Intervention de François Fillon

Réunion du 22 décembre 2004 à 10h15
Maîtres des établissements d'enseignement privés sous contrat — Adoption définitive d'une proposition de loi

François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche :

Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, si l'enseignement privé a autrefois enflammé les passions, c'est à un débat serein qu'appelle la discussion devant votre Haute Assemblée de la proposition de loi de M. Yves Censi.

Votée le 8 décembre par l'Assemblée nationale, en première lecture, cette proposition porte sur la situation des maîtres des établissements d'enseignement privés sous contrat.

Le Sénat, je le sais, est très attentif à cette question. J'en veux pour preuve la proposition de loi déposée par M. Hubert Haenel et un certain de nombre de ses collègues ici présents en faveur de cette réforme.

Je connais aussi l'intérêt particulier que porte la commission des affaires culturelles à ce sujet. En témoigne, dans le projet de loi de finances pour 2005, le rapport de M. Philippe Richert relatif à l'enseignement scolaire. Il se félicitait que « le Gouvernement envisage enfin une piste de réforme, retenant le principe de la création d'un régime additionnel de retraite, inspiré de celui mis en place pour la fonction publique ».

Conscient de vos attentes, le Gouvernement a choisi d'inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour prioritaire de l'Assemblée nationale. Elle arrive aujourd'hui en discussion devant le Sénat.

Je remercie chaleureusement Mme le rapporteur de la qualité de son rapport. Je souhaite également adresser mes remerciements au président de la commission des affaires culturelles, M. Jacques Valade, et saluer son attachement sincère à la liberté de l'enseignement qui nous a permis d'avoir ensemble un dialogue passionnant et passionné, mais toujours constructif ! Je rends hommage, enfin, à votre commission pour la qualité de ses travaux, qui ont éclairé parfaitement les enjeux de la loi et les avancées qu'elle représente.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui est soumis aujourd'hui à votre Haute Assemblée est un texte juste et équilibré.

D'une part, il répond à une question : « Quelle est la nature du statut des maîtres de l'enseignement privé sous contrat ? » ; d'autre part, il prévoit une solution destinée à remédier à une inégalité sociale : celle des retraites.

« Quelle est la nature du statut des maîtres de l'enseignement privé sous contrat ? » C'est à Michel Debré que l'on doit le dispositif qui régit aujourd'hui les relations entre les établissements d'enseignement privés et l'Etat. En défendant la loi du 31 décembre 1959 ? il y a tout juste quarante-cinq ans ? son objectif était d'affermir la liberté d'enseignement sur le principe de l'association au service public.

Les maîtres exercent une mission de service public, mais au sein des établissements privés liés à I'Etat par contrat et dont le caractère propre est garanti.

La proposition de loi affirme, ce qui n'avait jamais été le cas jusqu'alors, que l'enseignement est délivré « dans le cadre de l'organisation arrêtée par le chef d'établissement ». Une telle disposition conforte le rôle des chefs d'établissement dans le respect du caractère propre des établissements. Elle est, et demeure, l'une des caractéristiques de l'enseignement privé dans notre pays.

C'est en effet l'Etat qui recrute les maîtres contractuels pour qu'ils dispensent les programmes de l'enseignement public. L'accord de la direction de l'établissement pour leur prise de fonctions au sein de l'établissement, au même titre que l'autorité qu'exerce le chef d'établissement à leur égard, n'en fait pas, pour les activités qui sont l'objet même du contrat passé avec l'Etat, des salariés de l'établissement.

La proposition de loi rétablit donc fort justement chacun dans ses obligations. Ainsi, l'Etat doit assumer seul le coût salarial et les charges qui en découlent.

Un point est important à mes yeux : les droits sociaux doivent être respectés dans le fonctionnement des établissements. Tel est l'objet de l'alinéa 2 de l'article 1er qui garantit l'exercice du droit syndical, la participation à la commission d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ainsi qu'au comité d'entreprise.

