Intervention de Stéphane Le Foll

Réunion du 18 décembre 2012 à 9h30
Questions orales — Conséquences des distorsions de concurrence au niveau européen pour les producteurs français de fruits et légumes

Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt :

Monsieur le sénateur, vous avez soulevé une vaste question, qui touche à des sujets importants, tels que l’harmonisation sociale et fiscale en Europe. En effet, une telle évolution fait débat, puisque les États restent pour l’instant souverains en matière sociale et fiscale.

S'agissant des fruits et légumes, vous avez souligné que les écarts de coût du travail étaient l’un des éléments expliquant la diminution des quantités produites en France, au point de nous mettre aujourd'hui en difficulté. C'est pourquoi le Gouvernement a pris deux décisions.

La première concerne les fameux travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi, TO-DE, que vous avez évoqués. En dépit du contexte budgétaire, qu’il n’est pas nécessaire de rappeler, j’ai prévu une ligne budgétaire de 506 millions d'euros, soit l’équivalent du montant inscrit dans la loi de finances pour 2012. Il se trouve que, durant cette année 2012, les dépenses ont largement dépassé ce montant, atteignant environ 600 millions d'euros. Ma priorité a été de préserver le dispositif TO-DE, en maintenant ses crédits à leur niveau de 2012.

La seconde décision relève du pacte de compétitivité-emploi. Le crédit d’impôt s’appliquera – ce point est très important – aux entreprises agricoles, en particulier à celles dont l’activité est très intensive en emplois. C’est le cas de la filière fruits et légumes. Je vous rappelle que le crédit d’impôt permettra de diminuer la masse salariale de 4 % dès 2013 et de 6 % au bout du compte. C’est un élément qui va dans le sens de l’amélioration de notre compétitivité.

Au-delà de ces deux dispositifs, qui additionnent leurs effets, il faut évoquer, comme vous l’avez fait, le débat européen. Le premier élément à prendre en compte – vous le savez mieux que moi –, c’est que, dans le grand pays voisin de l’Alsace, des débats sont en cours dans la perspective des élections. L’un d’entre eux porte sur le salaire minimum.

En effet, actuellement, ce sont des conventions collectives qui fixent le salaire minimum en Allemagne, et il n’en existe pas vraiment, pour des raisons historiques, dans le domaine agricole et agroalimentaire. Cependant, pour écouter de temps en temps ce qui se passe chez nos amis allemands, je sais qu’il y a aujourd'hui un débat sur cette question. Il appartiendra aux Allemands de décider, mais je pense que des évolutions sont possibles sur ce sujet.

Le second élément important, c’est la directive européenne sur le détachement de travailleurs, qui permet à des salariés d’être embauchés pour une période courte. Cette directive est extrêmement déstabilisatrice aujourd'hui. J’en suis parfaitement conscient, et la France soutient la refonte de ce texte, afin que son application ne permette plus les dérives actuelles, avec l’utilisation d’une main-d’œuvre étrangère bon marché dans certains pays. Il faut remettre un peu d’ordre dans le marché unique européen, en particulier dans les secteurs que vous avez évoqués.

Enfin, il faut mentionner le débat sur l’harmonisation sociale et fiscale. Il faut le dire, on ne parle même plus d’harmonisation aujourd'hui : les dix dernières années ont au contraire été marquées par une divergence sociale et fiscale entre les États membres. Il faut mettre un terme à ce mouvement de divergence, afin de reprendre nos efforts d’harmonisation. Ce qui me frappe, c’est la divergence sociale et fiscale à l’échelle européenne. Malgré la crise actuelle, qui pose des problèmes dans de nombreux pays – en Espagne, en particulier –, nous devons plaider en faveur de la convergence en matière sociale.

Je le répète, le Gouvernement a pris ses responsabilités, en maintenant le montant affecté aux TO-DE et en créant le crédit d’impôt compétitivité-emploi. Une refonte de la directive européenne sur le détachement de travailleurs est en préparation ; nous veillerons à ce que l’application de cette directive soit plus strictement contrôlée. Un débat sur le salaire minimum est en cours, en particulier en Allemagne, mais il est politique. Enfin, la grande question de la convergence des politiques sociales et fiscales est au cœur du débat européen. Je pense que, sur ce point, nous devons avancer avec une idée simple : dès lors qu’il existe un marché unique, au sein duquel les marchandises et les hommes peuvent se déplacer en toute liberté, nous devons trouver les voies et moyens de mieux harmoniser nos conditions sociales et fiscales.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion