Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le processus d’adhésion de la Croatie à l’Union européenne est engagé depuis de très nombreuses années. Nous le savons, les procédures sont longues. En effet, le cadre de négociation, rigoureux et exigeant, comporte des dispositifs itératifs de contrôle et d’évaluation afin de garantir que les engagements pris par les pays candidats à l’adhésion seront scrupuleusement respectés.
Le fait que nous puissions débattre aujourd'hui d’un projet de loi autorisant la ratification d’un traité relatif à l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne témoigne de la paix retrouvée dans cette région des Balkans. Dans un passé récent, encore bien présent à nos mémoires, cette partie de l’Europe était déchirée par des conflits extrêmement meurtriers. Des populations auxquelles nous sommes liés par l’histoire étaient exposées à la violence, à la guerre, parfois même à la barbarie.
La Croatie a aujourd'hui retrouvé durablement le chemin de la paix. Elle entretient des relations apaisées avec ses voisins. Des efforts sont réalisés partout, dans cette région, pour lutter sans relâche contre la corruption et le crime organisé et faire triompher les valeurs auxquelles nous croyons tous ici : les droits de l’homme, l’indépendance de la justice, la séparation des pouvoirs, la liberté de la presse, la démocratie.
En Croatie, ces valeurs ont progressé, grâce au cadre exigeant de négociation qui régit les relations entre ce pays et l’Union européenne depuis 2005. Par des vérifications constantes, nous avons pu nous assurer que l’agenda pour l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne était bien respecté selon chacun des critères.
Aujourd’hui, nous avons à examiner le traité définissant les dispositifs particuliers qui régiront l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne et les neuf annexes à l’acte d’adhésion, visant à préciser les modalités de celle-ci, ainsi qu’un protocole, un acte final et quatre déclarations. Ces textes, dont la portée juridique est considérable, ont été étudiés au sein des différentes institutions de l’Union européenne et par la commission des affaires étrangères du Sénat. Ils témoignent de la rigueur du cadre de négociation qui a régi les discussions entre la Croatie et l’Union européenne.
Bien entendu, ces textes signifient aussi que la Croatie, qui sera partie intégrante de l’Union européenne à compter du 1er juillet prochain, sous réserve de la ratification du traité d’adhésion par l’ensemble des États membres, reprendra tout l’acquis communautaire, y compris les textes dérivés ou les politiques mises en œuvre par l’Union européenne, qui constituent autant de règles communes auxquelles les pays membres de celle-ci doivent se conformer.
La reprise de l’acquis communautaire, l’application du droit dérivé ne signifient pas qu’il n’y aura pas des possibilités d’adaptations transitoires sur un certain nombre de sujets, dans le cadre d’un dialogue établi et de conventions acceptées entre l’Union européenne et la Croatie.
Je pense, par exemple, aux dispositions qui s’appliqueront en matière de politique de la pêche ou de politique agricole, aux nécessaires adaptations qui seront mises en œuvre en matière de droit de la concurrence. Je pense aussi aux règles particulières qui régissent l’espace de Schengen.
Néanmoins, en dépit de ces adaptations, l’idée est bien que la Croatie mette en œuvre immédiatement la totalité du droit communautaire et reprenne l’intégralité de l’acquis communautaire, ce qui a exigé beaucoup d’exigence, de rigueur et de vérifications au cours de la négociation. Cette dernière s’est ouverte en octobre 2005, pour se conclure en juin 2011 : c’est dire si elle s’est inscrite dans un temps long. Ce temps long de la négociation européenne a permis aux institutions de l’Union et au Gouvernement de la Croatie, dans le cadre d’un dialogue exigeant, itératif, d’examiner tous les sujets qui étaient à l’ordre du jour.
Je voudrais en évoquer quelques-uns, qui témoignent de la rigueur de la discussion et du niveau d’exigence de l’Union européenne lorsqu’il s’agit de procéder à un élargissement. Certains ont tendance à considérer que l’élargissement est un processus sans fin, qui ne serait assorti d’aucune exigence et pourrait conduire bien des pays aujourd’hui aux portes de l’Union européenne à entrer en son sein sans conditions. En réalité, il n’en est rien.
