Au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, je m’associe à l’hommage qui a été rendu à nos soldats par le président du Sénat et par le ministre.
Le métier des armes n’est pas un métier comme les autres. Il est fait de sens du devoir, d’esprit de sacrifice. Il requiert du courage. Il comporte l’acceptation du risque. La France doit à son armée d’être restée ce qu’elle est, une nation libre. Elle lui doit aussi son indépendance et son rayonnement dans le monde. Tel était l’engagement de ces hommes tombés au Mali et en Somalie ; ils sont morts pour des valeurs justes et hautes.
J’assisterai tout à l’heure avec certains d’entre vous, mes chers collègues, à la cérémonie d’honneurs funèbres en hommage au lieutenant Damien Boiteux. C’est d’ailleurs au sein de l’unité dans laquelle il servait que j’ai fait mon service militaire.
Je pense aussi, à cet instant, aux agents de la Direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE. Je le dis en votre nom à tous, mes chers collègues : nous n’oublierons pas nos soldats morts au combat !
J’en viens maintenant au projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l’adhésion de la République de Croatie à l’Union européenne.
Je tiens d’abord à saluer la présence dans notre tribune officielle de M. Ivo Goldstein, nouvel ambassadeur de Croatie en France.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis que ce projet de loi soit le premier texte examiné par le Sénat en 2013. C’est une bonne façon de commencer l’année !
En accueillant la Croatie, le 1er juillet 2013, l’Union européenne passera de vingt-sept à vingt-huit États membres. Nous vivons donc aujourd’hui une étape importante de l’histoire de cette communauté de destin et de valeurs qu’est l’Europe.
C’est la dernière fois que le Parlement français pourra autoriser la ratification d’un élargissement de l’Union européenne à la majorité simple ; les prochains élargissements devront être approuvés soit par référendum, soit, depuis la dernière révision constitutionnelle de 2008, par le Parlement, mais à la majorité qualifiée des trois cinquièmes.
Je ne reviendrai pas sur le long chemin qui, conformément au « consensus renouvelé sur l’élargissement de 2006 », a conduit la Croatie au seuil de l’Union européenne. Devant vous, cet après-midi, je me bornerai à aborder brièvement deux questions : la Croatie est-elle prête pour l’adhésion ? Quelle est la situation dans les Balkans occidentaux ?
Tout d’abord, la Croatie est-elle prête pour entrer dans l’Union européenne ?
À la différence du grand élargissement à l’Est, qui a scellé la réconciliation d’une Europe artificiellement divisée par le rideau de fer, l’entrée dans l’Union des pays des Balkans occidentaux se fait de manière différenciée, uniquement en fonction de l’état de préparation de chacun d’entre eux, sans calendrier préétabli, en tenant compte à la fois des critères dits « de Copenhague renforcés » et de la capacité d’absorption de l’Union européenne. C’est donc un véritable marathon que la Croatie a dû parcourir, dans une mobilisation vers son avenir européen qui ne s’est pas démentie.
Les critères ont-ils été plus rigoureux que pour les précédents entrants, la Roumanie et la Bulgarie ? Oui, sans aucun doute. C’était nécessaire, tant pour assurer la transformation en profondeur du pays – il faut « laisser du temps au temps »… – que pour restaurer la crédibilité, auprès de nos opinions publiques, d’un processus d’élargissement suscitant une certaine « fatigue », pour ne pas dire une certaine lassitude.
Le nombre de « chapitres » de l’acquis communautaire est passé de trente à trente-cinq, avec un nouveau chapitre 23 « pouvoirs judiciaires et droits fondamentaux », dans le domaine de l’État de droit. Le nombre et la rigueur des critères d’ouverture ont été augmentés. Un nouveau type de suivi, entre la signature et l’adhésion, a été mis en place, sur l’initiative de la France et de l’Allemagne, afin de maintenir la pression des réformes et l’élan du changement, non seulement de la législation, mais aussi des pratiques. Dans ce cadre, dix actions clés très concrètes ont été identifiées en octobre, et je ne doute pas que la dernière évaluation, attendue au printemps prochain, ne soit positive, compte tenu de l’important travail mené en ce moment même à Zagreb.
Depuis 2001, la Croatie a bénéficié de 1, 5 milliard d’euros d’aides de préadhésion, soit environ 363 euros par habitant. La somme prévue en 2013 au budget européen augmentera à partir de 2014 pour les fonds structurels, les fonds de cohésion et les crédits de la politique agricole commune. La Croatie aura douze députés européens et disposera, au jour de son adhésion, d’un commissaire européen.
Peuplée de 4, 5 millions d’habitants d’origine slave, de religion catholique et utilisant un alphabet de caractères latins, située au carrefour des influences de la Méditerranée, de l’Europe centrale et des Balkans, la Croatie est aujourd’hui prête à devenir le vingt-huitième État membre de l’Union européenne. Ancre de stabilité dans la région, elle a su affronter son passé et se tourner vers l’avenir. Elle montre la voie à ses voisins.
Nous sommes lucides, il reste malgré tout des difficultés : les complications territoriales et financières avec la Slovénie, la question du contrôle – et du tracé ! – de la frontière avec la Bosnie-Herzégovine, les relations avec la Serbie, l’autre « grand » de la région… Mais nous avons confiance, et nous répondons sans hésitation : oui, aujourd’hui la Croatie est prête pour entrer dans l’Union européenne.
Seconde question : où en sont les Balkans occidentaux, dont Bismarck disait que les États « produisent plus d’histoire qu’ils n’en peuvent consommer » ?
Leur « vocation européenne », c’est-à-dire le principe de leur adhésion à l’Union européenne, a été clairement reconnue au Conseil européen de Zagreb, en 2000, sous la présidence française de l’Union européenne, et régulièrement réaffirmée depuis. Dix ans après ces déclarations, le bilan est finalement assez mince. La Croatie sera, après la Slovénie, membre depuis 2004, le deuxième État de cette région à entrer dans l’Union européenne. Le Monténégro et la Serbie ont le statut de candidat, mais les négociations ne sont pas ouvertes, non plus qu’avec la Macédoine, bloquée par le veto grec.