Séance en hémicycle du 24 janvier 2013 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • SNCF
  • ferroviaire
  • fret

La séance

Source

La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.

Monsieur le ministre, c’est un sénateur-maire de la ruralité qui vous interroge. §

La réforme des rythmes scolaires fait l’objet d’oppositions massives : grève des enseignants du primaire, rejet des instances consultatives et opposition de nombreux maires.

Les rythmes peuvent être un élément permettant la réussite des élèves, mais, seuls, ils ne peuvent suffire à lutter contre l’échec scolaire.

La réforme, telle qu’elle est prévue, ne fera que déstabiliser l’école, car elle manque de clarté s’agissant tant de ses visées que de ses modalités d’application. Quant aux délais de mise en œuvre par les communes, le mois supplémentaire accordé hier n’y change rien, ils sont trop courts !

Le débat a perdu de vue sa visée éducative pour se trouver arbitré et enfermé à l’aune des capacités financières des communes, qui ont la charge de mettre en œuvre la réforme.

Le rôle du scolaire et du périscolaire n’est pas précisé. Des activités pédagogiques pourront être mises en place, mais le Gouvernement ne dit pas au service de quel projet éducatif. La faible durée, de trente à quarante-cinq minutes, accordée à ces activités en réduit la portée et pose la question du personnel encadrant. Et ce n’est certainement pas en assouplissant les normes d’encadrement, piste actuellement privilégiée, qu’un projet de qualité pourra être porté ! Au contraire, cela nuira à la sécurité des enfants.

Sans périmètre précis, cette réforme aggravera les inégalités territoriales face au service public de l’éducation nationale, des inégalités que la droite a amplifiées depuis dix ans.

En effet, si le coût de la réforme n’est pas précisément évalué, on sait qu’il sera trop important pour que les communes les plus pauvres puissent y faire face. Selon les chiffres le plus souvent avancés, le coût est évalué à environ 150 euros par élève.

Comment les communes pourront-elles prendre en charge ces nouvelles activités pédagogiques périscolaires ? Comment feront-elles face à l’augmentation de la demande en matière de transport scolaire, de cantine et de centre de loisirs découlant de la scolarisation le mercredi matin ?

Vous répondez, monsieur le ministre, par l’octroi d’une dotation exceptionnelle de 250 millions d’euros. Ce montant, largement insuffisant, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

… sert davantage de moyen d'incitation à une mise en œuvre rapide de la réforme que de compensation des coûts. Cette aide n’est d’ailleurs attribuée qu’aux seules communes appliquant la réforme dès 2013, comme si l’augmentation des dépenses était seulement liée à la mise en place des nouveaux rythmes scolaires et n’était pas pérenne !

Il n’y a aucune urgence : il faut prendre le temps de faire une réforme au service de la réussite de tous les élèves, sur tout le territoire.

Monsieur le ministre, allez-vous donc enfin réaffirmer le rôle de l’État dans l’éducation nationale en accordant aux communes une compensation financière de la totalité des coûts ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

Monsieur le sénateur, vous avez eu raison de dire qu’il ne fallait pas enfermer la réforme de l'éducation, qui est une priorité de ce gouvernement, dans des considérations purement financières… quoique votre intervention n’ait ensuite porté que sur cette préoccupation, certes elle aussi légitime.

Nous voulons que tous les enfants de France puissent réussir.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre

C'est le but du projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République que nous avons présenté hier en conseil des ministres.

La refondation de l'école est absolument nécessaire, car, vous le savez, nos résultats se dégradent fortement, notamment sur le plan européen. Je rappelle que 25 % d'élèves sont en difficulté à l'entrée au collège et que les inégalités s'accroissent.

Ces dernières années, l’école a été durement touchée, du fait de la suppression de 80 000 postes – à ce propos, je vous remercie d'avoir relevé, monsieur Le Cam, que 376 postes supplémentaires seront créés à la rentrée dans l’académie de Rennes… –, mais aussi de la suppression de la formation des enseignants. Nous allons donc consacrer 27 000 postes à cette dernière. §

Concernant la question des rythmes scolaires, tout le monde reconnaît – je pense notamment à l'Académie de médecine, aux différentes instances consultées par la précédente majorité ou encore à Marcel Rufo, que j'écoutais encore ce matin – que l’exception française, véritablement unique au monde, des 144 jours de classe sert peut-être l'intérêt de nombreux adultes, mais pas celui des élèves ! §

Comme nous avons le sens de l'intérêt général, nous devons réagir. C'est la mission qui m'a été confiée par le Président de la République et que me permet de réaliser le Premier ministre.

Le projet de loi d’orientation et de programmation présenté hier donne la priorité au primaire. J'ai annoncé la création de 7 000 postes supplémentaires et de nouvelles méthodes pédagogiques pour les enseignants de CP et de CE1.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre

Monsieur le sénateur, des réponses ont été apportées aux inquiétudes que vous exprimez.

Un fonds de 250 millions d'euros, qui sera alloué selon une juste péréquation, a ainsi été accordé, malgré la situation budgétaire que nous connaissons, par le Premier ministre aux communes, rurales aussi bien qu’urbaines, les plus en difficulté.

MM. Alain Gournac et Jean-Claude Gaudin s’exclament.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre

Nous avons aussi entendu les inquiétudes des enseignants, dont nous avons modifié les obligations de service.

Si nous sommes capables les uns et les autres de conjuguer nos efforts, nous pourrons réaliser cette grande réforme dans l’intérêt des élèves et de la France. Je vous remercie de nous accompagner ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Monsieur le Premier ministre, le 11 janvier dernier, le Président de la République a pris la courageuse décision d’engager nos forces armées au Mali. Il l’a fait dans le respect de la souveraineté de cet État à l’appel de son président et dans celui du droit international, en vertu d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies.

Il s’agit incontestablement d’une rupture avec la période que nous souhaitons désormais révolue de la « Françafrique ». Comme la France est liée à l’Afrique et qu’elle défend partout dans le monde les valeurs de liberté et d’humanisme, elle a répondu présent à l’appel d’un pays ami qui aurait tout simplement pu sombrer et devenir un État terroriste.

Je veux ici rappeler, au nom de mes collègues du RDSE, le soutien sans réserve que nous apportons à nos troupes et à leurs familles.

Ce qui se joue en ce moment au Mali, c’est la sécurité de ce pays, celle d’une partie du continent africain, mais aussi celle de l’Europe. Alors que nous venons de célébrer le cinquantième anniversaire du traité d’amitié franco-allemande, l’Union européenne, dans son ensemble, se montre-t-elle suffisamment présente à ce rendez-vous majeur ?

Si les aides matérielles et logistiques commencent à arriver, il apparaît aux yeux de l’opinion publique que, aux côtés de la France, la réponse européenne n’est pas suffisamment à la hauteur des enjeux que représentent la stabilité et le développement de l’Afrique pour le destin de nos deux continents.

À ce titre, et parce qu’au bruit des armes doit succéder celui de la reconstruction et de la paix – le plus tôt sera le mieux –, l’Europe devra enfin prendre ses responsabilités envers ce continent qui, à bien des égards, est rongé par une terrible pauvreté, laquelle sert, on le sait, de terreau au terrorisme et aux extrémismes les plus violents.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous informer le Sénat des dernières évolutions de la situation militaire au Mali, de la mise en place de la Mission internationale de soutien au Mali, la MISMA, et de notre coopération avec l’Algérie ?

Quelles nouvelles dispositions vous apprêtez-vous à prendre pour inciter nos partenaires européens à engager un partenariat de type nouveau avec l’Afrique ?

Par ailleurs, que pouvez-vous dire des intentions de la France en faveur d’une politique d’aide au développement, une politique concrète permettant de stabiliser cette région, de consolider la démocratie, et surtout de lutter à la source contre la misère et la pauvreté ? §

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Monsieur le sénateur, vous avez décrit avec une grande précision la situation telle qu'elle se présente aujourd'hui au Mali. Vous avez eu raison de rappeler que la décision du Président de la République d'engager nos forces au Mali était certes grave, mais surtout courageuse et nécessaire.

Le 20 décembre 2012, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une résolution – à l'unanimité, il faut le rappeler – visant à mettre en place une force militaire africaine, la MISMA, mais il a bien fallu constater le 11 janvier dernier que celle-ci n'était pas en mesure d'arrêter le cours des choses.

Nous avons été informés de ce que les différentes factions terroristes étaient en train d'entreprendre. Voyant se préparer la mise en place de cette force africaine, elles avaient décidé de pénétrer beaucoup plus avant dans le territoire malien, de déstabiliser totalement ce pays et de lui ôter toute sa souveraineté.

Certains se sont parfois demandé pourquoi il y avait, d'un côté, une résolution et, de l'autre, une intervention de la France. Notre pays n'a pas prétendu substituer son action à celle qui doit être conduite et qui se prépare : la mise en place de la force multinationale africaine, dont l'état-major est à Bamako. Les premières troupes arrivent et, d’ici à la fin du mois de janvier, ou au plus tard à la mi-février, plusieurs milliers de soldats de différents pays africains, de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, la CEDEAO, mais aussi d’États qui n'en sont pas membres – je pense au Tchad –, seront sur place et opérationnels.

Par ailleurs, l'Union européenne a spontanément décidé non seulement d’apporter son soutien matériel à la France, résultat des décisions prises par plusieurs États, mais surtout d'accélérer la mise en place de l'unité de formation de l'armée malienne et de la force internationale. L’état-major est également sur place.

Le Président de la République a pris la décision, qui, je l'ai dit, n'était pas facile, d'engager nos soldats le 11 janvier dernier après un conseil de défense.

Si nous n'étions pas intervenus, la mise en œuvre de la résolution du 20 décembre 2012 aurait été impossible et le Mali serait aujourd'hui totalement dans les mains des terroristes.

Comme ce pays est situé au cœur de l'Afrique de l'Ouest, c'est toute cette partie du continent qui aurait été ébranlée, ce qui aurait fait peser des menaces non seulement sur l'indépendance du Mali, mais aussi sur la stabilité de l'Afrique de l'Ouest, sur l'Europe, et plus particulièrement sur la France. Ne nous y trompons pas !

Le chef de l'État par intérim du Mali, le Président Traoré, a appelé au secours le Président de la République et a fait une demande officielle de soutien de la France.

La France a consulté tous ses partenaires, et d'abord ses partenaires africains, qui, tous, à l’unanimité, lui ont témoigné non seulement leur soutien – ils l’ont encore confirmé samedi dernier à la réunion d’Abidjan, à laquelle notre pays était représenté par le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius –, mais aussi leur reconnaissance. Et, en effet, si la France n’était pas intervenue, ce ne serait même plus la peine de parler aujourd'hui de la MISMA !

L’objectif, qui était d’arrêter la progression des groupes terroristes, est donc atteint. Nos troupes, avec les troupes maliennes, progressent déjà.

Néanmoins, comme je l’ai déjà indiqué hier à l’Assemblée nationale, la France n’a pas vocation à rester au Nord-Mali. La force africaine doit la suppléer le plus rapidement possible, et c’est ce remplacement que nous préparons.

Au-delà, il faudra également réussir la transition politique. Le Mali a des institutions provisoires, des dirigeants transitoires. Il est très important que la France, avec la communauté internationale et le Conseil de sécurité, veille attentivement à la réussite de cette transition. Ce n’est pas facile ! Bien sûr, il faudra exclure de la discussion les groupes terroristes et dialoguer avec les différentes composantes de la communauté nationale malienne et l’ensemble des forces politiques, mais il faudra aussi prendre en compte les spécificités territoriales – je pense au Nord-Mali et aux Touareg. Nous devons donc engager ce travail le plus vite possible et, surtout, faire en sorte de favoriser sa réussite.

Puis il y a un autre volet, que vous avez eu parfaitement raison d’évoquer, monsieur le sénateur, celui du développement. La plupart des pays concernés sont particulièrement pauvres. Dans ces conditions, il est de la responsabilité non seulement de la France, mais aussi de l’Europe de tout faire pour assurer le développement du continent africain, tout particulièrement de l’Afrique de l’Ouest.

Le ministre délégué chargé du développement, Pascal Canfin, pilote les Assises du développement et de la solidarité internationale, dont la clôture interviendra prochainement ; j’espère que cet événement contribuera également à mobiliser l’ensemble de nos partenaires européens.

C’est, nous en sommes convaincus, une nécessité, rappelée par le Président de la République, François Hollande, dans son discours de Dakar ; pour ma part, je crois qu’il est de notre responsabilité d’être en première ligne.

Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Natacha Bouchart

Temps de parole encore dépassé ! Ce n’est pas normal !

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Monsieur Hue, vous avez évoqué un passé révolu, celui de la Françafrique, bien loin de nos convictions. Pour autant, comme vous l’avez parfaitement déclaré, cela ne signifie pas que la France doive se désintéresser de l’Afrique !

Au-delà, c’est la responsabilité de toute l’Europe qui est engagée.

Le continent africain a un bel avenir devant lui : cet avenir passe par la démocratie et par des institutions stables, mais aussi par le développement, un développement qui doit être durable et donner des perspectives à tous les peuples africains. Ce développement, c’est aussi le nôtre, car il sert à la fois l’intérêt des Africains, celui des Français et, plus largement, celui des Européens. Soyons donc à la hauteur de l’histoire.

Pour conclure, je veux adresser à nos soldats – et je suis sûr que vous y serez sensibles, mesdames, messieurs les sénateurs – un message de solidarité et de soutien dans la mission difficile qui est la leur, au service de la paix et de la liberté.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Hugues Portelli applaudit également.

situation au mali

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

M. Henri de Raincourt. Ma question, qui concerne elle aussi le Mali, s'adressait au ministre des affaires étrangères, M. Laurent Fabius, mais il est en ce moment même – et c’est tout à fait normal – à l’aéroport, en train d’accueillir Florence Cassez, à l’occasion du retour de cette dernière sur le sol national.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Comme chacun ici, je mesure les sentiments que notre compatriote doit éprouver en cet instant où elle retrouve la mère-patrie. Je veux lui dire que nous sommes tous très heureux que ces années de souffrance et de martyre soient aujourd'hui derrière elle. §

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Dès lors, j’adresse ma question au ministre des affaires européennes, ce qui tombe d'ailleurs très bien, compte tenu des précisions que je souhaite obtenir en complément de ce que vient de nous indiquer le Premier ministre.

Je veux tout de même rappeler que le Président de la République avait annoncé le 13 novembre dernier, à l’occasion d’une conférence de presse, que la France n’interviendrait « en aucun cas elle-même » au Mali. Toutefois, le 11 janvier dernier, devant la tournure des événements et à l’appel des autorités – fussent-elles provisoires – de ce pays, il a pris la sage et responsable décision, dans le respect absolu des décisions du Conseil de sécurité des Nations unies, d’engager directement la France dans la lutte contre le terrorisme.

Vous savez que nous avons approuvé cette décision du Président de la République. Nous soutenons cette action des pouvoirs publics, du Gouvernement…

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

… et de nos soldats, à qui nous aussi voulons naturellement rendre hommage.

Monsieur le ministre, lors de vos échanges avec nos partenaires européens, vos homologues ont, de façon unanime, salué l’action de la France ; c’est très bien ! Mme Ashton a déclaré que l’Union européenne jouerait un rôle clé, un rôle actif dans les semaines à venir ; c’est positif !

Néanmoins, nous appelons de nos vœux des faits concrets (qui – excusez-moi, monsieur le Premier ministre ! – aillent un peu au-delà des actions de formation dans lesquelles l’Europe est engagée.

Dans cette bataille très difficile à livrer contre le terrorisme, l’Union européenne, qui a élaboré une stratégie pour la sécurité et le développement du Sahel, nous est immensément nécessaire. Nous avons un très grand besoin de l’Europe, non pays par pays, mais globalement !

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous rendre compte des efforts engagés par le Gouvernement français et nous dire quelles sont les perspectives pour que l’Union européenne affirme clairement sa présence dans la lutte contre le terrorisme ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes

Monsieur le sénateur, je vous remercie beaucoup de votre question, car elle me fournit l’occasion de préciser le rôle de l’Union européenne dans la crise du Mali, ainsi que les conditions dans lesquelles la France a été amenée, avec ses partenaires européens, à définir une stratégie qui permette à ce pays de retrouver son intégrité territoriale et de faire face au risque terroriste.

Au-delà, il s’agissait de sécuriser le continent africain dans son ensemble, lequel risquait de se trouver déstabilisé en cas de contamination terroriste, et d’assurer la sécurité de l’Europe et en particulier celle de notre propre pays.

Premièrement, je veux, à la suite du Premier ministre, insister sur le rôle qu’a joué l’Union européenne dans la préparation de la formation des troupes maliennes afin que celles-ci soient en mesure de redonner au Mali son intégrité territoriale.

Monsieur le sénateur, vous avez eu raison de mettre l’accent sur le fait que l’ensemble des actions engagées dans ce pays sont intervenues dans le strict respect de la légalité internationale. C’est d’ailleurs le résultat d’une première action concrète de l’Union européenne. En effet, les résolutions 2056, 2071 et 2085, qui ont défini le cadre légal international dans lequel nous sommes intervenus, n’auraient pu être prises s’il n’y avait pas eu, au sein des Nations unies, une intervention conjointe et convergente de tous les pays de l’Union européenne.

Deuxièmement, nous avons souhaité que ces derniers puissent définir ensemble les modalités d’une formation de l’armée malienne, permettant à celle-ci d’assurer la sécurité sur le territoire du Mali et, comme l’a indiqué M. le Premier ministre, permettant également à la MISMA de garantir durablement cette sécurité, avec des troupes en nombre.

C'est la raison pour laquelle, avec les pays de l’Union européenne, nous avons décidé de mobiliser près de 500 militaires venus de toute l’Europe pour assurer la formation, à travers la mise en place du dispositif European Union Training Mission in Mali, ou EUTM.

Par ailleurs, nous avons également indiqué que nous étions à la disposition de la CEDEAO pour assurer toute mission permise par cette formation, aux côtés de la MISMA.

Si, lorsque les terroristes ont décidé de faire mouvement, la France n’avait pas pris, sous l’impulsion du Président de la République, la décision d’intervenir, tout ce que nous avons convenu avec les Européens ne serait pas possible aujourd'hui : le Mali serait tombé dans les mains des terroristes et serait en situation de déstabilisation majeure.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Par conséquent, nous avons continué à travailler avec les Européens, qui, contrairement à ce que nous avons pu entendre à certains moments, ont mobilisé des moyens à nos côtés : moyens aériens pour assurer le transport de troupes en nombre ; moyens sanitaires, à des fins d’assistance ; moyens humanitaires, lesquels seront bel et bien nécessaires sur le terrain.

Par ailleurs, le 29 janvier prochain, nous réunirons une conférence des donateurs à Addis-Abeba pour mobiliser les moyens financiers qui permettront d’aller au bout de cette opération.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. L’intervention au Mali est donc une action européenne, dans laquelle la France joue un rôle de précurseur pour rétablir l’intégrité territoriale du pays et pour assurer la sécurité du Sahel face au risque terroriste.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.

Monsieur le ministre, d’ici à la fin du mois de mars, les communes de nos départements sont appelées à se prononcer sur une réforme des rythmes scolaires, applicable en 2013 ou en 2014, pour laquelle les élus n’ont pas été sérieusement informés et encore moins consultés.

Ce projet aux contours flous, dont l’impact financier n’a absolument pas été évalué, a été sévèrement retoqué par toutes les instances de concertation : comité technique ministériel, Conseil supérieur de l’éducation, commission consultative d’évaluation des normes.

Dans un contexte de baisse annoncée des dotations de l’État pour 2014 et 2015, les élus se sentent pris à la gorge et s’interrogent sur la faisabilité du projet en l’état.

Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Que se passera-t-il lorsque l’aide exceptionnelle de 250 millions d’euros promise pour 2013 – aide qui, selon les premières estimations de nos collègues, apparaît déjà très en deçà des dépenses engendrées – disparaîtra ?

Sous quelle responsabilité seront placés les enfants entre quinze heures trente et seize heures trente ? Qui les encadrera ? Aura-t-on partout – en ville comme en milieu rural – les moyens de recruter des personnels qualifiés pour les activités culturelles ou sportives annoncées ?

