Intervention de Rémi Galin

Délégation sénatoriale à l'Outre-mer — Réunion du 14 novembre 2012 : 1ère réunion
La zone économique exclusive des outre-mer : quels enjeux ?- Audition de M. Rémi Galin chef du bureau des ressources minérales et de Mme Odile Gauthier directrice de l'eau et de la biodiversité ministère de l'écologie du développement durable et de l'énergie

Rémi Galin, chef du bureau des ressources minérales :

Mon bureau est engagé dans la problématique de l'approvisionnement en ressources minérales pour l'ensemble de l'industrie française, qu'il s'agisse de la construction, de l'industrie métallurgique et de la transformation des métaux. Dans ce cadre, nous sommes l'un des acteurs prépondérants du Comité pour les métaux stratégiques (COMES), qui a un groupe de travail spécifiquement dédié à la ressource. La ressource marine est un potentiel fort pour les années à venir et fait partie de nos préoccupations. L'IFREMER nous rend compte à cet égard de ses travaux. Certains d'entre eux, en cours d'achèvement, nous fournissent les informations techniques dont nous disposons. L'étude de l'IFREMER sur l'état des connaissances et des propositions pour une stratégie française pour les dix ans à venir est en cours d'examen par le groupe de travail du COMES. Nous y travaillons collectivement avec les différents ministères concernés. L'IFREMER constitue donc notre référentiel en termes de connaissances techniques. Je les ai exploitées pour vous permettre d'appréhender les perspectives réelles et les contraintes d'exploitation de ces ressources.

Il existe trois principaux types de ressources minérales non énergétiques présentes au fond des mers, sur lesquels nous avons focalisé, à des échelles différentes, nos travaux ces dernières décennies : les sulfures hydrothermaux, les encroûtements cobaltifères, les nodules polymétalliques. Un autre classement concernant les zones marines outre-mer définit quatre domaines principaux : les marches continentales, les îles et les îles volcaniques actives ou récentes, les anciens volcans et les atolls immergés, et enfin les plaines abyssales.

Les ressources les plus immédiatement disponibles sont les sulfures hydrothermaux, dans des zones favorables à la formation des sulfures polymétalliques. On les trouve à Wallis-et-Futuna, autour de la Nouvelle-Calédonie, aux îles Saint-Paul et Amsterdam, dans l'archipel des Crozet, à Kerguelen, Mayotte, aux Antilles et en Polynésie française. Ces amas sulfurés ont en général des teneurs en métaux sensiblement supérieures à celles des mines exploitées à terre, notamment en cuivre et en zinc. On trouve aussi des métaux plus rares, plus stratégiques, pour nos industries métallurgiques : l'indium, le germanium, le cadmium, l'antimoine, le sélénium, le bismuth ; et les fameuses terres rares, qui sont utilisées dans la composition des infrastructures de nos énergies renouvelables.

Le second type de ressources minérales présentes dans les volcans anciens et atolls immergés, tels que l'archipel des Tuamotu, les Kerguelen, Mayotte, les îles Éparses, sont les encroûtements cobaltifères. Il s'agit de l'oxyde de fer et du manganèse, c'est-à-dire des métaux un peu moins intéressants sur le plan économique aujourd'hui. Les concentrations les plus élevées sont en Polynésie. Elles y sont plus fortes que celles des minerais extraits à terre. On pense que ces encroûtements cobaltifères pourraient être une ressource d'avenir pour le cobalt, aujourd'hui présent au Congo, une zone géopolitique soumise à de fortes tensions. On trouve aussi, dans les volcans anciens et atolls immergés, des terres rares et du platine, qui augmentent considérablement la valeur du minerai.

Troisième type de ressources minérales, les nodules, présents dans les plaines abyssales : Polynésie française, Clipperton, où les travaux sont engagés depuis bien plus longtemps. On a beaucoup compté sur les nodules polymétalliques dans les années 1970, avant de prendre conscience de la complexité de leur éventuelle mise en exploitation. Une des difficultés majeures est d'identifier la localisation des nodules les plus intéressants, c'est-à-dire à forte teneur en métal. On a trouvé des substances intéressantes dans certains nodules, mais pour d'autres, la teneur en métal est trop faible pour envisager une exploitation. Ils peuvent contenir du cuivre ou des éléments plus rares tels que tellure, zirconium, thallium.

