Monsieur le ministre, les voies navigables à grand gabarit sont aujourd’hui l’outil le moins cher en fonctionnement et en investissement, le plus écologique – un moteur de 600 chevaux peut pousser un convoi de 4 000 tonnes –, le plus durable, car en grande partie inusable – l’eau ne s’use pas et seules les écluses sont à entretenir.
À l’heure de la maritimisation de l’économie mondiale, la voie d’eau est seule à être en phase avec cette évolution et la mieux placée pour la redistribution sur nos territoires du fret maritime, qui ne fait qu’augmenter.
La liaison Rhin-Rhône par la Franche-Comté, qui était programmée et totalement financée par la « rente du Rhône », a été définitivement anéantie par le gouvernement Jospin en 1997.
Dès lors, les élus rhône-alpins, bourguignons, lorrains et champenois se sont penchés sur un autre tracé par le plateau de Langres et la Moselle, laquelle se révèle aujourd’hui l’axe fluvial français transportant le tonnage de fret le plus élevé. Ainsi est née l’association Seine-Moselle-Saône, qui, réunissant toutes les régions fréquentées, a assuré avec l’État et les régions le financement des préétudes de ce tracé.
Aujourd’hui, les études ont confirmé très largement cette hypothèse et l’État lui-même a considéré ce tracé comme possible après la réalisation Seine-Nord-Escaut en cours.
La loi Grenelle 1 de juillet 2009 a confirmé ce tracé en y ajoutant, à la demande légitime de quelques élus alsaciens, la possibilité de desserte des ports rhénans français de Strasbourg et de Mulhouse. L’État a décidé, avec l’accord bien sûr de la Commission nationale du débat public, que le débat public sur cette nouvelle liaison aurait lieu dans le courant de l’année 2013.
Dans cette perspective, Voies navigables de France a récemment déposé un dossier de débat public qui ne me semble pas parfaitement conforme au Grenelle 1 de l’environnement, précisant : « Les études nécessaires à la réalisation d’une liaison fluviale à grand gabarit entre les bassins de la Saône et de la Moselle seront poursuivies et un débat public sera organisé d’ici 2012 – cette date a été reportée à 2013. Ce débat envisagera également l’intérêt d’une connexion fluviale entre la Saône et le Rhin, qui fera l’objet d’études complémentaires préalables ».
Ce document présente une seule liaison totale Saône-Moselle/Saône-Rhin et programme, à partir de Saint-Jean-de-Losne, en Côte-d’Or, au sud de la Bourgogne, un ouvrage à deux branches. L’une, verticale, vers la Moselle, correspond bien à l’engagement primordial. L’autre décrit une large courbe vers l’est pour rejoindre Mulhouse et le Rhin.
Une telle interprétation augmente bien sûr singulièrement le coût de l’investissement et risque d’en amoindrir très significativement la rentabilité, donc d’en détourner les investisseurs.
Un tracé strictement mosellan sur lequel on grefferait un barreau entre Port-sur-Saône et Mulhouse paraîtrait beaucoup plus réaliste. Il permettrait, entre autres, la desserte du seul pôle économique du centre-est français, à savoir le triangle Mulhouse-Bâle-Montbéliard.
Je tiens à faire remarquer que le sud de la Franche-Comté traversé par la liaison vers Mulhouse prévue par Voies navigables de France est une région à risques écologiques certains et, qui plus est, sans aucune activité économique lourde susceptible d’être cliente de la voie d’eau, ce secteur étant depuis toujours celui de la mécanique de précision et de l’horlogerie.
Ma question est double, monsieur le ministre.
Que pense faire l’actuel gouvernement du projet Seine-Nord Europe prévu en partenariat public-privé, sachant que le dialogue compétitif entre les deux entreprises retenues devrait se terminer prochainement ?
Cet équipement étant lancé, quel tracé retiendra-t-on pour la liaison Saône-Rhin, afin que, pendant l’achèvement de la liaison Seine-Nord Europe, les études définitives de travaux soient réalisées pour permettre le lancement de ce nouveau projet, indispensable à l’achèvement d’un réseau français à grand gabarit total ?
Avec les deux investissements précités, ce réseau pourrait être complété définitivement par une liaison Seine-Moselle, le tout devant permettre un développement économique tout à fait performant pour le Nord et le Nord-est français, encore aujourd’hui très lourdement pénalisés par l’abandon des activités minières et métallurgiques.