Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 15 janvier 2013 à 14h30
Adaptation de la législation au droit de l'union européenne en matière économique et financière — Adoption définitive en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Bernard Cazeneuve :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de transposition des directives en matière économique et financière qui vous est présenté aujourd’hui est bien connu de vous.

Il a été adopté en première lecture le 26 septembre dernier par l’ensemble des groupes du Sénat, sous réserve de l’abstention du groupe communiste républicain et citoyen.

Il a ensuite été adopté le 12 décembre dernier à l’unanimité par l’Assemblée nationale, dans une version ne différant du texte du Sénat que par des modifications rédactionnelles.

Votre commission des finances ayant elle-même adopté le texte de l’Assemblée nationale le 19 décembre dernier, le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui reste au plus près de celui que vous aviez examiné en septembre.

Sans revenir sur les débats que vous aviez eus alors ici en présence de mon collègue Benoît Hamon, je voudrais tout d’abord remercier votre commission des finances, en particulier son rapporteur, Richard Yung, pour ses travaux approfondis sur ce texte, travaux qui ont beaucoup facilité son parcours.

D’importants enjeux s’attachent en effet à l’adoption rapide de ce projet de loi, et ce, d’abord, au regard de nos obligations européennes.

Dès sa prise de fonctions, Pierre Moscovici a tenu à remédier à des retards qui s’étaient accumulés dans la transposition des directives économiques et financières. L’objet de ce texte est de transposer en droit français trois directives adoptées par la France et ses partenaires en septembre 2009, en novembre 2010 et en février 2011.

Il est d’autant plus nécessaire de le faire que, en raison du retard accumulé pour la transposition de la première de ces directives, relative à la monnaie électronique, la France est exposée à une menace de sanction pécuniaire par la Cour de justice de l’Union européenne.

Il y va surtout du crédit de la parole de la France en Europe et de la sécurité juridique pour nos concitoyens et nos entreprises. Chacun a bien à l’esprit que, à l’échéance de leur transposition, les directives sont invocables devant les juridictions et que le juge écarte au besoin la loi nationale contraire. C’est donc à un embrouillamini juridique considérable que les opérateurs économiques et nos concitoyens sont confrontés lorsque surviennent des retards de transposition.

Les opérateurs français de monnaie électronique n’ont pas manqué de le rappeler en se plaignant de l’incertitude juridique dans laquelle ils se trouvent depuis deux ans, alors que leurs concurrents européens peuvent d’ores et déjà appliquer le cadre juridique commun à l’ensemble des États membres.

Quant à l’objet même de ce projet de loi, ce sont en outre, vous le savez, des mesures assurément utiles qu’il vous est proposé d’adopter définitivement.

Avec la transposition de la directive du 16 septembre 2009 sur la monnaie électronique, les consommateurs disposeront de moyens de paiement sûrs, ce qui est plus que jamais nécessaire en période de crise, et ce, en permettant aux opérateurs nationaux d’agir dans un cadre juridique stabilisé, alors qu’ils souffrent d’être les derniers en Europe à ne pas bénéficier entièrement du régime européen.

Les dispositions de transposition de cette directive prévoient la création d’une nouvelle catégorie d’acteurs dans le secteur des moyens de paiement, à savoir les établissements de monnaie électronique qui seront habilités à émettre de la monnaie électronique à destination de leurs clients. Elles fixeront les règles d’exercice de cette activité.

Ce nouveau régime doit contribuer au développement de la monnaie électronique en fixant un cadre simplifié pour ces établissements et sécurisé pour ses utilisateurs, dans le respect des règles de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Avec la transposition de la directive du 24 novembre 2010, dite « Omnibus I », nous allons contribuer au renforcement de la régulation financière européenne, à laquelle le Gouvernement est tout particulièrement attaché et dont vous savez qu’elle connaît actuellement des avancées importantes, dans le droit fil des conclusions du Conseil européen de juin 2012.

Par ailleurs, les mesures de transposition correspondantes sont en complète cohérence avec le projet de loi de régulation bancaire et financière déposé en décembre par le Gouvernement. Elles renforcent les échanges d’information entre les autorités de supervision nationales – l’Autorité de contrôle prudentiel et l’Autorité des marchés financiers – et les autorités européennes de supervision, contribuant ainsi à l’efficacité de la supervision des acteurs financiers.