Les marches continentales intéressent plutôt la Guyane, et éventuellement Saint-Pierre-et-Miquelon. Nos connaissances y sont beaucoup plus lacunaires. Le Brésil a cependant exploré ses zones ; il est possible que les eaux guyanaises recèlent le même type de ressources, c'est-à-dire sous forme de sédiment (sable) et non pas d'encroûtements ni de nodules. En termes d'exploitation, ces ressources pourraient s'apparenter aux granulats marins. On trouve dans ces sables des concentrations assez fortes en scandium, vanadium, titane, zirconium. Mais nous n'avons aujourd'hui aucun élément d'information pour la Guyane. Nous nous contentons de nous appuyer sur les travaux de l'IFREMER et sur ceux réalisés par le Brésil. L'évaluation de ces ressources reste à engager.

Enfin, les révélations très médiatisées des chercheurs japonais selon lesquelles les fonds des mers recèleraient des terres rares en énorme quantité dans les sédiments de Polynésie française sont à prendre avec circonspection. Les concentrations annoncées sont assez faibles, comparées à celles exploitées à terre notamment en Australie. On peut s'attendre à ce qu'il existe des zones plus riches, mais comment et où les trouver ? Il faut d'abord mettre en place des modèles de création de gisements qui permettent de localiser et d'expliquer la localisation de la ressource. C'est le travail de géologie, qui appartient au BRGM et à l'IFREMER. Ensuite viennent les phases de prélèvement des échantillons, de mise en valeur de la ressource, et de persuasion des investisseurs. C'est une problématique d'inventaire que le ministre du redressement productif, M. Arnaud Montebourg, a évoquée ces dernières semaines. Il a mis l'accent sur la nécessité du renouvellement de l'inventaire métropolitain, mais le raisonnement pour le offshore s'applique a fortiori, car il est encore moins connu.

En conclusion de ce panorama très rapide, on connaît assez bien les amas sulfurés, pour lesquels des projets miniers commencent à se présenter, comme à Wallis-et-Futuna. Ce sont les plus intéressants en teneur en métaux. Ils présentent potentiellement les possibilités d'exploitation plus matures, même si on n'en est pas encore à cette phase, en tout cas en zone française. Pour les autres, la connaissance est encore à affiner et à construire.

Les travaux récents de la France dans ce domaine ont largement été organisés dans le cadre du Comité interministériel de la mer (CIMER). L'IFREMER en est le porteur principal ; c'est un opérateur majeur au niveau mondial aujourd'hui.

Je vais à présent vous présenter l'état des campagnes. La plus ancienne campagne internationale a porté sur les nodules polymétalliques, à Clipperton, où la France détient un permis jusqu'en 2017, qui porte sur l'aspect ressources mais aussi sur l'aspect environnemental. En Atlantique Nord, la France vient d'obtenir, au cours de l'été 2012, par l'intermédiaire de l'IFREMER, un permis déposé en avril auprès de l'Autorité Internationale des Fonds Marins (AIFM). La France s'est engagée sur un programme de travail portant sur 14 millions d'euros sur quinze ans, qui ne sont, à ce jour, pas financés du tout. C'est un sujet qui est en discussion avec les responsables politiques. Cette grosse somme est à répartir sur les quinze ans. Les années pendant lesquelles les campagnes seront menées seront les plus onéreuses : il faut compter 3 à 4 millions d'euros par année de campagne maritime.

La seule procédure de dépôt du dossier pour la demande de permis a coûté 500 000 dollars, financés à 50 % par le ministère chargé de la mer et à 50 % par la direction générale de la compétitivité de l'industrie (DGCIS) du ministère du redressement productif. Ces 500 000 dollars représentent uniquement le coût du « ticket d'entrée ».

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