Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 17 janvier 2013 : 1ère réunion
« femmes et travail » et activité de la délégation en 2012 — Examen du rapport

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin, présidente :

Notre réunion d'aujourd'hui est consacrée à l'examen de notre rapport d'activité de 2012. Elle me permettra de vous présenter les conclusions que nous pouvons tirer de nos travaux sur notre thème d'étude « Femmes et travail » et de vous proposer un certain nombre de recommandations.

Mais, auparavant, je souhaiterais évoquer, en quelques mots, les autres activités conduites par notre délégation en 2012.

Nous avons connu, au cours de cette année, une activité législative significative, puisque nous avons publié deux rapports sur des projets ou des propositions de loi.

Saisis par la commission des Affaires sociales, nous avons examiné la proposition de loi relative à l'égalité salariale présentée par notre collègue Claire-Lise Campion et les membres du groupe socialiste. Suivant les conclusions de notre rapporteure, Michèle Meunier, nous avons donné un avis favorable à son adoption et formulé sept recommandations. Cette proposition de loi a été adoptée par le Sénat, mais n'a pu l'être par l'Assemblée nationale avant la fin de la législature.

Nous avons ensuite effectué un travail important sur le délit de harcèlement sexuel, à la suite de son abrogation, le 4 mai 2012 par le Conseil constitutionnel. Il fallait combler au plus vite ce vide juridique, ne pas laisser les victimes sans recours et ne pas envoyer un message d'impunité aux harceleurs.

En partenariat avec la commission des Lois et celle des Affaires sociales, nous avons d'abord constitué un groupe de travail qui a auditionné en quinze jours une cinquantaine de personnes et dégagé des orientations consensuelles pour la définition du nouveau délit de harcèlement sexuel.

Dans le prolongement de ces travaux, notre délégation a adopté à l'unanimité le rapport et les seize recommandations que je lui ai proposées. Celles-ci dressaient un cahier des charges pour la future définition du délit et demandaient un certain nombre de mesures générales : réalisation d'une nouvelle enquête sur les violences faites aux femmes, création d'un Observatoire national des violences envers les femmes notamment, auxquelles le Gouvernement a réservé une suite favorable.

Une brève mention de nos activités de contrôle : nous avons débattu en séance publique des violences envers les femmes à l'occasion de la question orale puis de la proposition de résolution de notre collègue Roland Courteau, puis de l'égalité professionnelle lors de la séance de questions cribles thématiques du 18 octobre 2012.

Ce travail d'information, nous l'avons également effectué au cours de nos réunions de délégation, lors de la table ronde au cours de laquelle nous avons recueilli le point de vue des associations sur le délai de prescription de l'action publique des agressions sexuelles, en janvier ; ou lorsque nous avons auditionné notre collègue Chantal Jouanno sur les conclusions de la mission qui lui avait été confiée sur l'hyper-sexualisation des petites filles.

Nous avons également auditionné les responsables gouvernementaux en charge des droits des femmes : Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la solidarité et de la cohésion sociale en février, puis Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes en octobre.

Plusieurs déplacements ont été consacrés à l'examen de la mise en oeuvre, sur le terrain, des politiques d'aide aux femmes victimes de violences :

- à l'occasion de la Journée internationale de la femme, j'ai accompagné, le 8 mars 2012, le président du Sénat à Bobigny pour le 10ème anniversaire de l'Observatoire des violences de Seine-Saint-Denis ; j'y suis retournée huit mois plus tard pour participer à une table ronde traçant le bilan des différents dispositifs de protection ;

- à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la violence envers les femmes, nous nous sommes rendus à l'invitation de notre collègue Christiane Demontès à Lyon et à Villeurbanne. Nous avons ainsi pu, avec Françoise Laborde, visiter le centre d'hébergement et de réinsertion pour femmes avec enfants créé par l'Association VIFF de Villeurbanne et participer, l'après-midi, à une table ronde avec les principaux responsables politiques, administratifs et associatifs en charge de la lutte contre les violences envers les femmes.

