Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’adoption du projet de loi que nous examinons permettra de dispenser la France de subir quelques amendes de l’Union européenne pour cause de non-transposition dans notre droit national, dans les délais requis, de trois directives déjà anciennes.
M. le ministre l’a rappelé, et nous avons déjà eu l’occasion de le souligner, l’abondante production législative et réglementaire européenne crée un encombrement assez sérieux de notre ordre du jour parlementaire. Il me semble qu’il nous faut, en l’espèce, tirer quelques leçons de ce constat.
Le présent projet de loi tend donc à transposer trois directives distinctes.
La première directive est relative à la mise en place de systèmes – et surtout d’opérateurs – de monnaie électronique. Sa transposition tardive dans notre droit n’aura comme autre conséquence que de mettre au jour que d’autres pays vont servir de « base arrière » à ces opérateurs, en particulier le Luxembourg. Ce dernier est décidément toujours à la pointe du combat lorsqu’il s’agit d’innovation en matière d’ingénierie financière.
Le fait que le Grand-Duché soit ainsi privilégié par les opérateurs signifie, de manière assez évidente, que les opérateurs de monnaie électronique ont privilégié le pays le moins regardant, voire le plus accueillant en matière financière. À nos yeux, cela ne peut que renforcer la méfiance de certains consommateurs à l’égard de ce nouveau type de création monétaire.
La deuxième directive porte sur la coopération entre les autorités prudentielles en matière financière et bancaire, au cœur de la directive « Omnibus I », qui, au demeurant, est déjà quasi obsolète maintenant que la supervision des activités financières va se trouver de plus en plus dévolue à une super autorité prudentielle au niveau communautaire, dans le cadre de ce qu’on appelle l’« union bancaire ».
Pour peu que l’on ait suivi l’affaire, on a compris que le contrôle de cette union bancaire sera confié à la Banque centrale européenne. Or la clairvoyance de cet établissement a fait tant de miracles depuis l’été 2008 que l’on peut se demander si l’orientation prise est forcément la meilleure en pareille situation…
Enfin, la troisième directive a trait aux délais de paiement en matière de commande publique pour les entreprises, et singulièrement pour les PME. Dans les faits, il s’agit de donner aux créanciers de personnes publiques quelques menues garanties de recouvrement de leurs créances, dès lors qu’un retard peut être constaté dans le règlement de ces situations.
On peut évidemment adhérer à l’objectif visé, tout en rappelant que ce qui constitue malgré tout le principal obstacle au développement et, parfois, à la survie même de certaines PME, tient plutôt aux retards de paiement enregistrés en matière de commande privée – on appelle cela le crédit fournisseur du point de vue des « mauvais payeurs » – ou encore à l’inégalité d’accès au crédit, nombre de banques refusant bien souvent la moindre avance de trésorerie à destination des entreprises ayant pourtant des créances à présenter à l’escompte.
Au demeurant, le renforcement de la supervision bancaire et l’adaptation probable des règles prudentielles les plus récemment recommandées par le comité de Bâle, tels que prévus par les projets d’union bancaire, risquent fort de placer nombre de PME face à des difficultés nouvelles ou renforcées dans l’accès au crédit.
De plus, si, comme le soulignait le rapport en première lecture, la commande publique souffre de l’application d’un logiciel de règlement inadapté ou mal maîtrisé par les personnes chargées du mandatement et du règlement des dépenses, bon nombre d’entreprises risquent fort de se heurter à de nouvelles difficultés.
En tout état de cause, les trois directives visées par le présent projet de loi constituent la nouvelle illustration d’une production normative communautaire engendrée par la mise en œuvre des principes de la concurrence libre et non faussée, principes que de tels actes communautaires viennent en quelque sorte « aménager », en attendant des aménagements ultérieurs dont certains sont déjà sur les rails, comme on l’observe en matière de supervision bancaire.
Nous comprenons très bien l’esprit qui anime M. le rapporteur, qui, en recommandant l’adoption conforme du projet de loi, souhaite clore l’épisode et passer à autre chose. Toutefois, il s’agit de voter un texte en grande partie inapplicable ou qui restera inappliqué en France métropolitaine. Cette quasi-inapplication risque tout de même de nous valoir quelques soucis financiers avec les instances européennes.
Dans ce contexte et sous réserve des observations déjà formulées, nous ne pourrons donc que confirmer notre abstention sur l’ensemble du projet de loi.