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste

Vous les aviez supprimés !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le ministre, ces questions toutes simples, auxquelles vous n’avez pas franchement répondu tout à l'heure, sont celles que se posent des élus qui nous interpellent tous les jours ! Savez-vous réellement ce qu’est la gestion de l’école d’une petite commune ou encore d’un regroupement scolaire en milieu rural ?

Ces élus, qui font déjà beaucoup d’efforts, revendiquent tout autant que vous le bien-être et l’intérêt de l’enfant. Dès lors, ils appréhendent une réforme qui menace de creuser les inégalités entre les territoires.

Les sénateurs de l’UDI-UC jugent que l’éducation est une priorité. Aussi, monsieur le ministre, ils veulent vous mettre en garde contre un passage en force risquant d’être contreproductif pour l’aménagement du temps de l’école, qui est en effet nécessaire. C’est bien à cette conclusion qu’est parvenue la Conférence nationale sur les rythmes scolaires, installée par Luc Chatel, au sein de laquelle j’ai d’ailleurs travaillé, comme deux de mes collègues appartenant à des groupes politiques différents.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Parmi nos recommandations, au travers desquelles nous proposions par ailleurs un projet plus global, intégrant aussi le rythme à l’année – que je ne retrouve pas vraiment dans votre projet, monsieur le ministre –, nous insistions sur la nécessité d’une méthode qui privilégie la concertation.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

À la précipitation qui a été la vôtre depuis le début, et contre laquelle le Premier ministre vous a d’ailleurs mis en garde en juin dernier, il faut privilégier l’expérimentation et la souplesse, qui permettent des adaptations dans le respect des objectifs.

En clair, monsieur le ministre, pour réformer, vous devez échanger avec l’ensemble des partenaires de l’école et, en premier lieu, avec les représentants des collectivités qui en assumeront la mise en œuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Ces élus dont nous nous faisons les porte-parole vous demandent des moyens pour appliquer la réforme. Surtout, ils vous demandent du temps ! Et ce n’est pas le mois de réflexion supplémentaire accordé aux communes qui permettra de résoudre le problème, car, aujourd'hui – il faut bien le dire –, la plus grande confusion règne ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

Madame la sénatrice, vous avez opportunément rappelé que vous aviez fait partie du comité de pilotage de la grande consultation nationale sur la réforme des rythmes scolaires menée par mon prédécesseur pendant plusieurs mois.

Cette consultation a tiré le bilan de ce qui avait été l’une des plus tristes réformes mises en œuvre par la majorité précédente : la suppression des quatre jours et demi de classe hebdomadaires. §

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre

Vous avez vous-même tiré la conclusion qu’il fallait revenir à ces quatre jours et demi, à raison de cinq heures d’école par jour si cela était possible. Vous avez même préconisé de rajouter deux semaines de cours. Puis, avec les autres membres du comité de pilotage, vous en êtes restés là.

C’est dommage, parce qu’il est dans l’intérêt des élèves que nous soyons capables de réaliser, tous ensemble, cette réforme, comme vous l’aviez vous-même reconnu.

La concertation est nécessaire.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre

À votre époque, elle a duré plus d’un an. Après notre installation, elle s’est poursuivie plusieurs mois. Toutes les associations de maires – y compris des maires de zones montagneuses et des maires ruraux, qui se sont prononcés pour, ainsi, bien sûr, que l’Association des maires de France – ont été reçues à plusieurs reprises.

Madame la sénatrice, je constate que vos informations ne sont pas toujours justes. Vous avez parlé de la commission consultative d’évaluation des normes, où les élus sont représentés. Hier, cette commission a validé le projet de décret, par huit voix pour et deux voix contre. Pourquoi ? Parce que les informations sont enfin parvenues à ses membres,

M. Alain Gournac s’exclame.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre

C’est dommage, parce que, pour des raisons purement politiciennes, vous prenez les enfants de France en otage. On a vu d’ailleurs pendant cinq ans quelles étaient vos pratiques envers l’éducation nationale !

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre

M. Vincent Peillon, ministre. Aujourd’hui, nous sommes obligés de réparer. C’est vrai pour les rythmes scolaires, car c’est vous qui avez fait la semaine de quatre jours, unique au monde ! C’est vrai pour les remplacements, car vous avez supprimé 80 000 postes !

Applaudissements

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre

Nous, nous pensons à l’avenir de la France, nous apportons des réponses concrètes, qu’il s’agisse des taux d’encadrement ou du financement de la réforme, en nous attachant à consulter les uns et les autres.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre

M. Vincent Peillon, ministre. Si vous avez encore des inquiétudes, au-delà de celles que vous entretenez pour des raisons politiciennes

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre

Certains ne veulent pas – je vois ici le maire de Marseille… – accorder à l’école la priorité qu’elle mérite. §

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Monsieur le Premier ministre, vous avez fait de la lutte contre la pauvreté une priorité gouvernementale. Sachez que vous avez notre soutien le plus total pour rendre leur dignité à des millions de personnes.

La précarité dans notre pays est le fait d’une crise extrêmement violente et d’un chômage de masse inacceptable, mais c’est aussi le résultat de décisions politiques prises par les gouvernements précédents.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Parmi ces décisions, il en est une qui est particulièrement inique, celle qui concerne les bénéficiaires potentiels de l'AER, l’allocation équivalent retraite, qui ont quitté leur emploi avant le 1er janvier 2009 ; il s’agit de personnes nées en 1952 et en 1953.

Souvenons-nous : en 2008, des dizaines de milliers de personnes ont accepté des plans sociaux au terme de quarante années de travail en pensant être protégées par l’AER. Leurs employeurs et l'administration la leur avaient promise !

M. Alain Gournac s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Non seulement le gouvernement Fillon a mis fin à cette allocation au 1er janvier 2009, mais il a en outre prolongé de deux ans le supplice des anciens bénéficiaires potentiels en les ignorant totalement lors de la réforme des retraites de 2010. §

Ils ont été méprisés, jetés dans la précarité et la pauvreté ! Au Sénat, nous avons, à deux reprises, obtenu la prolongation de ce dispositif. Lors de l’examen de la loi de finances pour 2013, nous avons fait voter, avec l'ensemble des groupes de la majorité, une contribution exceptionnelle de solidarité pour prendre en compte la situation de ces classes d'âge.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Une délégation formée de moi-même, Ronan Kerdraon et Alain Néri s'est rendue à Matignon, où nous avons reçu une écoute de qualité. Je sais aussi que les principales centrales syndicales vous ont, encore très récemment, alerté sur la situation de ces personnes, monsieur le Premier ministre.

Je connais votre attachement à la justice sociale. Je veux vous sensibiliser au drame humain, au véritable calvaire que vivent quotidiennement ces personnes. Ma question est simple : allez-vous réparer les erreurs des gouvernements Fillon et aider cette classe d'âge qui vit dans le dénuement et la précarité la plus complète ? Ces hommes et ces femmes, qui ont travaillé si longtemps, ont le droit de retrouver la dignité et l’espoir !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Monsieur le sénateur, je vous remercie d’abord de votre soutien au Gouvernement dans sa lutte contre la pauvreté et en faveur de l’inclusion sociale. J’aimerais que les sénatrices et sénateurs de l’opposition qui ironisent s’engagent également pour soutenir la lutte contre les injustices.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Aujourd'hui, 9 millions de personnes vivent, en France, sous le seuil de pauvreté. Cela mérite bien un combat et une mobilisation générale.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Monsieur le sénateur, vous avez signalé une situation particulièrement injuste parce qu’il y a eu en quelque sorte tromperie envers ces trop nombreux salariés, aujourd’hui sur le carreau, qui, ayant perdu leur emploi ou accepté de bonne foi un départ volontaire en 2009 ou en 2010, pensaient pouvoir bénéficier de l’allocation équivalent retraite.

Puis, vous l’avez rappelé, le précédent gouvernement leur a fermé la porte au moment où il devenait encore plus difficile pour les salariés d’atteindre l’âge de la retraite…

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

… puisque la réforme des retraites de 2010 venait d’augmenter la durée légale de cotisations. Ainsi, les personnes concernées par l’AER nées en 1952 et en 1953 se sont trouvées doublement pénalisées.

Le gouvernement précédent a mis en place, en catastrophe, une allocation dite « allocation transitoire de solidarité », ou ATS, dont le versement dépend de conditions tellement draconiennes que ce ne sont que quelques centaines de personnes qui peuvent en bénéficier. Le problème demeure donc entier.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Monsieur Bourquin, avec le président de votre groupe, François Rebsamen, vous faites partie de ceux qui m’ont alerté voilà déjà plusieurs semaines, et je vous sais aussi mobilisé que le sont, effectivement, toutes les organisations syndicales représentatives des salariés.

Vous avez raison, il faut trouver une solution à ce problème et mettre fin à cette injustice. Le Gouvernement s’y est engagé devant votre assemblée, le 26 novembre dernier, lors de la discussion de la loi de finances pour 2013.

À cette occasion, vous et vos collègues avez livré une analyse précise de la situation. Plus d’une dizaine de milliers de personnes nées en 1952 ou en 1953 et qui n’ont toujours pas atteint l’âge légal de la retraite à taux plein vivent ainsi actuellement avec le revenu de solidarité active ou l’allocation spécifique de solidarité.

Ces personnes vivent douloureusement leur situation : elles ont travaillé toute leur vie, ont toutes leurs annuités, mais, pendant les quelques mois – au maximum un an – qui doivent encore s’écouler avant que leur retraite puisse être liquidée, elles sont au RSA !

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous allons donc régler ce problème.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

J’ai en effet décidé de répondre à l’urgence sociale que vous dénoncez, monsieur Bourquin. J’ai décidé, à titre dérogatoire, de mettre en place une prestation d’un montant équivalent à l’AER. Pourront en bénéficier tous les chômeurs ayant de faibles ressources, âgés de cinquante-neuf ans et de soixante ans, inscrits à Pôle emploi avant le 31 décembre 2010, et qui n’ont pu bénéficier de l’AER. Cette prestation complétera leur revenu pour le porter à 1 030 euros par mois.

À cet effet, nous allons prendre un décret simple qui permettra l’ouverture de ce droit à partir du 1er mars 2013, c'est-à-dire dans quelques semaines désormais. §

Ainsi, la justice sera rétablie : ces personnes pourront attendre l’âge de la retraite à taux plein dans la dignité, grâce à la solidarité nationale.

Je rappelle que cette mesure vient compléter une autre décision que le Gouvernement a prise après l’élection présidentielle et conformément aux engagements du Président de la République : le 2 juillet 2012, un droit de départ à taux plein a été ouvert aux salariés âgés de soixante ans ayant commencé à travailler avant vingt ans. Dépassant largement le nombre nécessaire d’annuités, ces salariés étaient injustement pénalisés.

Nous avons voulu donner un signal fort, ce qui ne règle bien entendu ni la question de l’avenir du financement de notre système de retraite ni les injustices, mais donne le sens, le ton de l’action du Gouvernement, montre notre souci de prendre à bras-le-corps les problèmes économiques et financiers, en marquant toujours nos décisions du sceau de la justice !

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Madame la ministre, une large concertation a eu lieu dans le cadre des assises que vous avez organisées, qui ont réuni enseignants et chercheurs. C'était nécessaire, mais pas suffisant, et le risque existe d’une focalisation sur la seule innovation technologique.

Le projet de loi que vous allez nous présenter pourra s’inscrire dans une réflexion plus globale sur les rapports entre science et société : en quoi la science participe-t-elle au développement de sociétés plus solidaires et plus responsables ? En quoi répond-elle aux incertitudes des citoyens ?

Il en va de la connaissance, et il en va aussi de l'emploi : en France, plus de 50 % des emplois émanent des secteurs non marchands et associatifs.

Ce qu'on appelait la « diffusion de la culture scientifique technique et industrielle » reposait, il y a trente ans, sur une véritable ambition, assortie de moyens. Puis le concept a été qualifié de « partage de la culture scientifique », s’éloignant de la caricature de quelques rares « sachants » devant un peuple inculte qu’il s’agirait de convaincre.

Ensuite, les budgets se sont étiolés. En 2010, une gouvernance aventureuse a démantelé l'action ministérielle en externalisant la gestion de tous les moyens concernés, partout en France, auprès d'un établissement parisien unique : Universcience. Imaginerait-on confier l’intégralité du budget des théâtres de France à l'Odéon, à charge pour lui de le répartir ?

Les associations licencient. La probable décentralisation des CCSTI, les centres de culture scientifique, technique et industrielle, auprès des régions ne répondra pas à l'ensemble de la question.

Pourtant, certaines initiatives remarquables nous donnent des horizons séduisants : des recherches participatives dont le programme est défini par une institution, comme le Muséum ; des sciences citoyennes, dont les programmes de recherche sont définis avec des associations ; des sciences coopératives, dont le programme est à la fois co-construit, co-défini et co-piloté, comme pour cette recherche sur les céréales panifiables en Île-de-France, qui réunit l'INRA, des associations, des boulangers, des paysans et des consommateurs.

Quelle part, madame la ministre, allez vous accorder dans votre projet de loi à ces pistes indispensables à une société de la connaissance, une société participative de l'intelligence collective qui soit résistante aux obscurantismes ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Debut de section - Permalien
Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Madame la sénatrice, la diffusion de la culture scientifique et technique est, vous l’avez dit, un enjeu essentiel de la politique que je souhaite mener, car elle est le fondement même d’une société démocratique et de la connaissance partagée.

La science appartient à tout le monde, et nous devons créer les conditions pour que toutes et tous puissent s’approprier les principes et les méthodes de la connaissance scientifique dans toutes ses acceptions, des sciences humaines et sociales jusqu’aux sciences dites exactes, et s’approprier également une culture d’innovation et de création qui soit caractérisée par l’audace et l’envie d’entreprendre.

Le renouveau du débat public entre science et société est une exigence politique qui doit faire l’objet d’un programme spécifique avec l’appui de recherches en sciences humaines et sociales. Cette démarche doit s’engager avec une définition claire – elle n’existe pas aujourd'hui – des enjeux et de la stratégie nationale de la recherche.

Cette stratégie, que nous sommes en train de finaliser de façon partenariale, sera basée sur des défis sociétaux lisibles pour tous et par tous. Elle renverra aux expériences et aux interrogations quotidiennes sur la santé, l’énergie, le changement climatique, l’innovation, le numérique, la sécurité alimentaire, parce que les scientifiques doivent se faire comprendre de l’ensemble de nos concitoyens.

Toutes ces dimensions de la démocratisation de la culture scientifique et technique feront partie intégrante de l’agenda national de la stratégie de la recherche que nous construisons au sein de mon ministère, agenda qui répondra à ces défis sociétaux, comme le fait d’ailleurs le programme européen de recherche Horizon 2020.

Le principe même de cet agenda et ses grandes orientations seront inscrits dans la loi, tout comme la mission de service public d’enseignement supérieur et de recherche en matière de culture scientifique et technique.

Mon ministère ainsi que celui de la culture et de la communication coordonneront, sous une forme en cours de définition, l’action gouvernementale avec l’appui d’autres ministères, en premier lieu, le ministère de l’éducation nationale, mais aussi le ministère de l’écologie et celui du redressement productif.

L’acte III de la décentralisation devrait attribuer aux conseils régionaux des compétences nouvelles en matière de diffusion de la culture scientifique et technique. Il devrait coordonner les réseaux territoriaux. Sous cette impulsion, de véritables projets territoriaux pourront se constituer et assurer la généralisation des nombreuses initiatives qui ont été prises, comme les opérations « les petits débrouillards » et « la main à la pâte », imaginées par les lauréats du prix Nobel Pierre-Gilles de Gennes et Georges Charpak.

Dans le programme des investissements d’avenir, près de 200 millions d’euros sont consacrés aux programmes de culture scientifique et technique destinés aux publics scolaires dès le plus jeune âge, avec une large diffusion, sur des sites web ou à la radio par exemple.

La formation des enseignants, dans les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, prendra en compte ces enjeux en s’appuyant sur les ressources territoriales que j’ai évoquées. Nous en avons d’ailleurs discuté ce matin avec les présidents d’université et les recteurs qui vont accueillir ces écoles.

Debut de section - Permalien
Geneviève Fioraso, ministre

Enfin, les regroupements territoriaux et les communautés d’universités seront amenés à proposer systématiquement une stratégie de diffusion de la culture scientifique, qui sera évaluée et intégrée.

Je conclurai avec cette phrase de Marie Curie…

Debut de section - Permalien
Geneviève Fioraso, ministre

Mme Geneviève Fioraso, ministre. … que je souhaite partager avec vous : « Dans la vie, rien n’est à craindre, tout est à comprendre » !

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Les enseignants étaient dans la rue ce mardi. À Paris, 90 % étaient en grève, n’en déplaise à M. Bruno Julliard, qui trouve désormais que certains syndicats utilisent beaucoup trop leurs capacités de blocage. Les parents craignent, quant à eux, pour les activités périscolaires. Les élus, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

… qui devront payer les surcoûts, n’ont pas été associés. Jean-Claude Gaudin l’a rappelé, ces surcoûts s’élèvent à plus de 15 millions d’euros pour la seule ville de Marseille !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

À Calais, à l’autre bout de la France, ville dont notre collègue Natacha Bouchart est maire, il faudra 1, 5 million d’euros pour mobiliser 700 agents. Dans mon propre département, le seul surcoût de transport s’établira à 1 million d’euros !

Pourtant, monsieur le ministre, cette réforme est nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La France a l’année scolaire la plus courte, la semaine la plus courte également et la journée la plus longue ! Dans ces conditions, pourquoi la seule réduction d’une petite demi-heure quotidienne provoque-t-elle tant de protestations, alors que chacun reconnaît que la situation n’est pas satisfaisante ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Deux raisons majeures à cela : l’une de fond, l’autre de méthode.

La raison de fond, c’est l’approche trop dogmatique de chronobiologistes. En ce qui concerne le calendrier scolaire, par exemple, ne tenir compte que du fameux « 7/2 » est une erreur si l’on n’intègre pas les rythmes économiques et climatiques.

Dans une région comme la mienne, le décalage en mai d’une semaine des vacances de printemps, ce sont 10 % de recettes en moins pour le secteur touristique

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

… 10 % qui pourraient participer au financement des surcoûts engendrés par la réforme.

J’en viens à la raison de méthode, monsieur le ministre. Il est illusoire, dans ce domaine comme dans d’autres, de vouloir imposer le même rythme à toute la France depuis la rue de Grenelle ! Cela ne fonctionne pas, notre mission d’information l’a clairement constaté il y a un an. Seules les réformes fondées sur le partenariat et la proximité donnent des résultats.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Alors, monsieur le ministre, allez-vous suspendre ce décret, qui tarde d’ailleurs à être publié ? Donnerez-vous des directives aux recteurs et aux directeurs académiques pour qu’ils engagent une réelle contractualisation avec les collectivités et les acteurs locaux de la communauté éducative, dans le cadre d’un partenariat gagnant-gagnant ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

Monsieur le sénateur, nous allons avoir l’occasion de vérifier que nous allons bien dans le sens que vous souhaitez.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre

En effet, le décret qui sera publié vendredi précise que la consultation des conseils d’écoles et des élus doit permettre à l’éducation nationale de contractualiser des plans territoriaux éducatifs d’aménagement des rythmes scolaires qui seront évidemment différents, comme vous le souhaitez, selon les communes et les projets éducatifs.

Vous avez un souci d’élu de montagne, et je le comprends : c’est la raison pour laquelle j’ai reçu à plusieurs reprises les élus de montagne et que nous avons donné, M. le Premier ministre et moi-même, raison à leurs demandes.

C’est la première fois, dans une politique publique, qu’est instaurée une péréquation d’une telle nature : aux 50 euros universels viennent s’ajouter 90 euros pour les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine ou à la dotation de solidarité rurale. Les moyens de ces communes sont donc presque triplés.

Dans le même temps, vous demandez que certaines dérogations soient possibles, mais il faut tout de même essayer de comprendre sur quelles bases et exposer justement celles-ci. Un peu d’arithmétique ! Si nous ajoutons trois heures de classe le mercredi matin, nous enlevons non pas une demi-heure mais trois quarts d’heure les quatre autres jours.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre

Le décret prévoit une marge d’une demi-heure maximum pour vous permettre d’organiser au mieux, selon vos moyens, les journées scolaires.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre

Certains choisissent la pause méridienne, d’autres veulent faire davantage le soir. Certaines villes, qui sont déjà organisées sur quatre jours et demi, préfèrent grouper les activités périéducatives sur des après-midi entières.

Nous avons concilié un certain nombre de cadres nationaux – c’est tout de même le minimum – avec la possibilité pour vous tous de faire au mieux dans l’intérêt des élèves.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre

Cette réforme, vous le dites vous-même, est nécessaire. Si elle n’a pas été faite jusqu’à présent, c’est parce qu’elle est difficile. Elle suppose pour les enseignants, les professeurs, les parents, peut-être pour nous tous, un certain effort. Je le rappelais ce matin, dans la grande tradition française, ce qui est facile n’a pas tellement d’intérêt. Nous serons jugés sur notre aptitude à résoudre les difficultés. Il y va de la capacité de réussite de nos enfants, de tous les élèves français, et de l’avenir de la France.

Nous étions en Allemagne il y a deux jours. Si 25 % des jeunes sont au chômage en France, ils sont 10 % dans certains pays. Ce décrochage est lié aux difficultés de notre système scolaire, qui ont été accrues ces dernières années.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre

Nous comptons sur vous ! Nous avons entendu les élus, nous les accompagnerons : j’ai donné un certain nombre de consignes au ministère de l’éducation nationale pour aider les maires à construire leurs projets. Il faut vraiment que nous réussissions cette réforme ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage.

Les Français qui nous regardent connaissent bien l’AFPA, l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes. Ils la connaissent bien parce qu’elle est présente dans tous nos territoires départementaux. Surtout, ils savent que depuis sa création, il y a plus de soixante ans, elle a permis à plus de 5 millions de travailleurs – chômeurs ou salariés – de se former, d’obtenir un diplôme et un savoir-faire professionnel. Pour beaucoup d’entre eux, elle a représenté une véritable seconde chance. Elle a aussi permis aux entreprises de notre pays de recruter les salariés qualifiés nécessaires.

Dans cette période de chômage massif, plus que jamais, nous avons besoin de disposer d’organismes de formation efficaces permettant de préparer les qualifications attendues. Or, depuis des années, force est de le constater, l’État s’est dégagé financièrement de cette institution. Une vision libérale a conduit à vouloir en faire un organisme de formation comme les autres. Pourtant, la réponse aux besoins de formation, nous le savons bien, dans une logique d’intérêt public, ne saurait être soumise aux seules règles du marché. Ainsi jetée dans le bain de la concurrence intégrale, l’AFPA, il y a quelques semaines, était menacée de disparition.

Dès votre arrivée au Gouvernement, messieurs les ministres, vous avez su prendre les premières mesures d’urgence. Surtout, le Premier ministre a rendu publiques, la semaine dernière à Caen, les décisions prises en faveur de l’AFPA pour assurer son sauvetage. Il est cependant nécessaire désormais d’assurer l’action de l’AFPA sur la durée en confortant sa mission de service public, tout en lui permettant bien sûr d’évoluer et de se moderniser.

Monsieur le ministre, pouvez-vous apporter aux 9 300 salariés de l’institution et, au-delà, aux 150 000 stagiaires accueillis chaque année, un éclairage sur la stratégie de pérennisation de l’AFPA engagée par le Gouvernement ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage.

Debut de section - Permalien
Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage

Monsieur le sénateur, vous avez au cours des derniers mois, avec beaucoup d’autres parlementaires, manifesté votre souci quant à l’avenir de l’AFPA, et vous avez eu raison !

Il ne s’agit pas de n’importe quel outil : installé dans tous les départements de France, grâce à sa proximité, à ses capacités d’hébergement et de restauration, il favorise la formation des demandeurs d’emploi, des jeunes et des salariés des entreprises. Chaque année, 120 000 salariés sont ainsi formés, ce qui leur permet soit d’accéder à l’emploi, soit de s’y maintenir.

Hélas ! les décisions qui ont été prises depuis 2004 par les gouvernements précédents ont malmené cet outil, à tel point qu’en juillet dernier, lorsque nous avons pris nos fonctions, il n’y avait pas de quoi assurer les paies des 9 300 salariés de l’AFPA. C’est incroyable, mais c’est pourtant ainsi !

Le Premier ministre s’est engagé devant les partenaires sociaux, dès le mois de juillet, à prendre des dispositions pour assurer l’avenir de l’AFPA. Nous avons donc, avec Michel Sapin, agi dans l’urgence afin de colmater les brèches, tout en nous efforçant de répondre à l’engagement du Premier ministre.

Nous avons favorisé le changement de gouvernance de l’association avec l’arrivée d’un nouveau président, M. Barou, à qui nous avons demandé un plan de restructuration. Ce plan a été adopté voilà quelques semaines, et il n’y aura aucun licenciement économique parmi les 9 300 salariés de l’AFPA. §

Le Gouvernement a en outre accepté d’apporter 110 millions d’euros de fonds propres à l’AFPA pour réinvestir dans son patrimoine et élargir sa palette de formations. Enfin, c’est désormais l’AFPA qui gérera le patrimoine mis à sa disposition par l’État.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la formation professionnelle est un élément important de la compétitivité de l’économie française et de ses entreprises. C’est également un investissement sur l’avenir destiné à favoriser l’insertion dans l’entreprise, le développement des compétences des demandeurs d’emploi et des jeunes de France. En cela, la formation professionnelle est un élément important pour les trois priorités du Gouvernement que sont l’emploi, les jeunes et l’investissement sur l’avenir ! L’AFPA concourra à la réussite dans ces trois domaines.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Ma question s'adresse à M le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Monsieur le ministre, nous connaissons votre engagement et la pugnacité que vous mettez à défendre une pêche durable qui préserve les ressources, protège l’environnement et respecte tout autant l’économie littorale et l’emploi.

Des inquiétudes demeurent cependant sur la réforme de la politique commune des pêches. Sur la question sensible des rejets en mer, notamment, le conseil des ministres européens chargé de pêche s’est montré favorable à une mise en œuvre progressive en fonction des zones de pêches. C’est bien le minimum que l’on était en droit d’attendre, mais comment les pêcheries multi-spécifiques que nous connaissons bien en Bretagne et dans d’autres régions françaises pourront-elles faire face à cette demande ?

L’obligation de débarquement des captures indésirées ne règle en rien le problème de la surpêche. Elle ne posera en tout cas pas de problèmes à certains ! À cet égard, je rappellerai simplement l’arraisonnement, en décembre dernier, d’un chalutier géant battant pavillon allemand pouvant embarquer jusqu’à 4 000 tonnes de poissons, qui ne serait sans doute guère affecté de se voir imposer une telle règle…

Nous, nous refusons un modèle économique qui ne verrait aucun inconvénient à la norme « zéro rejet » en sacrifiant l’environnement marin sur l’autel d’une industrie spéculative. L’interdiction des rejets est, en effet, une mesure inadaptée et contreproductive qui, une nouvelle fois, démontre l’entêtement aveugle de la Commission européenne. Au détriment de la ressource et, surtout, de la sécurité des pêcheurs, cette mesure favorisera la filière des farines animales en créant un marché pour les prises accessoires, cela en contradiction totale avec les objectifs environnementalistes déclarés de la commissaire Mme Damanaki.

À l’opposé de cette politique qui conduirait au déclin d’une pêche soutenable, il faut en priorité encourager et améliorer la sélectivité des engins de pêche, dans le cadre d’un plan de modernisation de la flotte en faveur de bateaux encore plus sûrs et plus écoresponsables.

Dans le cadre de la procédure de codécision, le Parlement européen doit voter le futur règlement de base le 6 février prochain, et ce dernier sera inscrit à l’ordre du jour du prochain conseil « Pêche ». Monsieur le ministre, quelle sera donc votre stratégie pour continuer à défendre une pêche durable, à laquelle nous sommes attachés, mais aussi nos pêcheurs et le développement économique de nos territoires littoraux ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports et de la pêche.

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Madame la sénatrice, chère Odette Herviaux, l’actualité est en effet marquée par la poursuite des discussions, au niveau européen, sur la réforme de la politique communautaire de la pêche dans toutes ses composantes.

C’est une réforme qui demande une mobilisation politique de tous les instants, ainsi qu’une présence affirmée au sein des conseils des ministres de l’Union européenne.

Je regrette simplement que, ces dernières années, la politique de la chaise vide ait conduit à affaiblir la position de la France dans ce domaine. Pour ma part, j’ai participé aux travaux de chacun des conseils des ministres – il y en a eu six – et j’assisterai à celui qui se tiendra lundi prochain.

La France, et c’est un point auquel je vous sais attachée, madame la sénatrice, a désormais retrouvé une certaine crédibilité en matière de pêche. De nombreuses heures durant, nous avons défendu, lors des conseils des mois de juin et d’octobre, les positions françaises, notamment en matière de politique commune de la pêche. Nous sommes parvenus – ce ne fut pas facile – à obtenir des compromis équilibrés, concernant notamment les aides à la pêche, dans le cadre du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche.

En juin dernier, nous avons également obtenu des avancées extrêmement positives comme le rejet des quotas individuels transférables, qui préoccupaient les professionnels, ainsi que la prise en compte – fait majeur – de l’outre-mer et du rendement maximum durable.

La question des rejets que vous évoquez dans votre question est la pierre angulaire de cette réforme. Nous devons être conscients qu’une grande majorité d’États membres et le Parlement européen lui-même ont une position assez éloignée de celle de la France. Ils sont en effet en faveur d’une interdiction totale des rejets.

J’ai bien pris note des inquiétudes des pêcheurs, dont m’avaient d’ailleurs fait part les professionnels de votre région, madame la sénatrice. Leurs inquiétudes, que vous avez parfaitement résumées, sont légitimes. Comment en effet concilier l’interdiction des rejets avec la sécurité et l’aménagement des navires, fort anciens, et avec la sécurité du travail à bord ? Que faire des rejets ramenés à terre ?

Nous devons désormais adopter une approche praticable et réaliste pour les pêcheurs, qui donne à la filière le temps de s’adapter. C’est ce que nous réclamons à la Commission, à Mme Damanaki et à l’ensemble du Conseil européen.

Le compromis adopté lors du conseil du mois de juin dernier permet en partie de garantir une approche pragmatique dans le temps. Nous devons encore travailler sur un certain nombre de points en suspens, par exemple la date d’entrée en vigueur de du dispositif de la stabilité relative. Ce dispositif est un peu technique, mais les professionnels savent combien il est nécessaire. Ces sujets seront abordés lors des prochains conseils, en janvier et en février.

Ces avancées obtenues au terme d’intenses négociations seront formellement adoptées au cours de l’année 2013, à l’issue des discussions avec le Parlement européen, puisque, vous le savez, la réforme de la politique commune de la pêche relève désormais de la codécision entre le Parlement et le Conseil des ministres. §

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Je terminerai en disant que je fais toute confiance à la présidence irlandaise et je vous donne l’assurance, madame la sénatrice, que le Gouvernement est déterminé à défendre les intérêts des pêcheurs.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

La semaine dernière, le Sénat a rejeté le projet de loi rebaptisant conseillers départementaux les conseillers généraux et modifiant leur mode d’élection. C’est incontestablement un camouflet pour le Gouvernement. §

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

C’est d’autant plus remarquable que l’opposition sénatoriale n’est pas la seule à avoir combattu cette réforme. En effet, monsieur le ministre, tous les partenaires de votre majorité – les élus radicaux, écologistes et communistes – ont mêlé leurs voix aux nôtres pour empêcher son adoption.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Ils l’ont fait, car cette réforme, qui constitue une atteinte grave à la représentation des territoires ruraux, n’a d’autre but que de favoriser électoralement les membres d’un parti politique, en l’occurrence le parti socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Après vos déclarations d’amour aux collectivités locales – mais je vous rappelle qu’« il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour » –, nous étions en droit d’espérer de votre gouvernement qu’il formule des propositions pour accompagner la décentralisation et améliorer les conditions d’exercice, toujours plus complexes, des mandats locaux.

Au lieu de cela, vous avez préféré matraquer financièrement les collectivités locales dans le projet de loi de finances. Faut-il rappeler que vous leur avez ponctionné plus de 2 milliards d’euros ?

À présent, vous voulez modifier les règles des élections locales, …

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

… à la seule fin de tenter d’empêcher l’inévitable sanction dans les urnes de la politique actuellement menée par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux est un objectif légitime, que nous partageons bien évidemment, …

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Ce n’est pas ce que vous disiez la semaine dernière !

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

… mais il ne doit pas être poursuivi au détriment d’autres objectifs aussi légitimes, comme le pluralisme et la représentation de tous les territoires de la République.

Sous couvert de la parité, vous avez inventé un mode de scrutin à vos mesures qui n’a d’équivalent nulle part ailleurs – le monde nous l’envie ! – et dont le seul objet est d’affaiblir la représentation des territoires ruraux.

Dans certains départements, la population moyenne des cantons pourra dépasser 75 000 habitants, ce qui conduira à couper tout lien entre l’élu et les administrés.

Dans mon département, le Rhône, les cantons compteront en moyenne 64 000 habitants. Dans le nord de ce département, la fusion de six cantons au minimum sera nécessaire pour constituer un seul nouveau canton, lequel couvrira un tiers du département !

À présent que le Sénat, à qui la Constitution confère le rôle de représentant des collectivités territoriales de la République, a rejeté le texte, il serait de toute évidence contraire à l’esprit de nos institutions que le Gouvernement persiste dans son aveuglement et tente de faire passer en force un projet de loi sur les collectivités territoriales à l’Assemblée nationale, contre l’avis du Sénat, étant une fois encore rappelé qu’il ne s’agit pas de n’importe quel avis puisque des voix de votre majorité se sont mêlées à son rejet.

Personne ne veut de votre réforme ! Nous vous demandons donc de retirer ce projet de loi de l’ordre du jour et de nous présenter une autre copie, si tant est que vous le souhaitiez, plus conforme aux intérêts de nos territoires, et singulièrement des territoires ruraux. §

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Monsieur le sénateur, prolongeons de quelques minutes les trente-deux heures que nous avons déjà consacrées ensemble à ce débat, qui fut d’ailleurs d’une très grande qualité.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Le texte a été rejeté, c’est incontestable.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Ce n’est pas la première fois que cela se produit au Sénat et, à l’instar de M. Rebsamen ce matin, on peut le regretter.

En tout cas, je constate que, même si le texte n’a pas été voté – et ne s’applique bien évidemment pas à ce stade –, le Sénat a adopté des mesures qui me paraissent importantes, notamment la suppression du conseiller territorial, en faveur de laquelle une majorité s’est dégagée, réforme qu’il nous faut donc bien poursuivre

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Une élection démocratique, c’est d’abord une élection permettant à la société d’être correctement représentée. Le scrutin départemental doit donc être strictement paritaire, et l’objectif du Gouvernement est qu’il en soit ainsi. Qui peut se satisfaire du fait que la représentation des femmes dans les conseils généraux soit limitée à 13, 5 % ?

Mmes Dominique Gillot et Laurence Rossignol désignent les membres de l’opposition.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

De même, nous ne voulions pas d’un scrutin strictement proportionnel, car il n’aurait pas permis une bonne représentation des différents territoires composant un département.

De toute façon, même si le mode de scrutin actuel était conservé, un redécoupage serait nécessaire. Le découpage actuel date de 1801. Je veux bien concevoir que l’on soit attaché au Consulat – je le suis moi-même à certaines mesures prises par Bonaparte

Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Or notre temps appelle un certain nombre de changements.

La représentation démographique doit être claire, simple, compréhensible par tous. La représentation cantonale ne devra pas s’écarter de la règle fixée par le Conseil d’État, c'est-à-dire de la règle des plus ou moins 20 %, même si, pour ma part, je suis prêt à desserrer cet étau en introduisant une série d’éléments garantissant une bonne représentation géographique des territoires ruraux et de la montagne. C’est donc un sujet sur lequel je pense que nous allons pouvoir progresser.

Monsieur Buffet, l’ancienne majorité avait introduit de la confusion entre le département et la région. §Ce gouvernement redonne sa place au département.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

M. Manuel Valls, ministre. Vous ne teniez pas compte de la population. Vous aviez oublié qu’en démocratie, un homme ou une femme, c’est une voix, et vous aviez choisi un mode de scrutin qui pénalisait les femmes. Nous, nous mettons en œuvre la parité !

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

L’ordre du jour appelle le débat sur l’avenir du service public ferroviaire, organisé à la demande du groupe CRC.

La parole est à Mme Mireille Schurch, pour le groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis de trop nombreuses années, notre système ferroviaire a été mis à mal, sous l’impulsion de directives européennes de libéralisation, appliquées avec zèle, il faut le dire, par le précédent gouvernement.

Ouverture à la concurrence, rétraction de l’offre, absence de financement public ou encore démantèlement de la SNCF ont été les maîtres mots de cette stratégie condamnant toute idée d’un service public de transport ferroviaire, qu’il soit de personnes ou de marchandises.

Nous avons également assisté à une remise en cause systématique du statut des cheminots et de leurs droits. On les a fait passer pour des nantis, alors même qu’ils sont les artisans, au quotidien, de la qualité du service public, auquel ils sont fortement attachés.

Les Assises du ferroviaire, qui se sont tenues l’an passé, ont établi un constat unanimement partagé : il est nécessaire de réformer le système ferroviaire pour le rendre plus efficient et plus lisible.

Le 30 octobre dernier, vous avez vous-même annoncé, monsieur le ministre, une réforme d’ampleur. Les annonces que vous avez faites sur les fondements qui devront guider cette réforme, dans l’attente des conclusions de la mission confiée à Jean-Louis Bianco, sont encourageantes, puisque vous proposez la création d’un pôle public ferroviaire. Cette formule nous semble bien adaptée. Pour autant, le contenu de ce pôle public mérite d’être encore précisé.

L’intitulé de ce débat sur l’avenir du service public ferroviaire n’est pas anodin. En effet, il nous a semblé utile de ne pas limiter les enjeux à de simples questions organisationnelles ou de gouvernance ; nous avons souhaité nous interroger sur les missions qui doivent incomber au système ferroviaire, ainsi que sur la définition du service public ferroviaire.

C’est donc avec cet objectif que nous avons pris l’initiative d’organiser ce débat, initiative qui a été soutenue par la conférence des présidents.

J’ajoute qu’au vu du calendrier législatif à venir il nous semblait opportun de débattre des contours de la réforme que vous allez nous soumettre, monsieur le ministre. Je dirai, pour être encore plus claire, que nous voulons que ce débat ait lieu avant que certains éléments de la réforme apparaissent comme déjà « ficelés » par l’acte III de la décentralisation ou par le quatrième paquet ferroviaire, qui, sans nul doute, auront l’un et l’autre un impact très fort sur l’organisation du futur système ferroviaire.

En préalable, je souhaite indiquer pourquoi les sénateurs du groupe CRC accordent à la question ferroviaire et aux desseins de la puissance publique en la matière une si grande attention.

À nos yeux, le système ferroviaire répond à des missions d’intérêt général. C’est pour cette raison qu’il doit faire l’objet d’une forte maîtrise publique. Je pense, monsieur le ministre, que vous partagez cette analyse.

Je vois trois enjeux dans les politiques ferroviaires : l’enjeu climatique, l’enjeu de l’aménagement équilibré des territoires et l’enjeu du droit à la mobilité pour tous les usagers.

Je commencerai par l’enjeu climatique.

La lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, et donc contre le réchauffement climatique, est une priorité qui doit nous conduire à nous interroger très directement sur nos modes de production et d’organisation. Les transports sont un levier d’action majeur. Ils représentent, à l’échelle de l’Union européenne, 28 % des émissions totales. Pour cette raison, le report modal correspond à un enjeu d’intérêt général.

Le Grenelle de l’environnement avait posé des objectifs ambitieux de report modal, en prévoyant de faire passer la part des transports de marchandises alternatifs à la route de 14 % à 25 % d’ici à 2022.

Force est de constater que les politiques menées par les gouvernements de droite, loin de répondre à cette urgence, ont au contraire contribué à mettre plus de camions sur les routes, avec des conséquences particulièrement négatives sur l’environnement.

Il est grand temps d’inverser la donne. J’en viens donc à ma première question, monsieur le ministre. Comment la réforme ferroviaire peut-elle répondre à cette exigence en permettant d’opérer concrètement le rééquilibrage ?

Le deuxième enjeu est celui de l’aménagement équilibré de nos territoires.

Les 48 000 kilomètres de voie sont un atout indéniable pour l’attractivité de nos territoires. En effet, le ferroviaire est avant tout un service public de réseau, qui doit irriguer la France par un maillage plus fin du territoire et répondre aux besoins des particuliers comme des entreprises. Chaque gare qui ferme, chaque desserte abandonnée entachent le développement de la région concernée.

Pourtant, la rétraction du réseau a trop longtemps été le leitmotiv des réformes mises en œuvre tant par le gouvernement que par la SNCF et RFF.

Aussi, monsieur le ministre, et ce sera ma deuxième question, ne pensez-vous pas qu’il est urgent de mettre en avant l’utilité sociale et économique des liaisons ferroviaires pour l’égalité de nos concitoyens et des entreprises en milieu rural comme en milieu urbain ? D’ailleurs, n’est-ce pas pour garantir à tous l’accès au service public qu’un ministère de l’égalité des territoires a été créé ? Cela mérite investissements publics et vision programmatique. La réforme ferroviaire devra donc permettre de remettre l’État comme acteur incontournable de l’aménagement des territoires.

Le troisième enjeu est celui d’une nouvelle conception du droit à la mobilité pour tous.

Aujourd’hui, le droit de se déplacer conditionne clairement d’autres droits : travailler, se soigner, accéder à la culture, aux loisirs, etc.

Le transport est non pas une prestation pour ceux qui peuvent se l’offrir, mais un droit des usagers. C’est sur « l’accessibilité pour tous aux transports » que nous devons réfléchir. Dès lors, la politique tarifaire ne doit-elle pas être vue sous le prisme de l’égal accès de tous, et non pas sous le seul angle de la compétitivité, terme qu’il faudra d’ailleurs bien un jour redéfinir ?

Ce sont à ces enjeux que la refonte du système ferroviaire devra répondre prioritairement. C’est pourquoi ma quatrième question sera de savoir si vous partagez notre conception des missions du système ferroviaire, qui lui confère une dimension d’intérêt général et justifie par conséquent sa qualification de service public, monsieur le ministre.

Pour aller plus loin, notre groupe a déposé au mois de mai dernier une proposition de loi ouvrant la voie à la redéfinition des contours du service public, s’agissant de ses missions comme de ses moyens.

Tout d’abord, il nous semble urgent d’en finir avec le dogme de la concurrence. Alors que nous demandons un bilan des politiques libérales, notamment de l’application des paquets ferroviaires depuis de nombreuses années, nous estimons que le Gouvernement doit agir avec force au niveau de l’Union européenne pour obtenir qu’un bilan soit mené sur les trois premiers paquets ferroviaires avant toute discussion d’un quatrième paquet, notamment au regard des trois enjeux que nous avons désignés.

Pouvez-vous donc, et ce sera ma cinquième question, monsieur le ministre, nous indiquer quelle est votre action en ce sens auprès des instances européennes ?

Pour notre part, nous contestons le postulat d’une ouverture à la concurrence comme horizon indépassable pour les transports de voyageurs et comme gage d’une meilleure efficacité au service des usagers. D’ailleurs, et nous l’avons dit maintes fois, rien n’oblige aujourd’hui à se diriger vers une telle ouverture à la concurrence, qui n’a été actée par aucun des paquets ferroviaires et qui, malgré ce que l’on a pu entendre, n’est pas prévue dans le cadre du règlement « obligation de service public », ou règlement OSP.

En effet, ce règlement a pour unique objet d’encadrer l’octroi de compensation et de droits exclusifs pour les contrats de service public. Il ne remet donc pas en question le monopole légal conféré à la SNCF par l’article 18 de la loi du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieur, non plus que les dispositions de l’ordonnance du 7 janvier 1959 relative à l’organisation des transports de voyageurs en Île-de-France.

En clair, à notre avis, l’ouverture à la concurrence en 2014, telle que préconisée par le rapport Grignon, ou, éventuellement, en 2019, n’est ni une obligation ni, surtout, une solution, au regard des expériences de libéralisation que nous connaissons et qui n’ont pas permis de renforcer la qualité ou le niveau de l’offre, bien au contraire.

J’en viens donc à ma sixième question, monsieur le ministre. Au regard des enjeux que nous avons identifiés, êtes-vous d’accord pour dire qu’il ne faut pas laisser au marché le soin d’organiser les transports ?

Pour notre part, nous estimons qu’il faut réaffirmer la nécessaire maîtrise publique de ce secteur clé de l’économie, assumée par l’État et accompagnée par une décentralisation qui permette à l’ensemble des collectivités de prendre part dans cette nouvelle stratégie publique.

Pour nous, le nouvel acte de décentralisation doit permettre une meilleure coopération entre les différents échelons, État compris, et non un désengagement de ce dernier. À ce titre, nous sommes particulièrement inquiets quant à la possibilité annoncée de confier aux régions de nouvelles prérogatives concernant les trains d’équilibre du territoire, ou TET. Une telle démarche risque en effet de condamner la plupart de ces lignes.

Nous considérons que l’État, en tant qu’autorité organisatrice des TET, doit permettre leur maintien pour l’avenir. Mais lorsque l’on regarde les cartes de prévisions de ce qui relèvera des TET demain, c’est la stupéfaction ! Ce sont plus des deux tiers des lignes qui seraient transférées aux régions. La région Champagne-Ardenne perdrait ainsi toutes les lignes exploitées sous cette forme. Je vous rappelle les critères : les régions ne doivent pas être voisines et les villes doivent avoir une population supérieure à 100 000 habitants. Nous aurons peut-être l’occasion d’y revenir.

Dans ce cadre, je souhaite tout de même rappeler que le transfert de compétence escompté dans l’acte III de la décentralisation s’opère dans un contexte financier particulièrement difficile pour les collectivités, notamment les régions. Pouvez-vous prendre l’engagement, monsieur le ministre, de réunir les conditions pour le maintien de l’ensemble des lignes d’aménagement du territoire au nom de l’égalité des territoires, que le Gouvernement a érigée au rang de priorité, avec la création d’un ministère dédié ?

Par ailleurs, selon nous, si les régions doivent se trouver confirmées dans leur rôle d’autorités organisatrices au regard des politiques extrêmement volontaristes qu’elles ont menées en faveur des TER, il faut leur octroyer de nouvelles ressources, mais également conforter leur place d’acteur de la politique ferroviaire. C’est pourquoi nous préconisons l’entrée dans le conseil d’administration de la SNCF de représentants des régions, notamment l’Association des régions de France.

Nous préconisons également la généralisation d’un versement transport sur l’ensemble d’un territoire régional, au bénéfice des régions, dont l’usage doit être discuté avec les autorités organisatrices de transports, ou AOT, de proximité, comme les départements ou les intercommunalités. L’objectif est de leur permettre d’assumer leur compétence par une ressource dynamique et pérenne. Pouvez-vous nous indiquer, et ce sera ma septième question, si vous êtes favorable à de telles évolutions ?

En parallèle, nous estimons que l’État doit prendre ses responsabilités : responsabilités non seulement politiques, en édictant un cadre juridique permettant l’efficacité du système ferroviaire pour l’intérêt général, mais également financières.

De manière liminaire, remarquons que la dernière loi de finances ainsi que les engagements pluriannuels indiquent une baisse de crédits consacrés aux transports, ce qui n’est pas un gage encourageant pour la réforme ferroviaire.

Nous prônons donc de développer un nouveau cadre juridique qui permette le rééquilibrage modal et d’impulser une politique offensive en termes de fret ferroviaire.

Il nous semble indispensable d’apporter la précision juridique demandée par l’ensemble des groupes de la gauche depuis l’examen du projet de loi portant engagement national pour l’environnement : déclarer d’intérêt général le fret ferroviaire et plus précisément l’activité de « wagon isolé ». Lors de la discussion d’une proposition de résolution que nous avions déposée au sein de notre Haute Assemblée sur le sujet, l’ensemble des groupes de la gauche avaient, je le rappelle, adopté ce principe.

Confirmez-vous, et c’est mon huitième point, votre position en faveur du fret ferroviaire et de l’activité de wagon isolé ?

Il s’agit d’une question d’importance. En effet, une telle définition permettrait de subventionner cette activité précieuse en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre et importante pour l’aménagement des territoires. Il semble donc opportun d’agir auprès de la SNCF pour que le potentiel de développement du fret ne soit pas abandonné, à l’instar des 262 gares de triage qui ont été fermées. Un maillage fin du territoire alimentera judicieusement les autoroutes ferroviaires.

L’avenir du fret ferroviaire ne peut pas être aujourd'hui envisagé sous le seul angle de la rentabilité financière à court terme. Oui, bien sûr, aujourd’hui l’activité de wagon isolé est fortement déficitaire. Personne ne le conteste. Faut-il pour autant l’abandonner ? L’urgence n’est-elle pas justement de dégager au niveau de l’État de nouvelles ressources afin de financer ce que nous estimons devoir relever du service public et qui se révélera à terme économiquement pertinent ?

Je le rappelle, le schéma directeur présenté en 2009 consacrant l’abandon de 60 % de l’activité de wagon isolé, ce qui représente pourtant 42 % du volume de fret, a induit le report sur la route de plus de 1 million de camions, soit l’équivalent de 300 000 tonnes équivalent CO2 par an. Monsieur le ministre, nous attendons que vous preniez ici un engagement sur l’avenir du fret ferroviaire comme activité de service public répondant à une finalité d’intérêt général.

Il nous semble également indispensable de calculer aujourd'hui les coûts externes de la route. Quand et comment pensez-vous intégrer ces coûts afin de rééquilibrer les conditions de concurrence intermodale ? Actuellement, la route bénéficie d’une fiscalité très favorable.

Par ailleurs, nous nous réjouissons particulièrement que vous confirmiez la création d’une taxe poids lourds à l’été 2013. Cependant, nous estimons aussi nécessaire la révision du décret permettant le recours à des camions de plus en plus volumineux, pouvant aujourd’hui aller jusqu’à 44 tonnes.

Enfin, comment parler d’aménagement du territoire sans parler des infrastructures ? Leur financement est un enjeu central. Dans le cadre du schéma national des infrastructures de transport, ou SNIT, le travail qui s’opère sur la priorisation du développement des infrastructures est considérable. Vous héritez de cette mission alors même que le gouvernement précédent n’avait pas fait ce travail. Nous considérons que la priorité doit être aujourd’hui accordée à la régénération des infrastructures, notamment au regard des conclusions de l’étude menée par l’École polytechnique fédérale de Lausanne, mais également à la modernisation des lignes qui souffrent, par exemple, de ne pas être électrifiées ; j’en parle en connaissance de cause.

De plus, il me semble indispensable, et c’est l’Auvergnate qui s’exprime, que toutes les capitales régionales soient reliées à la grande vitesse. Ce n’est toujours pas le cas, par exemple pour Orléans, Limoges et Clermont-Ferrand.

Je plaide en l’occurrence, vous l’aurez compris, pour le projet « Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon », ou POCL, aussi appelé « LGV Grand Centre Auvergne ».

Par ailleurs, je souhaite attirer votre attention sur la nécessité d’agir pour le désendettement du système ferroviaire, car son endettement obère ses capacités et entraîne son déclin.

Puisque vous avez confirmé les objectifs draconiens de réduction de la dette publique imposés par l’Europe, il semble aujourd’hui difficile pour l’État de s’engager dans la reprise de la dette de RFF. Or il s’agit d’un objectif politique majeur vers lequel nous devons bien nous orienter. Monsieur le ministre, pouvez-vous en prendre aujourd'hui l’engagement devant le Parlement ? Que proposez-vous ?

Il est également temps de créer les outils financiers pour permettre de nouvelles recettes.

Nous avons, au travers de la proposition de loi que nous avons déposée au mois de mai dernier, cité plusieurs leviers. À ce titre, les financements de l’AFIFT, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, doivent être non seulement sécurisés, mais également renforcés. À défaut, le diagnostic établi en 2009 par la Cour des comptes, qui parlait d’une « agence de financement aux ambitions limitées, privée de ses moyens, désormais inutile », sera confirmé.

La décision de privatisation des concessions d’autoroute a été unanimement décriée. Elle a privé l’Agence de financements pérennes et a servi uniquement à renflouer la dette de l’État. La question de la renationalisation de ces concessions doit donc être étudiée. Nous souhaiterions connaître vos projets en la matière.

Des solutions novatrices doivent également être initiées. Nous vous en avons proposé une, avec la création du livret transport sur le modèle du livret A, dont la centralisation se ferait auprès de la Caisse des dépôts et consignations, permettant de libérer de l’épargne immédiatement disponible pour la création des infrastructures nouvelles.

Pouvez-vous prendre un engagement sur votre action pour dégager de nouvelles recettes pour le système ferroviaire ? Nous ne pouvons en effet pas parler de réforme du système ferroviaire sans assurer et sécuriser son financement.

Puisque la réforme du ferroviaire portera également sur les questions organisationnelles, permettez-moi de vous faire part de mon sentiment.

Dans ce cadre, nous confirmons notre intérêt pour la notion de pôle public que vous avez développée, monsieur le ministre. Nous sommes très attachés à ce que ce pôle se structure autour de la SNCF, que celle-ci conserve sa forme d’EPIC et que l’ensemble des structures juridiques qui formeront ce pôle public soient des établissements publics.

Dans cette architecture, nous préconisons aussi que les facilités essentielles définies par le premier paquet ferroviaire soient du ressort de la direction du ministère.

La création d’un gestionnaire d’infrastructure unique est également une bonne résolution tant l’expérience nous montre que la création de RFF n’était pas opportune puisqu’il s’agissait avant tout de répondre au critère de 3 % établi par Maastricht. Nous considérons, comme vous, que l’unification est le gage le plus sûr d’une meilleure efficacité du système ferroviaire.

Cette réforme, pour être réussie, doit enfin rassembler la grande famille cheminote. Pour cela, la qualité du volet social sera décisive et devra permettre non d’abaisser les conditions sociales, mais bien de garantir aux agents du ferroviaire les conditions d’un service public de qualité au service des usagers.

Voilà, mes chers collègues, les éléments que je souhaitais formuler et les questions sur lesquelles nous attendons vos réponses, monsieur le ministre. Ce « nous » englobe, bien sûr, les parlementaires, mais aussi les cheminots et leurs représentations syndicales, les usagers, les entreprises et tous les acteurs du monde ferroviaire. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’avenir du service public ferroviaire est pour le moins incertain.

Je tiens à remercier le groupe CRC d’avoir pris l’initiative du débat qui nous occupe cet après-midi, et je salue l’intervention très structurée et motivante de Mireille Schurch.

Complexe, ce sujet est pourtant essentiel pour nos concitoyens. Le service public ferroviaire a une incidence directe sur le quotidien de millions de personnes qui empruntent les transports collectifs – que nous, les écologistes, souhaitons de plus en plus nombreux –, mais également sur toutes les entreprises qui ont besoin d’un réseau de qualité pour le transport de marchandises.

Souvent délaissé, le fret représente cependant un secteur clé de notre économie. Le rapport d’information de notre collègue Francis Grignon sur l’avenir du fret ferroviaire, qui fait encore autorité aujourd’hui, est d’ailleurs très éloquent.

Le transport ferroviaire répond à un triple enjeu, économique, social et environnemental.

Tout d’abord, au regard des défis environnementaux, la « conversion écologique des déplacements » doit constituer notre feuille de route ; la réduction de notre empreinte carbone et des gaz à effet de serre doit être notre cap. L’action publique du report modal de la route vers le rail est déterminante.

L’enjeu n’est pas seulement environnemental, il est aussi social. Il l’est pour tous les usagers, qui comptent sur la fiabilité, la sécurité et la qualité des transports collectifs à un prix abordable, mais aussi pour les cheminots et l’ensemble des salariés, qui doivent être protégés et respectés.

Enfin, la question du ferroviaire est économique. Le fret, notamment, est l’un des poumons de l’activité économique et industrielle. En période de crise, les emplois dans ce domaine, directs et indirects, sont essentiels. Cependant, le ferroviaire se heurte au poids financier du secteur. Le manque d’investissements et la dette insoutenable de RFF témoignent des difficultés. Il s’agit de parvenir à une meilleure efficience du système.

Ancien vice-président de la région Île-de-France, chargé des transports et des mobilités – je salue, d’ailleurs, la présence sur ces travées de collègues franciliens

Sourires sur de nombreuses travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Ce n’est pas que l’État, il y a aussi la SNCF !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Les différentes majorités qui se sont succédé ces vingt dernières années s’en partagent la responsabilité.

Grâce à la décentralisation, nous avons pu observer une nette amélioration : en dix ans, la régionalisation a permis une indiscutable augmentation du trafic, ainsi qu’une amélioration de la qualité de service grâce à l’effort financier considérable consenti par les régions. L’offre de TER, par exemple, a progressé de plus de 20 % et les transiliens de plus de 6, 5%.

Les régions sont assez naturellement l’autorité la plus compétente pour animer une politique de transport des voyageurs cohérente. Maîtrisant l’aménagement du territoire et les attentes des populations locales, elles sont les plus capables d’envisager une desserte fine et d’assurer l’égalité des territoires. Pour autant, en raison d’un manque de moyens, tous les dysfonctionnements ne sont pas réglés.

De surcroît, les régions n’ont ni les capacités ni la compétence pour prendre en charge le fret ferroviaire. Or, comme je l’ai souligné, l’état de la filière est particulièrement inquiétant. La part du fret ferroviaire et fluvial en tonne-kilomètre a chuté de 43 % en 1980 à 15 % en 2009, faute d’investissements notamment. Ainsi que l’a rappelé Mireille Schurch, la part de marché du routier est, quant à elle, écrasante : elle est de près de 90 % en Île-de-France pour le transport de marchandises.

La question est donc la suivante : comment rénover notre modèle ferroviaire ?

Le débat d’aujourd’hui sur l’avenir du service public ferroviaire cache, en réalité, sous un voile pudique, la question sensible de l’ouverture à la concurrence du marché, souvent présentée comme la solution miracle à tous nos maux. Je vous le dis franchement, ce n’est pas mon avis.

Si vous écoutez nos interventions sur le plan budgétaire, économique et fiscal, il vous sera apparu que les écologistes ne croient pas au dogme de la libéralisation comme seul remède pour baisser les prix et pour améliorer le service. Bien au contraire. Certains exemples, en Allemagne, présentent un certain intérêt. Néanmoins, d’autres expériences, comme au Royaume-Uni, nous invitent à la plus grande prudence, voire à une certaine forme de défiance.

RFF a été créé en 1997 pour accompagner l’ouverture à la concurrence. L’établissement, fruit de la réflexion comptable qui avait prévalu à l’époque, n’a pas réellement fait la preuve de ses vertus et n’a pas donné de grands motifs de satisfaction.

La recherche, systématique et naturelle, de compétitivité et de bénéfices de la part des entreprises privées risque tout à la fois de créer du dumping social, de mettre en péril le niveau de sécurité des équipements et des infrastructures, et de conduire au délaissement des lignes jugées les moins rentables. Le tout pour ruiner au final notre vision du service public.

À ce rythme, je crains que nous n’aboutissions à une France à deux vitesses : d’un côté des transports de qualité et fréquents dans les zones denses, et pour les clients les plus aisés ; de l’autre, un service low cost et vétuste dans les zones isolées et pour les plus démunis. La région Île-de-France offre, malheureusement, un terrible exemple de ce qui nous attend éventuellement, si nous sommes pessimistes.

Il ne s’agit pas d’avoir une démarche idéologique, il s’agit d’avoir une démarche extrêmement pragmatique. Certains affirment que l’ouverture à la concurrence est inéluctable. On verra !

Quoi qu’il en soit, l’enjeu est donc aussi de se prémunir contre les risques que je viens d’évoquer en encadrant fortement les prestations par des contrats de service public, notamment en termes de qualité, de sécurité, de zones desservies et de politique tarifaire.

Je crois qu’il est important de pouvoir compter sur un couple État-région solide, sur des autorités organisatrices des transports lisibles et efficaces, qui assurent une gouvernance représentative. Les régions doivent également pouvoir bénéficier d’une source de financement dynamique, qui permette de dépasser l’impasse financière actuelle. Un versement transport additionnel, cela a été souligné, serait une solution assez logique et vertueuse. §

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Merci !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Pourquoi ne pas imaginer également la création d’un pôle public ferroviaire pour une meilleure coordination, notamment entre la SNCF et RFF ? Mireille Schurch a évoqué cette question et comme je partage un grand nombre de ses analyses je vais écourter mon propos, ce qui va me permettre de respecter le temps de parole qui m’est imparti.

Sur ce point, je prends acte et me réjouis des déclarations de M. le ministre en faveur d’un regroupement sous un même toit de l’opérateur historique et du gestionnaire d’infrastructure unifié.

Enfin, il est essentiel de défendre notre système au niveau européen. Le ministre a apporté sa participation constante en réunion du Conseil. Il faudra faire preuve de volontarisme. À cet égard, il est important de maintenir un équilibre sur l’ouverture à la concurrence des marchés ferroviaires afin de permettre cette dernière tout en ne la rendant pas obligatoire et en protégeant le principe de subsidiarité.

Plus qu’un défi à relever, le service public ferroviaire est une responsabilité, mais c’est une responsabilité partagée.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, les principales questions que je lance dans le débat aujourd’hui sont les suivantes.

Quelle place et quels moyens souhaitons-nous donner aux régions pour le transport de voyageurs ?

Quel volontarisme le Gouvernement impulsera-t-il pour le fret ferroviaire, qui en a bien besoin ? Dans ce secteur, il faut de l’argent, peut-être plus que pour d’autres projets de transport dont il est souvent question en ce moment, aérien ou ferroviaire, qu’il s’agisse de l’Ouest de la France ou de zones situées vers Turin…

Quel niveau d’encadrement de la concurrence sera assuré pour préserver notre précieux modèle de service public ?

Voilà, mes chers collègues, les questions que le groupe écologiste souhaitait poser dans ce débat. Je remercie de nouveau tout à la fois le ministre pour son enthousiasme et son volontarisme

M. Roger Karoutchi s’esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je ne suis pas sûr d’être aussi optimiste que M. Jean-Vincent Placé…

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce matin, le commissaire aux transports de l’Union européenne, le très connu Siim Kallas, a tenu un point de presse.

Alors que, au cours des jours derniers, il semblait sensible aux arguments de la France et de l’Allemagne sur le quatrième paquet ferroviaire, il a réaffirmé aujourd’hui qu’il n’en était rien et que, en tout état de cause, le 30 janvier prochain, devant le collège des commissaires, il présenterait l’ensemble de ce qu’il appelle la concurrence, la séparation, qui porte le joli nom d’unbundling, nom tout à fait charmant, mais qui dit bien ce qu’il veut dire !

Vos arguments, comme ceux, d’ailleurs, de vos collègues allemands, ne semblent donc pas avoir beaucoup perturbé M. Kallas, qui reste sur la position qu’il avait définie voilà quelque temps ; il la fera sans doute adopter le 30 janvier prochain.

En réalité, soyons francs, la position de la Commission européenne n’a pas beaucoup changé, et ce quel que soit le gouvernement de la France. L’Europe souhaite ouvrir à la concurrence le marché européen des trains à grande vitesse, contrôlé à 47 % par la SNCF. Le paquet ferroviaire prévoit l’ouverture à la concurrence sans restriction, open access, des lignes nationales de TGV à partir du 1er janvier 2019 dans l’ensemble de l’Union européenne.

On pourrait alors voir la SNCF concurrencée par des opérateurs étrangers, notamment par ses deux principaux concurrents, à savoir Deutsche Bahn et Trenitalia.

Jusqu’à présent, la SNCF n’avait pas été trop menacée par les réformes de libéralisation du rail. Le fret a bien été ouvert à la concurrence en 2006 en France ; mais pour les passagers, seules les liaisons internationales ont été ouvertes en décembre 2009, ce qui ne représente finalement qu’environ 10 % du trafic de voyageurs en Europe.

Bruxelles prévoit donc d’aller plus loin dans la libéralisation du transport ferroviaire régional. Cette libéralisation est prévue de manière progressive, certes, mais elle n’en reste pas moins programmée. Elle figure, d’ailleurs, dans le quatrième paquet, qui imposera aux régions de lancer un appel d’offre pour tous les contrats à partir de 2019.

Le quatrième paquet prévoit également de renforcer la séparation entre le gestionnaire des infrastructures, RFF pour la France, et l’exploitant ferroviaire, ce qui posera évidemment un certain nombre de difficultés au regard des orientations du gouvernement français, orientations que nous avons approuvées pour l’essentiel ces dernières semaines. La position européenne n’étant pas identique à celle de la France, RFF cumulant de surcroît 32 milliards d’euros de dettes, comment réglera-t-on le problème ?

La difficulté ne se pose pas qu’à la France, nos amis Allemands se trouvant dans la même situation que nous puisque Deutsche Bahn contrôle également le gestionnaire du réseau. Comment les Allemands et les Français trouveront-ils une solution ?

Les Assises du ferroviaire, lancées par Nathalie Kosciusko-Morizet et par Jean-Louis Borloo, avaient conclu à la nécessité de réunifier la gestion de l’infrastructure ferroviaire, éclatée depuis 1997 entre RFF, gestionnaire d’infrastructures, et la SNCF, gestionnaire d’infrastructures délégué.

Le Gouvernement actuel a repris à son compte ce projet et a annoncé à la fin du mois d’octobre les grandes lignes de la réforme, qui devraient sans doute être précisées dans les semaines à venir, après la remise par Jacques Auxiette et Jean-Louis Bianco des conclusions de leurs missions respectives.

Cette réforme va dans le sens de ce que nous souhaitions. Il y a donc là, monsieur le ministre, bien plutôt une discussion franco-européenne qu’un affrontement politicien sur un sujet interne à l’ensemble de nos formations politiques, même si, je vais y revenir, nous n’avons pas, en la matière, exactement la même conception.

En effet, au-delà de la réforme consistant à réunifier la gestion de l’infrastructure, le futur projet de loi devrait également comporter un volet social important permettant de définir un cadre social harmonisé, sorte de convention collective de branche, qui s’appliquerait à l’ensemble des opérateurs du secteur, qu’ils soient publics ou privés. Ce cadre social harmonisé est, à nos yeux, une nécessité afin que nous puissions nous battre à armes égales avec nos concurrents, notamment Deutsche Bahn.

L’idée d’introduire de la concurrence dans le domaine du transport ferroviaire n’est pas nouvelle. À cet égard, ce qui a été dit précédemment est discutable car il faut savoir ce que l’on entend par « concurrence ». Dans le cadre de l’Union européenne, cette idée est évoquée depuis 1991. Donc, quelles que soient les majorités de Gouvernement et de Commission, cela fait tout de même maintenant vingt-deux ans que la Commission européenne souhaite introduire des problématiques de libéralisation ou de concurrence.

La concurrence est l’état dans lequel se trouvera prochainement le marché du transport ferroviaire régional de voyageurs. Cette situation, on peut l’encadrer, la préparer, l’organiser, mais c’est l’évolution du cadre européen et, quelles que soient les formules de retard, il est clair qu’il faut s’y préparer parce qu’on va y venir.

Nous devrons donc prendre en considération cette future concurrence et donner les moyens aux régions – et là je partage l’avis de Jean-Vincent Placé – de continuer à organiser les services de TER et de TET. Si, effectivement, dans le cadre des liaisons ferroviaires internationales de voyageurs, le modèle mis en place correspond à la concurrence sur le marché, il est tout à fait possible d’y déroger et de recourir à des contrats de service public faisant ainsi place à la concurrence pour le marché.

Il est bien sûr envisageable que les autorités publiques se désinvestissent complètement d’un secteur d’activité. Cependant, on voit mal nos régions se désengager au niveau des transports. Comme cela a été dit tout à l’heure, que ce soit en Île-de-France ou ailleurs, les exécutifs sont très souvent jugés sur leur action en matière de transport public, qui est l’élément déterminant de l’appréciation portée sur l’ensemble de leur activité.

Dès lors, l’ouverture à la concurrence, qu’elle soit ou non expérimentale, autorise nécessairement le maintien du service public, ce qui appelle en conséquence l’intervention des collectivités publiques.

Le service public du transport ferroviaire de voyageurs n’est pas le premier service public à devoir être géré par les collectivités locales. Ces dernières se chargent de bien d’autres activités représentant des marchés tout aussi importants. Que les conséquences soient importantes pour la SNCF en cas d’échec lors de la procédure d’attribution du service public, nul ne peut en douter, mais n’est-ce pas l’objectif de l’introduction de la concurrence que l’opérateur historique ne détienne plus le monopole ?

Enfin, tout nouvel entrant aura, certes, d’importants moyens à mobiliser mais les concurrents de la SNCF sont aussi des opérateurs ferroviaires qui, pour l’emporter, devront être particulièrement solides.

L’ouverture à la concurrence et la préservation des intérêts de l’opérateur national historique sont les deux objectifs que nous devons concilier.

Par conséquent, monsieur le ministre, l’évolution européenne est bien visible ; on peut la ralentir, mais, je l’ai dit, elle est là.

Vous avez rencontré les responsables européens ; on a probablement cru que le duo franco-allemand allait pour une fois l’emporter ou, en tout cas, obtenir des assouplissements. Visiblement, les propos de ce matin ne semblent pas aller dans ce sens. Si, le 30 janvier, l’ensemble des commissaires européens maintiennent leur position sur la concurrence et sur la séparation, quelle sera alors la position du gouvernement français ? Comment envisagez-vous de réagir par rapport à cette directive européenne qui pourrait être à terme extrêmement contraignante pour nous, pour les régions et pour l’ensemble du service public de voyageurs ?

Voilà pour ma première véritable interrogation.

J’en viens à la seconde partie de mon intervention, qui prendra aussi la forme d’une interrogation.

Monsieur le ministre, ce matin, alors même qu’intervenait le commissaire M. Kallas, la SNCF annonçait que l’augmentation moyenne des tarifs serait de 2, 3 % à compter de ce jour et probablement, si j’ai bien compris, de 3 % au 1er janvier 2014 afin de faire face à un programme d’investissement d’un peu plus de 2, 5 milliards d’euros.

La SNCF a besoin d’investir, personne ne le nie. Mais là encore, alors que les régions, l’ensemble des collectivités sont de plus en plus sollicitées, avons-nous réellement un équilibre dans l’offre ? Je voudrais, pour faire écho à l’intervention de Jean-Vincent Placé, dire ce que je pense vraiment du service public ferroviaire en Île-de-France.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Non, monsieur Gattolin, car j’ai toujours dit la même chose depuis quinze ans. Je n’ai pas souvent été entendu, que ce soit par la direction de la SNCF, par la présidence de la région – n’est-ce pas, monsieur Placé ? –, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Vous êtes très écouté au sein du conseil régional d’Île-de-France !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

… ou, d'ailleurs, par les ministres successifs, quelle que soit leur couleur politique.

Les transports ferroviaires en Île-de-France, c’est 6 200 trains par jour, 1 350 kilomètres de lignes – je ne parle que de la SNCF –, 65 % des voyages de la SNCF – 65 % des voyages en France, soit les deux tiers, j’y insiste, se font en Île-de-France ! –, 40 % des trains sur seulement, compte tenu évidemment de la concentration du réseau régional, 10 % du réseau national.

Donc, sur 10 % du réseau national, s’effectuent 65 % des voyages/jour de la SNCF. L’augmentation du trafic voyageurs est considérable : entre 2010 et 2012, celui-ci a crû de l’ordre de 32 % à 33 %.

Les voyageurs franciliens, ces 65 %, ont-ils été correctement traités ? La réponse est non. Je ne mets en cause, je le répète, aucun gouvernement, de gauche comme de droite ; tout le monde a en effet considéré que la région d’Île-de-France était riche et qu’elle pouvait par conséquent payer elle-même. Pour cette raison, l’Île-de-France a subi l’attitude irresponsable de la SNCF.

Pendant des années, j’ai dénoncé l’absence totale d’investissements de la SNCF qui auraient permis d’améliorer le réseau, de l’entretenir, de le développer afin de répondre à la demande. Alors que la demande de voyageurs était de plus en plus forte, alors que le conseil régional, monsieur Placé, prônait la réduction du trafic routier, eh bien, les moyens qui auraient permis de faire face aux besoins n’étaient mis en place ni par l’entreprise, ni par le Gouvernement, ni par la région.

Résultat des courses : j’ai le souvenir d’avoir interpellé, devant le Syndicat des transports d’Île-de-France, le président de la SNCF à qui j’ai fait remarquer, voilà dix ou quinze ans, que même l’amortissement du matériel roulant en Île-de-France était transféré sur le TGV ; il n’était même pas réinvesti en Île-de-France pour améliorer le matériel roulant ou pour améliorer la desserte.

Certes, il y a eu une amélioration.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Depuis cinq ou six ans, la présidence de la SNCF, la direction de la SNCF, l’État se sont davantage engagés, et il est vrai qu’il y a plus d’investissements. Un important programme d’investissements de la SNCF en Île-de-France a été lancé avec l’aide de la région : le Francilien, à terme, remplacera le Transilien ; sont aussi programmés des achats de matériel roulant, notamment pour le RER, des prolongations de lignes, en particulier vers La Défense, ou la création de nouvelles lignes dans le cadre ou à proximité du Grand Paris.

La vérité est tout de même triste. Vous nous dites, monsieur le ministre, que les collectivités vont être encore plus sollicitées. Sincèrement, je pense que la région d’Île-de-France peut investir davantage, qu’elle peut faire plus pour les transports. Mais il arrive un moment où l’on ne peut plus rattraper le retard en matière d’investissement et d’amélioration accumulé pendant quinze ans.

Aujourd’hui, ces voyageurs franciliens, qui représentent 65 % du trafic global, subissent des retards, des annulations de trains, l’inconfort, des « petits gris » qui sont encore en circulation. Il n’a pas de comparaison possible entre les TER, les TET de la plupart des régions de France, en Franche-Comté, en Bourgogne, en Normandie ou ailleurs, et les trains de banlieue d’Île-de-France ! §Si les régions ont consenti un effort significatif, celui-ci a porté sur un réseau qui était plutôt bien entretenu. En Île-de-France, nous subissons encore les petits gris, des trains vétustes, peu ou mal équipés.

On voit bien qu’il faut faire plus d’efforts. Un plan d’urgence a été adopté entre la région et l’État, mais il est lent à se mettre en place. Pour le moment, si la région a investi de l’argent et des moyens, l’État ne s’est pas engagé suffisamment.

C’était vrai des précédents gouvernements de gauche comme de droite ; attendons de savoir ce que l’actuel gouvernement fera cette année ou au titre du budget pour 2014. En tout état de cause, si ce plan d’urgence n’est pas appliqué, une embolie frappera l’Île-de-France et, par voie de conséquence, l’ensemble du réseau sera touché, puisque – j’en sais quelque chose – un grand nombre de réseaux ferroviaires nationaux – c’est le cas de la plupart des lignes TGV – partent de Paris. Dans une Île-de-France totalement « embolisée », les retards, les difficultés se répercuteront.

Lorsqu’il a été demandé, voilà quelques années, à cette « pauvre » Île-de-France – elle ne l’est pas mais elle n’est pas non plus si riche qu’on le dit – de payer 500 millions de francs pour la réalisation du TGV Est, elle l’a fait, au motif que ce TGV passait en Île-de-France.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

En effet. À ce compte, l’Île-de-France paye pour tous, puisque, par définition, elle paye pour tous ceux qui viennent à Paris. Après tout, cela concourt aussi au développement de la région puisque les gens viennent en Île-de-France. Il faut toutefois reconnaître que la région-capitale ne peut pas tout assumer seule. Une part du service des transports en Île-de-France, qui correspond en réalité à son rôle de capitale, relève plus du niveau national que régional.

Monsieur le ministre, je ne prétends pas que c’est plus facile pour les autres régions, tant s’en faut. Je voudrais néanmoins savoir – ce sera ma seconde interrogation, qui fait écho à la première –, par rapport à l’évolution observée au niveau européen, par rapport au plan d’urgence considérable de 15 milliards d’euros, quels sont aujourd’hui l’attitude et le souhait du Gouvernement, et dans quelles conditions il compte intervenir.

Mes chers collègues, tous les Français sont attachés depuis toujours au service ferroviaire. C’est un des éléments forts de l’identité de notre pays, de son histoire, allais-je dire. L’image du cheminot résistant durant la Seconde Guerre mondiale, l’image de la SNCF, l’image du train, c’est celle de la France.

Nous avons donc une responsabilité particulière. Premièrement, l’outil public ferroviaire ne doit en aucun cas être remis en cause. Deuxièmement, comment concilier l’évolution européenne sur l’ouverture à la concurrence et la séparation ? Troisièmement, comment, monsieur le ministre, trouver des moyens de financement ne consistant pas uniquement – n’en déplaise à M. Placé – à augmenter le versement transport ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

À un moment, les entreprises finiront en effet par ne pas rester sur notre territoire si elles sont déjà accablées d’impôts.

Monsieur le ministre, les défis auxquels vous devez répondre ne sont pas faciles. Vous avez une responsabilité considérable : faire en sorte que le service public soit encore et toujours à la disposition des usagers et qu’il soit en même temps modernisé, ouvert et concurrentiel.

M. Vincent Capo-Canellas applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec la création en 1938 de la SNCF, société anonyme détenue à 51 % par l’État et regroupant les anciennes compagnies de chemin de fer, et sa transformation en établissement public à caractère industriel et commercial, ou EPIC, en décembre 1982, la France s’est dotée d’un grand service public ferroviaire.

Le fait que le réseau soit détenu par l’État et que le service soit assuré par une entreprise publique a permis de conserver un grand réseau et de le développer, avec la réalisation, à ce jour, de 1 884 kilomètres de lignes nouvelles à grande vitesse.

La cohérence du choix du service public a également permis de faire preuve de créativité, et même d’audace, et de conforter l’industrie ferroviaire française, devenue leader, notamment dans le domaine de la grande vitesse.

Grâce à l’action de l’ensemble des personnels, les prestations fournies sont globalement d’un excellent niveau, ce qui explique que nos concitoyens soient attachés au service public ferroviaire, au-delà des réactions de mécontentement des usagers lors des inévitables incidents intervenant dans l’exploitation du réseau.

Ce rappel me permet d’affirmer que le service public ferroviaire doit non seulement être préservé, mais aussi conforté, dans un contexte caractérisé par un légitime besoin de mobilité, lequel n’avait jamais atteint un tel niveau dans notre nation, ce dont il convient de se réjouir.

À grand traits, je donnerai ma vision de ce qu’il faut faire pour assurer l’avenir du service public ferroviaire, mais aussi de ce qu’il ne faut pas faire.

Assurer l’avenir du service public ferroviaire nécessite, à mon avis, la réunion de quatre conditions.

La première, c’est l’élaboration d’un schéma d’organisation cohérent. Les Assises du ferroviaire ont confirmé un constat largement partagé, à savoir l’inadaptation du système d’organisation mis en place en 1997 et reposant sur la séparation entre la gestion des infrastructures et l’exploitation.

Certes, les personnels tant de RFF que de la SNCF ont œuvré de leur mieux pour faire fonctionner malgré tout un schéma d’organisation séparant artificiellement des fonctions et entraînant des difficultés parfois importantes au quotidien.

J’approuve donc pleinement l’intention de Frédéric Cuvillier de créer un gestionnaire d’infrastructure unifié, en fusionnant la Direction de la circulation ferroviaire, ou DCF, RFF et SNCF Infra.

Les modalités de la réforme ferroviaire font l’objet de différentes réflexions, conduites notamment par Jacques Auxiette. Pour l’instant, M. le ministre a seulement précisé que le gestionnaire devrait être rattaché à la SNCF au sein d’un grand pôle public ferroviaire unifié.

En outre, on ne peut parler de l’organisation du service public ferroviaire sans donner toute leur place aux trains d’équilibre du territoire, qui doivent continuer à être exploités et développés par la SNCF. Je n’oublie pas non plus les conseils régionaux, qui, en tant qu’autorités organisatrices, ont très fortement contribué à rénover et à renouveler les trains régionaux, et qui doivent conserver toute leur place dans le service public ferroviaire.

Quant au fret, même s’il ne relève pas du service public ferroviaire, il convient de le conforter. Doit-on aller jusqu’à la reconnaissance de son caractère d’intérêt général ? La question a en tout cas été posée lors d’un débat au Sénat.

La deuxième condition pour assurer l’avenir du service public ferroviaire est un cadre social harmonisé.

Depuis que l’Union européenne a ouvert à la concurrence, sans précaution particulière, le fret, son volume a continué à baisser en France et un cadre social à deux vitesses a commencé à s’installer : d’un côté, les règles d’organisation du travail applicables aux cheminots de la SNCF, le fameux RH 0077, et, de l’autre, celles qui concernent les cheminots des autres opérateurs, régis par le décret du 27 avril 2010.

Ce système à deux vitesses fait courir un risque majeur au service public ferroviaire. Il convient donc d’élaborer un nouveau cadre social défini par décret, qui constituerait un socle commun traitant particulièrement de la question de la durée du travail. En tout cas, l’harmonisation ne doit pas être faite par le bas. Ce sont donc les opérateurs entrants qui devront, à mon sens, effectuer le plus gros effort.

Tout comme la mission confiée à Jacques Auxiette sur le schéma d’organisation, celle qui a été confiée à Jean-Louis Bianco sur le cadre social est essentielle.

La troisième condition pour assurer l’avenir du service public ferroviaire est de disposer d’un réseau performant.

À la suite de l’audit réalisé en 2005 par l’École polytechnique fédérale de Lausanne, l’effort de régénération sur le réseau classique a été multiplié par plus de deux, pour atteindre 1, 7 milliard d’euros par an, ce qui permet de rénover 1 000 kilomètres de voies par an.

Le nouvel audit mené par cette école en 2012 confirme la nécessité de poursuivre l’effort, en particulier pour rénover les axes structurants essentiels pour le transport de voyageurs et le fret.

J’approuve donc la demande de Frédéric Cuvillier à RFF, qui devra proposer un nouveau plan de renouvellement et de modernisation, avec un effort financier porté à 2 milliards d’euros par an. Le rapprochement entre la DCF, RFF et SNCF Infra devrait y contribuer.

Cela m’amène à évoquer la quatrième condition nécessaire pour assurer l’avenir du service public ferroviaire, à savoir un financement maîtrisé.

De très nombreux observateurs regrettent que l’État n’ait pas, comme en Allemagne, repris l’intégralité de la dette de l’opérateur historique, ce qui constitue un handicap considérable pour RFF. Aujourd’hui, comment empêcher la dette de RFF de croître ? Comment ensuite la réduire progressivement, tout en continuant à investir à un niveau suffisant ?

Dans ce contexte délicat, il est pourtant nécessaire de trouver rapidement le milliard et demi d’euros manquant pour équilibrer le système ferroviaire.

Parmi les principales recettes supplémentaires envisagées, je citerai l’écotaxe poids lourds, dont nous débattrons prochainement. J’évoquerai également les gains d’efficacité attendus de l’unification de la gestion de l’infrastructure, gains qui, à terme, pourraient atteindre 300 millions d’euros par an.

Telles sont, exposées à grands traits, les quatre conditions qui me paraissent devoir être réunies pour assurer l’avenir du service public ferroviaire.

Atteindre cet objectif majeur suppose, en particulier, de ne pas céder à la Commission européenne, dont la volonté est d’imposer, d’une part, une séparation stricte entre le gestionnaire d’infrastructure et les transporteurs ferroviaires et, d’autre part, une ouverture à la concurrence en open access, chaque opérateur pouvant intervenir librement sur la ligne qui l’intéresse, quitte à délaisser complètement les liaisons non rentables. Face à cette logique, celle de l’écrémage, qui risque de mettre en péril le service public ferroviaire, il est urgent et nécessaire de se mobiliser ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur l’avenir du service public des transports ferroviaires est important, et je remercie ma collègue Mireille Schurch d’avoir présenté les enjeux liés à cette question.

J’attends, comme l’ensemble des sénateurs – je constate toutefois que les travées de l’UMP sont vides –, avec impatience les éléments de réponse que vous formulerez, monsieur le ministre.

Pour ma part, je souhaite revenir sur deux points, que j’estime particulièrement importants dans le cadre de la réforme annoncée. Le premier conditionne très concrètement les conditions d’exercice du futur pôle public ; je veux parler de la libéralisation des transports de voyageurs dans le cadre du quatrième paquet ferroviaire. Le second, qui risque de ne pas faire l’objet de la réforme en cours, mérite pourtant que le Gouvernement agisse ; je pense à l’avenir du fret ferroviaire, et notamment du fret de proximité.

Vous m’opposerez peut-être que le fret n’est pas un service public, au sens européen du terme. Je forme le vœu que nous ayons une vision partagée sur ce sujet.

D’abord, concernant la poursuite de la libéralisation se préparant actuellement à Bruxelles, il semblerait, selon les dernières informations, que celle-ci s’enlise dans un calendrier de plus en plus incertain. Nous souhaiterions que le Gouvernement porte très fortement l’idée d’une réorientation de la politique des transports au niveau européen, en proposant un moratoire sur les trois paquets ferroviaires, la réalisation d’un bilan contradictoire et indépendant sur l’impact en termes d’emplois, d’aménagement du territoire et de qualité du service rendu de la libéralisation du transport ferroviaire, ainsi que la réalisation d’un bilan carbone de ces politiques. C’est à l’aune de ces éléments que des décisions pourront être prises. Il est en effet urgent de rompre avec la fuite en avant libérale.

Ainsi, nous considérons que le secteur ferroviaire est en déclin, non pas parce que la libéralisation ne serait pas assez poussée et les acteurs publics trop présents, mais, bien au contraire, du fait des conditions mêmes de cette libéralisation, qui a conduit tous les acteurs du ferroviaire à se placer dans une logique de rentabilité, en lieu et place d’une logique de service public.

Nous pensons ainsi que le Gouvernement peut œuvrer, comme le fait le gouvernement allemand, pour défendre ses intérêts spécifiques et porter la vision de la France que vous avez défendue, monsieur le ministre : celle d’un système de transport unifié et sous contrôle public.

Nous serons dans ce cadre à vos côtés pour porter cette vision, incompatible à nos yeux avec la marche forcée que souhaiterait imposer Bruxelles.

Ensuite, permettez-moi de vous exposez la situation, aujourd’hui dramatique, du fret ferroviaire, en raison de la stratégie adoptée par la SNCF, avec la complicité du gouvernement précédent. À Sotteville-lès-Rouen, notamment, mais aussi dans les gares de triage de Villeneuve-Saint-Georges, dans le Val-de-Marne, de Miramas, dans les Bouches-du-Rhône, ou de Saint-Pierre-des-Corps, le volume de travail et des marchandises transportées décroît chaque jour. L’outil de travail est laminé.

Alors que l’objectif annoncé lors du Grenelle de l’environnement était de porter à 25 %, d’ici à 2022, le volume des marchandises transportées en mode fluvial ou ferroviaire, le fret décline et les camions sont de plus en plus nombreux sur les routes.

À Sotteville-lès-Rouen, qui fut pendant des années l’une des gares de triage les plus modernes d’Europe, l’activité est exsangue. En mars 2011, 332 machines étaient à l’arrêt, dont 164 étaient considérées comme neuves. Elles occupaient 12 voies de stockage. Pourtant, dans les années quatre-vingt, ce sont quelque 2 000 wagons qui, chaque jour, transitaient par cette zone. Aujourd’hui, il n’en passe qu’une dizaine. Conformément à l’adage « Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage », on peut dire sans exagérer que tout a été bon pour se débarrasser du fret ferroviaire !

En préférant une politique de rentabilité à une politique de massification, le déclin du fret ferroviaire et du transport combiné a été organisé sciemment, au nom de la rentabilité. Pourtant, comme l’a très bien exposé Mireille Schurch, le fret ferroviaire, et plus particulièrement l’activité de wagon isolé, est essentiel non seulement au titre des engagements pris par la France en matière de lutte contre le réchauffement climatique, mais également en termes d’aménagement du territoire, de l’ensemble des territoires.

Nous avons tiré la sonnette d’alarme de nombreuses fois, nous fondant sur les inquiétudes exprimées non seulement par les élus, mais aussi par les entreprises. Là où l’économie repose sur le dynamisme des petites et moyennes entreprises, notamment en province, la « casse » de l’outil industriel est insupportable. Avant d’avoir à déplorer la désindustrialisation de nos régions, il serait bon de préserver les principales dessertes ferroviaires. C’est aussi cela le redressement productif et l’égalité des territoires !

Je pense donc, monsieur le ministre, qu’il est urgent de retravailler avec la SNCF pour qu’une décision véritablement adaptée aux besoins des entreprises soit enfin prise. C’est la seule solution pour que l’économie locale de nos régions puisse se développer en respectant des critères sociaux, économiques et écologiques.

Notre pays a une longue histoire ferroviaire, et il semblerait incongru aujourd’hui, pour ce qui concerne tant les voyageurs que les marchandises, de confirmer que l’offre ferroviaire se limitera désormais aux seuls axes dont la pertinence économique serait assurée, en particulier alors que la France est dirigée par un gouvernement de gauche. Nous estimons au contraire que les deux activités, importantes en termes d’aménagement du territoire, que sont les trains d’équilibre du territoire et le fret ferroviaire de proximité doivent être considérées comme des services publics, déclarées d’intérêt général et bénéficier, s’il le faut, de financements publics.

Les élus de terrain que nous sommes sont régulièrement sollicités dans le cadre de l’aménagement de zones d’activité. La présence ou non d’infrastructures ferroviaires peut être déterminante pour l’implantation d’entreprises. Votre réponse en la matière ne peut se fonder sur l’absence de moyens de l’État et la nécessité de réduire le déficit de la France par le respect de la fameuse règle d’or. Des ressources nouvelles peuvent exister dans le cadre du budget de l’État, et nous avons fait des propositions en ce sens lors de l’examen du dernier projet de loi de finances. Nous regrettons profondément que toute action publique soit placée sous le signe de l’austérité, qui ne peut aucunement permettre une nécessaire sortie de crise.

Il est à ce titre particulièrement urgent d’inverser la tendance en matière de transport combiné, dont les financements ont fondu ces dernières années comme neige au soleil. Quels engagements pouvez-vous prendre devant nous, monsieur le ministre, concernant ces activités ?

Pour finir, et dans la perspective annoncée de la réunification de la famille ferroviaire, je souhaite vous indiquer les pistes de réflexion retenues par les élus communistes dans le cadre de la proposition de loi que nous avons déposée.

Nous sommes favorables à la réunification du système ferroviaire, dans le cadre d’un pôle public, en plaçant le gestionnaire d’infrastructure à l’intérieur de la SNCF et en maintenant son statut juridique d’établissement public à celle-ci.

Afin de contribuer à mettre en œuvre une politique multimodale et complémentaire de transports privilégiant le service public ferroviaire, nous estimons également que seul l’État doit disposer de la compétence pour le développement du réseau ferré national et la définition du niveau des péages. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer où vous en êtes dans vos réflexions à ce sujet ?

Voilà, mes chers collègues, ce que je souhaitais dire au nom du groupe CRC. J’insiste, pour conclure, sur le fait que nous serons extrêmement vigilants à l’égard des réformes à venir et je rappelle que nous souhaitons y être associés bien en amont afin que celles-ci répondent concrètement aux missions d’intérêt général qui incombent au système de transport ferroviaire, en donnant un sens affirmé et un contenu ambitieux au futur pôle public ferroviaire.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste. – M. Jean-Vincent Placé applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le système ferroviaire français est à l’aube de réformes importantes. Remercions donc nos collègues du groupe CRC d’avoir pris l’initiative d’engager un débat au Sénat sur ce thème. Constatons aussi que le gouvernement précédent avait annoncé les prémisses d’une réforme en organisant les Assises du ferroviaire, qui ont réuni tous les acteurs et ont traité de l’ensemble des enjeux et des défis auxquels est confronté ce secteur.

Les travaux des différents groupes de travail ont permis d’aboutir à un constat partagé sur l’état de notre système ferroviaire et à un certain nombre de recommandations, qui ont utilement contribué à la réflexion des pouvoirs publics. Notons d’ailleurs que les propositions faites par l’actuel gouvernement en matière de gouvernance s’inspirent fortement, pour ne pas dire plus, de ces réflexions.

Malgré l’investissement des cheminots dans leur travail, malgré un vrai savoir-faire reconnu par tous, le système français connaît des difficultés croissantes. Certains estiment même qu’il est à bout de souffle. Je crois que chacun est conscient de la nécessité de le réformer, 69 % des Français le pensaient en septembre 2011 et les cheminots partagent certainement la volonté que le rail retrouve un cap.

L’ouverture à la concurrence du trafic des voyageurs impose de se réorganiser et nous oblige à traiter rapidement un certain nombre de questions non réglées à ce jour : le lourd endettement et le déséquilibre financier chronique, l’état vieillissant du réseau, son entretien et sa maintenance, la qualité de service, l’articulation défaillante entre Réseau ferré de France et la SNCF ainsi que la gouvernance du système, autant de sujets qui pèsent sur l’avenir du système ferroviaire.

Dans ce contexte, il nous faut trouver des solutions pérennes à son développement et à sa compétitivité pour offrir le meilleur service aux usagers au meilleur coût. Il nous faut intégrer la transition écologique et l’écomobilité, sans oublier le fret, le tout, monsieur le ministre, dans un cadre social négocié. Le travail est difficile, c’est presque la quadrature du cercle.

Premier problème : l’endettement préoccupant du système ferroviaire français. La dette ferroviaire cumulée par RFF et la SNCF, qui est aujourd’hui de près de 35 milliards d’euros, devrait s’établir autour de 60 milliards d’euros en 2025, dont 51 milliards d’euros uniquement pour RFF. On ne peut ignorer cette réalité. Cette dette a augmenté de 80 % depuis vingt ans. Cette aggravation, liée au financement des grands projets d’infrastructures comme les lignes à grande vitesse, traduit aussi l’incapacité de RFF à générer des ressources suffisantes d’exploitation pour se désendetter et financer ses investissements.

Réseau ferré de France perd chaque année 1 milliard d’euros. La SNCF, quant à elle, si elle a vu sa situation financière largement assainie en 1997 par le transfert de sa dette à RFF, connaît néanmoins un endettement d’environ 8 milliards d’euros.

La Cour des comptes et les Assises du ferroviaire ont ainsi évoqué des pistes d’amélioration de la performance du réseau et de la productivité du système : la rationalisation de l’offre actuelle de transport ferroviaire sur le territoire en jouant, même si ce peut être parfois douloureux, sur la complémentarité entre les offres – TGV, TER, TET, cars… – et avec les autres modes de transport routiers et aériens en développant l’intermodalité ; l’amélioration de la transparence et de la rationalité des prix ; l’amélioration de la productivité des acteurs du ferroviaire.

Monsieur le ministre, nous attendons que vous nous précisiez les mesures que vous comptez prendre en la matière. La gouvernance pour la gouvernance ne changera rien sans un effort de productivité, qui doit aller de pair avec un cadre social négocié. C’est l’intérêt des cheminots et nous devons bien sûr agir avec eux.

Cette situation financière est d’autant plus inquiétante que l’état du réseau, lequel est pourtant très développé, se dégrade et que RFF éprouve des difficultés pour entretenir les voies. Sur près de la moitié du réseau, les voies sont en mauvais état, les postes d’aiguillage, d’une technologie souvent obsolète, sont dans un état préoccupant. Malgré les plans successifs de rénovation, entre 10 % et 20 % du linéaire des voies des axes les plus denses ont dépassé leur durée de vie économiquement raisonnable. En seulement dix ans, le nombre de kilomètres de voies sur lesquelles les trains doivent ralentir a triplé et, en 2011, sur 7 % du réseau principal et sur 17 % du réseau secondaire, les trains devaient réduire leur vitesse.

Les dépenses de renouvellement des voies ont été divisées par deux à partir des années quatre-vingt-dix. La situation ne date donc pas d’hier. Ces crédits ont été également mal répartis entre l’entretien et le renouvellement des équipements et ont été affectés paradoxalement aux axes à faible trafic.

La rénovation des infrastructures et la régénération, prioritairement en zone dense, plutôt que le financement de nouvelles infrastructures, apparaissent donc comme prioritaires. Ce constat, je le crois, est largement partagé.

Le train doit répondre aux attentes fortes des usagers et clients : régularité, ponctualité, confort à bord des wagons, transparence des prix et meilleure gestion des correspondances. Ce n’est qu’en proposant une offre attractive et concurrentielle que le train pourra conquérir de nouveaux clients.

C’est d’ailleurs un élément important de l’équation économique : plus de clients, c’est un marché qui s’étend. Les transports en commun sont un secteur de croissance et il faudra bien que celle-ci contribue à la ressource. Si elle y contribue seule, ce sera déjà bien. D’excellents rapports nous indiquent que le voyageur devrait peut-être lui aussi y contribuer.

Après Roger Karoutchi, qui a traité ce point avec le talent qu’on lui connaît, je voudrais à mon tour évoquer la situation de la région d’Île-de-France.

Ce sont près de 3 millions de passagers qui empruntent quotidiennement le réseau ferroviaire francilien, à bord de 7 500 trains. Ce réseau, qui représente seulement 10 % du réseau français, concentre ainsi plus du tiers des circulations ferroviaires totales. La région d’Île-de-France souffre d’une situation particulièrement critique, un grand nombre de ses lignes étant saturées ou au bord de la saturation. La dégradation du réseau francilien est la conséquence du sous-investissement dans les infrastructures. Cette situation est certes ancienne – elle remonte à l’époque où l’État en était le gestionnaire –, mais la région y a sa part de responsabilité.

La durée moyenne des déplacements domicile-travail est presque deux fois plus élevée en Île-de-France qu’en province pour une distance comparable et la ponctualité des trains régresse chaque année de un à deux points.

L’investissement dans la régénération et la « désaturation » du réseau de transport francilien actuel est essentiel, car celui-ci doit faire face à la demande croissante de transports dans l’agglomération. Et c’est à la région que, depuis la décentralisation du STIF, le syndicat des transports d’Île-de-France, il revient de consacrer plus d’argent aux transports, et en priorité au renouvellement du réseau. Son action en la matière est très insuffisante.

Cette situation est également rendue plus difficile par un problème de gouvernance spécifique à l’Île-de-France qui ne manque jamais d’étonner sur ces travées nos collègues de province. La multiplicité des acteurs est source d’une grande complexité et constitue un frein majeur à la mise en œuvre de projets de rénovation. Dans ce domaine, l’imagination a largement fait défaut : des projets de rénovation insuffisants, aucune ambition d’amélioration des transports. Nous en souffrons encore aujourd’hui.

L’absence d’un chef de file pour les lignes A et B du RER, notamment, est préjudiciable aux transports dans la région-capitale. Ainsi, la ligne B du RER, que j’emprunte avec un bonheur inégal et, pour tout dire, contrasté pour faire le trajet entre ma bonne ville du Bourget et le Sénat, transporte presque un million de passagers par jour, plus que l’ensemble des passagers des TER.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Mon cher Roger Karoutchi, hier matin, sur le quai de la gare, j’ai eu un moment d’étourdissement en voyant arriver un beau train, …

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas pour nous !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

… lequel m’est passé sous le nez, puisque c’était un TER picard !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Quant à moi, je suis monté dans ma rame de RER B, laquelle n’avait pas encore été rénovée. D’ailleurs, de rénovation, il est parfois question ; de remplacement, jamais. C’est bien difficile à expliquer à nos concitoyens.

Sur cette ligne, le taux de ponctualité est le plus faible : un train sur cinq a du retard ou est supprimé. La simple gestion de ces retards est rendue très complexe par l’exploitation de cette ligne par deux opérateurs, la SNCF et la RATP, qui en gèrent chacun un bout.

Des améliorations ont été enregistrées, mais ce partage crée de la complexité. Le partenariat, ce n’est pas l’efficacité et tant qu’il n’existera pas un gestionnaire unique pour la ligne B, on n’y arrivera pas. Peut-être faudrait-il automatiser une partie de la ligne. Certes, il n’est pas politiquement correct de le dire, mais cette mesure est réclamée par les usagers, qui en ont marre. Ce scandale ne peut plus durer.

En évoquant maintenant la question de la gouvernance, je ne veux pas ouvrir imprudemment l’imaginaire technocratique que les élus peuvent également alimenter et m’engager sur une voie critique, synonyme, en langage commun, d’impasse. Mais, comme le disait le général de Gaulle, l’exigence – une exigence démocratique –, c’est que « ce bordel soit organisé ». La future loi de décentralisation ne pourra pas faire l’économie d’une réflexion sur les transports en Île-de-France. Je trouverais utile que la région s’engage sur un certain niveau d’investissement et qu’elle consacre aux transports non plus 30 %, mais 50 % de son budget.

Durant les Assises du ferroviaire, tout le monde s’est accordé, ce qui est somme toute compréhensible, à faire le procès du modèle de gouvernance français fondé sur une séparation entre le gestionnaire d’infrastructure et le gestionnaire d’infrastructure délégué. La réforme à l’origine de cette séparation n’a jamais été menée à son terme et on paie aujourd’hui le prix de cet inaboutissement. L’acte de décès est publié et la SNCF y a largement contribué. Il faut maintenant construire autre chose.

Monsieur le ministre, ma question est simple : que pensez-vous faire ? existe-t-il un plan B ? Roger Karoutchi a posé d’excellentes questions, que je fais miennes. Comment ferez-vous en cas de blocage de la Commission européenne ? Le cas échéant, épargnez-nous les deux années habituelles de frottement entre les entreprises parce que, dans ces cas-là, rien n’avance, surtout pas le voyageur ! Si vous le faites, faites-le vite et bien, et donnons-nous une ambition claire, allons vers l’intermodalité, vers la multimodalité, intégrons les besoins des usagers dans un cadre social rénové. C’est l’ambition que nous portons.

Dans un prochain débat, je m’exprimerai sur le dossier du fret ferroviaire, mais je rappelle simplement l’enjeu des autoroutes ferroviaires. Ce système a trouvé son point d’équilibre sur la liaison entre les Pyrénées-Orientales et le Luxembourg.

Monsieur le ministre, il existe peut-être une voie d’avenir, une voie pour un transport plus écologique. Les enjeux liés à l’ambition écologique, à l’adaptation du système à l’ouverture à la concurrence, à une meilleure qualité de service pour les voyageurs et des marchandises sont ceux de « l’Europe du rail ». Vous aurez la lourde responsabilité de nous proposer un chemin. Sachez que le Parlement sera bien sûr attentif à cette question.

M. Roger Karoutchi applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie tout d’abord le groupe CRC d’avoir pris l’initiative de ce débat. Le train et le service public, c’est un thème qui nous rassemble, un sujet au présent et un sujet d’avenir. Pour les Français, c’est l’image contrastée de la grande vitesse et des grands retards.

Ceux qui considéraient un temps le ferroviaire comme étant d’un autre âge doivent revoir leur copie : l’avenir de nos territoires, y compris à l’échelle européenne, ne saurait aujourd’hui se décliner sans un volet ferroviaire très fort. Les innovations technologiques, la technique française sont un atout considérable non seulement à l’exportation, mais aussi à l’intérieur de nos frontières. Nous avons en la matière un savoir-faire, une avance industrielle ; sachons les utiliser, c’est notre devoir.

La France, de ce fait, doit être la vitrine de notre industrie, ainsi que de notre service public. Le développement de ce service public ferroviaire est selon nous au carrefour d’une grande politique d’aménagement du territoire, au cœur d’une politique environnementale au sens noble du terme.

Ce service public ferroviaire doit englober, même si cela se réalise sous des formes diversifiées, à la fois le transport des passagers et le fret. Le TGV et les transports régionaux sont deux volets d’une politique ferroviaire. La grande vitesse est un atout considérable pour tous les territoires qui sont desservis. Nous considérons qu’il faut poursuivre sans relâche son développement, mais pas au détriment des transports régionaux, monsieur le ministre.

En période de crise, et de mutation sociétale plus encore, une politique de grands travaux doit plus que jamais être mise en place. Le ferroviaire, c’est la véritable artère de l’aménagement du territoire, cet aménagement du territoire si malmené par la Ve République, quelle que soit la majorité au pouvoir.

Dans nos territoires ruraux, notre rêve est d’entendre à nouveau siffler le train

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Pour changer d’objectif, il faut une nouvelle vision prospective du ferroviaire. Le schéma national des infrastructures de transport a donné lieu à un débat fort dans cette enceinte.

Monsieur le ministre, vous avez mis en place une commission d’évaluation du schéma national des infrastructures de transport : c’est bien ! Vous avez aussi pris la décision d’en exclure un seul groupe parlementaire, le nôtre : c’est moins bien ! §C’est d’autant moins acceptable que la plupart de nos parlementaires représentent des territoires malmenés par les mesures subies depuis des décennies.

Je tiens à rappeler que l’article L. 1111–3 du code des transports donne une très bonne définition de la desserte de tous les territoires par le service public. Encore un texte inappliqué ou mal appliqué !

Selon nous, la création d’un ministère de l’égalité territoriale n’a de sens que si les actes sont en conformité avec les paroles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L’avant-projet de schéma national des infrastructures de transport comprenait une fiche intitulée : renforcer l’accessibilité des territoires dont les populations souffrent d’enclavement. C’est une très belle tête de chapitre : il faudrait la mettre en application.

Monsieur le ministre, quelles sont vos propositions pour les populations qui souffrent d’enclavement ? Je vais en quelques mots vous rappeler ce qu’un territoire tel que celui que je représente a subi ces dernières années dans ce domaine.

Aurillac est la préfecture la plus enclavée de France, c’est connu ! En 2003, pourtant avec un Premier ministre de grande qualité

L’orateur se tourne vers M. Jean-Pierre Raffarin, qui préside la séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

… nous avons subi la suppression du train de nuit vers Paris. En 2004, ce fut la suppression du dernier train direct. Depuis, nous avons connu un programme de réfection des voies ferrées grâce au plan rail État-région-RFF. Pour autant, le trajet Aurillac-Paris dure, selon les jours, entre six heures deux minutes et dix heures trente ! Parfois, une partie du trajet s’effectue en bus : c’est le progrès ! C’est en tout état de cause une demi-heure de plus, dans le meilleur des cas, que voilà vingt-cinq ans !

Ce n’est pas simplement par humour, monsieur le ministre, que j’ai déjà, dans cette enceinte, remis à deux de vos prédécesseurs les horaires de train Aurillac-Paris de 1905, que j’avais consultés et que je vais tout à l’heure vous remettre en main propre. En 1905, sous le gouvernement de Maurice Rouvier, qui fut un excellent président du conseil, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je ne doute pas que, le changement étant maintenant, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. … nous allons réduire ce temps de trajet.

M. Roger Karoutchi sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

La dissociation SNCF-RFF n’a pas arrangé la situation – je crois que nous en sommes tous convenus – et, pour nous, la réunification s’impose.

Quant à l’ouverture à la concurrence, nous ne la voyons pas d’un bon œil, car elle présente un risque certain d’élargissement de la fracture territoriale. Il est particulièrement justifié que la France, dans le débat européen, s’oppose au quatrième paquet ferroviaire.

En conclusion, monsieur le ministre – le temps passe et mon temps de parole s’épuise –, nous considérons que la qualité du service public ferroviaire s’est dégradée beaucoup aussi en raison de l’état des infrastructures. Or la nation a besoin en urgence d’une grande politique ferroviaire, d’une politique volontariste : celle que nous attendons de votre gouvernement. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Merci, cher collègue, de votre intervention et de vos références !

La parole est à M. Roland Ries.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Ries

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de placer en exergue de cette intervention une citation extraite d’un essai d’Alain Supiot, Homo juridicus : « La différence entre l’État et l’entreprise est moins une affaire de structure qu’une question de Référence. L’État est référé à des valeurs qualitatives, supra-patrimoniales ; il a en charge le destin des hommes et son horizon est le temps long de la vie des peuples. L’entreprise est référée à des valeurs quantitatives, patrimoniales ; elle a en charge la réalisation de produits ou de services et son horizon est le temps court des marchés. C’est ce qui rend si effrayante l’idée, aujourd’hui répandue, qu’il faut gérer l’État comme on gère une entreprise et qu’il n’y a pas de différence de nature entre le pouvoir économique, le pouvoir politique et le pouvoir administratif. »

Il peut paraître surprenant de placer en exergue d’une réflexion sur l’avenir du service public ferroviaire une citation sur la nature spécifique de l’État. Il s’agit pour moi de suggérer que la situation préoccupante dans laquelle se trouve aujourd’hui notre système ferroviaire n’est, avant toute chose, ni une question économique, ni une question technique, ni même, fondamentalement, une question sociale : c’est la question, éminemment politique, du rôle de l’État dans la définition et la mise en œuvre d’une politique d’intérêt public qui se trouve posée, parce que seul l’État a en charge « le temps long de la vie des peuples » et que c’est de réflexion sur le « temps long » que notre système ferroviaire a avant tout besoin pour se réformer.

Ce que je veux dire, c’est que la situation actuelle de notre système ferroviaire s’explique d’abord et avant tout par une forme de démission de l’État, c’est-à-dire du politique, dans le passé : il est donc urgent, monsieur le ministre, de redonner à la puissance publique ses responsabilités et son autorité dans l’organisation du système ferroviaire.

Permettez-moi d’abord de poser le diagnostic. Je le ferai brièvement, l’essentiel ayant été dit notamment par Michel Teston.

Notre système ferroviaire est devenu fou. Les charges sont en augmentation sensible et il est pratiquement acquis que, si l’on ne fait rien, la dette dépassera 60 milliards d’euros dans quinze ans, et ce même sans avoir réalisé les grands projets du Grenelle de l’environnement ! Le corps social est inquiet, et donc méfiant, angoissé et rétif au changement. Le niveau de service laisse les usagers tour à tour désemparés et révoltés. L’organisation est emmêlée dans les fils de sa complexité. L’opérateur historique est empêtré dans de multiples intérêts contradictoires. Bref, le système a littéralement perdu la tête, c’est-à-dire la faculté de se gouverner.

Ce système doit donc être réformé : ce point fait, me semble-t-il, largement consensus. Mais aucune réforme véritable ne sera possible si l’État, les gouvernants, ne prennent pas la mesure de leurs responsabilités politiques et se laissent intellectuellement capturer et dicter leurs décisions par des acteurs particuliers, quels qu’ils soient, tentés de s’attribuer le monopole de la pensée, de la parole, puis de la décision pour imposer une vision forcément partielle, forcément partiale, et donc illégitime.

Or, au point où nous en sommes, la légitimité est essentielle à la réussite de la réforme du système ferroviaire parce que les solutions relèvent moins de la théorie que de la pratique, moins de la supériorité technique d’un schéma d’organisation que de l’art de le mettre en œuvre. Il faudra redonner du sens à un système qui n’en a plus, mais il sera plus difficile encore de susciter la conviction, puis l’adhésion du plus grand nombre.

À partir de ce constat, que faut-il faire ?

Sans prétendre donner ici toutes les clefs du problème, compte tenu du temps de parole de sept minutes qui m’est imparti, il est toutefois possible d’esquisser des orientations sur trois sujets clés, déjà largement évoqués par mon collègue Michel Teston.

Commençons par un élément de consensus mis en évidence par les Assises du ferroviaire. Tout le monde s’accorde à reconnaître qu’il est impératif de réunifier les fonctions de gestionnaire d’infrastructure au sein d’une entité unique. Notre système de gouvernance actuel dans lequel les fonctions de gestionnaire d’infrastructure et d’opérateur historique sont distinctes sans l’être vraiment a démontré depuis 1997 ses limites, ses contradictions et ses redondances. C’est d’ailleurs, monsieur le ministre, la première orientation que vous avez exposée dans votre discours du 30 octobre dernier à la Halle Freyssinet. Je n’insiste pas sur ce point qui fait largement consensus et qui doit permettre de plaider favorablement devant la Cour européenne de justice de Luxembourg, où la France est mise en accusation pour non-respect des directives européennes en la matière.

Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, la première décision consiste donc à réunifier les fonctions du gestionnaire d’infrastructure au sein d’une entité unique qui regrouperait à la fois les horairistes, les régulateurs et les aiguilleurs de la Direction de la circulation ferroviaire, la DCF, ainsi que les personnels en charge de l’infrastructure.

À partir de là se pose une deuxième question, plus délicate, qui est celle de la position du nouvel RFF par rapport à la SNCF : séparation complète, selon le modèle espagnol ou suédois, intégration complète, comme dans le modèle allemand, ou solution intermédiaire ? C’est cette question qui fait débat aujourd’hui et à laquelle il faudra, dans la concertation, apporter une réponse.

Pour ma part, je considère que la séparation complète souhaitée par la Commission européenne entre gestionnaire d’infrastructure et opérateur historique est à la fois irréaliste et empreinte d’un dogmatisme ultralibéral que je ne partage pas. On a bien vu, par exemple, dans le domaine du fret ferroviaire que l’ouverture non régulée à la concurrence non seulement n’a pas fait gagner de parts de marché au ferroviaire, mais qu’elle lui en a au contraire fait perdre. Je plaide donc pour le maintien d’un lien organique entre le gestionnaire d’infrastructure et l’opérateur historique, sous une forme juridique à définir, forme qui, à mes yeux, pourrait s’inspirer utilement du modèle allemand en créant ce que j’appellerai une holding à la française.

La troisième question qui est posée est essentielle. Elle concerne le statut des personnels et la dette de RFF qui est, en réalité, une épée de Damoclès qui menace l’ensemble du système.

Cette dette représente aujourd’hui plus de 30 milliards d’euros et engendre une charge annuelle de 1, 2 milliard d’euros pour RFF. Autant d’argent qui n’est pas investi ailleurs, notamment dans la modernisation et la mise aux normes de notre réseau ferré !

Je sais bien, monsieur le ministre, que la situation de nos finances publiques permet difficilement d’envisager une reprise totale par l’État de la dette historique du ferroviaire.

La solution doit donc, de mon point de vue, être trouvée dans trois directions : d’abord l’État, qui doit prendre ses responsabilités, même si j’ai pleinement conscience de la difficulté ; ensuite, l’opérateur historique, qui doit veiller à améliorer sa productivité et sa compétitivité ; enfin, le mode routier, qui doit contribuer davantage au financement, notamment des trains d’équilibre du territoire. La concurrence intermodale est évidemment une des clefs du problème.

En ce qui concerne le statut des cheminots et leurs conditions de travail, il est clair que les réponses apportées au problème de la dette du système devraient permettre d’aborder cette question sensible sur des bases assainies avec les organisations représentatives du personnel.

Il me paraît essentiel que l’on arrive à un accord global sur la définition des normes sociales propres au secteur, de façon à éviter que la concurrence ne conduise au dumping des salaires aux dépens des conditions de travail des salariés. Les partenaires sociaux doivent être laissés libres de développer ensemble les mesures pour accroître la productivité du système et sa compétitivité et de définir les standards sociaux spécifiques minimums – « socle », comme cela a été dit – pour chaque marché ferroviaire. Bien entendu, les entreprises ferroviaires resteront libres, dans ce cadre, de définir des standards plus généreux que le minimum.

Vous le voyez, monsieur le ministre, il y a du pain sur la planche ! Mais je vous fais confiance, après la première étape qu’a constitué votre discours du 30 octobre dernier, pour avancer pas à pas sur ces sujets dans la concertation avec les organisations syndicales, qui ne sont pas fermées aux évolutions du système, pour peu que celles-ci soient maîtrisées et ne se fassent pas systématiquement au détriment des intérêts du personnel.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. André Gattolin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Filleul

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est un bien bel exercice d’exprimer devant vous, et dans cet hémicycle, notre vision du service public ferroviaire. Pour ma part, j’y porte un attachement profond, depuis longtemps. Le rail est l’une des grandes aventures contemporaines et technologiques de notre pays. Au plus profond d’eux-mêmes, les Français y sont sensibles.

De mon point de vue, la SNCF est puissamment attachée à notre histoire : le plus grand réseau ferroviaire d’Europe, le TGV, le monde des cheminots, la Résistance. Plus proche de nous, en 1982, ce fut la LOTI, texte fondamental d’orientation des transports intérieurs.

L’ambition du législateur fut de mettre en place un « système de transports intérieurs qui satisfasse les besoins des usagers dans les conditions économiques et sociales les plus avantageuses pour la collectivité ». Il est même évoqué, dans l’article 2 de ce texte, « un droit aux transports [permettant] aux usagers de se déplacer dans des conditions raisonnables d’accès, de qualité et de prix ainsi que de coût pour la collectivité, notamment par l’utilisation d’un moyen de transport ouvert au public ».

La LOTI a sorti la SNCF de l’ancien syndicat mixte qui prévalait alors, pour en faire un établissement public à caractère industriel et commercial, et elle a consacré la SNCF comme opérateur unique. Cette dimension me convenait très bien.

Mais voilà, la Commission européenne existe et, en matière de transports, je la trouve très impérative. Elle s’est chargée, avec les différents paquets ferroviaires, livres blancs et directives, de modifier tout ce bel équilibre. La libéralisation, telle que l’Europe l’a portée jusqu’à présent, complique à mon avis les grandes problématiques des transports.

Par exemple, la seule contrainte posée par la directive européenne 91/440 du 29 juillet 1991 est la séparation, sur le plan comptable, des activités de gestion des infrastructures de transport et de l’exploitation. La séparation organique ou institutionnelle est facultative, laissant aux États la liberté de choisir leur modèle d’organisation. Les autres paquets ferroviaires qui ont suivi n’ont pas remis en cause cette liberté.

Cela n’a pas empêché, en 1997, le gouvernement de droite de l’époque d’ouvrir une faille dans le service public ferroviaire français en séparant l’infrastructure et l’exploitation, par la création de « Réseau ferré de France » par la loi du 13 février 1997, juste avant la fameuse dissolution.

C’est notre histoire, c’est vrai. Mais il y a eu, de la part du pouvoir de l’époque, un excès de zèle idéologique qui n’a en rien résolu les difficultés du secteur ferroviaire, en particulier l’assainissement de la situation financière.

Nos amis allemands ont suivi une tout autre démarche : assainissement de la dette et création d’une holding avec le succès que l’on connaît. Nous savons, monsieur le ministre, combien vous vous êtes engagé dans une orientation qui nous permettra de revenir à une vision plus propre à nous satisfaire, et surtout à satisfaire les besoins du service public ferroviaire.

La création d’un groupement d’infrastructure unique, qui assurera toutes les fonctions ayant trait à la gestion et à la maintenance du réseau, c’est la nouvelle gouvernance que vous proposez. Nous attendons avec impatience le texte à venir, mais vos propos et vos engagements à Bruxelles portent beaucoup d’espoir.

Évoquant Bruxelles, j’en viens au quatrième paquet ferroviaire. Le commissaire européen aux transports souffle le froid et le chaud, faisant d’abord campagne depuis plusieurs mois pour une séparation stricte, en 2019, entre gestionnaires des réseaux et exploitants. L’idée d’un assouplissement est sans doute due à la pression conjointe de la France – de vous-même, monsieur le ministre – et de l’Allemagne, car une réforme libérale pure et dure constituerait une attaque frontale contre les modèles d’organisation des transports ferroviaires de ces deux pays.

