Intervention de Michelle Demessine

Réunion du 18 décembre 2012 à 9h30
Questions orales — Conséquences de la prescription quinquennale pour les victimes de l'amiante ayant subi un préjudice d'anxiété

Photo de Michelle DemessineMichelle Demessine :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis des années, les victimes de l’amiante et leurs familles, soutenues par leurs associations et les syndicats, mènent un combat exemplaire face au drame de santé publique qui les touche et qui coûte la vie à plus de dix personnes par jour dans notre pays.

Dans ce combat, qui revêt une dimension sociale aussi bien que juridique, elles ont obtenu, par un arrêt de la Cour de cassation en date du 11 mai 2010, le droit à une indemnisation financière, devant être versée par leurs anciens employeurs, au titre de la reconnaissance d’un préjudice d’anxiété.

Le préjudice d’anxiété recouvre ainsi la « situation d’inquiétude permanente » éprouvée par toutes les personnes qui ont travaillé au contact de l’amiante, sans que la maladie se soit encore déclarée, dans les entreprises figurant sur une liste fixée par arrêté, leur donnant droit au bénéfice de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, l’ACAATA.

Pour les salariés, le préjudice d’anxiété se manifeste par la crainte d’avoir dans les poumons des fibres d’amiante dormantes, qui peuvent causer des maladies graves. Ces salariés vivent avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête.

Or, si rien n’est fait très prochainement, le rideau va se rabattre sur la reconnaissance de la réparation du préjudice d’anxiété : sous l’effet de la loi du 17 juin 2008 instaurant une prescription de principe de cinq ans en matière civile, la porte de nos tribunaux va se fermer, le 17 juin prochain, pour tous les salariés de l’amiante qui ont quitté leur entreprise depuis plus de cinq ans, soit la quasi-totalité d’entre eux.

Ainsi les industriels de l’amiante vont-ils une fois de plus passer entre les mailles du filet judiciaire, alors que leur procès pénal se fait attendre depuis seize ans.

Pourtant, selon le rapport annuel de 2011 de la Cour de cassation, la reconnaissance de ce préjudice et son indemnisation, accordée par les juridictions prud’homales et financée par les employeurs fautifs, vont dans le sens d’une amélioration de la prévention et de la sécurité au travail, ce dont l’ensemble des acteurs sociaux et professionnels, ainsi que l’État, devraient se féliciter. Cela peut permettre de faire de réelles économies à notre protection sociale, grâce à la raréfaction des pathologies professionnelles.

Maintenir la prescription pour l’anxiété reviendrait à remettre une nouvelle fois en cause, par la loi, des décisions des cours d’appel, de la chambre sociale de la Cour de cassation, ainsi que l’analyse de l’étude publiée dans ce même rapport, pourtant si importante pour la prévention et la réparation des préjudices subis par les personnes concernées.

C’est pourquoi il me semble nécessaire de modifier la loi du 17 juin 2008, en lui ajoutant une dérogation pour tout ce qui concerne les questions d’anxiété au travail ou découlant du travail de la contamination par l’amiante en particulier.

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