Intervention de Annie David

Réunion du 22 décembre 2004 à 10h15
Maîtres des établissements d'enseignement privés sous contrat — Adoption définitive d'une proposition de loi

Photo de Annie DavidAnnie David :

C'est une question d'égalité scolaire et sociale, et l'absence de subvention pour l'enseignement privé créerait, à coup sûr, un secteur où seuls les plus nantis auraient droit à cette solution de remplacement. En outre, l'ensemble de nos jeunes n'auraient alors pas accès aux quelques filières qui n'ont pas leur équivalence dans le public.

Cependant, quelques jours après le vote du budget de l'Etat, il est difficilement acceptable de voir le ministère de l'éducation nationale donner plus au secteur privé, sans qu'il y ait de contrepartie importante. Dans ce texte, la contrepartie n'est pas à la hauteur des espérances des personnels de l'enseignement privé.

Par ailleurs, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à vous rappeler la manifestation de la communauté éducative, le 7 décembre dernier, pour dénoncer vigoureusement la politique budgétaire du Gouvernement dans le domaine de l'éducation nationale, laquelle a conduit à la suppression de 20 000 postes d'enseignants en quatre ans et de 30 000 postes d'encadrement éducatif dans les lycées, collèges et écoles.

Quand bien même la perspective d'une future loi sur l'école avait pu redonner un quelconque espoir, il n'aura pas duré longtemps ! Monsieur le ministre, cet espoir n'a pas résisté au vote du budget et à la présentation de votre projet de loi, qui sont loin de permettre la réalisation d'une transformation progressiste du système éducatif.

A ce sujet, le CSE, le Conseil supérieur de l'éducation, s'est fortement opposé à ce texte, et l'a rejeté par 39 voix contre, 4 voix pour et 9 abstentions. De même, le CNESER, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, l'a également majoritairement rejeté.

Aussi, dans la logique de rigueur de votre Gouvernement, on peut craindre qu'un financement accru des établissements privés ne se fasse au détriment des établissements publics.

Or c'est justement ce que prévoit ce texte, c'est-à-dire financer l'amélioration des retraites des maîtres des établissements privés, qui est parfaitement légitime, en ponctionnant le budget du ministère de l'éducation nationale, avec votre accord, monsieur le ministre, mais sur une période de vingt-cinq ans, comme l'a rappelé M. Boyer à l'instant.

Entendons-nous bien : comme vous, j'ai à coeur que les conditions de travail des personnels soient améliorées ; comme vous, j'estime qu'ils ont droit à une retraite décente et équitable, en contrepartie de la mission de service public qu'ils accomplissent avec conscience en faveur de nos jeunes, de la société et, donc, de la nation. C'est une question d'équité et de justice sociale, car on ne peut accepter que, avec les mêmes exigences de qualification, de titre et de service public que leurs collègues de l'enseignement public, et, surtout, avec le même employeur, ces enseignants n'aient pas droit à des pensions de retraite équivalentes.

Mais je m'inscris en faux contre le choix qui consiste à faire peser l'effort financier uniquement sur l'Etat, alors que les établissements devraient participer à l'amélioration des conditions de travail de celles et ceux qui contribuent principalement à leur développement et à leur fonctionnement.

Une telle participation est possible et ne mettra pas en péril la viabilité des établissements, puisque ceux-ci ne verseront plus, à terme, l'indemnité de départ à la retraite. A moins que ce texte, sous couvert d'équité sociale, vous serve simplement à satisfaire les établissements d'enseignement privés, qui estiment payer des charges indues, en leur permettant de faire des économies substantielles. Aussi, j'ai déposé un amendement visant à faire participer les établissements privés au financement du régime de retraite additionnel.

Dans la même logique, je vous soumettrai deux autres amendements, l'un visant à maintenir le régime de prévoyance actuellement en vigueur et l'autre garantissant aux personnels la possibilité de saisir les prud'hommes. Il est légitime que les établissements, tant qu'ils restent privés, assument le coût de la protection sociale, et que leurs personnels, relevant du droit privé, bénéficient des mêmes droits que les autres salariés soumis au droit privé.