Notre délégation s'est également attachée à participer au débat public sur les questions intéressant les droits des femmes : elle a apporté son soutien à huit colloques qui se sont déroulés au Palais du Luxembourg et ses membres ont participé à une dizaine de colloques qui se sont tenus à l'extérieur.

J'en viens maintenant à la présentation des conclusions que nous pouvons tirer de nos travaux sur notre thème de réflexion « Femmes et travail ».

Nous avons procédé à une vingtaine d'auditions.

Au terme de ce large tour d'horizon, un certain nombre de constats se dégagent.

Tous nos interlocuteurs se sont accordés à reconnaître que l'entrée massive des femmes sur le marché du travail à travers le salariat a été l'un des phénomènes majeurs de la seconde moitié du XXème siècle.

Pour autant, comme nous l'a rappelé notamment, Hélène Périvier, les femmes ont toujours travaillé : le taux d'activité féminin tournait autour de 35 % dans la première moitié du XXème siècle et une large partie du travail féminin, effectué dans la sphère domestique, restait invisible car non rémunéré.

Ce qui est nouveau, à partir des années 1960, c'est l'essor de l'emploi salarié féminin ; c'est-à-dire d'une forme de travail instituée et reconnue, autonome et extérieure à la sphère domestique.

A ce titre, le développement de l'emploi salarié a été un puissant facteur d'émancipation économique et sociale des femmes.

Le taux d'activité des femmes s'est aujourd'hui considérablement rapproché de celui des hommes, même s'il subsiste un écart de 8 ou 9 %. C'est dans la tranche d'âge des 25/49 ans que la progression est la plus forte depuis les années 1960. Cela traduit le fait que les femmes conservent massivement une activité professionnelle même dans des âges où elles ont des responsabilités familiales.

Cette entrée massive des femmes sur le marché du travail a été rendue possible par la levée du « handicap scolaire » : aujourd'hui, les filles réussissent mieux leur parcours scolaire que les garçons et sont, en proportion, plus nombreuses dans l'enseignement supérieur.

Bref, l'exercice, par les femmes, d'une activité professionnelle est devenu la norme et les femmes représentent aujourd'hui près de la moitié de la population active.

Mais cette apparente égalité numérique recouvre une réalité qui reste profondément inégalitaire.

D'une façon générale, la transformation sociale que représente l'entrée massive des femmes dans le travail salarié ne s'est pas accompagnée d'une remise en question de l'ordre sexué. La répartition des tâches qui s'articulait autrefois entre le monde domestique et le monde du travail rémunéré s'est recomposée au sein du marché du travail : les emplois occupés par des femmes se situent très souvent dans le prolongement des anciennes tâches domestiques qui ont été en quelque sorte « externalisées », à moins qu'elles ne se rattachent à des fonctions considérées comme relevant « naturellement » des femmes : métiers de l'éducation, de la santé, du social...

L'ordre sexué s'est donc recomposé sur des modes différents et ceux-ci sont profondément inégalitaires.

Les inégalités salariales en sont le révélateur. L'écart entre le salaire moyen des hommes et celui des femmes est important : 25 % environ. Cet écart est encore de 19 % si l'on neutralise les disparités de temps de travail, notamment l'effet du temps partiel. Une partie de cet écart - 10 % environ - ne peut être expliquée par des facteurs objectifs et reflète une forme de discrimination.

Ces écarts de salaires ont cessé de se réduire depuis quelques années. Ils sont plus importants dans les hautes rémunérations, où les primes jouent un rôle important, qu'au bas de l'échelle des salaires, où le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) a un effet protecteur et réduit les marges de discrimination.

Cet écart, significatif au niveau des revenus d'activités, se creuse encore au moment de la retraite : les femmes reçoivent en moyenne une pension de droit direct deux fois moindre que celle des hommes ; les pensions de réversion réduisent un peu cet écart qui reste malgré tout de 33 %.

Une analyse plus approfondie de cette situation inégalitaire montre que l'emploi féminin reste marqué par trois caractéristiques majeures.

