Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos collègues François Pillet et René Vandierendonck, dont j’ai lu le remarquable rapport avec toute l’attention qu’il mérite, ont établi un inventaire exhaustif, réfléchi et cohérent, traduisant une pensée claire et traçant une perspective nette. Je souscris, pour l’essentiel, à leurs préconisations. Je serai toutefois amené à formuler quelques réserves en conclusion.
Le constat qu’ils dressent est sans ambiguïté : si les responsabilités en matière de sécurité publique semblent clairement réparties entre l’État et les communes, la réalité des faits sur le terrain est beaucoup plus floue. Il n’est pas rare de constater que les conditions dans lesquelles certaines polices municipales interviennent sont assez imprécises, ou que les moyens mobilisés ne permettent pas aux agents présents sur le terrain de remplir correctement toutes les missions qui leur sont assignées.
Certes, la diversité des missions assumées par les polices municipales est le reflet de la libre administration des communes, et je sais combien celles-ci sont attachées à ce principe. Mais peut-être faudrait-il engager une nouvelle réflexion et voir plus loin, compte tenu de l’évolution des problèmes de sécurité dans nos villes et nos villages.
Dans le temps qui m’est imparti, je ne pourrai pas aborder l’ensemble des problématiques relatives au thème de ce débat. Toutefois, j’espère que celui-ci offrira à M. le ministre l’occasion d’apporter un certain nombre d’éclaircissements.
L’approfondissement de la coopération intercommunale qui se dessine depuis quelques années et qui ne peut que s’amplifier, nécessitera un ajustement de la mutualisation de la gestion des polices municipales. Je dois d’ailleurs dire que la notion de « police territoriale » a de quoi me séduire. Seules cinquante polices municipales intercommunales existent à l’heure actuelle, mais de nombreux maires, en particulier dans les petites communes rurales, souhaitent que cette mutualisation se développe, évidemment pour compenser la réforme de la carte des gendarmeries.
Encourager la mutualisation intercommunale des polices municipales, y compris en rendant possible le transfert de certains pouvoirs de police générale des maires, nous apparaît comme une piste de réflexion fondamentale au regard de l’impératif de l’égalité devant le droit à la sécurité.
Je ne développerai la nécessité de conforter le volet social et statutaire des agents des polices municipales. Il s’agit également d’un aspect fondamental, sur lequel les rapporteurs ont justement insisté.
Monsieur le ministre, le champ des polices municipales est aujourd’hui brouillé par les signaux émis pendant plusieurs années par l’État en matière de sécurité. Les messages politiques martelés à différentes tribunes n’ont jamais été suivis sur le terrain par les actes appropriés. La police municipale n’est pas la police nationale, mais elle n’en demeure pas moins une police de la République. C’est pourquoi son action doit s’inscrire dans un cadre légal rénové, clair et opérationnel.
Je souhaite que ce débat permette de connaître votre plan d’action en la matière. Il ne nous semble pas acceptable que seules les communes les plus riches soient en mesure de combler les lacunes de l’État. En d’autres termes, il n’appartient pas aux communes d’exercer les missions de la police nationale.
Au regard de ce constat succinct, il importe de mettre l’accent sur la clarification des missions de la police municipale, en insistant sur l’approfondissement des spécificités de ses attributions, et en les distinguant plus clairement de celles de la police nationale et de la gendarmerie.
Dans le contexte juridique actuel, on comprend que le Conseil constitutionnel n’ait pas souhaité renforcer les pouvoirs de police judiciaire, lorsqu’il a rendu sa décision sur la LOPPSI – loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. Il ne s’agit pas de renforcer davantage les pouvoirs judiciaires des agents de police municipale ; le Conseil constitutionnel a été très clair sur ce point.
Comme le préconisent nos collègues dans leur rapport, il semble plus opportun de renforcer l’assise territoriale des polices municipales, en regroupant les compétences des agents de police municipale et des gardes champêtres, en précisant, dans les conventions de coordination avec les forces nationales le rôle spécifique des polices municipales, ou encore en articulant le cadre d’intervention de ces dernières avec la politique partenariale de prévention de la délinquance.
Sur le terrain, nous voulons non pas des petits shérifs, mais des forces de police respectueuses de l’ordre républicain.
De même, nous ne voulons pas que soient placés en première ligne des agents dont la formation ne répond pas aux mêmes exigences que celle des fonctionnaires de l’État. Il est ainsi regrettable qu’il n’existe aucun régime institutionnalisé de formation pour certains métiers liés au maintien de la sécurité, comme les agents de surveillance de la voie publique, pourtant agréés et assermentés, les opérateurs de vidéosurveillance ou les assistants temporaires de police municipale. C’est un vrai problème.
Pour notre groupe, l’égalité devant la sécurité, quel que soit le lieu où l’on réside, est également un principe fondamental. Nous avions d’ailleurs défendu sur ce point de nombreux amendements lors de la discussion de la LOPPSI. Il n’est pas admissible que le désengagement de l’État au regard des services de police ou de gendarmerie – conséquence, en partie, de la révision générale des politiques publiques – se traduise par l’obligation pour les collectivités de pallier les insuffisances en la matière.
C’est précisément de cette situation que naissent des inégalités face au droit à la sécurité puisque la capacité d’action des communes dépend d’abord e leurs ressources.
Les différentes formes de polices municipales mises en évidence par nos collègues illustrent le fait que la proximité est un élément essentiel de la prévention de la délinquance. Médiation, dialogue, connaissance du territoire, présence visible sur le terrain sont autant de moyens d’assurer la tranquillité de l’espace public et des habitants. Les outils de répression que la loi met entre les mains des policiers municipaux ou des gardes champêtres n’ont eux-mêmes pour finalité que de renforcer la dissuasion.
Cependant, la montée en puissance, au cours des dernières années, des problématiques de sécurité, parfois instrumentalisées à des fins un peu moins nobles, a eu pour conséquence de brouiller ce schéma.
Soyons clairs : tandis que certaines politiques pénales tendaient à occulter l’indispensable volet préventif, à l’échelon local, les actions de prévention ont été quasiment laissées de côté.
Du reste, nous constatons que certaines communes ont tendance à rapprocher leur doctrine d’emploi de la police municipale de celle de la police nationale.
Depuis le début de ce débat, certains mots sont revenus à plusieurs reprises dans la bouche des orateurs : territorial, coopération, coordination, intercommunalité, mutualisation. Si ce rapport est bien fait, c’est parce que ses auteurs sont des élus locaux qui connaissent bien la problématique locale, qui la vivent au quotidien, avec ses bonheurs, mais aussi, hélas ! ses malheurs. Néanmoins, le logiciel demeure le même : on n’a pas remis le dossier complètement à plat, on ne s’est pas demandé quels étaient fondamentalement les problèmes de sécurité dans notre pays, ni même s’il appartenait vraiment à la police d’État et aux polices municipales de les régler.
Monsieur Pillet, monsieur Vandierendonck, ne vous méprenez pas sur mes propos : vous faites dans ce rapport des propositions remarquables, mais les solutions que vous préconisez sont le reflet de votre expérience, des outils auxquels vous recourez habituellement. Vous parlez de mutualisation, de regroupement, de rapprochement, de coordination, mais ne faut-il pas aller jusqu’à s’interroger, même si cela peut sembler choquant à certains, sur une éventuelle décentralisation de la police nationale ?