Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis le 11 janvier dernier, sur décision du Président de la République, à la demande du président du Mali, M. Traoré, et dans le respect de la charte des Nations unies, la France s’est engagée pour appuyer l’armée malienne face à l’agression terroriste.
En cet instant, je tiens moi aussi à rendre hommage à la mémoire du lieutenant Damien Boiteux, tué le premier jour des combats, ainsi qu’à celle des soldats tombés samedi au cours de l’opération en Somalie. Au nom des sénateurs socialistes et, plus largement j’en suis certain, au nom de tous mes collègues, j’exprime à leurs familles, à leurs proches, à leurs compagnons d’armes, mes plus sincères condoléances.
Je voudrais aussi saluer nos soldats engagés aujourd’hui aux côtés des forces maliennes : 800 d’entre eux sont déployés actuellement sur le sol malien et ce chiffre devrait progressivement passer à 2 500, selon les dernières informations du ministre de la défense. Je veux le dire ici, la nation rassemblée admire leur courage et leur apporte tout son soutien.
Mes chers collègues, que ce serait-il passé si la France n’était pas intervenue ?
Les forces terroristes auraient continué leur avancée, faisant sauter sans difficulté les verrous de Konna – c’était déjà fait – et de Mopti, ouvrant la porte à la prise de Bamako, qui serait tombée entre leurs mains, mettant la population malienne et nos ressortissants à leur merci. Le Mali serait aujourd’hui un pays d’otages, pris lui-même en otage pour servir de base terroriste au cœur du continent africain, constituant une sorte de nouvel Afghanistan aux portes de la Méditerranée et de l’Europe, menaçant de déstabiliser l’ensemble des pays d’Afrique de l’Ouest.
Dès l’appel de détresse du président malien, la France, par la voix de son président, a su répondre « présent ! ». Sans tergiversation, avec sang-froid, calme, détermination, le chef de l’État a fait preuve de sa capacité de décision et d’action en engageant nos forces armées pour aider le peuple malien et combattre les terroristes. Les sénateurs socialistes saluent et soutiennent cette décision, personne n’en doutait.
Vous le savez, c’est toujours un choix terrible que d’engager nos soldats dans la bataille. Ce choix, le Président de la République l’a fait en prenant ses responsabilités, en conscience et avec rapidité. Notre pays peut en être fier et s’honorer de l’avoir fait, comme ce fut le cas dans le passé, que ce soit en Afghanistan ou en Libye, quand il s’est agi d’aider des peuples à combattre la tyrannie et la dictature pour faire, à terme, triompher la démocratie, ce qui est notre souhait.
À ce jour, un coup d’arrêt a d’ores et déjà été porté à l’avancée des terroristes et nos troupes poursuivent actuellement leur offensive, avec un déploiement de nos forces terrestres vers le front du Nord pour y pourchasser les groupes armés d’AQMI liés à Al-Qaida.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais souligner devant vous l’exemplarité qui caractérise cette intervention armée au Mali.
Exemplarité d’abord en ce qui concerne la forme et le respect des procédures : la France a agi dans le respect de la légalité internationale, conformément à la résolution 2085 adoptée le 20 décembre dernier. Elle a reçu, le 14 janvier, le soutien unanime du Conseil de sécurité.
L’action déterminée de la France, saluée par l’ensemble des pays africains, a accéléré leur mobilisation et celle de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, la CEDEAO, qui traînait quelque peu, il faut bien le reconnaître. Le Togo, le Nigéria, le Niger, le Burkina Faso, le Bénin, le Sénégal, la Guinée, le Ghana et le Tchad ont aujourd’hui confirmé la participation de leurs soldats. Je n’oublie pas la position de soutien de l’Algérie dont nous mesurons l’importance.
Je sais, monsieur le ministre des affaires étrangères, le rôle essentiel que vous avez joué pour fédérer et mobiliser ces participations indispensables, et je tiens ici à saluer votre action.
Au Mali, le peuple a dit son soutien et sa reconnaissance au président Hollande et à la France sur les chaînes de télévision et les radios du monde entier.
Au niveau européen, dès le déclenchement de l’offensive française, les contacts ont été pris par le Président de la République, par le ministre de la défense et par vous-même, avec nos partenaires pour les informer et les associer à l’intervention.
