Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux à mon tour saluer, au nom du groupe UMP, le grand professionnalisme des soldats français, où qu’ils soient déployés, et m’associer à la douleur des familles des militaires décédés au Mali, en Somalie ou en Afghanistan.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je me félicite de ce que le premier texte que nous examinions en 2013 ait pour objet de permettre à l’Union européenne de compter, à partir du 1er juillet prochain, un nouvel État membre, la Croatie.
L’intégration de ce pays témoigne de l’existence d’une soif d’Europe, en une période de turbulences et de mutations qui fait douter certains. Cette intégration doit donc être un modèle, ainsi que l’occasion de rappeler ce qu’est l’Europe.
Adhérer à l’Union européenne, c’est, au travers de la Charte des droits fondamentaux, s’approprier un certain nombre de valeurs qui, au fil des siècles, ont forgé nos démocraties occidentales : le respect de l’homme, des minorités, le souci constant de maintenir des institutions stables garantissant un État de droit, le désir de paix.
Adhérer à l’Union européenne, c’est assumer une responsabilité : celle de mettre en place une économie de marché viable, capable de faire face aux forces du marché et à la pression concurrentielle s’exerçant à l’intérieur de l’Union européenne, celle de faire siens les objectifs de l’union politique, économique et monétaire.
Être membre de l’Union européenne ne peut se résumer à bénéficier d’une sécurité budgétaire lors de crises financières.
Être membre de l’Union européenne ne peut se résumer à calculer les retombées financières de la répartition des fonds de cohésion ou des crédits de la politique agricole commune.
Être membre de l’Union ne peut se résumer à s’abriter sous un « parapluie » sécuritaire en cas de crise ou de conflit armé. Je souligne, à cet instant, que la France est actuellement seule sur le terrain au Mali…
Être membre de l’Union, c’est assumer un engagement pour mieux répondre aux défis posés par une mondialisation qui constitue désormais notre quotidien, non pas au travers d’un protectionnisme faussement protecteur, mais grâce à l’excellence, fondée sur la recherche et l’innovation, à la réciprocité, bâtie sur le respect de règles exigeantes en matière environnementale, sanitaire ou sociale, à la solidarité et à la complémentarité entre États membres.
Être membre de l’Union, c’est avoir une haute exigence face à la corruption. À cet égard, certaines pratiques avaient encore cours il y a peu, comme nous le rappellent des articles parus dans des quotidiens de Zagreb, tel le Jutarnji List, relatant la mise en examen de 500 médecins accusés de collusion avec certaines industries pharmaceutiques, ou la récente condamnation d’un ancien premier ministre, M. Ivo Sanader, à dix ans de prison.
Les responsables croates ont donc des défis à relever. L’Union européenne vient de leur exprimer sa confiance, en permettant à la Croatie de devenir le vingt-huitième État membre.
Cette intégration ne sera pas soumise au mécanisme de coopération et de vérification mis en œuvre en 2007 suite à celle, quelque peu imparfaite car trop hâtive, de la Roumanie et de la Bulgarie, dont il faut tirer les enseignements. Ce mécanisme a pour objet de garantir la poursuite, par les pays adhérents, de leurs efforts dans des domaines fondamentaux tels que les réformes judicaires ou la lutte contre la corruption, à tous les échelons de la société.
Je profite de l’occasion pour saluer, à la suite de M. Gattolin, les travaux de nos collègues de la commission des affaires européennes, qui ont rendu un rapport intitulé : « La Bulgarie et la Roumanie : la transition inachevée ».
Cette adhésion à l’Union européenne d’un vingt-huitième État relève d’une procédure de ratification par le Parlement qui est employée ici pour la dernière fois. Désormais, toute adhésion sera régie par l’article 88-5 de notre Constitution, c’est-à-dire qu’elle fera l’objet d’un référendum, sauf approbation des assemblées à la majorité qualifiée des trois cinquièmes.
Je voudrais surtout profiter de ce débat pour délivrer trois messages ; certains pourront considérer que je m’écarte du sujet qui nous occupe aujourd’hui, mais je ne m’en éloigne pas tant que cela.
Mon premier message s’adresse à la Grande-Bretagne. Je souhaite exprimer la profonde inquiétude que m’inspire l’intention de David Cameron de confirmer, vraisemblablement dans les prochains jours – ce pourrait être le 22 janvier, à La Haye –, l’organisation d’un référendum sur l’appartenance de la Grande-Bretagne à l’Union européenne.
