Les dispositions de cet amendement soulèvent à la fois une question de fond et un problème d’opportunité relatif à la procédure choisie. Je traiterai successivement de ces deux aspects.
La question de fond est la suivante : dans un texte précédent, le législateur a admis qu’une ville-préfecture puisse constituer une communauté d’agglomération dès lors qu’elle rassemble au moins 30 000 habitants. Cette disposition est très pertinente. En effet, quand bien même elles sont petites, les villes-préfectures assument des fonctions et des charges de centralité qui pèsent plus lourdement que sur les autres communes de taille comparable.
Or l’application de cette disposition, introduite par voie d’amendement dans un texte gouvernemental, a mis au jour ce constat : pour des raisons diverses et variées, liées à l’histoire des départements français, la préfecture, notamment par sa taille, n’est pas toujours la ville la plus importante de son ressort.
Ces raisons historiques sont nombreuses. Elles tiennent notamment à l’institution des préfets maritimes, qui a indirectement permis à des villes modestes de devenir préfectures.
Cela a longtemps été le cas de Draguignan, afin que le préfet maritime de Toulon ne soit pas placé sous l’autorité du préfet territorial ; c’est toujours le cas de Brest, qui est restée sous-préfecture, quoique cette ville soit bien plus importante, par sa taille, que Quimper. C’est également le cas, cher Philippe Bas, dans le département de la Manche : évidemment excentrée au sein de ce dernier, la ville de Cherbourg, siège du préfet maritime, est plus peuplée que Saint-Lô, siège du préfet territorial. §Force est de reconnaître que Saint-Lô n’est pas une métropole internationale, même si c’est une ville charmante et admirablement reconstruite après la Seconde Guerre mondiale.
Dans la plupart des cas, le problème est résolu d’avance car, même si elle est plus peuplée que le chef-lieu de son département, une ville qui n’est pas préfecture peut prétendre devenir une communauté d’agglomération. Je songe notamment à Cherbourg et à Reims, exemples sur lesquels je ne reviendrai pas. C’est également le cas de Draguignan.
Ainsi, ne subsistent en réalité en France que quatre départements dont la principale ville n’est pas la préfecture et ne peut prétendre former une communauté d’agglomération, sauf à englober toutes les campagnes autour d’elle, ce qui serait absurde. C’est le cas de la Haute-Marne, avec Saint-Dizier en – ce qui explique que M. Charles Guéné soit cosignataire du présent amendement –, de la Meuse, avec Verdun, de l’Ariège, enfin – je viens de l’apprendre –, de l’Ardèche, puisque Privas est moins peuplée qu’Aubenas.
Dans ces quatre cas, la préfecture peut former une communauté d’agglomération, mais la ville principale, qui joue pourtant un rôle d’entraînement et d’équilibre territorial, ne peut le faire.
Dans l’Ariège, le problème est résolu par la proximité entre Foix et Pamiers, qui a permis de constituer une seule et unique communauté d’agglomération. Ne demeurent ainsi que trois cas : Aubenas, une ville qui est plus peuplée que Privas mais qui ne peut prétendre au statut de communauté d’agglomération, étant donné qu’elle n’atteint pas le seuil de 50 000 habitants, Saint-Dizier et Verdun.
Mes chers collègues, je vous propose d’accepter une dérogation aux dispositions actuellement en vigueur, afin de permettre à la ville principale d’un département dont elle n’est pas le chef-lieu, et dont la préfecture a pu, à titre dérogatoire, former une communauté d’agglomération à partir du seuil de 30 000 habitants, de revendiquer, elle aussi, ce statut.
J’en viens à la question de procédure. Vous pourriez me dire : « Monsieur Longuet, votre sujet est certes passionnant, mais son examen a-t-il réellement sa place en cet instant ? » La réponse est oui !
En effet, nous sommes en train de mettre en place, dans tous les départements de France, les schémas départementaux de coopération intercommunale, les SDCI. Or les départements concernés restent en suspens, dans l’attente de pouvoir constituer une communauté d’agglomération permettant d’attribuer à l’intercommunalité davantage de responsabilités.
Certes, ce statut va de pair avec des moyens financiers plus élevés. Néanmoins, comme l’a relevé Jean-Louis Masson, ces crédits sont distribués sur la base d’une enveloppe nationale. Par conséquent, l’article 40 de la Constitution n’est pas opposable à cet amendement. Au demeurant, vous ne l’avez pas invoqué, monsieur le ministre.
J’ajoute que cet amendement, que je défends avec Charles Guéné et dont les dispositions rejoignent la préoccupation de Jean-Louis Masson et font écho à celles de l’amendement déposé par Christian Namy au nom du groupe UDI-UC, a été initialement présenté par un député socialiste. Toutefois, il n’a pu être défendu, son auteur n’étant pas présent en séance. Pour ma part, je suis resté pour justifier cette mesure.
Mes chers collègues, pardonnez-moi d’avoir été un peu long sur un sujet qui me passionne et que je défends obstinément depuis maintenant trois ans !