Intervention de Valérie Létard

Commission des affaires économiques — Réunion du 22 janvier 2013 : 1ère réunion
Répertoire national des crédits aux particuliers — Examen du rapport d'information

Photo de Valérie LétardValérie Létard, co-rapporteur :

Je vais vous présenter la contribution que nous avons préparée, Hervé Marseille et moi, au nom du groupe UDI-UC.

Le groupe de travail est partagé sur la nécessité d'aller ou non jusqu'à la création d'un fichier positif. Je vais essayer de vous indiquer quelle est notre position sur cette question.

Je vais commercer par les arguments opposés à la création d'un fichier positif.

S'agissant de la nécessité d'un recul suffisant sur la « loi Lagarde », cette loi avait pour objet d'améliorer et de moraliser le crédit à la consommation. Mais ce type ne crédit n'étant qu'une composante de l'ensemble de la problématique du mal-endettement, un répertoire ne permettra pas, même amélioré, de prendre en compte l'ensemble de la question du mal-endettement. Si cet argument est fondé, il n'est pas suffisant.

Le deuxième argument est que le répertoire ne serait pas efficace pour prévenir les « accidents de la vie ». Certes il y a davantage d'accidents de la vie et moins de crédit à la consommation, pour autant, le répertoire peut être un outil de prévention supplémentaire.

Troisième argument : l'atteinte aux libertés. Cet argument peut s'envisager sous différents aspects. Il y a en effet un certain paradoxe à demander, en lieu et place d'un fichier dont les informations seraient vérifiées et uniquement accessibles en cas de demande de prêt, dont le fonctionnement serait supervisé par la Banque de France, la production des trois derniers relevés bancaires dans lesquels toute votre vie privée apparaît. En termes de confidentialité, je préfère un fichier dont le mésusage par les prêteurs serait sanctionné, y compris pénalement, ce qui est tout de même plus sécurisant que trois relevés bancaires sur lesquels défile toute votre vie.

Pour ce qui est de la difficulté à trouver un identifiant fiable et à consulter le fichier en temps réel, un nombre conséquent d'acteurs bancaires importants ont jugé que des aménagements techniques du FICOBA pourraient permettre, pour un coût raisonnable, de mettre en place un identifiant fiable, largement partagé par toute la place financière et permettant à terme également une intégration du FICP. J'y reviendrai.

En ce qui concerne la question du coût, l'exemple de la Belgique et les extrapolations qu'il permet, ainsi que les estimations de plusieurs établissements bancaires permettent de relativiser certains chiffres avancés par les associations professionnelles, notamment les 525 à 820 millions d'euros en investissement et 37 à 76 millions d'euros en fonctionnement.

Au sujet de la proportionnalité, je m'associe à ce qui a été dit précédemment. Ce raisonnement ignore l'objectif principal de la création du fichier qui est un objectif de prévention. Quel intérêt de s'intéresser aux 900 000 personnes déjà en commission de surendettement ? L'intérêt est de faire de la prévention pour les quelques millions de personnes qui ne sont pas encore dans ce dispositif, notamment à l'égard de ces classes moyennes dont le « reste à vivre » est de plus en plus faible et qui risquent de basculer dans le surendettement. Doit-on attendre qu'elles soient tombées dans le surendettement ou bien se doter avec le fichier positif, même si ce n'est pas l'alpha et l'oméga, d'un outil utile de prévention, complémentaire de la démarche d'accompagnement social ?

J'en viens maintenant aux arguments en faveur du répertoire.

Se centrer sur le surendettement, c'est passer à côté d'un problème majeur pour les classes moyennes : la prévention du mal-endettement.

Un nombre grandissant d'acteurs économiques et sociaux y sont favorables : notaires, juges d'instances, associations familiales, associations accompagnant les personnes en surendettement comme la fondation Crésus. Les associations de terrain estiment que la création du fichier positif est indispensable.

Au niveau des prêteurs, il est temps de constater que des fichiers existent et que certains rapprochements de fichiers sont déjà pratiqués de fait. Ne vaut-il pas mieux avoir, comme en Belgique, un fichier public, qui rendrait le marché du crédit plus concurrentiel au profit des consommateurs ?

Je le redis : la présentation des trois derniers relevés de compte ne peut apporter les mêmes garanties qu'un répertoire national des crédits.

Sur la question de la protection des données personnelles et de l'identifiant, la position de la CNIL a abouti à focaliser le débat sur un NIR « haché », complexe et coûteux. Il est temps d'étudier d'autres options. Celle d'un FICOBA amélioré et disponible en temps réel doit être envisagée d'une manière plus approfondie. Le FICOBA est en effet l'un des plus gros fichiers bancaires, 100 millions de comptes y sont recensés et il est d'ores et déjà soumis à de fortes demandes d'évolution pour contrôler notamment l'accès à l'épargne réglementée. Sa fiabilité est désormais assurée. Depuis 1998, la DGFIP procède aux inscriptions à réception de la déclaration de l'établissement bancaire qui a procédé à l'ouverture du compte, sa modification ou sa clôture. Les éléments d'état civil des personnes physiques sont certifiés par l'INSEE, qui signale également à la DGFIP toute modification. Les données sont donc vérifiées et non plus fondées uniquement sur les informations enregistrées par l'établissement bancaire qui procède à l'ouverture du compte. En outre, les marges d'erreur sont gérables et là encore le besoin d'interrogation préalable pour un nombre croissant de produits bancaires va aider à en assurer la fiabilité. L'investissement sera nécessaire pour tout le système bancaire. L'administration fiscale, qui l'utilise pour un nombre toujours plus large de produits réglementés, n'a pas signalé d'erreurs significatives. Le FICOBA présente donc l'avantage d'être un outil existant et permettant d'être utilisable très rapidement.

En outre, la mise en place d'un répertoire national des crédits ne fait pas obstacle à un renforcement de l'accompagnement social en vue de prévenir les situations de mal et surendettement. À cet égard, il y a lieu de prendre en compte les propositions formulées par le rapport de nos collègues Dini et Escoffier, au nom de la commission sénatoriale d'application des lois sur la mise en oeuvre de la loi de juillet 2010.

Le répertoire est complémentaire de toutes les politiques de prévention des impayés, en particulier tout ce qui touche aux impayés de logement et d'énergie.

En conclusion, le rapport, même s'il ne débouche pas sur des préconisations concrètes du fait des positions contradictoires des membres du groupe de travail, plaide largement en faveur de la création d'un répertoire national des crédits. À l'évidence, il liste bien davantage de raisons de créer ce répertoire que d'objections vraiment majeures. Après vingt ans de tergiversations et devant la crise qui frappe particulièrement les personnes rencontrant des difficultés financières, il est urgent d'envisager positivement la mise en oeuvre de ce répertoire -ce à quoi les membres du groupe UDI-UC vont s'atteler afin de rendre cet outil efficace rapidement.

Deux éléments confortent cet objectif : les sanctions lourdes en cas de détournement du fichier positif et la consultation obligatoire de celui-ci par les prêteurs au risque de ne pas récupérer leur créance.

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