En premier lieu, il est fortement concentré sur certains secteurs : métiers des services, de l'éducation ou de l'action sanitaire et sociale. La moitié des emplois occupés par des femmes sont concentrés dans 12 des 87 familles professionnelles définies par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE).

Certaines professions sont presque exclusivement féminines : assistantes maternelles (99 %), secrétaires de direction (98 %), aides à domicile (97 %), employés de maison (95 %).

Ces métiers, dits « féminins » présentent souvent deux caractéristiques : ils correspondent à des emplois peu qualifiés et sont souvent exercés à temps partiel.

Ils sont systématiquement moins valorisés que les métiers dits « masculins », même à diplômes comparables. C'est aussi dans les métiers « féminins » que l'on retrouve ces « savoirs-faires discrets » indispensables au bon exercice d'un métier, mais qui ne font l'objet d'aucune reconnaissance.

La pénibilité et les risques professionnels présentés par ces métiers sont également sous-évalués car moins bien pris en compte.

Même si le nombre d'accidents de trajet déclarés par les femmes dépasse celui des hommes depuis 2009 et le nombre de maladies professionnelles déclarées par les femmes a dépassé celui des hommes en 2010. Les maladies professionnelles déclarées par les femmes ont augmenté en dix ans de + 162 % (contre + 73 % pour les hommes) sous l'effet, notamment, de la progression des troubles musculo-squelettiques (TMS) liés aux travaux répétitifs qui touchent surtout les femmes.

Je vous proposerai tout à l'heure trois recommandations tendant respectivement à réformer l'appareil statistique pour mieux prendre en compte ces risques et pénibilités, à réviser sur cette base les dispositifs de prévention des risques et à s'assurer que les machines et les processus de travail permettent bien d'en garantir l'accès aux travailleurs de l'un et l'autre sexe.

La seconde caractéristique de l'emploi féminin, c'est le « plafond de verre », ces blocages qui pénalisent les carrières des femmes et les freinent dans l'accès aux postes dirigeants.

Les formes que prend le plafond de verre dans le monde de l'entreprise et dans la fonction publique sont bien connues.

Mais nos auditions nous ont permis de constater que le même phénomène se retrouvait dans les professions médicales et juridiques, y compris lorsqu'elles sont exercées en libéral, ainsi que dans les professions de l'art et de la culture.

Le rapport écrit rappelle les dispositions de la loi qui a instauré des quotas pour féminiser les instances dirigeantes des grandes entreprises, ainsi que le souhait qu'avait formulé la délégation d'en élargir le périmètre aux établissements publics administratifs. Il rappelle aussi les dispositions de la loi « Sauvadet » du 12 mars 2012 pour la fonction publique et les décisions annoncées, lors de son audition, par la ministre des droits des femmes.

Je vous inviterai aussi à adopter une recommandation relative aux postes de direction des centres dramatiques nationaux.

Enfin, l'emploi féminin présente une troisième caractéristique : sa bipolarisation croissante.

Grâce à la réussite scolaire et universitaire, certaines femmes ont atteint un haut niveau de qualification et accèdent à l'emploi dans des conditions convenables même si leur déroulement de carrière reste inférieur à celui des hommes.

Mais à l'autre extrémité, les femmes non qualifiées sont exposées à une précarité et à une pauvreté croissantes sous l'effet du sous-emploi et du temps partiel.

Les femmes, qui représentent à peu de choses près la moitié de la population active, constituent 75 % des salariés à bas salaires : la pauvreté au travail a, trois fois sur quatre, un visage de femme.

Les travailleurs pauvres sont aujourd'hui, en France, principalement des femmes, peu qualifiées, assurant souvent seules leurs charges de famille et travaillant à temps partiel dans le secteur des services aux particuliers, de la grande distribution ou de services mal rémunérés.

Florence Aubenas a tracé, dans « Le Quai de Ouistreham », le portrait de quelques-unes de ces femmes travaillant dans le secteur de la propreté et décrit leurs conditions de travail.

Ce sont aujourd'hui les principales victimes de la configuration du marché du travail et de l'évolution de l'emploi. A ce titre, elles méritent toute notre attention.

