Quatre séries d'arguments paraissent plaider en faveur de la création d'un fichier positif des crédits.
Le premier argument part d'un constat : des dispositifs similaires existent dans d'autres pays européens et le droit européen incite à leur mise en place. En outre, on observe d'ores et déjà en France la multiplication de fichiers privés présentant les mêmes caractéristiques dans les mains de groupes bancaires importants. Un fichier positif national serait de nature à placer l'ensemble des opérateurs de crédit sur un pied d'égalité, ce qui permettrait en particulier de favoriser le développement des nouveaux entrants sur ce marché, notamment les entreprises de crédit solidaire.
Deuxième série d'arguments : les objections à la création d'un fichier positif des crédits ne semblent pas probantes. Ainsi, l'argument selon lequel le fichier ne servirait à rien, le surendettement trouvant plus sa cause dans les accidents de la vie que dans l'accumulation des crédits, est contredit par le fait qu'entre octobre 2011 et septembre 2012, le nombre de dossiers de surendettement a légèrement baissé. En effet, on peut raisonnablement considérer qu'en cette période de crise économique, les accidents de la vie n'ont pas diminué et qu'il faut plutôt attribuer cette baisse à l'entrée en vigueur des dispositifs de la « loi Lagarde » sur l'encadrement du crédit.
L'objection de la disproportion entre l'objet et les effets du fichier positif ne paraît pas non plus devoir être retenue. Le dispositif concernera certes 25 millions d'emprunteurs pour 220 000 personnes surendettées. Mais il évitera la fragilisation financière des classes moyennes qui recourent parfois à la « cavalerie financière » pour échapper à l'incident de paiement.
Les craintes liées à l'atteinte portée à la vie privée ou au détournement mercantile du fichier ne paraissent pas plus fondées. De nombreux intervenants ont rappelé au cours des auditions que d'ores et déjà, les individus étaient soumis à un recueil de leurs données personnelles beaucoup plus important, à l'ère des technologies de l'information et de la communication. En outre, il suffira de prévoir des sanctions suffisamment lourdes contre les utilisations dévoyées du fichier. J'ajoute que ce dispositif devrait finalement être moins intrusif que d'autres solutions défendues par ceux qui s'y opposent, comme la consultation de fichiers spécifiques de charges personnelles ou d'impayés, ou celle des trois derniers relevés bancaires de l'intéressé.
Troisième argument en faveur du fichier positif : il sera un signal d'alerte automatique. Il responsabilisera les prêteurs et les emprunteurs sur les engagements qu'ils souscrivent. Il suffira en effet de subordonner la délivrance du prêt à la consultation du fichier. Trop souvent, les emprunteurs dissimulent leur situation : le fichier les protègera. On s'étonnerait à juste titre que le Sénat, prompt à défendre la sécurité dans de nombreux domaines, s'abstienne de le faire en cette matière. Le fichier aura un rôle préventif.
Enfin, dernier intérêt de ce dispositif : il serait possible, dans un souci de rationalisation, de le fusionner avec le fichier des incidents de remboursement de crédit aux particuliers (FICP), au bénéfice de la prévention et du traitement des difficultés de remboursement de crédit.