Intervention de Odile Gauthier

Délégation sénatoriale à l'Outre-mer — Réunion du 14 novembre 2012 : 1ère réunion
La zone économique exclusive des outre-mer : quels enjeux ?- Audition de M. Rémi Galin chef du bureau des ressources minérales et de Mme Odile Gauthier directrice de l'eau et de la biodiversité ministère de l'écologie du développement durable et de l'énergie

Odile Gauthier, directrice de l'eau et de la biodiversité au ministère de l'Écologie, du développement durable et de l'énergie :

Bref, on aura besoin de ces ressources, mais à quelle échéance ? Ce n'est pas évident. On peut se tromper. La deuxième question s'agissant des enjeux économiques, concerne les deux niveaux d'analyse : pour les territoires eux-mêmes, quelles retombées économiques et financières ? Cette question est liée à la fiscalité des ressources ; et surtout, quelle capacité des territoires à développer des filières en aval pour produire de la valeur ajoutée et de l'emploi ?

En termes d'intérêt national, nous avons des territoires qui ont de fortes potentialités justifiant que l'IFREMER et Technip puissent poursuivre leur avancée technologique s'ils considèrent qu'ils ont des perspectives. Mais l'intérêt national ne se confond pas nécessairement avec l'intérêt économique des territoires. On a vu qu'AREVA s'était retiré du projet minier de Wallis-et-Futuna, et qu'ERAMET poursuivait sa propre stratégie. On doit avoir à l'esprit ces deux aspects, les intérêts n'étant pas toujours convergents en termes de calendrier notamment. En outre, des analyses au niveau des territoires sur les filières aval à construire n'existent pas encore.

Face à des pays comme la Chine ou le Brésil dans le domaine des métaux stratégiques, la France ne peut pas être une concurrente à elle seule. Il faut un angle d'attaque européen, qui se traduise par un vrai travail de la Commission européenne, pas seulement pour peser sur les prix chinois quand la Chine décide de diminuer drastiquement ses exportations de terres rares, mais aussi pour associer des filières technologiques françaises à d'autres Européens, y compris la grande Europe, pour peser face à l'Asie et à l'Amérique du Sud. Là où ERAMET n'irait pas sur un marché, une entreprise allemande pourrait y entrer. L'IFREMER est très sollicité par des Européens et même des Russes. Une stratégie d'utilisation des ressources est développée au niveau européen, mais il faut aller plus loin.

S'agissant des enjeux environnementaux, la connaissance des grands fonds est encore très limitée. Nous avions insisté pour que, dans le cadre des travaux d'exploration menés à Wallis-et-Futuna, il y ait en même temps l'analyse de la richesse en termes de connaissance sur la biodiversité de ces grands fonds, et l'analyse en termes de capacités d'exploitation des métaux. C'est très important, car des moyens énormes sont mobilisés pour les campagnes. Il faut à la fois se préoccuper des enjeux de connaissance des minerais et des enjeux de connaissance de la biodiversité. Sinon, on court le risque de se tromper, ou de donner prise à la critique. L'AIFM (Autorité internationale des fonds marins) insiste d'ailleurs sur la nécessité de prendre en compte ces deux dimensions, l'exploitation des minéraux et l'éthique de la biodiversité.

Le ministère de l'Écologie a commandé en mai 2012 à l'IFREMER et au CNRS une expertise scientifique collective sur les impacts environnementaux possibles de l'exploitation des ressources minérales marines profondes. Notre commande porte sur une analyse bibliographique de l'existant, mais aussi sur des pistes sur les domaines dans lesquels il est nécessaire de faire progresser les connaissances, et enfin des scénarii pour améliorer les connaissances et conjuguer l'exploitation des ressources minérales marines profondes avec l'impact environnemental. Il faut avancer en parallèle sur ces deux aspects, y compris pour que les territoires puissent bien appréhender les décisions à prendre, soit en matière d'exploitation, soit en matière de protection des écosystèmes. Nous aurons une première synthèse en novembre 2013, et le rapport final en mars 2014.

Se pose également la question des technologies éventuelles d'exploitation : comment exploiter, avec quelles techniques d'exploitation, comment avoir des processus acceptables pour l'environnement ? C'est un champ d'investigation neuf. On n'a pas encore de vision pour exploiter ces ressources avec un moindre impact environnemental. Les opérateurs miniers pourraient approfondir leur réflexion sur leurs méthodes et leurs techniques d'exploitation en même temps qu'ils déposent leur demande de permis de recherche. C'est à développer.

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