Monsieur le président, madame la vice-présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui me permet de vous exposer la stratégie globale du Gouvernement relative à la dette sociale.
Il s’agit d’une question importante, pour ne pas dire essentielle, dans un contexte où la réduction de la dette et des déficits publics est un impératif absolu.
La dette sociale accumulée au sein de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, devrait représenter, en 2011, 80 milliards d’euros qu’il convient désormais de traiter. Ce projet de loi organique, adopté en conseil des ministres le 13 juillet dernier, et que j’ai présenté devant la commission des affaires sociales de votre assemblée le 1er septembre, constitue un jalon essentiel du schéma global de financement de la dette sociale.
Le système de sécurité sociale est au cœur de notre cohésion nationale : cette évidence mérite d’être rappelée. L’enjeu actuel de la réforme des retraites en est l’exemple même. Il est absolument indispensable de pallier les difficultés du système de sécurité sociale. À défaut, nous prenons le risque de transmettre aux générations futures un héritage bien trop lourd à porter.
Nous ne pouvons pas demander à nos enfants de payer demain nos dettes d’aujourd’hui. Il s’agit non pas d’une abstraction facile, mais d’une réalité possible : voulez-vous voir vos propres enfants vivre moins bien à cause de notre incapacité à maîtriser les déficits de la sécurité sociale ? Cela serait injuste, irresponsable et, en définitive, porterait atteinte au pacte intergénérationnel.
Dans le même temps, il nous faut prendre garde à ne pas nuire à la reprise de la croissance. Nous devons donc concilier ces deux impératifs de manière intelligente, en toute responsabilité. L’exercice ne sera pas aisé, mais il est plus que nécessaire.
Pour approfondir cette question, j’ai tenu à réunir la commission de la dette sociale, dans laquelle toutes les forces politiques des deux chambres du Parlement sont représentées, car je suis convaincu que la représentation nationale doit jouer un rôle important dans ce débat. Lors des trois réunions qui se sont tenues au printemps dernier, ses membres ont pu exprimer leur point de vue concernant les décisions à prendre.
Je tiens à saluer les sept sénateurs membres de cette commission et à les remercier pour la qualité et la franchise de leurs interventions. Il s’agit d’Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales, de Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances, ainsi que d’André Lardeux, de Sylvie Desmarescaux, de Guy Fischer, de Jacky Le Menn et d’Yvon Collin.
Ces débats ont démontré qu’un certain nombre de pistes étaient exclues : le maintien de la dette au sein de l’ACOSS, la reprise de dette par l’État – j’y reviendrai –, la création d’une seconde caisse d’amortissement de la dette sociale, ou CADES.
Quant à l’allongement de la durée de vie de la CADES, le Gouvernement a bien compris que cela ne pouvait qu’être une solution d’appoint. Vous avez demandé que, au-delà de la dette pour la période de 2009 à 2011, le Gouvernement apporte des réponses structurelles à la question de la dette sociale. Soyez assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, que je partage pleinement vos préoccupations : le schéma de reprise de la dette sociale que je vais vous exposer vise à y répondre.
Le schéma sera mis en œuvre, pour une large part, dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, mais il me semble important que vous en ayez d’ores et déjà connaissance de manière à pouvoir examiner le présent texte, qui conditionne le schéma de reprise.
Ce projet de loi organique, qui est composé de quatre articles, porte uniquement sur l’allongement de la durée de vie de la CADES. Par ailleurs, il répond à un certain nombre d’observations formulées par la Cour des comptes.
Notre objectif, je le répète, est de permettre à la CADES de reprendre les quelque 80 milliards d’euros de dette à venir d’ici à la fin de l’année 2011, ainsi que les déficits futurs de la branche vieillesse. Pour cela, nous avons retenu trois moyens distincts : l’affectation de nouvelles recettes à la CADES, l’allongement de la durée de vie de la Caisse et la mobilisation du Fonds de réserve pour les retraites, le FRR.
Nous voulons tout d’abord octroyer à la CADES de nouvelles recettes, à hauteur de 3, 2 milliards d’euros par an, ce qui lui permettra de reprendre 34 milliards d’euros de dette.
Cette somme correspond aux déficits structurels des années 2009 et 2010 du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, ainsi qu’au déficit prévisionnel pour 2011 de l’assurance maladie. Comme ces déficits sont structurels, nous avons souhaité, dans un souci d’équité intergénérationnelle, que seules les générations actuelles d’actifs et de retraités en supportent le poids.
Comme vous le savez, la réduction des niches fiscales et sociales constitue un axe majeur de notre stratégie en matière de finances publiques. Le Gouvernement souhaite, plutôt que de procéder à une hausse des impôts, tirer les nouvelles recettes affectées à la CADES majoritairement des gains obtenus grâce à cette réduction.
Je sais qu’au sein de la commission de la dette sociale, beaucoup défendaient l’idée de majorer la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS. Ce n’est pas le choix du Gouvernement.
Trois mesures viendront donc financer la CADES.
La première consiste à réduire l’exonération de taxe sur les conventions d’assurance dont bénéficient les contrats d’assurance maladie dits « solidaires et responsables », tout en leur maintenant un avantage fiscal pour tenir compte de leurs spécificités : la taxe s’appliquera au taux de 3, 5 % au lieu du taux normal de 7 % ; la CADES disposera ainsi de 1, 1 milliard d’euros supplémentaires chaque année à ce titre. L’avantage fiscal est divisé par deux, mais il n’est pas supprimé ; les complémentaires santé bénéficieront toujours d’une exonération équivalente de 1, 1 milliard d’euros.
La deuxième mesure consiste à taxer forfaitairement les sommes placées dans la réserve de capitalisation des sociétés du secteur de l’assurance. Les sommes en réserve, qui n’ont jamais supporté l’impôt sur les sociétés, feront l’objet d’une imposition au taux de 10 %. Corrélativement, les reprises futures sur cette réserve ne seront pas imposables.
La taxation pourra être étalée sur deux ans afin de limiter l’impact sur le résultat des entreprises concernées. Elle rapportera au moins 1, 4 milliard d’euros sur les deux années 2011 et 2012.
La troisième mesure, enfin, consiste à appliquer les prélèvements sociaux aux compartiments « euros » des contrats d’assurance vie multisupport au fur et à mesure des encaissements plutôt qu’au moment du dénouement du contrat, à l’instar des règles qui sont en vigueur pour les contrats d’assurance vie uniquement en euros. Cela représente 1, 6 milliard d’euros de recettes nouvelles pour la CADES en 2011.
Grâce à ces trois mesures, la CADES disposera donc de plus de 3, 2 milliards d’euros sur 2011 et 2012, puis ces ressources décroîtront progressivement avec le temps.
Compte tenu de la dynamique décroissante du rendement des deux dernières mesures, je vous propose, afin de respecter la nouvelle contrainte organique, de prévoir dans la loi de financement de la sécurité sociale un mécanisme permettant de garantir les ressources de la CADES sur le long terme, une sorte de « clause de garantie de ressources ».
Sur ce point, soyons clairs : il n’y a ni ambiguïté ni intention cachée. En aucun cas, le Gouvernement n’envisage d’augmenter les impôts, ni aujourd’hui ni demain.