Cette position est d'autant plus légitime que vous nous avez assurés, madame le rapporteur, que cette proposition de loi ne vise absolument pas à porter atteinte aux droits des personnels. Selon vous, « il ne serait pas conforme à l'objet et à l'esprit du présent texte de loi, en effet, que d'aboutir à un recul social pour ces personnels. »

Avant tout, je regrette que les auteurs de ce texte ne soient pas allés jusqu'au bout des revendications des partenaires concernés. Ces derniers demandent, c'est vrai, le maintien de leurs droits sociaux, mais aussi la sécurisation de l'emploi, l'égalité de traitement et de pension avec les enseignants du secteur public et le droit au temps complet.

Vous me répondrez, monsieur le ministre, que l'ensemble des syndicats représentatifs est signataire du relevé de conclusions. Mais vous savez pertinemment quelles ont été véritablement les conditions de signature ! Quant au syndicat SUNDEP, le syndicat unitaire national démocratique des personnels de la formation et de l'enseignement privé, qui n'a pas été consulté durant ces négociations et qui est également opposé à ce texte, il a maintenu son opposition après la première lecture de cette proposition de loi à l'Assemblée nationale. De nombreuses pétitions ont d'ailleurs été signées demandant, tant que les dirigeants des établissements continuent de relever du droit privé et tant que les enseignants n'ont pas le statut de fonctionnaire, le retrait pur et simple de la proposition de loi Censi. Pour les signataires, il est inacceptable de retirer aux maîtres les droits associés au code du travail.

Par ailleurs, vous avez tous pu lire, lundi, la lettre cosignée par la CGC, la CFTC et la CGT, dénonçant les dispositions du relevé de conclusions concernant le statut des enseignants et des documentalistes de l'enseignement privé agricole et demandant un droit d'opposition.

Monsieur le ministre, si vous leur accordiez le statut de fonctionnaire comme ils le souhaitent, cela permettrait de lever toutes les ambiguïtés juridiques soulevées par la dualité de leur statut, ambiguïtés qui sont maintenues après le vote de cette proposition de loi en première lecture à l'Assemblée nationale, qu'il s'agisse des salaires, de la prévoyance, des indemnités ou des retraites. Quand bien même leurs acquis sociaux et syndicaux sont préservés, le fait d'écrire dans une proposition de loi que les enseignants ne sont pas liés par un contrat de travail ne clarifie pas leur statut juridique, bien au contraire ! C'est pourquoi, monsieur le ministre, je vous proposerai un amendement visant à aller dans ce sens.

Toutefois, j'aimerais ajouter que la fonctionnarisation doit concerner l'ensemble de la communauté éducative des établissements privés sous contrat, afin de permettre le plein exercice des droits syndicaux. Cela est possible, car les personnels non enseignants sont rémunérés sur le budget « forfait d'externat », abondé par l'Etat et les collectivités territoriales. Ces personnels non enseignants sont donc rémunérés indirectement par des deniers publics et, à ce titre, ils doivent donc pouvoir prétendre à la fonctionnarisation.

Enfin, monsieur le ministre, je ne peux terminer mon intervention sans évoquer les retraites des fonctionnaires de l'éducation nationale. Chacun a en mémoire le mouvement important, au cours du printemps 2003, de l'ensemble de la communauté éducative, qui s'est élevée d'une seule voix contre votre réforme des retraites. En effet, si l'on peut se réjouir de l'avancée sociale que vous nous proposez pour les enseignants des établissements privés, celle-ci ne peut effacer les mesures de régression que vous avez mises en place pour les enseignants et les fonctionnaires de l'Etat.

Ce texte reste insatisfaisant sur plusieurs points, et ce malgré la contribution de nos collègues de l'Assemblée nationale. Même la coordination nationale pour la retraite des maîtres de l'enseignement privé estime que l'avancée financière est, pour les personnels, très insuffisante et échelonnée sur une trop longue période. Toutefois, elle demande, elle, un effort supplémentaire de l'Etat plutôt qu'une participation financière des établissements.

Aussi, bien que je salue les quelques avancées sociales obtenues grâce à la détermination des personnels, mon groupe conditionne son vote au sort qui sera réservé à ses amendements.

Par ailleurs, pouvez-vous m'assurez que les économies substantielles réalisées par les établissement permettront de diminuer, pour les familles, les coûts d'inscription ?

Monsieur le ministre, vous l'avez compris, nous avons à coeur, notamment, de défendre les conditions de travail de tous les salariés, qu'ils appartiennent au secteur public ou au secteur privé, et de proposer à toutes les familles une alternative pour la scolarisation de leurs enfants.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion