Madame la ministre, hier soir, au cours de la discussion générale, vous avez salué la qualité du travail parlementaire.
En septembre dernier, j’avais défendu un amendement dont le bon sens avait été reconnu puisqu’il avait été adopté à l’unanimité par notre assemblée, puis repris à l’Assemblée nationale.
Il se trouve que vous avez profité des mésaventures constitutionnelles de ce projet de loi pour faire disparaître la disposition en question. Cela ne me paraît pas très respectueux du travail que nous accomplissons ici, alors même que, vous l’avez dit à plusieurs reprises, vous aurez besoin de la mobilisation de tous, sur le terrain, singulièrement des maires, pour faire pleinement aboutir votre projet.
De quoi s’agit-il ici ? Un bailleur social a la possibilité de vendre un nombre tout à fait significatif de logements sociaux après avoir recueilli l’avis du préfet, à charge pour celui-ci de simplement consulter au préalable le maire concerné.
Ce n’est pas une hypothèse d’école, vous le savez, madame le ministre. J’avais ainsi rappelé, lors du premier examen de ce texte, que la société Icade avait procédé à la vente de pas moins de 35 000 logements sociaux au nez et à la barbe des maires des communes sur lesquelles ces logements étaient implantés.
Pourquoi ces décisions de vente sont-elles prises ? Pour des raisons purement capitalistiques : le but de ces organismes sociaux est de se procurer des liquidités !
Nous sommes ici un certain nombre de maires à avoir protesté, avec des collègues du groupe communiste et du groupe socialiste, lorsque pareille mésaventure s’est produite dans nos départements.
En effet, pour nous autres maires, c’est la double peine !
Première sanction : puisque le maire n’a pas à donner d’avis conforme sur ces ventes, il n’a aucun moyen de mettre en avant auprès de l’organisme bailleur la situation des locataires, leur solvabilité. Il ne peut négocier ni le prix proposé, ni le calendrier d’achat, ni les mesures d’accompagnement social, alors même que, bien souvent, c’est lui qui va devoir les mettre en œuvre, le niveau de revenus de certains locataires ne leur permettant pas d’acheter leur logement. Ce sont les locataires modestes qui sont touchés !
Seconde sanction : la vente de ces logements a pour conséquence immédiate d’entraîner leur déconventionnement, et donc de faire sortir le nombre de logements vendus de celui qui est comptabilisé dans le contingent de 20 % prévu par la loi SRU.
Mon amendement a simplement pour objectif de renforcer le rôle des maires. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il avait, en septembre dernier, recueilli l’adhésion unanime de cette assemblée ; des orateurs de chaque groupe étaient même intervenus pour le qualifier d’amendement de bon sens.
S’il était adopté, les maires pourraient donner un avis conforme, et non de pure convenance. Ils deviendraient ainsi de véritables acteurs, non de simples spectateurs de ces ventes en bloc, organisées, je le rappelle, pour des raisons strictement capitalistiques.
J’aimerais savoir, madame le ministre, pourquoi vous avez subrepticement modifié ce texte, pourtant voté à l’unanimité par notre assemblée et non remis en cause à l’Assemblée nationale, en remplaçant l’avis conforme du maire par celui, non du préfet, comme c’est le cas aujourd’hui, mais du ministre !
Lorsque pareille mésaventure vous arrivera, monsieur le maire de Tours, mes chers collègues du Val-de-Marne, quels arguments soutiendrez-vous à Paris, face au ministre, pour contester l’opportunité de telles ventes et dénoncer leurs conséquences sociales pour les petits locataires qui habitent dans les immeubles concernés ?
Votre texte renforce les sanctions contre les villes qui se soustrairaient à l’obligation d’avoir ou de construire des logements sociaux. Soit ! Pour autant, est-il raisonnable de ne pas leur donner, à tout le moins, les moyens de négocier les modalités de ces ventes en bloc ?
Est-il raisonnable de parler d’une nouvelle étape de la décentralisation, celle que nos collègues de la majorité prétendent franchir prochainement, quand, loin de renforcer le pouvoir des maires, vous privez les préfets du leur pour le confier à un ministre ?