L’histoire du droit de vote est un chemin précieux de l’histoire de notre pays et de notre démocratie. Il est éclairé par un principe simple : « Un homme une voix ».
Si, dans l’Histoire, la mise en place de cet idéal fut longue et parfois douloureuse, nous devrions espérer que, en 2012, c'est-à-dire cinquante ans après l’instauration de l’élection du Président de la République au suffrage universel direct et soixante-sept ans après qu’on a accordé le droit de vote aux femmes et aux militaires, nous soyons parvenus à honorer au mieux ce fameux principe.
Pourtant, si l’élection présidentielle respecte effectivement le principe « un homme une voix », les élections locales sont soumises à la loi de la carte électorale.
Il ne s’agit évidemment pas d’en contester le principe, dans la mesure où les évolutions de population sont inévitables et où la mobilité est l’une des caractéristiques principales de la société contemporaine. Cependant, notre rôle de législateur est bien de mesurer ces évolutions et d’y apporter la réponse la plus respectueuse du grand principe qui régit la représentativité de l’élu dans notre démocratie.
Malheureusement, les « ajustements » de la carte électorale n’ont pas toujours été réalisés sans arrière-pensées. Il est d’ailleurs amusant de noter qu’une forme de justice immanente a souvent puni la main qui avait essayé de tordre le cou aux électeurs.
C’est aujourd’hui en tant que sénateur et élu de Paris que j’interviens sur cet article, qui modifie la clef de répartition des élus parisiens, au regard des évolutions de population qu’ont connues les différents arrondissements de la capitale depuis trente ans. À cet égard, le tableau fourni en page 67 du rapport est tout à fait clair ; il présente un certain nombre de problèmes quant à l’équité des variations proposées par ce projet de loi. En effet, si la population a, globalement, légèrement augmenté dans la capitale, nous constatons de fortes disparités dans la répartition de cette progression.
La logique de la réforme de la répartition des conseillers de Paris devrait viser à rétablir les équilibres de représentation, en ajustant le nombre de sièges aux évolutions constatées. Dès lors, comment comprendre, par exemple, que le XVIIe arrondissement se voie privé d’un représentant alors que sa population est stable, à 0, 6 % près, faisant passer à 14 000 le nombre d’habitants par élu, quand, dans le même temps, le IVe arrondissement, qui a vu sa population chuter de 17, 1 %, garde ses trois sièges, ce qui équivaut à un ratio de 9 000 habitants par élu ?
Plus généralement, comment ne pas soupçonner une autre logique que celle de l’équité quand les trois conseillers de Paris ajoutés dans ce projet de loi l’ont été dans des arrondissements majoritairement à gauche et les trois qui ont été retirés l’ont été dans des arrondissements majoritairement à droite : VIIe, XVIe, XVIIe ?
Les Ier, IIe et IIIe arrondissements et, dans une moindre mesure, le IVe arrondissement profitent d’une surreprésentation au conseil de Paris : leur population a fortement diminué en trente ans, mais le nombre de conseillers de Paris qui y siègent n’en a pas été affecté, et il ne le sera pas non plus après l’adoption du projet de loi.
Peut-être est-il temps de réfléchir à la question du regroupement des quatre arrondissements centraux au sein d’une seule et même entité. Pour l’heure, le projet de loi ne règle rien : il institutionnalise un déséquilibre qui existe depuis trente ans et qui conduit à ce que la voix d’un électeur du centre de la capitale vaut près du double de celle de tout autre électeur parisien.
Comme cela apparaît dans le tableau, la fourchette se situe entre 5 871 habitants par élu dans le Ier arrondissement et 15 069 pour le Ve, soit un rapport de un à plus de deux fois et demie !
Une telle disparité, qui compte plus que les évolutions démographiques elles-mêmes, aurait pu être gommée à l’occasion de ce projet de loi. Bien au contraire, elle est aujourd’hui accentuée dans les trois arrondissements concernés par la suppression d’un siège au conseil de Paris ! Par exemple, dans le VIIe arrondissement, on passe de 11 000 à 14 000 habitants par élu. Il s’agit là non pas d’une réforme, mais bien d’une manipulation visant à fausser la représentation des électeurs des VIIe, XVIe, et XVIIe arrondissements au conseil de Paris.
La solution la plus équitable me semble être celle que notre collègue Yves Pozzo di Borgo propose dans son amendement, dont je suis d’ailleurs cosignataire. Il s’agit de fixer à deux le nombre de sièges au conseil de Paris pour les Ier, IIe et IVe arrondissements et à treize ceux du XVIe et du XVIIe.
Mes chers collègues, il est de notre devoir de législateur de veiller aux meilleures conditions d’épanouissement de la démocratie, et non de l’aménager indignement pour truquer ses équilibres. §