La seconde partie de notre rapport d'information propose un certain nombre de pistes pour accéder au « deuxième âge de l'émancipation des femmes », en faisant évoluer le monde du travail et en recherchant un nouvel équilibre entre les sexes dans l'articulation des temps de vie.

Il faut, tout d'abord, faire évoluer le monde du travail.

Premier axe : le cadre législatif et réglementaire en faveur de l'égalité professionnelle est déjà conséquent, et parfois même complexe. Je vous proposerai, dans une recommandation, de procéder à la clarification du code du travail en matière d'égalité professionnelle et salariale afin d'en améliorer l'efficacité.

Trois autres recommandations vont dans le même sens.

- La première vise à encadrer plus strictement la négociation collective sur l'égalité professionnelle, en substituant à la simple obligation d'ouvrir des négociations relatives à l'égalité professionnelle celle de remettre un rapport de situation comparée conforme à la législation.

Par ailleurs, je vous proposerai de demander à la ministre que le décret d'application de l'article 99 de la loi du 6 novembre 2010, actuellement en cours de révision, n'ouvre la possibilité d'un plan unilatéral qu'en cas d'absence d'accord négocié constaté par un procès-verbal de désaccord.

- La seconde proposition vise à améliorer le contenu des rapports obligatoires, en modulant le nombre d'indicateurs requis dans le rapport de situation comparée en fonction de la taille de l'entreprise, tout en imposant l'égalité salariale comme un indicateur obligatoire.

- La dernière vise à mettre en place un système efficace et public de contrôle des accords d'entreprises qui en garantisse l'effectivité. Il me semble que le site, actuellement en cours de réalisation par l'Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises (ORSE), qui publie actuellement 200 à 250 accords d'entreprise, collectés sur une base volontaire, pourrait être généralisé pour créer une émulation positive.

Deuxième axe : Il est un domaine dans lequel nous ne devons pas hésiter à faire évoluer les choses, c'est celui de l'encadrement du temps partiel.

Celui-ci s'est considérablement développé : en 30 ans, nous sommes passés de 1,5 à 4,6 millions de salariés à temps partiel. C'est un phénomène massif, concentré sur des secteurs fortement consommateurs d'une main d'oeuvre peu qualifiée. Il concerne, à 82 %, des femmes qu'il contribue à enfermer dans la pauvreté et la précarité.

Le code du travail entoure actuellement le temps partiel d'un certain nombre de règles et de garanties protectrices : celles-ci ont trait à la durée et au nombre des interruptions d'activité autorisées dans une journée ; au plafonnement du nombre des heures complémentaires ou encore au délai de prévenance pour des modifications d'horaires.

Mais ces dispositions ne sont protectrices qu'en apparence, car elles s'accompagnent de larges possibilités de dérogations ouvertes aux accords collectifs.

En pratique, les salariés à temps partiel ont de faibles rémunérations et de faibles retraites ; ils sont exposés à des horaires atypiques et fluctuants ; ils n'ont pas accès à certains droits sociaux lorsqu'ils n'effectuent qu'un trop petit nombre d'heures.

Tout cela invite à revoir le cadre juridique du temps partiel pour rendre plus effectives les garanties contenues dans le code du travail ou le code de la sécurité sociale.

L'article 11 de l'accord national interprofessionnel qui vient d'être signé le 11 janvier dernier va dans cette direction. Il propose d'instaurer une durée minimale de travail à temps partiel et de majorer, dès la première heure les heures complémentaires effectuées au-delà de la durée des contrats.

Ces orientations devront être transcrites dans un projet de loi et les modalités d'exercice du temps partiel feront l'objet de négociations qui doivent être engagées dans les trois mois.

Dans la perspective de ces négociations et de la discussion du projet de loi annoncé, je vous proposerai donc d'adopter un certain nombre de recommandations qui constitueront des leviers utiles pour la défense des femmes travaillant à temps partiel.

