Intervention de Yves Pozzo di Borgo

Réunion du 18 janvier 2013 à 14h45
Élection des conseillers départementaux des conseillers municipaux et des délégués communautaires et modification du calendrier électoral — Article annexe

Photo de Yves Pozzo di BorgoYves Pozzo di Borgo :

Je regrette que ce texte n’ait pas permis d’avoir une vraie réflexion sur le statut de Paris. Cela aurait été une belle occasion. Je défends depuis toujours l’idée que le statut particulier de la capitale devrait être remis à plat.

La loi du 31 décembre 1982 relative à l’organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale, dite loi PLM, était un texte de circonstance ; M. le rapporteur s’en souvient bien, puisqu’il occupait à l’époque des fonctions auprès du Premier ministre. Il s’agissait de permettre au ministre de l’intérieur de l’époque, M. Gaston Defferre, de garder la mairie de Marseille. Il a ainsi été réélu en étant minoritaire, tout comme d’ailleurs Bertrand Delanoë a été élu maire de Paris en 2001 avec 5 000 voix de moins. C’est le statut de Paris ou Marseille qui permet cela.

Cette loi devrait être revue et remise à plat, afin de nous inciter à aborder la gouvernance du Grand Paris pour adapter ce pôle urbain aux grands pôles internationaux. Car Paris, avec ses 2 millions d’habitants, est une petite capitale.

Actuellement, les cent soixante-trois conseillers de Paris, également conseillers généraux, sont élus à la proportionnelle, et il y a la parité. Pourquoi les conseillers généraux de Paris ne sont-ils pas élus comme des conseillers généraux classiques ? Des cantons pourraient être tracés dans chaque arrondissement pour ancrer les conseillers départementaux dans un quartier de la capitale.

Quels seraient les avantages d’une telle réforme ? Elle s’inscrirait dans l’évolution historique parisienne de ces cinquante dernières années, réduirait le nombre de conseillers généraux parisiens et, enfin, décloisonnerait Paris, à l’heure de la mise en place du Grand Paris.

La loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales avait d’ailleurs banalisé le statut des conseillers territoriaux de Paris. Son article 1er était ainsi rédigé : « Les conseillers territoriaux sont élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours » – il n’y avait pas de précisions particulières pour les élus parisiens ; c’est donc le scrutin uninominal majoritaire qui leur aurait été applicable – « selon les modalités prévues au titre III du livre Ier du code électoral. Ils sont renouvelés intégralement tous les six ans. » Il n’y avait aucune référence au statut particulier de Paris, et cette banalisation avait été validée.

Cette loi obligeait un redécoupage des circonscriptions cantonales dans la capitale. Cela aurait eu pour incidence de faire élire les conseillers territoriaux de Paris non pas à la propositionnelle, mais, comme c’est indiqué à l’article 1er, au scrutin majoritaire.

J’en viens à l’amendement que j’ai déposé sur cet article. M. Charon l’a d’ailleurs déjà évoqué.

L’article 19 du projet de loi prévoit de supprimer un siège de conseiller de Paris dans les VIIe, XVIe et XVIIe arrondissements pour les transférer dans l’Est parisien. Il paraîtrait plus juste de les supprimer dans les arrondissements du centre : Ier, IIe et IVe. Si je suggère cette modification, c’est parce que, au delà des variations démographiques, la question du nombre d’habitants par élu est fondamentale.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à rappeler que nous avons déjà passé longtemps, à juste titre, à débattre des écarts de nombre d’élus pas habitants entre cantons d’un même département. Mais il semble que cette logique ne s’applique pas avec la même rigueur dans la capitale. En effet, comme l’a rappelé mon collègue Pierre Charon, dans le Ier arrondissement, chaque élu représente 5 871 habitants alors que la moyenne municipale dépasse les 13 000 habitants par élu ! On est loin, très loin – certes, je reconnais que le contexte n’est pas le même – du tunnel des plus ou moins 20 %.

Les Ier, IIe et IVe arrondissements sont donc surreprésentés au sein du conseil de Paris avec trois conseillers de Paris là où ils n’en mériteraient en fait que deux au vu de leur population.

Par ailleurs, le VIIe arrondissement, avec le site de l’hôpital Laennec, et le XVIIe arrondissement, avec le site des Batignolles, vont connaître une hausse significative de leur population du fait d’importants programmes immobiliers. Il faut donc anticiper – c’est la moindre des choses pour un politique – cette évolution en cours dès aujourd’hui en sauvegardant le cinquième conseiller de Paris dont disposent aujourd’hui ces arrondissements.

La véritable justice électorale est de mieux répartir les conseillers de Paris vis-à-vis des populations des arrondissements, pas d’effectuer des transferts politiciens vers l’Est au détriment des habitants des grands arrondissements de l’Ouest.

Je sais bien que certains nos collègues s’inquiètent quant à leurs chances de garder la mairie de Paris. Mais je crois tout de même que nous sommes en présence d’une manœuvre qui n’est guère correcte.

L’objet de cet amendement est d’imputer la baisse d’un conseiller prévue par le texte aux Ier, IIe et IVe arrondissements, et non aux VIIe, XVIe et XVIIe arrondissements. En effet, pour les Ier, IIe et IVe arrondissements, le ratio d’habitants par conseiller de Paris est particulièrement disproportionné par rapport à la moyenne parisienne. Par ailleurs, la fixation d’un seuil à deux conseillers pour un arrondissement avait été prévue dans le texte initial de la loi PLM. C’est suite à l’adoption d’un amendement que les socialistes avaient déposé que ces arrondissements ont obtenu trois conseillers généraux au lieu de deux.

La solution proposée dans le projet de loi ne règle pas le problème que le Conseil constitutionnel a soulevé à de nombreuses reprises en rappelant que le principe constitutionnel d’égalité du suffrage imposait l’élection de l’organe délibérant d’une collectivité territoriale « sur des bases essentiellement démographiques selon une répartition des sièges. »

La nouvelle répartition ne règle pas du tout de problème. À mon sens, le Conseil constitutionnel serait également en droit de censurer cet article.

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