Intervention de Alain Fauconnier

Commission des affaires économiques — Réunion du 22 janvier 2013 : 1ère réunion
Répertoire national des crédits aux particuliers — Examen du rapport d'information

Photo de Alain FauconnierAlain Fauconnier, co-rapporteur :

Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je dirai d'abord quelques mots sur les modalités que pourrait revêtir un éventuel registre positif, avant de laisser la parole à nos collègues pour qu'ils nous donnent leur position sur ce sujet.

Je résumerai les deux axes de notre rapport sur ce point. Le premier impératif est d'asseoir le fichier sur des fondations solides pour réussir sa phase de lancement. Nous avons également envisagé des recommandations sur une seconde phase d'évolution et d'unification des registres positif et négatif.

En premier lieu, notre exigence fondamentale est de ne pas créer une « usine à gaz ». Il est vrai qu'à la lecture du rapport Constans, on peut avoir quelques craintes...

Je présenterai d'abord nos recommandations pour garantir l'intégrité du registre et optimiser son coût ainsi que les délais de sa phase de lancement.

Quatre sujets sont sur la table. Tout d'abord -et nous sommes unanimes sur ce point- la gestion du fichier devrait être confiée à la Banque de France ; il est hors de question à notre sens d'en confier la gestion à un organisme privé. Jusqu'à présent, les fichiers privés se sont développés de façon relativement opaque -certains banquiers nous ont même assuré qu'ils n'en avaient pas... Un registre national géré par la banque centrale offrira des garanties au consommateur et permettra peut-être à de nouveaux acteurs du crédit de proposer des prêts à des taux plus faibles.

S'agissant du contenu du registre, je rappelle que l'objectif est de déclencher un signal d'alerte automatique. A lui seul, le fichier positif ne permettra pas d'analyser en détail la solvabilité d'un emprunteur, sauf à y faire figurer toutes ses charges et ressources... Les études les plus récentes évoquent la possible valeur prédictive des impayés de charges de la vie courante, mais l'interconnexion des fichiers (crédit, téléphonie mobile, gaz, électricité) soulève des difficultés techniques et juridiques majeures : il n'est donc pas question pour nous d'aller sur ce terrain.

Enfin, la consultation du registre positif par l'établissement de crédit serait obligatoire avant toute conclusion de prêt. Il y a va, naturellement, de l'efficacité du dispositif.

J'en viens à présent à la question de l'identifiant : c'est un sujet technique mais fondamental. Soyons précis : à l'heure actuelle, pour interroger le fichier dit « négatif » des incidents de paiement (FICP), on utilise la date de naissance et les cinq premières lettres du nom de la personne. Le résultat, c'est beaucoup d'homonymies, environ 7 % d'erreurs et une grande quantité de réclamations auprès de la CNIL. Notre collègue Jean-Paul Amoudry, vice-président de la CNIL, nous a indiqué que cela représentait quasiment 10 % de l'activité de ses services. Imaginons que le registre positif - qui contiendrait dix fois plus de personnes - suive la même méthode : la CNIL risquerait de se trouver totalement saturée ! A l'opposé, l'identifiant le plus fiable est le numéro de sécurité sociale, le NIR. Mais, comme vous le savez, les chiffres qui le composent en disent beaucoup sur la personne, son genre, son âge et son lieu de naissance. C'est pourquoi, tout en étant très favorable à l'utilisation de cet identifiant du point de vue de la fiabilité, la CNIL y est en revanche opposée du point de vue du respect de la vie privée. D'où l'idée de crypter ce numéro pour le rendre anonyme.

Ce choix expliquerait en grande partie le coût - largement excessif selon nous - de 500 à 800 millions d'euros que pourrait coûter le fichier positif pour les établissements de crédit, car il faudrait saisir pour chaque prêt déjà existant ce nouvel identifiant. En contrepartie, j'observe que l'expérience belge a démontré la fiabilité de l'utilisation du numéro de sécurité sociale : le taux d'erreur est infime et la centrale des crédits belge fonctionne très bien, avec une équipe de six personnes.

Quelles seraient les alternatives à ce choix présenté comme étant le plus fiable ? Notre collègue Valérie Létard nous parlera dans un instant du fichier national des comptes bancaires et assimilés (FICOBA). Cette alternative est contestée par le rapport Constans.

Quel serait le temps nécessaire pour la mise en place du registre ? Deux ans, nous dit-on, si on utilise le numéro de sécurité sociale, car il faudrait saisir ce dernier dans l'ensemble des dossiers de prêt existants. Une grande partie des 500 à 800 millions d'euros annoncés par les banques correspond au coût de cette saisie. Nous souhaiterions savoir quelle réduction de coût on pourrait attendre si l'on utilisait le FICOBA à la place du NIR.

Enfin, même si l'identifiant FICOBA présente l'avantage de ne pas interférer avec la sphère sociale, il est essentiel de tester et de mesurer les risques d'erreurs que comporterait cette solution.

Dans l'hypothèse où le recours au numéro de sécurité sociale apparaîtrait -chiffres à l'appui- comme la meilleure solution, le groupe de travail estime nécessaire d'évaluer précisément les inconvénients et les surcoûts imputables à son cryptage. En Belgique, l'homologue de notre CNIL avait également contesté, en 2001, l'utilisation de l'équivalent du NIR mais, à présent, le registre belge fonctionne sans recours au cryptage et cela ne suscite plus de critiques relatives à la protection des données personnelles. Si nous souhaitons suivre cet exemple, le Parlement français devra prendre ses responsabilités et prévoir une éventuelle exception au principe de cantonnement du NIR à la seule sphère sociale.

J'en viens aux grandes lignes de la deuxième phase de gouvernance et d'évolution du fichier positif. Tout d'abord, nous estimons nécessaire de bien distinguer la gestion du registre, dévolue à la Banque de France, et sa gouvernance. A travers ce fichier, nous traitons, en effet, d'un sujet qui se situe au carrefour du droit de la consommation, du droit social et du droit bancaire. De plus, le fichier positif sera sans doute amené à évoluer sur la base d'initiatives parlementaires ou associant le Parlement. Nous approuvons donc le principe de la création d'un comité de gouvernance, suggéré par le rapport Constans, tout en souhaitant qu'une place importante soit réservée aux élus de la nation et à la société civile dans la composition de ce comité. Concrètement, j'observe que, dans le passé, on a peut-être trop limité la problématique du surendettement à sa seule dimension bancaire alors qu'aujourd'hui, nos déplacements de terrain témoignent de la nécessité d'une meilleure prise en compte de sa dimension sociale. De façon analogue, le registre positif pourrait nous permettre de décloisonner l'analyse du « mal-endettement ».

L'une des principales missions de ce comité serait de préparer l'unification des registres négatif et positif. A plus long terme, ce comité pourrait réfléchir au perfectionnement de l'analyse de la solvabilité de l'emprunteur. Aujourd'hui, chez nos voisins européens, nous avons pu constater que l'idée selon laquelle les impayés de charges courantes sont des indicateurs précoces du surendettement progresse. Cela amène à réfléchir sur des solutions concrètes, à la fois respectueuses de la vie privée et de nature à renforcer l'efficacité du registre positif.

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