Ces recommandations tendent respectivement à demander que la majoration salariale s'applique dès la première heure complémentaire et non, comme aujourd'hui, au-delà du dixième de la durée fixée au contrat ; à encadrer de façon plus stricte les interruptions de travail et les délais de prévenance par la négociation collective ou, à défaut par la loi ; à garantir l'accès aux droits sociaux pour les temps partiels très courts soit en imposant une durée minimum légale du travail, soit en imposant aux employeurs de cotiser à concurrence de l'ouverture des droits sociaux et à renforcer la priorité d'embauche des salariés à temps partiel sur des emplois à temps plein.

Troisième axe : mieux évaluer la pénibilité et la sinistralité des emplois féminins pour améliorer la prévention des risques.

Les chiffres fournis à la délégation par l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT) nous ont permis de prendre la mesure de la dégradation des conditions de travail des femmes au cours des 10 dernières années :

Face à l'augmentation des risques, on constate une sous-estimation systématique de la dureté des emplois féminins et l'inadaptation des politiques de prévention des risques.

Pour y remédier, je vous propose d'introduire une dimension genrée dans les accords d'entreprise relatifs aux risques psychosociaux, ce qui n'est pas systématiquement le cas actuellement et d'encourager des programmes de recherche sur le champ de la santé au travail intégrant une dimension genrée - le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ne dénombre actuellement que cinq à six chercheurs travaillant sur les questions de genre sur des questions d'épidémiologie, de la santé des femmes et des hommes.

Quatrième axe : revaloriser les emplois féminins.

La tolérance de certains comportements « machistes » dans l'entreprise va de pair avec la sous-valorisation systématique des salaires des femmes, résurgence de la notion de « salaire d'appoint ».

Il est très difficile de lutter contre cette forme de discrimination, car elle passe souvent par la non reconnaissance de certains « savoirs-faires » discrets.

Il faut aussi s'attacher à repérer plus systématiquement la sous-valorisation des emplois féminins : Rachel Silvera et Séverine Lemière ont publié récemment un guide qui devrait permettre, au sein de chaque entreprise, la comparaison entre les emplois à prédominance masculine et ceux à prédominance féminine et se veut un outil de repérage objectif d'éventuelles discriminations dans la classification des emplois. Je vous propose de recommander aux organisations syndicales d'engager, sur la base de ce guide, une refonte des grilles de classification professionnelles dans la perspective d'une nouvelle hiérarchisation des emplois non discriminante au regard de l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.

Cinquième axe : remédier à la ségrégation professionnelle et arriver à la parité hommes-femmes dans tous les métiers.

D'après les études réalisées par le Centre d'études et de recherches sur la qualification (CEREQ), les trois cinquièmes de la ségrégation actuelle de l'emploi féminin seraient d'origine éducative : les filles ne suivent pas les mêmes formations et ne se préparent donc pas aux mêmes métiers que les garçons. Les représentants de l'Éducation nationale et de l'Enseignement supérieur nous ont exposé les actions conduites par leurs administrations. Elles doivent évidemment être poursuivies. Mais il nous semble que c'est également au niveau du rectorat que des actions doivent être menées : à ce titre, il conviendrait de renforcer le rôle et les moyens des chargé(e)s de mission à l'égalité filles-garçons dans les académies.

Favoriser l'insertion professionnelle des femmes dans des filières dans lesquelles elles ne s'orientent pas habituellement requiert aussi une action volontaire. Comme nous l'a exposé l'association « Retravailler », les processus de reclassement professionnels peuvent constituer un moment propice pour inciter les candidats à l'emploi à faire évoluer leur carrière.

Je vous proposerai d'inciter Pôle Emploi à se fixer pour objectif de contribuer à une amélioration de la mixité dans les métiers.

Sixième axe : la mixité dans les métiers et l'égalité professionnelle supposent aussi, plus largement, de modifier une organisation du travail ancrée dans des modèles masculins et de lutter contre ce « présentéisme à la française » qui a été à plusieurs reprises dénoncé.

Les entreprises ont un rôle à jouer en ce domaine et les syndicats doivent aussi y jouer toute leur part.

Il faut mobiliser les organisations syndicales et les inviter à mettre la question de l'égalité salariale au coeur des négociations obligatoires sur les salaires.

