Les états généraux de la démocratie territoriale, organisés en octobre dernier, ont clairement souligné les deux préoccupations principales des élus : l'inflation normative et le statut de l'élu. Le président du Sénat a donc saisi de ces sujets le président de la commission des lois et la présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités locales et à la décentralisation.
La question du statut de l'élu est, depuis longtemps, le serpent de mer de la vie publique. Pourtant, au fil du temps - et singulièrement ces vingt dernières années - le législateur a construit un ensemble de garanties constitutives d'un tel régime. Ce régime ne répond cependant pas totalement aux attentes des élus locaux. La proposition de loi adoptée le 30 juin 2011 à l'unanimité par le Sénat, mais qui n'a jamais été examinée par l'Assemblée nationale, visait à résoudre le problème. Ultérieurement, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a conduit une réflexion sur le statut de l'élu. La dernière retouche à ce dispositif vient d'intervenir : c'est l'amélioration, dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale, du régime de protection des élus locaux. Pour nos collègues Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur, il s'agit, dans la mesure du possible, de prolonger le régime en vigueur tout en proposant les dispositions les plus nécessaires pour endiguer le déclin des candidatures aux responsabilités locales et maintenir la vitalité et la diversité de la démocratie.
Le mandat électif ne constitue pas un métier, non plus que l'exercice de certaines fonctions exécutives une activité salariée. Ils ne relèvent donc pas du même régime de protection. Toutefois, il est indispensable de tenir compte des conséquences, pour leur activité professionnelle, des contraintes auxquelles sont soumis les élus locaux. Que chacun, quels que soient ses revenus, puisse déclarer sa candidature aux élections locales est également un impératif démocratique. Les premières garanties ont été établies sous la IIIème République et ont été complétées au fil du temps, parallèlement à l'approfondissement des libertés locales et à l'accroissement des compétences décentralisées. Après l'avènement, en 1982, de la décentralisation Deferre, deux grandes étapes ont été franchies avec, d'une part, la loi du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux, d'autre part la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.
Si le principe de gratuité des fonctions électives demeure, il a été aménagé : aujourd'hui, la loi reconnaît aux élus le droit d'être remboursés des frais résultant de l'exercice d'un mandat et leur ouvre la perception d'une indemnité correspondant à l'exercice effectif d'une fonction locale.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a harmonisé les disparités du régime de protection sociale existant pour prévoir l'affiliation des élus locaux au régime général de la sécurité sociale et l'assujettissement des indemnités à cotisation sociale, sous condition de seuil. Depuis le 1er janvier 2013, les élus régionaux, départementaux et communaux ainsi que les délégués intercommunaux sont affiliés au régime général de la sécurité sociale pour l'ensemble des risques : maladie, maternité, invalidité, vieillesse, famille, accidents du travail, maladie professionnelle. A l'initiative de la commission des affaires sociales et de son rapporteur général, Yves Daudigny, ceux qui perçoivent des indemnités de fonction inférieures au seuil fixé par décret sont affiliés lorsqu'ils n'ont plus d'activité professionnelle et ne relèvent plus à titre obligatoire d'un régime de sécurité sociale. En dehors du régime de retraite de base, les élus peuvent se constituer une pension par rente.
Le risque vieillesse recouvre donc trois aspects : affiliation au régime général d'assurance vieillesse ; affiliation à l'Ircantec ; adhésion facultative à un fonds de pension par rente.
Les souplesses offertes pour concilier mandat électif et activité professionnelle sont de deux ordres. D'une part, des droits d'absence et un congé électif de dix jours ouvrables pour participer à la campagne électorale, sauf dans les communes de moins de 3 500 habitants. D'autre part, un crédit d'heures destiné à disposer du temps nécessaire à l'administration de la collectivité et la préparation des réunions. Le crédit d'heures est décompté par trimestre et le volume non utilisé n'est pas reportable.
Le droit à la suspension de son activité professionnelle est ouvert, sous réserve d'une ancienneté minimale d'une année chez l'employeur.
