Je suis bien d’accord, monsieur le président !
Il n’en demeure pas moins que nous nous réjouissons de ne pas être les seuls à vouloir supprimer tout régime d’exception applicable uniquement aux étrangers en situation irrégulière. En effet, après la lecture au Sénat, la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, a dévoilé le 22 novembre 2012 son avis sur ce projet de loi.
Bien que non contraignant, cet avis, dont je relève qu’il a été adopté à l’unanimité des quarante-six membres présents, s’apparente à un cinglant désaveu de l’essentiel du projet. La CNCDH, qui a d’ailleurs tenu à faire part de son regret « d’avoir dû s’autosaisir, alors que le Premier ministre s’était engagé à [la] consulter plus fréquemment », y publie ses recommandations, qui reprennent la plupart des points que nous avions soulevés.
Dès les premières lignes de l’avis, la CNCDH affiche sa ferme opposition à la logique qui préside depuis 2002 aux évolutions du droit des étrangers. Elle appelle, en conséquence, « à une remise à plat [...] qui puisse leur permettre d’exercer les droits qui leur sont reconnus, et notamment au retour du rôle constitutionnel de l’autorité judiciaire et à la remise en cause de la rétention comme technique ordinaire de gestion de l’éloignement des étrangers ».
La CNCDH s’interroge ensuite sur l’opportunité de la création d’un nouveau régime d’exception, sachant que le nombre de placements en rétention est constant depuis les arrêts de la Cour de cassation du 5 juillet 2012. Ce constat réduit à néant l’unique justification qui sous-tend la création d’une mesure de retenue propre au contrôle du droit au séjour.
En effet, monsieur le ministre, dès lors que les placements en rétention se maintiennent à un niveau équivalent à celui d’avant l’été 2012, il faut logiquement en conclure que le délai de quatre heures prévu pour la vérification d’identité suffit à la fois aux fonctionnaires de police pour procéder aux investigations nécessaires et aux préfectures pour édicter les décisions qui s’imposent. Dans ces conditions, toute validation d’une quelconque prolongation de la durée de la vérification d’identité s’apparente à l’acceptation d’un dévoiement de cette procédure privative de liberté, à des fins de pur confort pour l’autorité administrative.
En conclusion, sur ce premier point, j’observe que la CNCDH indique qu’elle aurait préféré, comme nous, que le droit commun s’applique, en l’occurrence, les règles du code de procédure pénale relatives aux contrôles d’identité, quitte à prévoir le cas échéant, ajoute-t-elle, un allongement de la durée de ces contrôles dans les hypothèses où des investigations complémentaires se révéleraient strictement nécessaires.
Une deuxième série de critiques porte sur le peu de garanties dont est assortie cette mesure privative de liberté.
Les dispositions relatives à la présence de l’avocat lors des auditions, votées à l’Assemblée nationale, représentent certes une avancée, mais insuffisante.
Comme le relève, là encore, la CNCDH, la mise œuvre de la procédure de la retenue s’ouvre par une notification des droits hautement problématique en soi, puisque les officiers et agents de police judiciaires peuvent y procéder dans une langue que l’étranger comprend ou « dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend ». En d’autres termes, dès lors que l’agent pourra justifier du choix de la langue utilisée pour la notification des droits, la procédure n’encourra aucune nullité, alors même que la langue choisie n’est en définitive pas celle que comprend l’étranger. De plus, si l’assistance d’un interprète est prévue pour la suite de la procédure, la notification du droit au silence n’est pas envisagée.
Enfin, nous dénonçons une suppression en trompe-l’œil du délit d’entrée et de séjour irréguliers.
En effet, ne profitant pas des condamnations de notre législation pour mettre un terme définitif à l’emprisonnement d’un étranger pour la seule raison qu’il se trouve en situation irrégulière, le projet de loi crée un délit de maintien sur le territoire, remplaçant le délit de séjour irrégulier.
Loin d’être nécessaire à l’éloignement, ce nouveau délit constitue en réalité un obstacle à sa mise en œuvre. Il ne se justifie aucunement, si ce n’est pour continuer à utiliser la garde à vue comme antichambre de l’expulsion.
Mes chers collègues, ce texte a vraisemblablement pour seul objet de répondre aux diverses remises en cause de nos dispositions législatives. Il répond à ces exigences par le biais d’une interprétation a minima de la jurisprudence européenne qui nous donne la désagréable impression que l’on avance au coup par coup et qui nous expose, de fait, à de nouvelles condamnations.
Contrairement à ce que j’ai pu entendre ou lire à propos des débats qui se sont tenus hier à l’Assemblée nationale, notre groupe ne votera pas ce texte. Je comprends que notre abstention, en commission mixte paritaire, ait pu faire croire à certains que nous nous abstiendrions lors du vote en séance publique. Or cette décision d’abstention était motivée par des raisons précises que je ne développerai pas ici, mais que certains d’entre vous comprendront. Pour autant, dans un souci de cohérence avec mes convictions et celles de mon groupe, je réaffirme notre opposition à ce texte.