Intervention de Jean-Vincent Placé

Réunion du 24 janvier 2013 à 15h00
Débat sur l'avenir du service public ferroviaire

Photo de Jean-Vincent PlacéJean-Vincent Placé :

Les différentes majorités qui se sont succédé ces vingt dernières années s’en partagent la responsabilité.

Grâce à la décentralisation, nous avons pu observer une nette amélioration : en dix ans, la régionalisation a permis une indiscutable augmentation du trafic, ainsi qu’une amélioration de la qualité de service grâce à l’effort financier considérable consenti par les régions. L’offre de TER, par exemple, a progressé de plus de 20 % et les transiliens de plus de 6, 5%.

Les régions sont assez naturellement l’autorité la plus compétente pour animer une politique de transport des voyageurs cohérente. Maîtrisant l’aménagement du territoire et les attentes des populations locales, elles sont les plus capables d’envisager une desserte fine et d’assurer l’égalité des territoires. Pour autant, en raison d’un manque de moyens, tous les dysfonctionnements ne sont pas réglés.

De surcroît, les régions n’ont ni les capacités ni la compétence pour prendre en charge le fret ferroviaire. Or, comme je l’ai souligné, l’état de la filière est particulièrement inquiétant. La part du fret ferroviaire et fluvial en tonne-kilomètre a chuté de 43 % en 1980 à 15 % en 2009, faute d’investissements notamment. Ainsi que l’a rappelé Mireille Schurch, la part de marché du routier est, quant à elle, écrasante : elle est de près de 90 % en Île-de-France pour le transport de marchandises.

La question est donc la suivante : comment rénover notre modèle ferroviaire ?

Le débat d’aujourd’hui sur l’avenir du service public ferroviaire cache, en réalité, sous un voile pudique, la question sensible de l’ouverture à la concurrence du marché, souvent présentée comme la solution miracle à tous nos maux. Je vous le dis franchement, ce n’est pas mon avis.

Si vous écoutez nos interventions sur le plan budgétaire, économique et fiscal, il vous sera apparu que les écologistes ne croient pas au dogme de la libéralisation comme seul remède pour baisser les prix et pour améliorer le service. Bien au contraire. Certains exemples, en Allemagne, présentent un certain intérêt. Néanmoins, d’autres expériences, comme au Royaume-Uni, nous invitent à la plus grande prudence, voire à une certaine forme de défiance.

RFF a été créé en 1997 pour accompagner l’ouverture à la concurrence. L’établissement, fruit de la réflexion comptable qui avait prévalu à l’époque, n’a pas réellement fait la preuve de ses vertus et n’a pas donné de grands motifs de satisfaction.

La recherche, systématique et naturelle, de compétitivité et de bénéfices de la part des entreprises privées risque tout à la fois de créer du dumping social, de mettre en péril le niveau de sécurité des équipements et des infrastructures, et de conduire au délaissement des lignes jugées les moins rentables. Le tout pour ruiner au final notre vision du service public.

À ce rythme, je crains que nous n’aboutissions à une France à deux vitesses : d’un côté des transports de qualité et fréquents dans les zones denses, et pour les clients les plus aisés ; de l’autre, un service low cost et vétuste dans les zones isolées et pour les plus démunis. La région Île-de-France offre, malheureusement, un terrible exemple de ce qui nous attend éventuellement, si nous sommes pessimistes.

Il ne s’agit pas d’avoir une démarche idéologique, il s’agit d’avoir une démarche extrêmement pragmatique. Certains affirment que l’ouverture à la concurrence est inéluctable. On verra !

Quoi qu’il en soit, l’enjeu est donc aussi de se prémunir contre les risques que je viens d’évoquer en encadrant fortement les prestations par des contrats de service public, notamment en termes de qualité, de sécurité, de zones desservies et de politique tarifaire.

Je crois qu’il est important de pouvoir compter sur un couple État-région solide, sur des autorités organisatrices des transports lisibles et efficaces, qui assurent une gouvernance représentative. Les régions doivent également pouvoir bénéficier d’une source de financement dynamique, qui permette de dépasser l’impasse financière actuelle. Un versement transport additionnel, cela a été souligné, serait une solution assez logique et vertueuse. §

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