Intervention de Philippe Dominati

Réunion du 19 décembre 2012 à 14h30
Création de la banque publique d'investissement — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Philippe DominatiPhilippe Dominati :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la création de la Banque publique d’investissement, première des soixante propositions du projet présidentiel de François Hollande, n’advient pas dans un contexte anodin.

En effet, depuis la signature, le 16 décembre 2010, des accords de Bâle III, nous sommes entrés dans une nouvelle ère de régulation du système bancaire mondial et, par conséquent, dans une nouvelle ère pour le financement de nos entreprises et de l’investissement. Les mesures prévues dans ces accords visent à accroître les liquidités des banques et à assurer un niveau minimal de fonds propres. Cela n’est pas sans conséquences pour notre économie et pour nos entreprises. Ces mesures induisent en effet un comportement conservateur de la part du système bancaire français et européen, qui ne peut satisfaire la demande de produits financiers des entreprises, et donc les besoins de financement liés aux investissements.

Cette situation est d’autant plus problématique que les États-Unis refusent toujours d’entériner lesdits accords, se livrant ainsi à un dumping bancaire qu’il est difficile de leur reprocher. Car il n’est nul besoin de pointer du doigt nos amis d’outre-Atlantique : ils ne font que maximiser leurs intérêts, conscients que la crise des subprimes est derrière nous et que les dangers potentiels pour nos économies ne sont plus exclusivement bancaires.

Le fait est que nous sommes aujourd’hui au cœur d’une double crise : crise de la dette et crise de la désindustrialisation. En d’autres termes, en plus d’avoir vu leur activité baisser en raison de la crise, nos entreprises connaissent une crise de leur financement, qu’il s’agisse d’abonder leurs fonds propres ou d’emprunter en vue de réaliser des investissements. C’est précisément à cette crise du financement des entreprises que la création de la Banque publique d’investissement est censée répondre.

Mes chers collègues, la question qui se pose est celle-ci : en quoi le dispositif proposé par le Gouvernement constitue-t-il une avancée par rapport à la situation présente ?

Les mécanismes actuels d’aide au financement des entreprises, que le Gouvernement est si pressé de voir disparaître ou d’absorber dans ce grand « machin » qu’est la Banque publique d’investissement, reposent sur une pluralité d’acteurs : OSEO, le Fonds stratégique d’investissement, CDC Entreprises, ainsi que le Médiateur du crédit, que l’on a trop souvent tendance à oublier, mais que les chefs d’entreprise, eux, n’oublient pas.

Or chacune de ces structures peut se targuer d’un bilan très positif.

D’abord, la division du travail opérée entre ces structures est cohérente – par exemple, l’activité de prêt pour OSEO, l’activité de financement en fonds propres pour CDC Entreprises –, de telle sorte que les entrepreneurs identifient immédiatement quel sera le meilleur interlocuteur, le plus adapté à la taille de leur entreprise, au secteur d’activité et, bien sûr, à la nature de la demande.

Chacun, indépendamment de son appartenance politique, reconnaissant les vertus de ces institutions, quelle critique est émise à l’encontre du dispositif ? Cette critique est exclusivement d’ordre quantitatif, et cela rejoint la réflexion antérieure sur l’incapacité des institutions bancaires à remplir leur rôle en raison des nouvelles règles de régulation.

En effet, ces différentes structures d’aide à l’investissement et à la constitution de fonds propres ne sont pas suffisantes pour couvrir l’ensemble du spectre des demandes de financement de nos entreprises.

En définitive, le projet de Banque publique d’investissement n’est pas forcément contre-productif, mais il ne répond pas à la question posée, à savoir celle des moyens d’action disponibles plutôt que celle de la méthode.

Dès lors, mettre sous tutelle des structures dont le comportement a été exemplaire et dont les résultats sont séparément irréprochables, alors que la structure mère n’aura pas un poids financier suffisamment important pour asseoir son autorité, peut être considéré comme un risque démesuré au regard des bénéfices escomptés. Je le répète, le problème ne tient pas tant à la méthode ou à l’articulation du dispositif qu’à son potentiel manque de capacités d’investissement.

Les opérateurs actuels sont, en effet, tout à fait capables d’utiliser avec discernement un surplus de capacités d’intervention, nous en avons la garantie. Au lieu de cela, monsieur le ministre, vous partez du postulat selon lequel le problème est d’ordre organisationnel et non financier, et qu’une simple refondation du dispositif suffira à combler les carences.

Pourtant, la future BPI sera un nouveau dinosaure dont la lourdeur s’ajoutera à une pyramide déjà impressionnante d’aides aux entreprises.

Plus qu’un réel établissement bancaire, ce sera un holding détenu à parité par l’État et la CDC, dont OSEO, par exemple, sera une filiale, une filiale qui possède déjà mille collaborateurs et trente-sept directions régionales !

Les PME, prétendument à soutenir, doivent être promises à la croissance, à l’innovation, aux capacités exportatrices et à d’autres critères imprécis : la BPI va donc se livrer à un travail de banquier qui se fera sur la base de critères théoriques, comme dans toute action étatique, et non sur la base des critères habituels propres aux banquiers.

Ce risque que vous prenez en regroupant diverses structures qui séparément fonctionnent parfaitement en une seule structure pharaonique, vous l’accentuez par le mode de gouvernance que vous avez prescrit.

En effet, décentraliser le dispositif semble être pour vous le moyen de lutter contre une certaine inertie, inhérente à la formation d’une structure de la sorte, les antennes régionales devant ainsi se rapprocher des cibles de votre mesure, les PME et les ETI.

Malheureusement, en confiant aux exécutifs locaux la responsabilité de ces structures, qui auront une sorte de toute-puissance dans nos régions, vous risquez d’induire des critères de sélection subjectifs dans la désignation des entreprises bénéficiaires des prêts et participations.

Cette forte implication régionale peut ouvrir la porte à toutes les intrigues : vingt et un présidents de région seront là pour distribuer souvent l’équivalent de subventions cachées. Il nous est promis que la BPI n’aidera pas de canards boiteux ; dont acte ! En attendant, les arbitrages appartiendront à des conseils régionaux qui, pour vingt et un sur vingt-deux, sont entre les mains d’élus socialistes. Nous avons en mémoire les exemples de la région Lorraine, qui a investi 21 millions d’euros sur un bimoteur, et de la région Poitou-Charentes, qui a investi 5 millions d’euros pour la reprise d’Heuliez, ...

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