Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, nous savions que nous devrions prendre cet automne des mesures concernant la gestion de la dette de la sécurité sociale. Ce que nous ignorions alors, c’est que nous devrions nous résoudre à repousser la date d’extinction de la fameuse CADES et à anticiper l’entrée en jeu du Fonds de réserve pour les retraites dès 2012.
L’année dernière, je dénonçais en séance publique l’attentisme du Gouvernement et notre manque de responsabilité collective envers les générations futures. Toutefois, je dois reconnaître que l’impact de la crise a profondément « pipé les dés », et que les mesures proposées aujourd’hui par le Gouvernement sont malheureusement, pour une partie d’entre elles, inévitables.
La reprise de la dette de la sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse se révèle cette année particulièrement complexe, compte tenu des montants de transfert envisagés en 2011, puis entre 2012 et 2018. Sur cette période, la CADES devrait reprendre 130 milliards d’euros, soit un montant de déficits quasi équivalent au montant des déficits transférés en quatorze ans, depuis la création de la CADES en 1996.
L’importance des déficits transférés soulève de nombreuses difficultés, au point de susciter un débat sur l’opportunité d’une reprise de la dette par l’État ou par une caisse spécifique, M. le ministre y a d’ailleurs fait allusion tout à l’heure. L’ampleur des déficits ne permet pas le refinancement de la dette par la seule augmentation des ressources de la CADES : il faudrait en effet 0, 7 point supplémentaire de CRDS pour reprendre 80 milliards d’euros sans allonger la durée de vie de la Caisse, soit plus d’un doublement du taux actuel ! Je reconnais que, dans le contexte actuel, ce n’est soutenable. Ces questions compliquent le maintien du dogme présidentiel de non-augmentation des impôts, alors même qu’une vaste campagne de réduction des niches fiscales et sociales est envisagée.
Au total, la reprise de dette proposée cette année nécessite au moins l’adoption de trois textes législatifs, dont un de valeur organique, afin de permettre la prorogation exceptionnelle de la durée de vie de la CADES.
Le schéma financier du Gouvernement repose ainsi sur la mobilisation de trois leviers afin d’éviter une hausse trop brutale des prélèvements obligatoires. Comme l’a indiqué M. Alain Vasselle, ce schéma comprend, d’une part, l’allongement de la durée de vie de la Caisse et, d’autre part, l’augmentation de ses ressources grâce à la réduction de certaines niches fiscales et sociales et, à partir de 2012, par l’affectation du produit de la liquidation progressive des actifs du FRR et au transfert de la ressource de celui-ci à la Caisse.
Quelle appréciation porter sur cette proposition ? D’un point de vue technique, le présent projet de loi organique n’ouvre que des possibilités qui devront être confirmées lors de l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances pour 2011.
Le principal sujet d’inquiétude concerne la nature des ressources affectées à la CADES, qui s’éloignent des fondamentaux ayant présidé à la création de celle-ci. En effet, comme l’année dernière, le Gouvernement n’a pas souhaité procéder à une augmentation de la CRDS. Je le regrette, car cette contribution a le mérite de matérialiser pour chacun d’entre nous le remboursement de ses dépenses passées de protection sociale.
Trois questions peuvent donc être posées : ces mesures sont-elles opportunes et pertinentes sur le fond ; sont-elles de nature à garantir le financement du remboursement de la dette sociale ; le produit de la réduction des niches ne devrait-il pas être affecté à la réduction des déficits de l’État ?
La commission des finances s’interroge sur les mesures constitutives du panier de recettes.
En ce qui concerne la suppression de l’exonération de la taxe spéciale sur les contrats d’assurance dont bénéficient aujourd’hui les contrats complémentaires santé dits « solidaires et responsables » et la création d’une taxation à un taux intermédiaire de 3, 5 %, pour un rendement attendu de 1, 1 milliard d’euros, deux observations s’imposent.
Première observation : même si le dispositif demeure incitatif pour les complémentaires, grâce à un taux d’imposition encore attractif, il existe néanmoins un risque de répercussion de cette charge nouvelle sur les assurés ; cette répercussion a d’ailleurs été annoncée. J’ajoute que ce secteur a déjà vu son régime fiscal s’alourdir ces dernières années. En 2009, notamment, la contribution des complémentaires santé au Fonds de financement de la couverture maladie universelle complémentaire, ou Fonds CMU-c, a déjà plus que doublé, passant de 2, 5 % à 5, 9 %.