Intervention de Vincent Peillon

Réunion du 18 décembre 2012 à 9h30
Questions orales — Conséquences de la prescription quinquennale pour les victimes de l'amiante ayant subi un préjudice d'anxiété

Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale :

Madame la sénatrice, vous me permettrez de vous répondre au nom de ma collègue Christiane Taubira, retenue à l’Assemblée nationale pour un débat.

Mme la garde des sceaux est particulièrement sensible à la nécessité d’apporter une réponse efficace aux demandes légitimes des victimes du drame de l’amiante, non seulement celles qui ont développé des pathologies, mais aussi celles qui vivent aujourd’hui dans la crainte permanente d’être atteintes d’une maladie liée à l’amiante encore non déclarée.

Le préjudice d’anxiété dont elles peuvent de ce fait souffrir est, vous le savez, réparable depuis les arrêts du 11 mai 2010 de la chambre sociale de la Cour de cassation.

Vous vous inquiétez du sort des victimes au regard des règles de prescription applicables depuis la réforme intervenue en cette matière en 2008, et vous souhaitez qu’une dérogation en faveur de celles-ci soit introduite. Après examen, il ne semble pas nécessaire de s’engager dans cette voie, et ce pour plusieurs raisons.

Premièrement, il convient de le rappeler, lorsque le préjudice d’anxiété est la conséquence d’une pathologie déclarée, le délai de prescription de l’action en réparation de ce préjudice est non pas de cinq ans, mais de dix ans, en application de l’article 2226 du code civil, issu de la réforme du droit de la prescription introduite en 2008.

Le point de départ de ce délai étant la date de la consolidation du dommage, en pratique, l’action de la victime pourra, dans bien des cas, être engagée plus de dix ans après l’apparition de la pathologie.

Deuxièmement, il est vrai, en revanche, que lorsque ce préjudice d’anxiété n’est pas la conséquence d’une pathologie déclarée, la prescription décennale applicable aux demandes d’indemnisation des dommages corporels ne peut pas jouer. L’action en réparation de ce préjudice est alors soumise à la prescription quinquennale de droit commun, introduite par la loi du 17 juin 2008.

Lorsque l’ancienne prescription de droit commun de trente ans n’est pas acquise, ce nouveau délai de prescription de cinq ans court à compter de l’entrée en vigueur de la loi.

Troisièmement, on ne peut toutefois considérer que l’ensemble des actions en réparation de ce préjudice d’anxiété seront prescrites à compter du 17 juin 2013, sans préjuger des décisions qui pourraient être rendues à l’avenir.

En effet, selon l’article 2224 du code civil, les actions ne se prescrivent qu’« à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Le juge a un large pouvoir pour apprécier le point de départ du délai de prescription et, en l’espèce, pour déterminer le jour où le titulaire d’un droit était à même d’agir.

Ainsi, le juge devra apprécier, au cas par cas, en fonction des éléments produits aux débats et de la situation individuelle de chacune des victimes, la date à retenir pour faire courir ce délai de prescription, en envisageant également les faits qui seraient susceptibles d’interrompre ou de suspendre la prescription, ou d’en reporter le point de départ.

C'est la raison pour laquelle il n’apparaît pas nécessaire de prévoir une règle dérogatoire au bénéfice des victimes de l’amiante ayant subi un préjudice d’anxiété. Il paraît en revanche essentiel de veiller à l’information des personnes concernées, pour qu’elles soient en mesure de faire pleinement valoir leurs droits dans les meilleurs délais. C’est ce à quoi le Gouvernement s’attachera.

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