Mais les syndicats doivent aussi se montrer plus exemplaires pour améliorer la mixité dans leurs différentes instances et pour aboutir à une parité véritable dans leurs instances de direction.

Car, comme l'ont reconnu les responsables syndicaux que nous avons auditionnés, le monde syndical n'a pas encore pris la mesure du fait que le salariat est aujourd'hui pour une grande moitié féminin.

Mais il ne suffit pas de faire évoluer le monde du travail. Il faut aussi rechercher un nouvel équilibre entre les sexes dans l'articulation des temps de vie, car, nous le savons bien, les inégalités professionnelles puisent leur source dans l'inégal partage des tâches entre les hommes et les femmes et dans la discrimination systématique subie par les femmes « en âge de procréer » sur le marché de l'emploi.

Je vous propose de formuler des recommandations en ce sens jouant sur quatre leviers principaux.

Le premier vise à soutenir les pères qui s'investissent dans la sphère parentale et privée en incitant toutes les branches professionnelles à signer la charte de la parentalité et en prévoyant un encadrement juridique pour le père au moment de l'arrivée de l'enfant, comme cela existe à l'heure actuelle pour la femme enceinte (interdiction de licenciement, prise en charge d'un certain nombre d'absences pendant la maternité...).

Le second repose sur l'aménagement des régimes des congés pour permettre une prise en charge équitable de la parentalité entre les hommes et les femmes : suivant l'avis de l'ensemble des organisations syndicales, je vous proposerai une réforme de l'actuel congé de paternité - de 11 jours - pour le porter à quatre semaines et le rendre obligatoire.

Cette solution nous parait rétablir un équilibre dans le couple, tout en permettant au père d'assumer, s'il le souhaite, la parentalité, au même titre que sa conjointe.

La réforme du congé parental d'éducation nous permet d'aborder la notion de parentalité tout au long de la vie. Le dispositif actuel, prévu à l'article L.122-28-1 du code du travail est, de l'avis unanime, insatisfaisant : trop long et financièrement pas ou peu pris en charge.

Je vous propose de le rendre modulable tout au long de la vie, sous la forme d'une nouvelle garantie sociale : le droit individuel à la parentalité, portable en dehors de l'entreprise, et cofinancé selon des modalités à définir.

- Le troisième levier passe par le renforcement des structures publiques d'accueil, en particulier du jeune enfant : actuellement, 40 % des parents déclarent ne pas avoir accès à un mode de garde désiré et, surtout, les inégalités territoriales sont considérables. Parallèlement, en dix ans, le nombre d'enfants scolarisés avant l'âge de trois ans a diminué de 165 000.

Tout en faisant du redéploiement de la scolarisation avant trois ans un chantier prioritaire, nous souhaitons que le financement d'un véritable service public de la petite enfance devienne une priorité budgétaire, notamment pour que tout bébé puisse bénéficier d'une place disponible dans une crèche ou une halte-garderie, selon des horaires adaptés en fonction de son âge, des lieux de résidence et de travail des parents et de leurs heures de travail.

La ministre aux droits des femmes a placé ce chantier parmi les priorités du ministère. Nous resterons vigilants sur sa mise en oeuvre.

Un service public de prise en charge de la dépendance, demandé par l'ensemble des organisations syndicales, nous semble être un pendant nécessaire et incontournable, à l'heure où l'allongement de la durée de la vie se conjugue à l'arrivée à l'âge de la retraite des « baby boomers » de l'après-guerre, et alors que la prise en charge des ascendants est, elle aussi, assumée le plus souvent par les femmes.

Enfin, nous souhaitons que les entreprises s'investissent dans les services qui facilitent le quotidien des salariés-parents, je vous proposerai de formuler une recommandation en ce sens.

Voici, mes chers collègues, les grandes lignes d'un rapport que j'ai essayé de vous résumer aussi succinctement que possible, mais qui, couvrant un large champ, touche à un grand nombre de questions.

Je les soumets à votre appréciation. Nous procéderons dans un second temps à l'examen individuel des recommandations.

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