Les polices municipales, avec plus de 25 000 agents répartis dans près de 4 000 collectivités, sont aujourd’hui une réalité.
Le débat idéologique sur la nécessité et l’utilité de créer une police municipale me semble derrière nous. Mais comment en vient-on à créer une police municipale ?
Dans le consensus que recueille le travail excellemment engagé par les rapporteurs, il faut rappeler une évidence qui n’est pas franchement « politiquement correcte ». On crée une police municipale quand on constate qu’à défaut, on ne disposera d’aucun autre moyen pour assurer une présence supplémentaire et répondre aux attentes de la population. L’essor des polices municipales tient au fait que l’espoir de voir les effectifs de police nationale ou gendarmerie augmenter a disparu. J’ai créé, il y a quatre ans, une police municipale dans ma ville du Bourget, et je n’imagine pas un instant revenir à la situation antérieure, car il s’agit d’une présence et d’un moyen supplémentaires que l’État ne peut fournir.
Pour la population, les policiers municipaux s’inscrivent dans la réalité locale, et font partie du paysage communal. Leur absence, ou plutôt leur non-visibilité, dans les rues de nos villes suscite l’interrogation et, parfois, le mécontentement. Cela prouve l’utilité de ces agents territoriaux au service de la tranquillité publique.
La police municipale est aussi nécessaire à la politique du maire, à l’exécution des arrêtés municipaux qu’il prend au titre de ses pouvoirs de police. Avec l’extension de leurs missions, les polices municipales sont devenues à la fois un outil de la politique de cadre de vie des maires et, surtout, de la politique de prévention de la délinquance. En quelques années, parce qu’elles se sont professionnalisées, elles se sont imposées comme des acteurs de premier plan dans les dispositifs locaux de sécurité publique.
Il est utile que le Sénat ouvre ce dossier avec pragmatisme, car il ne s’agit pas de révolutionner l’existant.
Comme le notent les rapporteurs, que nous remercions d’avoir lancé ce débat, il n’y a pas une police municipale mais des polices municipales, ce qui se traduit sur le terrain par une grande diversité de pratiques et de missions des agents municipaux. Qu’y a-t-il de commun, en effet, entre le policier municipal d’une commune rurale, qui s’occupe principalement du respect des règles de stationnement et dont les fonctions rappellent un peu celles du garde champêtre, et celui de la ville de Nice, qui travaille au sein d’un service de 578 agents armés, équipé d’un centre de supervision urbaine de vidéosurveillance et dont les missions viennent en appui de celles des forces nationales ?
En Île-de-France, les polices municipales, par leur forte présence au cœur de l’agglomération parisienne et par la diversité et l’étendue de leurs missions, sont devenues des acteurs essentiels de la sécurité. Plus d’un tiers des communes sont aujourd’hui équipées d’une police municipale.
Je pense qu’il est important que la police municipale conserve cette proximité avec la population, en étant présente sur le terrain et en contact avec les habitants, pour des actions de prévention, auxquelles il faut cependant se garder de cantonner les policiers municipaux.
Reconnaître le travail des polices municipales, c’est reconnaître que la médiation et la connaissance des intervenants de toutes sortes, y compris des fauteurs de troubles, sont très précieuses lorsqu’il est nécessaire de comprendre ce qui se passe, par exemple après des échauffourées. La police municipale connaît le terrain.
De par mon expérience locale, pas plus que nos rapporteurs, je ne suis favorable à ce que l’on change radicalement le cadre législatif existant. Il laisse en effet aux maires les marges de manœuvre nécessaires pour définir le rôle et les missions de la police municipale. Cette souplesse et cette liberté permettent à chaque maire de fixer la politique de sécurité qu’il entend mettre en œuvre dans sa commune, en fonction des problématiques locales de sécurité et ainsi d’apporter une réponse adaptée aux réalités locales.
Cela étant, les polices municipales ne sont pas « la » solution : elles ne constituent qu’un élément d’efficacité supplémentaire. Leur développement ne remplacera pas l’État dans son rôle nécessaire. Si les polices municipales sont utiles, ô combien, elles ne sauraient cependant servir de prétexte à un désengagement de l’État.
Bien entendu, le contrôle de l’État est nécessaire et le rôle du préfet est important puisqu’il lui revient d’agréer et assermenter les policiers municipaux, ainsi que d’autoriser le type d’armement souhaité par le maire.
S’agissant de l’armement il faut se garder d’une approche idéologique et privilégier, là encore, une vision pragmatique. Exposer des agents exige de se donner les moyens d’assurer leur sécurité. Il faut faire confiance aux maires et examiner cette question à l’aune des situations et des caractéristiques de chaque territoire.