À ceux qui déplorent, dans ce conflit, la « solitude du Président de la République en Europe », je rappelle qu’au fil des jours l’aide apportée par les Vingt-Sept se met en place. D’ores et déjà, le Royaume-Uni, le Danemark, la Belgique, l’Allemagne et l’Italie apportent un précieux et indispensable soutien logistique.
La convocation que vous avez demandée et obtenue, monsieur le ministre des affaires étrangères, d’un conseil extraordinaire des ministres des affaires étrangères de l’Union européenne, qui se tiendra jeudi, doit permettre d’accélérer la coopération européenne, y compris militaire, pour l’intervention française. C’est bien le moins que nous puissions attendre de l’Union européenne !
Les États-Unis ont immédiatement manifesté leur soutien en termes de logistique et de renseignement. Les Émirats arabes unis, enfin, ont proposé à François Hollande, lors de son déplacement de mardi dernier, leur aide matérielle, financière et militaire.
Sur notre territoire, enfin, l’information des citoyens et des élus représentants du peuple a été, elle aussi, exemplaire. Dès sa prise de décision, le Président de la République s’est adressé aux Français pour leur en expliquer, et il faudra continuer à le faire, les raisons et les enjeux. Après le premier conseil de défense, il est également intervenu dans les médias pour faire le point de la situation, relayé ensuite par des « points presse » réguliers, tenus par vous-même, monsieur le ministre des affaires étrangères, et par Jean-Yves Le Drian, le ministre de la défense.
La représentation nationale a été scrupuleusement tenue informée par le Premier ministre, d’abord par téléphone, dès vendredi après-midi, le jour même du déclenchement de l’opération, puis lors d’une réunion des responsables parlementaires à l’hôtel Matignon, lundi soir. Ont suivi les auditions des ministres par les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Aujourd’hui, le débat qui nous réunit autour de vous dans cet hémicycle, monsieur le ministre des affaires étrangères, et qui, dans le même temps, réunit les députés autour du Premier ministre, va permettre d’apporter toutes les précisions nécessaires aux questions des élus de la nation.
Voilà pour l’exemplarité de la forme. En ce qui concerne l’exemplarité de notre intervention sur le fond, beaucoup a déjà été dit. Je tiens cependant à rappeler que, bien avant son élection, François Hollande avait suivi de près l’évolution de la situation au Mali. Dès son investiture, lors de son déplacement aux États-Unis, il avait alerté les autorités américaines à ce sujet. Le travail diplomatique et celui de nos services de renseignement s’est poursuivi tout au long des six derniers mois.
La décision d’intervenir au Mali a donc été longuement mûrie et prise de façon extrêmement rationnelle, en fonction de renseignements concordants sur la dégradation accélérée de la situation et le retard pris – on peut le dire ! – dans la mise en place de la Mission internationale de soutien au Mali, la MISMA.
Quelle était la situation le vendredi 11 janvier au matin ? D’un côté, profitant de cette inertie ou de la lenteur de cette mise en place, les forces terroristes d’Ansar Eddine, d’AQMI et du MUJAO, qui pour la première fois s’étaient regroupées et agissaient de façon concertée, déclenchaient une offensive ambitieuse pour progresser vers Bamako et confisquer le territoire malien à leur profit.
En face, l’armée malienne, en grande difficulté, n’avait pas la capacité de résister à l’offensive des groupes terroristes lancée vers la capitale malienne, ville ouverte si le verrou était tombé.
L’appel à l’aide du président malien a confirmé l’urgence d’agir, telle qu’elle avait été évaluée par nos services de renseignement, provoquant la prise de décision du Président de la République et, par conséquent, l’intervention de nos forces armées.
Cette intervention, je le crois et personne ne le nie, est donc exemplaire également sur le fond, car elle est raisonnée et raisonnable.
Les objectifs de l’intervention décidée par le Président de la République sont très clairs : il s’agit, tout d’abord, de stopper l’offensive des terroristes et de les empêcher de menacer l’État malien ; ensuite, de préserver l’intégrité territoriale du Mali, d’assurer la sécurité des ressortissants français et étrangers, notamment à Bamako ; enfin, de préparer et faciliter l’application des résolutions du Conseil de sécurité prévoyant le renforcement de l’armée malienne africaine, ce qui ne sera pas facile, et le déploiement d’une force d’intervention africaine.
Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, les missions assignées à nos forces armées consistent à utiliser les frappes aériennes et le déploiement d’éléments terrestres pour atteindre ces objectifs. Ces opérations se déroulent en ce moment même sur le terrain.
Le Président de la République a donné toutes les instructions pour que les moyens utilisés par la France soient strictement limités en fonction de ces objectifs. La France, vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre des affaires étrangères, ne poursuit aucun intérêt particulier autre que la sauvegarde d’un pays ami et n’a pas d’autre but que la lutte contre le terrorisme.
Je comprends bien évidemment que l’inquiétude ressentie par les familles des otages retenus au Sahel soit ravivée. Je ne doute pas néanmoins que la France reste déterminée et mobilisée pour obtenir leur libération.
Mais, sur ce point, je me permettrai de vous citer, monsieur le ministre des affaires étrangères, car cette déclaration est éclairante pour ceux qui doutent : « Ce n’est pas en laissant le Mali devenir un sanctuaire terroriste que nous protégerons les otages.»
Combat pour le Mali ou pour le maintien de l’intégrité de ce pays, le combat est aussi contre le terrorisme. Il va donc se poursuivre. Il s’agit d’une mission fondamentale, qui s’inscrit dans la durée et qui, comme l’a déclaré le Président de la République et comme cela a été répété ici même, durera aussi longtemps que nécessaire.
Cela étant, grâce à la rapidité de la décision du chef de l’État et à la capacité de réaction immédiate de nos armées, qui y étaient en quelque sorte préparées, la France a créé une dynamique internationale importante, une dynamique majeure pour avancer dans la lutte contre le terrorisme et vers la paix, ce que nous voulons.
Quand on fait la guerre, il faut savoir préparer la paix. Pour cela, vous l’avez dit, la sortie ne peut être que politique. Je sais que le Président de la République et vous-même y travaillez et le préparez, comme le confirme la déclaration faite hier par le chef de l’État : « Notre objectif est de faire en sorte qu’il y ait une sécurité au Mali, des autorités légitimes, un processus électoral et plus de terroristes qui menacent. »
J’ajoute que rien ne sera possible sans qu’une politique active de soutien par l’Union européenne au développement de ce pays – l’un des plus pauvres du monde – ne se mette en place durablement.
Pour terminer, monsieur le ministre des affaires étrangères, chers collègues, je voudrais saluer ici, dans cet hémicycle, le ton employé par chacun des intervenants. Il se distingue, m’a-t-on dit, de celui qui a été employé par certains à l’Assemblée nationale. Je salue, nous saluons ici le très large rassemblement républicain qui s’est créé autour de cette intervention au niveau tant des citoyens français que des forces politiques.
Au-delà des positions politiques et des clivages, au-delà des différences, la France est donc réunie aujourd’hui autour de ses soldats qui combattent en ce moment même sur le sol malien contre les forces terroristes.
C’est sans doute, mes chers collègues, ce qui fait la grandeur d’un pays comme le nôtre que de savoir se rassembler quand il s’agit de défendre les valeurs de la démocratie.
Le 23/01/2013 à 10:00, chb17 a dit :
Drôle de litote sur "la capacité de réaction immédiate de nos armées, qui y étaient en quelque sorte préparées".
Le 25 septembre 2012 aux Nations Unies, F. Hollande déclarait devant l’Assemblée générale « La première des urgences s’appelle la Syrie », l’autre urgence « qui doit nous mobiliser cette semaine, est le Sahel(...) Oui, il faut que le Mali retrouve l’intégrité de son territoire et que le terrorisme soit écarté de cette zone du Sahel ».
Déjà, en juillet, il avait prévu l'intervention. http://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/mali-hollande-et-les-invariants-francais_1210405.html
De fait, depuis janvier 2012 il savait...
Alors le président provisoire du Mali ayant fort opportunément appelé la France, les troupes ont pu entrer en action, en excipant d'une résolution CSONU qui ne nous mandatait pas.
Pourquoi ? Ce n'est pas ce débat qui nous le dit.
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