Comme le dit fort pertinemment Jean-Dominique Giuliani, le président de la fondation Robert Schuman, voilà ce qui se produit quand une classe politique néglige la politique européenne en faisant croire que tout se décide au niveau national, quand des leaders font des promesses inconsidérées dans le seul but de gagner les élections, quand on fait de l’Europe le bouc émissaire de ses propres turpitudes.
La place de la Grande-Bretagne est dans l’Union européenne, et non ailleurs, même s’il est vrai qu’elle a acquis le bénéfice, au fil du temps, de « régimes spéciaux », à mon sens trop nombreux. Le général de Gaulle avait redouté une telle évolution et en avait tiré les conséquences que l’on sait.
Écoutons ce que dit le secrétaire d’État adjoint américain chargé de l’Europe, Phil Gordon, sur ce point précis : « Nos liens se renforcent avec l’Union européenne en tant qu’entité qui a une influence grandissante dans le monde, et nous voulons que le Royaume-Uni ait une influence croissante en son sein. […] Nous souhaitons une Union européenne tournée vers l’extérieur, et que le Royaume-Uni en fasse partie. » Mes chers collègues, monsieur le ministre, on ne saurait être plus clair !
Mon deuxième message est à l’adresse du couple franco-allemand. L’Union européenne a besoin d’une entente franco-allemande forte. Nos deux pays ont des différences, voire des divergences, mais l’exemple du général de Gaulle et du chancelier Adenauer nous démontre que c’est en les surmontant que l’on donnera à l’Union européenne, aujourd’hui riche de vingt-huit États membres, sa vraie dimension, à la fois monétaire, budgétaire et économique. Et c’est parce que les différences entre nos deux pays sont des complémentarités que le couple franco-allemand est la clé pour une Europe forte.
Comme le souligne notre ancien ambassadeur à Berlin, à la veille de la célébration du cinquantième anniversaire du traité de l’Élysée, nous avons deux défis à relever : celui de l’énergie et celui de la défense.
Mettre en place une vraie politique européenne de l’énergie, clé de la compétitivité de nos entreprises, est une urgente obligation.
Instaurer une politique plus volontariste en matière de défense est tout aussi urgent. Dans un monde dangereux, la première puissance économique mondiale qu’est l’Union européenne ne doit pas s’engager vers un désarmement, bien au contraire. Des crédits, de la recherche, de l’innovation, des alliances sont nécessaires ; ils ne peuvent se concevoir que dans la coopération entre États membres. Je tiens d’ailleurs, à cet instant, à saluer la coopération existant aujourd’hui entre Londres et Paris.
Mon troisième message, enfin, s’adresse plus directement à la France. Il porte sur les réformes structurelles que nous devons continuer à mettre en œuvre.
Si je me réjouis que, dans les dernières propositions budgétaires du président Van Rompuy, le montant des crédits affectés à la compétitivité soit fixé à 139, 543 milliards d’euros, il nous faut, comme nous y invite l'Union européenne, rendre notre marché du travail plus flexible et nos coûts salariaux plus compétitifs, ainsi que réduire nos dépenses publiques, qui sont encore trop élevées aujourd’hui. Si nous ne parvenons pas à opérer ces mutations – elles sont difficiles, j’en conviens, mais, je le redis à cette tribune, l’opposition actuelle se montrera constructive –, nous ne pourrons utiliser ces crédits avec efficacité et pertinence.
Si je me suis permis cet aparté sur les réformes structurelles, c’est tout simplement pour rappeler qu’adhérer à l’Union européenne – je ne crois pas que M. Arthuis me contredira – emporte pour tous les États membres, anciens et nouveaux, l’obligation de mettre en œuvre au niveau national les objectifs décidés à l’unanimité à Bruxelles.
En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’intégration de la Croatie doit être une réussite, pour les Balkans occidentaux, qui étaient hier encore une poudrière, mais aussi pour les vingt-sept autres États membres, qui peuvent être légitimement fiers d’avoir tracé la voie à ces pays dont la soif d’Europe, de justice, de liberté et de démocratie est d’autant plus grande qu’ils ont été trop longtemps privés de ces valeurs.
Le groupe UMP du Sénat votera le projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l’adhésion de la République de Croatie à l’Union européenne. §