Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Croatie est aujourd’hui prête à entrer dans la famille européenne. Nous devons l’y accueillir. Il revient donc aujourd’hui au Sénat de la République française d’autoriser la ratification du traité relatif à l’adhésion de la République de Croatie à l’Union européenne.
Le destin de la Croatie est européen. L’histoire, bien sûr, est là pour en témoigner, mais le présent aussi, car la Croatie est aujourd’hui un pôle de stabilité, certes relative, comme vient de l’expliquer notre collègue Josette Durrieu, dans les Balkans, région dont chacun sait à quel point elle est compliquée et souvent instable.
Les cicatrices de la tragédie de l’ex-Yougoslavie se sont peu à peu refermées et, depuis dix ans, la Croatie a mis en œuvre des réformes ambitieuses, parfois difficiles et exigeantes, notre collègue vient de nous l’expliquer à l’instant, afin d’atteindre les exigences posées par l’Union européenne. Il faut ajouter que la mobilisation de la classe politique croate en faveur de l’entrée du pays dans l’Union européenne a été unanime, dépassant les clivages partisans.
L’Europe et la France se doivent de reconnaître ces efforts et de valider ces réussites. Pour autant, si cette adhésion est aujourd’hui possible et nécessaire, elle pose la question des élargissements futurs.
D’autres orateurs, notamment Jean-Louis Carrère, ont évoqué le Monténégro et la Serbie, qui ont le statut officiel de candidat, ainsi que la Macédoine, bloquée par le veto grec, et l’Albanie, qui a déposé sa candidature. Quant à la Bosnie-Herzégovine et au Kosovo, ils demeurent en quelque sorte sur le pas de la porte.
Souvenons-nous des problèmes qu’ont posés les adhésions récentes mais trop rapides de la Bulgarie et de la Roumanie, pour lesquelles il a fallu instaurer un « mécanisme de coopération et de vérification », en particulier sur la réforme judiciaire de la lutte contre la corruption, alors même que ces pays avaient déjà adhéré à l’Union européenne.
Comme l’a dit notre collègue Jean Arthuis, il semble aujourd’hui évident que l’Europe doit, dans les années qui viennent, privilégier son approfondissement plutôt que son élargissement.
Se pose alors la question d’une Europe à plusieurs vitesses, qui pourrait réussir à concilier demain les aspirations des différents États en matière économique, budgétaire, fiscale ou encore militaire. Il est en effet de plus en plus évident que la seule solution est celle d’une Europe constituée de cercles concentriques, dont le cœur serait le couple franco-allemand, élargi bien sûr aux six pays fondateurs, qui pourraient pousser aussi loin que possible leur intégration économique, budgétaire et fiscale. On peut aussi envisager une Europe de la défense – le Sénat y travaille – autour du groupe de Weimar, qui réunit la France, l’Allemagne et la Pologne, et de Weimar Plus, selon la terminologie adoptée par les spécialistes, qui associe également l’Italie et l’Espagne. Je n’oublie pas non plus, depuis les accords de Lancaster House, la Grande-Bretagne.
Certains dénonceront peut-être une Europe à la carte. Je ne partage pas leurs réticences. Comment peut-on imaginer faire fonctionner une Europe avec vingt-huit pays dont le niveau de développement est à ce point inégal et, surtout, dont les aspirations ne sont pas forcément identiques ?
Les seuls principes intangibles, les seules exigences fondamentales sur lesquels on ne saurait transiger demeurent le respect de la démocratie, qui doit animer chacun des membres de l’Union européenne, et la volonté qu’ils doivent avoir en partage de réaliser le rêve de nos pères fondateurs, celui d’un continent de paix et d’amitié entre les peuples.