Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat de ce soir s’ouvre alors même que les plans sociaux dans les PME se multiplient. En effet, sur les 60 450 défaillances d’entreprises recensées par la Banque de France entre octobre 2011 et octobre 2012, 56 600 ont concerné des PME de moins de 250 salariés, soit 93 %.
Je ciblerai mon propos sur deux secteurs qui me tiennent particulièrement à cœur, le secteur du bâtiment et celui de l’hôtellerie-restauration. Le premier a d’ailleurs organisé une journée d’action nationale, vendredi 18 janvier dernier.
Voila bien deux domaines qui contribuent à l’aménagement du territoire, à l’activité économique des régions et à l’emploi non délocalisable. Or les dispositions fiscales votées à la fin du mois de décembre dernier par le biais de la dernière loi de finances rectificative pour 2012 sont extrêmement préoccupantes pour leur pérennité.
Les enjeux économiques dans ces secteurs d’activité sont très importants, en termes d’emplois et de santé des entreprises, dans le contexte de crise économique que nous connaissons depuis près de quatre ans maintenant.
Vous le savez, madame la ministre, l’hôtellerie-restauration est un secteur de PME à forte intensité de main-d’œuvre : on y compte plus de 200 000 entreprises partout en France, dont 96 % emploient moins de 10 salariés. Cela représente donc plus 700 000 salariés, qui, je le répète, sont autant d’emplois non délocalisables.
Un quart de ces salariés ont moins de 26 ans, un tiers moins de 30 ans ; 80 % des contrats de travail sont à durée indéterminée, auxquels il faut ajouter 91 000 jeunes en formation professionnelle initiale en 2011.
Or, en dépit de la crise économique, ce secteur a créé plus de 50 000 emplois sur la période comprise entre juillet 2009 et juillet 2011. Il est l’un des premiers secteurs créateurs d’emploi, avec un chiffre d’affaires de 58, 5 millions d’euros.
Les métiers de l’hôtellerie-restauration sont par ailleurs un moteur essentiel pour notre activité touristique, très importante dans la balance commerciale, même si l’on constate la disparition de 25 % du parc hôtelier indépendant depuis une quinzaine d’années.
Les chiffres sont parlants : 1 700 hôtels indépendants ont définitivement disparu en huit ans, soit une moyenne de 212 établissements par an. En outre, ces disparitions, en fonction de leur implantation, montrent la fragilité de l’hôtellerie hors secteur urbain. Or le potentiel touristique se trouve aussi dans nos provinces françaises ! Des mesures de protection du parc hôtelier de la France touristique s’imposent avant que nous ne soyons confrontés à une totale désertification.
Enfin, toute une batterie de charges supplémentaires, validées à la fin de l’année 2012 par le Gouvernement, devront être supportées par ces professionnels. Je pense notamment à l’augmentation de la TVA, à celle de la taxe sur les bières, à la taxe sur les sodas, à la hausse de la taxe « éco emballage », à l’impact des nouvelles bases d’imposition de la contribution économique territoriale.
À cela s’ajoute un alourdissement des coûts de fonctionnement : renchérissement particulièrement important des prix de gros alimentaires, hausse sans précédent des coûts des matières premières – le prix de la viande bovine a par exemple augmenté de 24 % sur dix ans, celui du sucre de 47 %, celui des céréales de 42 % ; le coût de l’électricité a crû de près de 30 %, en trois ans –, majoration successive des loyers commerciaux, de l’énergie ou encore – et ce n’est pas rien ! – mises aux normes coûteuses des bâtiments.
J’en viens au secteur du bâtiment, dont les responsables ont manifesté à la fin de la semaine dernière.
Alors que ce secteur a créé 32 300 emplois entre 2009 et 2011, ce sont bien plus des liquidations directes que des redressements qui sont actuellement prononcés par les tribunaux de commerce. Les carnets de commande, qui permettaient une projection de six à douze mois, sont rétrécis à deux ou trois mois.
Dans mon seul département de l’Aisne, ce sont près de 1 800 emplois qui ont été perdus ces deux dernières années. Sur tout notre territoire, près de 35 000 emplois ont été supprimés en fin d’année.
Rappelez-vous que ce secteur a subi un relèvement de 5, 5 % à 7 %, puis à 10 % de la TVA, que le crédit d’impôt compétitivité emploi ne s’applique pas aux travailleurs indépendants – plus de 200 000 artisans se voient donc exclus du dispositif –, que les délais de paiement sont intenables et les trésoreries exsangues, que l’accompagnement bancaire demeure plutôt frileux. En outre, l’instabilité réglementaire récurrente concerne également les aides entrant dans le cadre du Grenelle de l’environnement.
L’ensemble de ces mesures plonge les artisans dans une situation très précaire, d’autant qu’ils sont confrontés à une concurrence déloyale résultant de la création du régime de l’auto-entrepreneur. Beaucoup a déjà été dit sur le sujet.
À ces constats s’ajoutent d’autres difficultés pour les PME, plus généralement celles qu’elles rencontrent pour accéder à la commande publique – Natacha Bouchart l’a souligné –, le faible soutien à l’exportation et à l’expansion à l’étranger, la fiscalité lors de la transmission de l’outil de travail, l’accès difficile au crédit pour les collectivités territoriales et les particuliers.
Madame la ministre, les responsables du secteur de l’artisanat et du bâtiment ont des propositions sur lesquelles nous souhaiterions recueillir vos commentaires. Il s’agit, par exemple, de la prolongation de l’éco-prêt, de la bonification du crédit d’impôt développement durable, le CIDD, de la création d’un prêt énergie rénovation des logements, de la sécurisation des délais de paiement fournisseurs, d’une limitation du régime d’auto-entrepreneur dans le temps avec une évolution programmée vers une micro-entreprise.
La situation de nos PME dans ces deux secteurs n’appelle que des constats alarmants. Il en est de même pour d’autres domaines. Je pense, par exemple, aux opticiens indépendants. Voila une profession particulièrement dynamique, qui touche à l’innovation, mais qui est aussi actrice à part entière de la santé. Le métier a profondément évolué pour pallier le manque patent d’ophtalmologistes. Les opticiens peuvent désormais assurer des examens de vue et délivrer les équipements – lunettes ou lentilles – avec une correction adaptée. Or l’avenir de ces PME innovantes est étroitement lié à la préservation du dynamisme des opticiens.
En réformant le code de la mutualité pour autoriser les mutuelles à pratiquer des remboursements différenciés, la proposition de loi relative au fonctionnement des réseaux de soins autorisera les plateformes de santé à imposer aux opticiens des critères tarifaires stricts et à promettre aux assurés des baisses de tarifs en optique de l’ordre de 30 % à 40 %.
Or, pour respecter ces nouveaux tarifs forcés, les opticiens, qui réalisent en moyenne un excédent brut d’exploitation de 23, 4 %, seront contraints de descendre en gamme, ce qui les conduira inévitablement à importer leurs produits depuis des filières low cost étrangères, au détriment de la filière française.
Par conséquent, au-delà des suppressions de postes chez les opticiens, les entreprises innovantes françaises de fabrication de produits d’optique seront aussi mises à mal.
Ainsi, ce texte, s’il était adopté, coûterait cher à une filière ainsi qu’à des PME françaises jusqu’à présent relativement préservées par la crise.
En conclusion, je rappelle que les PME ont avant tout besoin de modération et de stabilité fiscale pour continuer à créer des emplois et être des moteurs de croissance. Sachons garder vivace le dynamisme de nos entrepreneurs !