L’Albanie a déposé sa candidature ; la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo demeurent en quelque sorte « sur le seuil de la porte ».
Cette lenteur est due aux difficultés de la transition démocratique et de la construction des institutions, aux imbroglios historiques, ethniques et frontaliers, ou à la part, dans certains États, de l’économie criminelle et de la corruption.
En Serbie, les élections ont porté au pouvoir des dirigeants aux antécédents nationalistes, tandis que le dialogue avec Pristina vient tout juste de reprendre. En Bosnie-Herzégovine, la solution institutionnelle semble introuvable. En Macédoine, les relations interethniques se tendent. En Albanie, la situation politique était bloquée il y a peu de temps encore, et le bilan des réformes est mince, en termes d’instauration d’un État de droit notamment.
Or, dans cette région, l’adhésion à l’Union européenne agit comme un instrument de stabilité et de réconciliation. On pourrait même dire que, pour certains États, l’intégration européenne est à l’origine du processus de construction nationale.
Certains agitent la menace que les Balkans, dont les pays sont las de soupirer à la porte d’une Europe concentrée sur la gestion de ses propres crises, ne deviennent un lieu de compétition entre puissances émergentes, un peu comme au XIXe siècle entre les anciens empires : tropisme russe de la Serbie, présence traditionnelle de la Turquie dans la région, ou encore montée en puissance économique de la Chine, à la recherche de portes d’entrée vers le grand marché européen à partir des ports grecs.
Je pense quant à moi que l’Union européenne restera, pour ces États, un horizon de stabilité et de prospérité à long terme. Mais soyons attentifs à ce que l’élan européen continue bien à être le moteur de la transformation de ces sociétés.
Au fond, la vraie question est celle-ci : quelle est aujourd’hui la force d’attraction et la capacité propulsive du projet européen ? Sommes-nous capables de faire autre chose que de gérer nos crises, que de donner une image d’impuissance et d’immobilisme ? Comment retrouver l’élan des pères fondateurs ? Par exemple, saurons-nous construire l’Europe de la défense ? Saurons-nous relancer une croissance qui fasse renaître l’espoir ?
Ne nous jugeons toutefois pas trop durement : bien sûr, beaucoup reste à faire, mais déjà nous avons travaillé, ces derniers mois, à réorienter l’Europe et à restaurer son rayonnement.
Pour l’élargissement, nous devons trouver un équilibre, délicat, entre la nécessaire dynamique européenne à enclencher dans une région où la réconciliation demeure fragile et l’indispensable crédibilité d’un élargissement qui doit vraiment renforcer l’Union, et non pas la fragiliser. L’élargissement doit respecter le tempo fixé par les États membres, sans les entraîner dans un engrenage. Les États membres doivent rester maîtres du jeu.
Je suis persuadé que la Croatie sera, au sein de l’Union européenne, une alliée pour trouver ce juste équilibre. Notre commission vous invite donc, mes chers collègues, à approuver la ratification du traité d’adhésion.
« Croatie, la voici ! » nous dit le slogan de la saison culturelle croate à Paris. J’ajouterai, au nom de la commission des affaires étrangères et, je l’espère, au nom du Sénat tout entier : « Croatie, bienvenue ! ». §