L’Union européenne impose aux pays qui souhaitent l’intégrer le respect d’un certain nombre de valeurs portées par le Conseil de l’Europe, celles de la démocratie. C’est là une extraordinaire incitation, pour ces pays, à adapter leurs institutions, à les faire évoluer, à les moderniser, à les démocratiser. La perspective d’une adhésion à l’Union européenne les encourage dans une mesure considérable à accélérer le processus de réforme de leurs institutions, dans le sens de la promotion de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’homme.
Ce qui se passe depuis quelques mois dans les relations entre l’Union européenne, la Serbie, le Kosovo et d’autres pays témoigne de cette extraordinaire dynamique qui est à l’œuvre. L’Union européenne, en ouvrant la perspective d’une adhésion, incite des pays à se moderniser et à s’engager dans la voie des indispensables réformes démocratiques.
La Croatie s’est ainsi engagée sur un chemin dont les étapes ont été constamment respectées. Tous les six mois, la Commission européenne a évalué le déroulement du processus d’adhésion et en a rendu compte au Conseil européen, jusqu’à ce que ce processus arrive à son terme et que l’adhésion soit possible.
J’insiste sur ce point, cela a permis à la paix de s’instaurer durablement dans une partie de l’Europe marquée hier par les conflits. Les relations entre la Croatie et la Serbie sont désormais pacifiées. Des coopérations ont été engagées, y compris dans des domaines sensibles comme la sécurité et la défense. Le resserrement des liens entre les deux pays a contribué à créer dans la zone un climat nouveau.
Il en a été de même pour les relations entre la Croatie et la Slovénie, grâce notamment à l’acceptation par la Croatie de l’intervention d’un tribunal arbitral sur la question de la baie de Piran.
Par-delà l’amélioration des relations de voisinage, on ne saurait négliger, au titre du chapitre 23 du cadre de négociation, les progrès réalisés par la Croatie en matière de promotion de l’État de droit, de modernisation et d’indépendance de la justice, de séparation des pouvoirs, de reconnaissance des droits fondamentaux, de liberté de la presse. C’est ainsi toute la démocratie qui progresse dans ce pays.
On ne peut pas non plus ignorer, en regard des réels efforts accomplis par la Croatie, l’importance de l’engagement de l’Union européenne, qui s’est manifesté d’abord par une mobilisation politique : les représentants permanents des pays de l’Union européenne ont participé à pas moins de treize réunions de négociation, auxquelles ont fait écho treize Conseils des ministres des affaires étrangères pour mener à son terme le processus et faire en sorte que l’adhésion intervienne dans des conditions maîtrisées.
La mobilisation n’a pas été uniquement politique et diplomatique ; elle a également été financière. Ainsi, près de 1, 5 milliard d’euros ont été consacrés par l’Union européenne à l’accompagnement financier de la Croatie dans le processus d’adhésion. En effet, les pays candidats à l’adhésion qui connaissent quelques retards par rapport aux États déjà membres ont parfois besoin d’être accompagnés sur le chemin de la démocratie et de l’intégration dans l’Union européenne.
Nous ne pouvons pas non plus ne pas souligner le travail très important qui a été accompli par les forces politiques croates, souvent toutes tendances confondues, pour rendre cette évolution possible.
Le processus d’adhésion a également contribué à créer un climat de coopération renforcée sur le plan économique entre la France et la Croatie, ce qui permet aujourd’hui à un certain nombre de nos grandes entreprises d’être présentes sur des chantiers importants : je pense notamment à la construction de l’aéroport de Zagreb ou des autoroutes d’Istrie.
Il faut aussi mentionner l’importance de la coopération culturelle entre les deux pays, qui s’est traduite par l’ouverture d’une saison croate en France, en septembre dernier. À cette occasion, les œuvres d’artistes croates ont été exposées dans les plus beaux musées de Paris, en particulier le Louvre ou le Palais de Tokyo. Des musiciens, des créateurs, des plasticiens ont été accueillis dans notre pays. En octobre, le président croate a participé au côté du président Hollande au vernissage d’une magnifique exposition d’art croate.
Au terme d’un processus rigoureux et exigeant de négociation, la Croatie s’apprête donc aujourd’hui à intégrer l’Union européenne. Parallèlement, la France a approfondi ses relations avec elle.
La présentation de ce projet de loi témoigne du chemin accompli conjointement par l’Union européenne et la Croatie pour aller l’une vers l’autre. Je ne puis que vous inviter, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’adopter. §