Enfin, avec l’achèvement de la transposition de la directive du 16 février 2011 concernant la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales, nous allons contribuer au soutien aux petites et moyennes entreprises et franchir une première étape vers l’objectif de réduction à vingt jours, d’ici à 2017, des délais de paiement de l’État, ce qui constitue la décision n° 3 du pacte national de compétitivité, de croissance et d’emploi, adopté le 6 novembre dernier.

Les dispositions de transposition de la directive prévoient un renforcement des sanctions en cas de retard de paiement des sommes dues en exécution d’un contrat de la commande publique, afin de réduire les délais de paiement de la sphère publique et d’améliorer ainsi la situation de trésorerie des entreprises. Elles instaurent notamment une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement en sus des intérêts moratoires, dont le taux sera augmenté par décret.

Pour être au rendez-vous de l’échéance de transposition fixée en mars, le ministère de l’économie et des finances a d’ores et déjà mis en ligne depuis le 29 novembre dernier, sur son site internet, pour consultation publique, les éléments du dispositif réglementaire qui permettra d’appliquer la loi.

Vous en avez été convaincus dès sa première lecture, ce texte est donc non seulement nécessaire, mais surtout utile.

Permettez-moi, avant de conclure, de revenir sur la méthode de transposition choisie par le Gouvernement, car cette méthode a elle aussi son importance.

Nous avons écarté la solution qui aurait consisté à placer en quelque sorte le Parlement au pied du mur, en lui demandant de voter de toute urgence des habilitations à transposer par ordonnances des directives dont les mesures nationales de mise en œuvre avaient manqué d’être prises en temps utile.

Nous avons choisi de soumettre à la délibération du Parlement, par le présent projet de loi, l’intégralité des mesures législatives qui restent nécessaires à la transposition des trois directives dites « monnaie électronique », « Omnibus I » et « retards de paiement ».

Il est dans l’intention du Gouvernement de procéder de la même manière dans les prochains mois avec des projets de loi d’adaptation au droit de l’Union européenne thématiques, dans d’autres domaines que le droit économique et financier.

Entendons-nous bien, dans le domaine de la transposition des directives, le plus important est que, comme cela a été le cas pour ce projet de loi, le Gouvernement et le Parlement aient un dialogue étroit afin de déterminer les voies et moyens les plus adaptés pour assurer, dans la durée, la meilleure articulation possible entre le droit de l’Union européenne et le droit national. Il est objectivement des situations dans lesquelles ce dialogue pourra conclure à la nécessité de recourir ponctuellement au mécanisme de l’ordonnance ou à l’engagement de la procédure accélérée sur un texte d’adaptation au droit de l’Union européenne à caractère essentiellement technique. Mais ce ne peut évidemment être la solution de référence, comme cela a pu être trop souvent le cas par le passé.

À la faveur du dialogue étroit qui a commencé à se nouer entre Gouvernement et Parlement au sein d’un comité de liaison de la transposition des directives, en accord avec le Premier ministre, MM. Claude Bartolone et Jean-Pierre Bel, nous aurons à vérifier ensemble si certaines transpositions appellent des solutions particulières, comme le recours aux ordonnances, pourvu, bien évidemment, que ce ne soit pas au prétexte de retards que le Gouvernement aurait lui-même laissé naître faute d’avoir préparé en temps utile les mesures d’adaptation de notre droit.

Tel est l’un des éléments tangibles du respect que le Gouvernement porte aux travaux de la représentation nationale, suivant les souhaits du Président de la République et du Premier ministre.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les mesures qui sont aujourd’hui soumises à votre examen sont non seulement une nécessité juridique, mais aussi une modernisation de notre droit attendue par nombre de consommateurs et d’opérateurs économiques. Le Gouvernement souhaite donc que, tout comme cela a été le cas en première lecture, au Sénat et à l’Assemblée nationale, ces mesures recueillent aujourd’hui le plus large assentiment, pour être définitivement adoptées.

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