Intervention de Natacha Bouchart

Réunion du 24 janvier 2013 à 10h00
Débat sur la police municipale

Photo de Natacha BouchartNatacha Bouchart :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens avant tout à saluer l’excellente qualité du rapport d’information de nos deux collègues.

Mon intervention se placera dans le cadre des discussions faisant suite aux propositions de ce rapport, mais je m’attacherai aussi à faire remonter mon expérience de terrain forgée depuis plusieurs années dans l’exercice de mes mandats d’élue locale.

Ville de province de 75 000 habitants, Calais est doté d’une police municipale, dont je partage la vie quotidienne et dont, surtout, j’assume la responsabilité. C’est pourquoi je puis, à l’instar d’autres collègues, livrer une vision issue directement du terrain.

De 5 600 agents en 1984, les effectifs des polices municipales françaises sont passés à plus de 18 000 aujourd’hui. Aussi était-il inévitable que la police municipale connaisse une véritable « crise d’identité », qui est bien évidemment liée à une « crise de croissance », comme nos collègues l’ont souligné dans leur rapport d’information.

La publication de ce rapport parlementaire et la tenue de ce débat au Sénat sont les bienvenus, car ils vont permettre d’avoir une nouvelle vision de nos polices municipales et de leur proposer un nouvel avenir. Les clivages politiciens peuvent, en la matière, laisser la place à l’expérience locale des collectivités, que la Haute Assemblée a vocation à représenter.

Je veux vous faire part de mes convictions, dont plusieurs sont partagées par MM. Pillet et Vandierendonck dans leur rapport.

La crise d’identité et de croissance que vit la police municipale est liée à un véritable paradoxe qu’il appartient aux responsables politiques de résoudre. Le boom des effectifs depuis vingt-cinq ans montre bien l’engouement des élus et des populations pour ce service public. Qui imaginerait aujourd’hui s’en passer ? Le caractère indispensable des polices municipales est devenu évident. L’attachement des populations a sans doute été révélé aux yeux de tous, sur le plan national, lors du décès, il y a deux ans, de l’agent de police Aurélie Fouquet, qui avait suscité une très vive émotion dans le pays.

Le geste symbolique de Nicolas Sarkozy, alors Président de la République, d’assister aux obsèques de la jeune policière municipale, comme le chef de l’État peut le faire pour des soldats, était bien en phase avec le sentiment de grande considération que porte la société française à ses policiers municipaux.

Toutefois, demeure un flou permanent sur les missions des policiers municipaux, ce qui explique, en bonne partie, la regrettable mésestime dont ils font l’objet de la part de certains : des fauteurs de troubles, bien sûr, mais aussi, parfois, en tout cas trop souvent, de leurs homologues de la police nationale.

La clarification des missions doit répondre à cette crise d’identité, qui pourrait devenir une crise de confiance si nous n’y prenions garde. Pour apporter à nos policiers municipaux toute la confiance qu’ils méritent, il faut revaloriser leur rôle, ce qui va de pair avec une grande exigence à l’égard de ce corps de métier.

Cela passe, sans aucun doute, par la création d’une véritable « filière sécurité » au niveau local.

Appelé « police territoriale », ce corps pourrait avantageusement réunir les agents de police municipale avec les ASVP, les agents de surveillance de la voie publique, et les gardes champêtres, sans pour autant mélanger leurs prérogatives.

Concernant les ASVP, il s’agirait ni plus ni moins que d’entériner ce qui se fait déjà dans bon nombre de communes. À Calais, par exemple, les agents de surveillance de la voie publique sont sous la responsabilité directe du chef de la police municipale.

Le bon sens commande en effet que les deux corps, amenés à coopérer en permanence sur le terrain, et qui sont d’ailleurs souvent basés dans les mêmes locaux, puissent être officiellement coordonnés sous la même houlette.

Pour les gardes champêtres, ce serait, en revanche, une innovation, mais elle serait en cohérence avec une réforme possible proposée dans le rapport, qui est, elle aussi, intéressante ; je veux parler de la création d’une police intercommunale. Cette possibilité ne doit en rien devenir une obligation : elle doit être laissée au libre choix des communes et des intercommunalités. Toutefois, elle peut s’avérer utile pour mutualiser les moyens entre les petites communes rurales périphériques et les centres urbains.

Les petites communes n’ont ni les moyens ni le besoin d’entretenir des effectifs importants de police municipale. Mais elles peuvent avoir occasionnellement besoin d’une mise à disposition d’agents, par exemple lors de l’organisation d’événements festifs ou culturels.

La création de cette « filière sécurité » au niveau communal doit s’accompagner d’une clarification des relations entre police municipale et police nationale.

Source de malentendus fâcheux, la situation actuelle n’est pas satisfaisante et ne permet pas de créer une entente optimale entre les deux polices. Les policiers municipaux se sentent encore parfois considérés, à tort, comme des policiers de seconde zone.

La police municipale doit devenir notre véritable police de proximité. Sans tomber dans une polémique facile, nous pouvons tous aujourd’hui reconnaître, me semble-t-il, que cette mission spécifique de proximité ne peut être dévolue à la police nationale.

La police nationale a ses missions, et c’est son honneur de les assumer. La police municipale doit avoir les siennes, et il se trouve qu’elle est particulièrement bien placée pour les remplir au plus près des habitants.

N’étant pas soumis aux règles des classements et des mutations, les policiers municipaux sont presque toujours recrutés localement, ce qui favorise leur intégration dans le tissu social. Souvent bien connus des habitants, ils sont un atout important pour le renseignement et sont un élément de cohésion sociale dans nos quartiers. Ce rôle doit donc être pleinement reconnu, ce qui suppose l’attribution des moyens nécessaires, en bonne entente avec la police nationale.

Certes, des conventions de coordination existent, mais les mentalités ont la vie dure, et certaines procédures ne sont pas de nature à créer les conditions d’une collaboration qui pourrait pourtant devenir excellente.

Je prendrai l’exemple de l’accès au fichier des cartes grises, qui, nous le savons tous, n’est pas ouvert directement aux policiers municipaux, alors qu’ils en ont besoin au quotidien. Cela crée une situation de dépendance des policiers municipaux vis-à-vis des policiers nationaux, les premiers étant contraints de solliciter les seconds pour obtenir les informations. Il est pourtant indispensable d’obtenir ces éléments le plus rapidement possible pour la mise en fourrière d’un véhicule ou pour contrôler un automobiliste, par exemple. Cette dépendance est évidemment néfaste à tous, car elle est aussi source d’une inutile perte de temps pour les policiers nationaux. C’est pourquoi l’accès aux fichiers routiers doit être ouvert rapidement aux polices municipales.

Nous devons aussi penser à simplifier les procédures qui alourdissent le travail des agents. En leur permettant de verbaliser sur-le-champ les contrevenants aux arrêtés du maire, sur le modèle des infractions au stationnement, nous ferions gagner un temps précieux aux policiers municipaux.

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