qui me frappe, c’est la divergence sociale et fiscale à l’échelle européenne. Malgré la crise actuelle, qui pose des problèmes dans de nombreux pays – en Espagne, en particulier –, nous devons plaider en faveur de la convergence en matière sociale.
Je le répète, le Gouvernement a pris ses responsabilités, en maintenant le montant affecté aux TO-DE et en créant le crédit d’impôt compétitivité-emploi. Une refonte de la directive européenne sur le détachement de travailleurs est en préparation ; nous veillerons à ce que l’application de cette directive soit plus strictement contrôlée. Un débat sur le salaire minimum est en cours, en particulier en Allemagne, mais il est politique. Enfin, la grande question de la convergence des politiques sociales et fiscales est au cœur du débat européen. Je pense que, sur ce point, nous devons avancer avec une idée simple : dès lors qu’il existe un marché unique, au sein duquel les marchandises et les hommes peuvent se déplacer en toute liberté, nous devons trouver les voies et moyens de mieux harmoniser nos conditions sociales et fiscales.
Monsieur le ministre, je vous remercie de m’avoir apporté ces réponses extrêmement précises, qui me rassurent quant à votre conscience des difficultés que rencontrent nos régions frontalières.
Je voudrais apporter un complément. Il peut paraître étonnant qu’un élu d’une grande ville s’exprime au nom des agriculteurs, mais ce sont eux qui m’ont saisi. En outre, je ne suis pas sénateur de la ville de Strasbourg, mais du département du Bas-Rhin, qui comprend des zones rurales.
Cependant, j’ai une autre raison d’aborder ce sujet. J’essaie actuellement de promouvoir à Strasbourg, donc en milieu urbain, le recours aux circuits courts d’approvisionnement, en développant les cultures maraîchères qui existaient jadis en périphérie de l’agglomération, avant de disparaître sous l’effet de l’extension urbaine. C’est un travail que je mène avec la chambre d’agriculture.
L’opposition traditionnelle entre ville et campagne doit être dépassée. Nous avons d'ailleurs d’excellentes relations : nous présentons la ferme une fois par an, place Kléber, et nous organisons d’autres manifestations.
Je pense qu’il est important de développer ces circuits courts, parce que nos concitoyens se préoccupent de plus en plus de ce qu’ils ingurgitent. Ils préfèrent consommer des produits locaux plutôt que des fruits et légumes importés du bout du monde, ou en tout cas de pays dans lesquels les contrôles sont moins rigoureux que sur notre territoire.
C’est l’une des raisons qui me poussent à développer les initiatives d’approvisionnement local, qui doivent venir des agriculteurs, mais aussi être accueillies favorablement dans les villes. Par exemple, nous avons acheté des terrains à proximité de l’agglomération pour développer les cultures maraîchères et ainsi retrouver, au moins partiellement, les logiques qui existaient jadis mais qui se sont perdues.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quinze.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à quatorze heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.