L’armement relève principalement de la doctrine d’emploi des policiers municipaux. Dans ma commune de la banlieue parisienne, l’armement de 4e catégorie des policiers municipaux est nécessaire pour assurer leur propre sécurité. Le type de délinquants auxquels ils peuvent être confrontés et les missions qui leur sont confiées justifient qu’ils portent ce type d’armement. Mais je comprends que des maires, confrontés à d’autres réalités dans leur commune, choisissent de ne pas armer leur police municipale ou de l’équiper uniquement de tonfas et de bombes lacrymogènes.
C’est pourquoi, à mon sens, il est bon que ce soit le préfet qui accorde l’armement de la police municipale, sur demande motivée du maire, et par autorisation individuelle des agents, pour des missions définies. C’est là une garantie contre de possibles dérives.
Il faut aussi, de ce point de vue, renforcer la formation des policiers municipaux. Je souscris aux propositions inscrites dans le rapport relatives au renforcement de l’entraînement annuel au tir pour les agents équipés d’une arme de 4e catégorie et à la formation à l’utilisation du bâton de défense.
Plus globalement, et le rapport l’évoque longuement, il faut poursuivre la professionnalisation des policiers municipaux par une formation de qualité plus adaptée à la diversité des fonctions qu’ils sont amenés à exercer, comme le demandent leurs représentants professionnels. En tant que maires, nous avons tout à gagner à disposer d’agents mieux formés et mieux encadrés.
Quant à la vidéoprotection, elle me semble aujourd’hui essentielle dans la lutte contre la délinquance. Les polices municipale et nationale peuvent ainsi cibler leur présence sur le terrain et leurs interventions dans les zones les plus sensibles. La vidéosurveillance est un élément capital dans une politique de sécurité efficace, et c’est un moyen, un moyen seulement, mais un moyen important, de réintroduire de la proximité dans l’action globale de nos polices.
En outre, la vidéosurveillance constitue un bon instrument pour faire travailler ensemble police nationale et police municipale, l’une utilisant, pour mener à bien des enquêtes de police judiciaire, les images transmises et exploitées par l’autre. Elle autorise un diagnostic partagé de la délinquance et donc la mise en œuvre d’un travail commun quotidien appuyé sur la cartographie et la géolocalisation des délinquants. C’est en tout cas une des voies possibles.
Cela me permet d’aborder la question de la coordination des actions entre la police nationale et la police municipale. On le constate à la lecture du rapport, les relations entre forces régaliennes et agents de police municipale sont un sujet majeur et récurrent de préoccupation pour les élus et les représentants des policiers municipaux. Elles sont visiblement parfois sources d’insatisfaction. Je souhaite témoigner du contraire : dans ma ville du Bourget, la police municipale travaille en parfaite entente avec la police nationale, sous son contrôle et son autorité, celle du préfet et celle du parquet. Cette entente nous permet de faire face à la délinquance en échangeant, dans le cadre réglementaire, les informations nécessaires et en menant des opérations communes quand la situation l’exige.
C’est, chez nous, en Seine-Saint-Denis, une nécessité et un accélérateur d’efficacité. Si les forces de l’ordre nationales et municipales ont leurs missions respectives dans le maintien de l’ordre public, il faut trouver les voies et moyens pour favoriser leur complémentarité sur le terrain.
Je crois que ces bonnes pratiques, lorsqu’elles sont mises en œuvre, constituent un acquis qui demeure ensuite au-delà des changements d’hommes. Quand cela fonctionne bien, c’est très efficace. Ainsi, dans ma modeste commune de 15 000 habitants, nous avons réussi en trois ans à faire baisser la délinquance de 20 %. Cela correspond à la période de mise en place de la police municipale, et le préfet Lambert nous a lui-même indiqué qu’elle avait joué un rôle majeur dans ce succès, aux côtés des forces de police nationale.
Nous avons donc retrouvé le terrain et recréé de la proximité, peut-être même recréé la police de proximité ! Mais les mots comptent peu au regard de la réalité des chiffres. En Seine-Saint-Denis, l’enjeu majeur est de travailler ensemble pour faire face au défi de la délinquance ; je sais que le préfet veille à ce qu’il en soit ainsi.
Compte tenu de la diversité des polices municipales, il pourrait être utile de partager les expériences de terrain. D’aucuns ont évoqué la création, au ministère, d’un bureau qui serait un « lieu ressource » ou un « lieu référence », d’autres, une académie des polices municipales, qui pourrait être gérée par le monde territorial. Ces voies méritent d’être examinées, dès lors qu’est respectée l’autonomie des collectivités locales.
Comme le souligne le rapport d’information, la coopération n’est pas parfaite, du fait de l’existence de certains freins juridiques. Les améliorations pratiques proposées par nos collègues, qui reprennent d’ailleurs les demandes récurrentes des syndicats de policiers municipaux et des élus, vont dans le bon sens : un accès direct aux fichiers routiers et une amélioration des communications entre les différentes forces de sécurité, qui est une question majeure.