Intervention de Jacky Bryant

Délégation sénatoriale à l'Outre-mer — Réunion du 15 novembre 2012 : 1ère réunion
La zone économique exclusive des outre-mer : quels enjeux — Visio-conférence avec m. temauri foster ministre des ressources marines du gouvernement de la polynésie française et m. jacky bryant ministre de l'environnement et des mines du gouvernement de la polynésie française

Jacky Bryant, ministre de l'environnement et des mines du gouvernement de la Polynésie française :

Nous avons très peu de connaissances sur nos ressources. De nombreuses informations laissent à penser que les fonds marins de la Polynésie française seraient riches en minerais, plus ou moins précieux. Nous avons comme objectif de produire, d'ici 2013, une étude prospective globale des activités liées à l'exploration et à l'exploitation des ressources minérales océaniques profondes, à partir des publications qui ont été faites. Quelques atolls disposent de ces ressources, mais leur exploitation est sans commune mesure avec les quantités existantes.

La Polynésie française détient notamment dans son sol et son sous-sol maritime des encroûtements de ferromanganèse enrichis en cobalt et platine. Les premiers résultats de l'étude en cours permettent d'affirmer qu'en Polynésie française les trois types de gisements rencontrés, par ordre d'intérêt décroissant, sont les suivants :

- les encroûtements polymétalliques, qui présentent le plus grand intérêt, de par leur richesse en cobalt (1,8 %) et platine (2,8 g/T) ainsi que leur présence à des profondeurs modérées (entre 800 et 1 500 mètres, sur les flancs et sommets des monts sous-marins), notamment aux Tuamotu et entre Tahiti et les Australes. Cette configuration autorise une exploitation relativement aisée ;

- les vases des plaines abyssales, qui contiennent des terres rares (lanthanides, yttrium, scandium) en quantité significative, à des profondeurs comprises entre 4 000 et 5 000 mètres ;

- les nodules polymétalliques, qui présentent un intérêt très limité, de par leur teneur réduite en éléments métalliques.

Ces gisements marins en eau profonde ne présentent cependant pas d'intérêt immédiat, dans la mesure où les ressources terrestres actuellement identifiées en cobalt, platine et terres rares, d'exploitation bien plus aisée, correspondent respectivement à 100, 200 et 800 années de consommation.

Par ailleurs, il n'y a aucun projet minier en cours dans la ZEE polynésienne. En effet, malgré l'importance des travaux déjà menés dans la ZEE dans le cadre du programme ZEPOLYF, de nombreuses données restent à acquérir pour définir précisément les caractéristiques des gisements identifiés, notamment dans les secteurs des îles Tuamotu et celles de la Société, ainsi que leurs rendements potentiels. En outre, l'expérience de la dernière concession minière, mal vécue par les populations, incite le Pays à demeurer prudent, pour protéger ses populations et son environnement souvent endémique à une île.

Des travaux d'exploration complémentaires doivent donc nécessairement être réalisés. Or, de tels travaux sont extrêmement coûteux. Autant les moyens d'exploration des grands fonds sont aujourd'hui bien maîtrisés, autant en matière d'exploitation les techniques et processus sont toujours en cours de développement. Le coût estimé pour l'exploration d'une zone de 100 km² avoisine les 2 849 200 euros.

La Polynésie française suit avec grand intérêt le projet SOLWARA, première exploitation industrielle en eau profonde prévue pour la fin 2013 en Papouasie Nouvelle-Guinée. La faisabilité technique et la rentabilité économique de ce type d'exploitation devra être démontrée.

Enfin, la Polynésie française est exclue des programmes de financement des études et formations dans le cadre de la coopération du Pacifique Sud.

Encore une fois, j'attire votre attention sur notre démarche. Si la logique est de soutenir le développement de la Polynésie par l'extraction des ressources (nodules, encroûtements, terres rares...) pour compenser la baisse de l'activité d'autres domaines économiques, ou la baisse des transferts de l'État, alors cette logique n'a pas d'avenir. Notre démarche doit porter aussi sur le volet environnemental. La ressource minérale, la ressource minière et la ressource en biodiversité doivent trouver leur place dans une exploitation que nous devons créer, imaginer, mais pour laquelle nous devons aussi investir des moyens. Il faut un projet de développement durable pour que la connaissance des grands fonds ne serve pas seulement à l'extraction : la magie des profondeurs doit aussi devenir un atout pour un nouveau type de tourisme de découverte des fonds marins : la plongée en eau profonde. Cette approche prendra du temps. Il faut beaucoup investir dans la recherche.

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