A l'expiration du mandat, le salarié bénéficie d'un droit à réintégration professionnelle dans son précédent emploi ou un emploi analogue, assorti d'une rémunération équivalente, et ce, dans les deux mois suivant sa demande. Il bénéficie de tous les avantages acquis dans l'intervalle par les salariés de sa catégorie. Si la demande de réintégration est présentée après plusieurs mandats, le salarié bénéficie pendant un an d'une priorité de réembauche dans les emplois auxquels sa qualification lui permet de prétendre. En cas de réemploi, il recouvre tous les avantages acquis au moment de son départ.
Trois dispositifs visent à sécuriser la sortie du mandat : le droit à un stage de remise à niveau lors du retour dans l'entreprise ; le droit à une formation professionnelle et à un bilan de compétences ; l'allocation différentielle de fin de mandat. Le montant mensuel de l'allocation, qui est versée pendant six mois maximum et ne peut l'être qu'au titre d'un seul mandat, est au plus égal à 80 % de la différence entre le montant de l'indemnité brute mensuelle versée pour l'exercice effectif des fonctions électives et l'ensemble des ressources perçues à l'issue du mandat.
Les dispositions contenues dans la proposition de loi sont ciblées ; certaines résultent d'un vote unanime du Sénat le 30 juin 2011.
Pour tenir compte de la réalité locale dans les petites communes, l'article premier supprime la faculté pour le conseil municipal de revenir sur la fixation de l'indemnité du maire au taux maximal, dans les communes de moins de 3 500 habitants ; il harmonise le dispositif applicable à l'ensemble des EPCI à fiscalité propre. L'article 2 exclut la fraction représentative des frais d'emploi des revenus pris en compte pour le versement d'une prestation sociale. Cette fraction n'est ni imposable ni intégrée dans le revenu fiscal de référence. Destinée à rembourser forfaitairement des dépenses liées aux fonctions électives, elle n'est pas un revenu. L'article 3 assouplit le régime de suspension du contrat de travail. D'une part, il abaisse de 20 000 à 10 000 habitants le seuil démographique des communes et communautés de communes dont, respectivement, les adjoints au maire et les vice-présidents bénéficient de ce droit. D'autre part, il double la période d'effet du droit à réintégration professionnelle, aujourd'hui limitée au terme du premier mandat. L'article 4 prolonge de six mois à un an la durée de perception de l'allocation différentielle de fin de mandat. L'article 5 ouvre aux titulaires d'une fonction élective locale la validation des acquis de l'expérience (VAE) pour l'obtention d'un diplôme universitaire. Pour assurer une formation effective aux élus locaux, l'article 6 instaure un plancher de dépense correspondant à 3 % de l'enveloppe des indemnités de fonction. Les sommes non dépensées seraient reportées sur les budgets suivants dans la limite du mandat en cours. Les petites communes se plaignent de n'avoir pas suffisamment de crédits pour en consacrer à la formation. En mettant de côté 2% (puisque je vous proposerai par amendement de réduire le seuil de 3 à 2%), on peut constituer une petite cagnotte et, au bout de quelque temps, payer une formation.
Je vous propose de retenir ces mesures, qui sont de nature à freiner la désaffection pour les fonctions électives, résultant à la fois de la complexité croissante de la gestion locale, de la difficulté à concilier activité professionnelle et mandat électif, et de l'incertitude de l'avenir pour ceux qui ont abandonné temporairement leur métier.
Les élus salariés sont tiraillés entre leurs responsabilités locales et leurs obligations professionnelles. Les améliorations proposées font consensus. Plusieurs d'entre elles ont été unanimement adoptées le 30 juin 2011 ; d'autres ont été avancées par nos collègues Philippe Dallier et Jean-Claude Peyronnet à l'issue de la réflexion qu'ils ont menée au sein de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Je vous proposerai, je l'ai dit, d'abaisser de 3 % à 2 % du montant des indemnités de fonction les dépenses obligatoires de formation. Ce pourcentage me paraît plus conforme aux contraintes budgétaires des collectivités sans toutefois obérer la nécessité de former les élus.