S'agissant de l'exercice des droits syndicaux, les règles de droit public ont vocation à s'appliquer aux décharges dont bénéficient les délégués élus. Les maîtres ne perçoivent pas de rémunération pour leurs heures de délégation du fait de l'existence du système de décharge accordé par l'Etat et géré globalement par les syndicats. Les établissements privés n'auront donc plus à rémunérer les heures de délégation des enseignants, mais les élus devront pouvoir disposer du temps nécessaire à l'accomplissement de leurs fonctions.

Je me permets de souligner que si l'on écartait les maîtres des comités d'entreprise, cela reviendrait purement et simplement à supprimer ces instances de dialogue social, ce qui à l'évidence est inacceptable pour les organisations syndicales et pour le Gouvernement, qui est attaché à la concertation.

Demain comme aujourd'hui, les comités d'entreprise bénéficieront de moyens spécifiques à leur fonctionnement. L'Etat y contribue par le forfait d'externat.

Le maintien des comités d'entreprise n'implique pas, contrairement à ce que certains peuvent craindre, une augmentation de la contribution des établissements au financement de leurs activités sociales et culturelles. Cette contribution, encadrée par les articles L. 432-9 et R. 432-11 du code du travail s'applique déjà.

Enfin, et pour en terminer avec cette première question liée au statut des maîtres, je ne méconnais pas les craintes qui se font jour ici et là au sujet de leur affiliation au régime de prévoyance.

La prééminence du lien de droit public qui les unit à l'Etat ne remet pas en cause leur affiliation aux régimes ARRCO et AGIRC ainsi qu'au régime de prévoyance. Il n'appartient pas à l'Etat de s'immiscer dans un dispositif qui, par définition, relève exclusivement de la discussion entre les partenaires sociaux. Le Gouvernement sera vigilant et accompagnera le règlement de cette question. Je rappelle qu'il pourra, conformément aux dispositions de l'article L. 911.1 du code de la sécurité sociale, procéder à l'extension de l'accord trouvé au sein de l'enseignement privé pour en sécuriser définitivement et sur un plan national la mise en oeuvre sur l'ensemble du territoire et pour tous les établissements.

La seconde avancée inscrite dans la proposition de loi est plus simple, mais elle est aussi très attendue, par les maîtres en particulier. Elle répond à un souci d'équité qui, je le sais, est largement partagé.

Ces maîtres liés à l'Etat par un contrat passent des concours de recrutement calqués sur ceux de leurs collègues de l'enseignement public. Ils bénéficient des mêmes mesures sociales et des mêmes déroulements de carrière. A travail identique, traitement identique. Mais là s'arrête la synonymie puisque, au moment de leur retraite, les enseignants du privé ont une pension inférieure à celle de leurs collègues du public.

La proposition de loi permet la création d'un régime additionnel de retraite, qui vise à compenser progressivement ce différentiel de pension. Il s'appliquera aux enseignants exerçant dans des établissements d'enseignement privés sous contrat avec l'Etat, au titre tant du ministère de l'éducation nationale que du ministère de l'agriculture.

Les réunions de travail organisées sur le contenu de cette proposition de loi entre les organisations syndicales et mon ministère ont d'ailleurs donné lieu à un relevé de conclusions, signé le 21 octobre 2004. Celui-ci retient les orientations de la proposition de loi soumise ce matin à votre discussion et a été signé par l'ensemble des organisations syndicales représentatives. Je me félicite de ce dialogue social constructif et réussi, qui répond à des attentes très anciennes.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement se félicite de la clarification statutaire qu'apporte ce texte et de la création de ce régime de retraite, qui répond aux préoccupations des maîtres de l'enseignement privé.

Je m'engage à en assurer la mise en oeuvre dans les délais impartis. Ainsi, le travail réglementaire permettant l'application au 1er septembre 2005 sera immédiatement entrepris dès la promulgation de la loi, afin que les mesures en faveur des maîtres et la sécurisation du fonctionnement des établissements soient assurées.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je disais à l'instant que ce texte était juste et équilibré. Pour cette raison, j'y apporte, au nom du Gouvernement, un soutien sans réserve.

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