Une version dure, voire très dure, était attendue ; finalement, et je l’espère, c’est un texte adouci qui pourrait être présenté sur des sujets majeurs, à une date encore indéterminée. En effet, outre la gouvernance, le quatrième paquet ferroviaire devrait agir dans deux autres directions : l’ouverture du trafic passager domestique à la concurrence – je ne doute pas que ce projet sera soumis à de nombreuses controverses et confrontations – et la réforme de l’Agence ferroviaire européenne, qui devrait être moins discutée.

Ce quatrième paquet ferroviaire ne revient pas sur le fret ; ce fut l’affaire des paquets ferroviaires précédents. Mais vous savez, monsieur le ministre, que je suis particulièrement attentif, et je ne suis pas le seul parlementaire dans cet état d’esprit – vous l’avez encore entendu cet après-midi –, au transport de marchandises par rail, par canaux et par cabotage maritime.

Mais arrêtons-nous au ferroviaire, service public, service d’intérêt général le plus souvent. En la matière, le rail est malheureusement plutôt en mode descendant. C’est dramatique ! La route a pris l’ascendant sur tous les autres modes. Le rail transporte 4 millions de voyageurs par an ; le fret, lui, est presque totalement affaire de transports routiers. En quinze ans, celui-ci est passé d’environ 80 % de marchandises transportées à plus de 90 % aujourd’hui.

Cet échec considérable va bien sûr à l’encontre de la demande sociale. Celle-ci, nous le constatons le plus souvent, est de plus en plus sensible au transport ferroviaire de marchandises. Nous avons connu dans le passé beaucoup de prospectives très optimistes sur lesquelles je ne reviendrai pas ; elles ont échoué. Les conditions du rééquilibrage modal vers le rail ont également échoué. C’est un lourd héritage, mais il tient aussi pour beaucoup à l’absence d’harmonisation des législations européennes sur les salaires et le temps de travail.

La réflexion sur l’évolution du fret se situe au carrefour des ambitions du Grenelle 1. Les perspectives énergétiques et la nécessité de limiter les émissions de gaz à effet de serre peuvent et doivent imposer un retour au ferroviaire. Il y va de la responsabilité des pouvoirs publics de ne pas hypothéquer l’avenir.

Si je me félicite de la démarche du Gouvernement d’engager un vaste programme de régénération de 1000 kilomètres de rail par an, il n’en reste pas moins qu’il est urgent de mener une politique globale de rééquilibrage des trafics de la route vers les modes durables.

La tâche est rude, monsieur le ministre, ambitieuse certes, mais tellement urgente. Par exemple, en matière d’efficacité économique et socio-économique, je crois à la nécessité d’engager toutes les formes de transport combiné, comme je crois à celle du ferroutage. L’alliance du camion et du train, voilà une belle ambition abandonnée par les gouvernements successifs ! Non, en fait totalement ignorée. Pourtant, là encore, la demande sociétale est forte. Nos amis suisses et italiens, eux, ne l’ignorent pas.

Je crois au service public ferroviaire : il existe, il fonctionne – ne soyons pas catastrophistes comme certains discours que j’ai pu entendre cet après-midi –, il participe de nos pratiques quotidiennes et au développement des territoires.

Nous sommes à vos côtés, monsieur le ministre, et aux côtés du Gouvernement pour accompagner le renouveau dans lequel vous vous êtes engagé, car le rail, mode de transport avant tout, est aussi un enjeu industriel. En lançant les recherches sur le TGV du futur, en mobilisant des moyens pour donner une impulsion à la construction de nouvelles rames de trains Intercités et de TER, vous créez une dynamique bénéfique pour la croissance, l’emploi, sans oublier l’innovation, avec l’espoir que la grande aventure du rail retrouve un nouvel élan. §

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Bataille

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dès sa mise en place, au XIXe siècle, le chemin de fer fut conçu dans une logique de service public restée depuis une spécificité française.

L’interventionnisme économique de l’État s’est justifié par le besoin d’un contrôle public pour la sécurité et pour le développement des infrastructures.

Cette logique qui a perduré est désormais remise en cause par les directives européennes, qui introduisent la concurrence comme principe d’efficacité.

Aujourd’hui, un « quatrième paquet ferroviaire » préparé par le Parlement européen appelle, dans une nouvelle ouverture à la concurrence, le marché domestique de voyageurs et suscite de nombreuses appréhensions, chez les cheminots notamment, qui sont particulièrement inquiets pour leur statut, et, bien sûr, pour la filière ferroviaire dans son ensemble qui est déjà fortement impactée par le démantèlement subi ces dernières années.

Ainsi, l’organisation mise en place dans le cadre des directives européennes a entraîné d’importants dysfonctionnements opérationnels. Certaines installations, en très mauvais état, nuisent à la qualité du service, et le marché du transport de marchandises, ouvert à la concurrence depuis 2006, s’est effondré.

La mise en place, sans anticipation, d’un système ferroviaire éclaté et le désengagement financier de l’État ont donc particulièrement fragilisé le système ferroviaire français.

Nous sommes attachés à un service public d’intérêt national et, à cet égard, nous rejetons toute scission d’un service qui a toujours fonctionné de manière satisfaisante au nom de l’intérêt général.

Le rapprochement de la Société nationale des chemins de fer français et de Réseau ferré de France va dans la même direction que celui qui est souhaité par l’Allemagne. Un système national unifié répond beaucoup mieux à la notion de service public qui a toujours été retenue à propos de l’organisation ferroviaire.

C’est l’idéologie libérale qui veut le tronçonnement en plusieurs services et, dans le cas du ferroviaire, la scission entre le transport et l’exploitation du service.

En Europe, plusieurs services nationaux peuvent coexister, se coordonner, tout simplement vivre ensemble dans des conditions satisfaisantes.

Ceux qui font de l’idéologie, ce ne sont pas les partisans du service public, ce sont M. Barroso et la Commission européenne qui, d’une manière obstinée, veulent libéraliser et s’attaquer aux services qui expriment la solidarité et la cohésion à l’échelle des nations.

Le précédent gouvernement avait l’intention, malgré les conséquences désastreuses, d’accélérer la libéralisation en avançant la date d’ouverture à la concurrence du marché domestique de passagers.

Je suis heureuse de constater, monsieur le ministre, que vous avez choisi de ne pas précipiter la mise en place de cette directive afin de mieux préparer les entreprises de la filière.

Parce qu’un service public ferroviaire de qualité concourt à la défense de l’industrie européenne, une bonne maîtrise de la filière permettra de sauvegarder des industries telles que Alstom, Siemens, voire les filiales de Bombardier qui préservent notre savoir-faire et notre emploi.

D’ailleurs, vous avez procédé voilà quelques jours, dans le département du Nord, à l’installation du Comité stratégique de la filière ferroviaire.

Accompagné du ministre du redressement productif et de la ministre du commerce extérieur, vous avez à cette occasion confirmé votre stratégie de renforcement de la compétitivité des filières et de relance de la commande publique afin de structurer une véritable équipe de France du ferroviaire chargée de défendre les intérêts de notre industrie et de ses salariés.

Cette annonce conforte la filière ferroviaire, qui est l’un des facteurs clés du développement de la région Nord–Pas-de-Calais, qui se place actuellement au troisième rang mondial dans ce secteur, et qui est, au surplus, pionnière pour ce qui concerne le développement, sur son territoire, du transport ferroviaire.

Forte de plusieurs décennies d’expérience, notre région mesure l’importance des services publics ferroviaires dans l’aménagement du territoire et le développement économique local. En effet, le maintien de la qualité du service public des transports collectifs et l’amélioration du réseau ferroviaire sur tout le territoire régional sont des nécessités structurantes pour l’avenir économique de notre région.

Vous le savez, certaines parties de ce territoire sont plus touchées que d’autres par la détérioration des transports ferroviaires, notamment dans les zones rurales. Or il s’agit justement d’espaces qui subissent déjà de graves difficultés économiques et sociales.

Monsieur le ministre, je compte sur votre soutien et sur l’appui du Gouvernement tout entier pour mener à bien ce chantier capital : construire un service public de transports assurant l’égalité des citoyens et permettre un aménagement du territoire dynamique, de qualité et équilibré. §

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à indiquer à M. Mézard que j’ai conservé une copie des horaires de train pour aller jusqu’à Aurillac !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier

Ce débat me permet, d’abord, de présenter les positions prises en la matière par le Gouvernement, depuis son entrée en fonctions, et les actions déjà mises en œuvre. Il me permet également de détailler quelques éléments d’actualité, notamment en apportant des précisions relatives au secteur ferroviaire, au niveau européen.

Ainsi, ce débat me permet d’entamer, avec le Parlement, une discussion que j’appelle de mes vœux. De fait, la réforme ferroviaire est en marche. Un certain nombre des orateurs qui se sont succédé à la tribune ont non seulement relevé mais salué cette transformation, eu égard aux avancées qui doivent en résulter.

Cette réforme repose sur des principes qui ont été énoncés. De plus, elle s’appuie sur une mission de concertation, actuellement en cours, et sur un débat parlementaire. Les discussions d’aujourd’hui en sont les prémices, et il se poursuivra, plus précisément, avec la discussion d’un projet de loi à la fin du semestre.

Les diverses interventions de ce débat ont été riches et source d’enseignements et d’engagements. Quelles que soient les positions exprimées, je retiens l’enjeu que représente le domaine ferroviaire, ainsi que la nécessité d’un engagement en la matière. Le ferroviaire constitue en effet une partie de notre patrimoine, au titre des structures industrielles comme de l’aménagement des territoires.

Nos territoires ont à la fois besoin d’une vision et d’une efficacité en termes de politiques publiques. À cet égard, la politique des transports doit faire sienne la volonté d’adapter les structures existantes, afin de répondre aux nombreux enjeux qui s’inscrivent dans nos territoires. Aujourd’hui, M. Mézard ne pourra pas me reprocher d’oublier l’importance de ces enjeux ! Je rappelle à ce titre combien le ministère de l’égalité des territoires comme mon propre ministère ont à cœur de répondre à un certain nombre de questions. Je reviendrai sur ce point.

Les différents orateurs l’ont rappelé : notre système ferroviaire ne peut pas continuer à fonctionner selon le modèle actuel. La qualité du service ne parvient pas à satisfaire l’ensemble de nos concitoyens ; on observe, de surcroît, une dégradation continue des équilibres économiques en la matière.

Ce constat a été dressé, notamment, par M. Le Cam : ce ne sont pas les hommes qui, aujourd’hui, sont mis en cause. M. Teston a du reste souligné l’efficacité de l’ensemble des acteurs du secteur. Nous connaissons l’engagement et le dévouement des cheminots, leur sens du service public.

Ce qui est en cause, c’est précisément un système qui atteint ses limites, et qui doit partant se rénover. Tel est l’enjeu de la réforme que je vous présenterai d’ici à quelques semaines : l’amélioration de la qualité de service, qui exige de transformer en profondeur notre système ferroviaire.

Roland Ries y a fait référence, comme d’autres, et je les en remercie : à l’occasion des soixante-quinze ans de la SNCF, j’ai annoncé les grands axes d’une réforme ferroviaire, qui fait actuellement l’objet d’une concertation poussée, menée par Jean-Louis Bianco, dont je tiens à saluer le travail remarquable. Ses préconisations seront bientôt rendues publiques et devraient être débattues. Je remercie également Jacques Auxiette d’avoir accepté de se pencher sur l’autre pan de cette réflexion, notamment pour ce qui concerne le rôle des collectivités dans notre organisation ferroviaire.

Au reste, plusieurs textes seront soumis au Parlement. Je songe notamment au projet de loi sur la décentralisation, auquel les uns et les autres ont fait allusion. M. Karoutchi a même considéré que l’Île-de-France méritait qu’une part importante de son discours à cette tribune y fasse référence et que l’on souligne l’intérêt des politiques régionales. La décentralisation sera un enjeu, et la répartition des rôles constituera une des réflexions de la politique et du volet « transports » de cette loi de décentralisation.

J’en viens à la réforme de la gouvernance ferroviaire. Il y a quelques instants, j’entendais MM. Karoutchi et Capo-Canellas m’indiquer combien le commissaire Siim Kallas exerçait une influence redoutable.

Monsieur Karoutchi, vous avez même fait du Kallas dans le texte, sans le texte ! §De fait, nous sommes précisément, moi-même et donc vous, confrontés au problème suivant : nous attendons encore le quatrième paquet ferroviaire. Ce dernier est encore en écriture. L’encre n’est pas sèche. Le texte est même, par endroits, appelé à être revu, raturé, révisé.

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué

Pour m’être longuement entretenu avec le commissaire Kallas, je peux vous affirmer que notre position est fidèle à la valeur sociale et quasi patrimoniale que représente, pour la France, l’organisation du ferroviaire. Mais elle doit également être équilibrée ; elle doit permettre à la France de prendre part au débat. Notre pays ne doit en aucun cas considérer qu’un texte qui ne vous est pas encore soumis, dont vous ne connaissez pas encore les lignes directrices et sur lesquelles nous avons des discussions qui évoluent avec le temps devrait figer la position nationale !

Je l’ai précisé voilà quelques instants, lors des questions d’actualité au Gouvernement. Certes, il était question de la pêche, mais je ne me dédouble pas selon les débats ! Ainsi, cher Vincent Placé, j’adopte la même approche, j’exprime la même volonté lorsque j’interviens, dans cet hémicycle, au titre de mes fonctions maritimes et lorsque je prends la parole, comme ministre des transports, au niveau européen : la France doit défendre sa vision, contribuer aux discussions, amender les textes proposés, faire bouger les lignes.

Monsieur Karoutchi, ce que vous nommez « l’alliance franco-allemande » aurait échoué. Mais à quel échec faites-vous allusion ? Et de quelle alliance parlez-vous ? Non ! La France a sa propre position, qui devra être déclinée.

Concomitamment à ce débat européen, du fait d’un hasard – et, en l’occurrence, d’un heureux hasard – une réforme indispensable est à l’étude en France dans le domaine ferroviaire. Les deux chantiers ne peuvent pas être dissociés : tant mieux ! Faisons en sorte que, parce que nous exprimons la volonté de moderniser notre système ferroviaire, nous puissions nous saisir de cet enjeu, de ce débat et de cette discussion européenne.

Quoi qu’il en soit, mesdames, messieurs les sénateurs, j’en reviens à la réforme de la gouvernance ferroviaire, peut-être pour rassurer certains d’entre vous – la majorité d’entre vous, si j’ai bien compris – et pour exposer la vision du Gouvernement sur ce sujet.

Cette vision a été reprise et parfois même commentée, souvent pour affirmer qu’elle était euro-incompatible alors même que, comme je viens de le préciser, il ne peut pas y avoir d’euro-incompatibilité sur un texte qui n’a pas encore été soumis au débat au niveau européen ! Du reste, en France, notre propre projet de loi n’a pas été présenté au Parlement.

Pour l’heure, et c’est important car il y a un temps pour la concertation et un temps pour la discussion, il est nécessaire d’organiser les rencontres avec les principaux élus des différents territoires, dont les sénateurs font partie. Il faut donner sa chance aux discussions sur cet enjeu majeur pour nos territoires. À ce titre, je retiens les propos tenus et les engagements pris à cette tribune.

Il s’agit, pour nous, d’abord d’adopter une organisation qui, au-delà des dogmes et même des écoles, nous permette de satisfaire une ambition, à laquelle la plupart d’entre vous souscrivent : mieux répondre aux besoins des usagers et des entreprises.

À cette fin, j’ai annoncé la création d’un gestionnaire d’infrastructure unique, un GIU, qui assumera les fonctions aujourd’hui exercées par la Direction de la circulation ferroviaire – la DCF –, par SNCF Infra et par RFF, et qui sera rattaché à la SNCF au sein d’un pôle public.

Tels sont les bases et les principes qui seront soumis à la discussion parlementaire et à l’échange avec les partenaires sociaux.

Cher Roger Karoutchi, cher Vincent Capo-Canellas, sans la moindre obsession, vous affirmez que nous nous sommes inspirés d’une réforme que le précédent gouvernement s’apprêtait à engager, et qu’avaient préfigurée les Assises du ferroviaire, et que nous nous sommes fondés sur ces travaux pour les faire aboutir.

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué

Sur ce point également, il me semble important de faire preuve de pédagogie et d’apporter des explications.

Au cours de votre intervention vous avez évoqué l’heureux rendez-vous des Assises ferroviaires, appelées à sauver « un système à bout de souffle ». Je suis tenté de terminer votre phrase en précisant que le gouvernement d’alors était lui-même à bout de souffle ! §Eneffet, en décembre 2011, il semblait difficile d’engager de grandes réformes. Certes, il était utile de mener de semblables réflexions, il est toujours passionnant de croiser nos analyses au sujet du ferroviaire. Toutefois, il s’agit, en l’occurrence, de réformer concrètement le système ferroviaire.

Il est regrettable que ce chantier ait pris tant de retard, avez-vous dit. Certes ! Mais au moins ce retard nous permet-il de garantir que la réforme, que nous allons engager, répondra aux enjeux d’efficacité. De fait, s’il y a un point sur lequel nous nous accordons, c’est sur la nécessité de simplifier et de réunifier le système existant, en mettant un terme à ce jeu de ping-pong entre la SNCF, SNCF Infra et RFF, tel qu’il existe actuellement. A contrario, il faut assurer une véritable intégration de la gestion des infrastructures, dans la perspective d’une optimisation des moyens.

Cela ne peut se faire en dehors de l’opérateur historique et sans l’existence d’un certain nombre de liens. Il faudra que nous déterminions, ensemble, l’intensité de ces derniers. Des règles existent, qui sont évidemment européennes.

Certains, quand j’ai pris les fonctions qui sont aujourd’hui les miennes, m’enjoignaient d’accélérer la libéralisation, me sommaient de forcer le pas, de libéraliser encore plus vite, dès 2014, alors même que nous n’avions pas encore réfléchi aux conséquences des règles européennes et des trois paquets ferroviaires précédents. De notre côté, nous exigions, avant tout, de faire le bilan de ce que la libéralisation du fret avait apporté.

Notre ambition, très volontariste, telle qu’elle s’exprime dans les conclusions du Grenelle de l’environnement, est de porter à 25 % la part du ferroviaire dans l’ensemble du transport de marchandises, et ce à court terme, à l’horizon 2022.

Or nous avons constaté, comme j’en faisais la réflexion à M. Siim Kallas, que la libéralisation, loin de permettre une augmentation de la part du fret, l’a au contraire diminuée. Je reviendrai sur les chiffres pour répondre précisément aux sénateurs, dont M. Gérard Le Cam, qui ont évoqué cette question en abordant l’ambition du développement du fret ferroviaire.

La création d’un GIU permettra de conférer à une même structure l’ensemble des instruments nécessaires à un pilotage efficace du réseau, en optimisant d’abord la réalisation des travaux, puis la gestion de la circulation, dont nous savons qu’elle est un enjeu majeur en termes d’efficacité.

Le rattachement à la SNCF doit permettre le développement d’une culture professionnelle, mais aussi la mise en commun des métiers et des savoir-faire indispensables au bon fonctionnement du système ferroviaire.

Encore faudra-t-il, comme je l’indiquais, que nous positionnions très précisément le curseur dans ce processus de rattachement. Plutôt qu’une séparation se traduisant nécessairement par une certaine forme d’isolement des acteurs, chacun dans sa sphère, fort de sa propre légitimité, juridique ou financière, nous favorisons une logique de travail en réseau permettant de rendre le système ferroviaire dans son ensemble bénéficiaire du processus.

Un certain nombre d’entre vous ont évoqué les aspects financiers de la réforme : on ne saurait les mésestimer, ni les dissimuler.

Précisément, la nécessité de mettre fin aux dérives financières constitue le deuxième axe, essentiel, de cette réforme.

Je rappelle que ces dérives se traduisent par une augmentation annuelle de la dette de plus de 1, 5 milliard d’euros §vous l’avez dit et répété, en particulier Roland Ries et Jean-Vincent Placé et je vois que Michel Teston approuve. Autant d’argent consacré non pas à la modernisation du réseau, mais au service d’une dette qui s’accroît et qui s’accumulera, avec des conséquences terribles, si nous ne bougeons pas les lignes en profondeur !

Il nous faudra d’abord mettre l’accent sur une meilleure priorisation des projets d’investissements et sur la mise en place de règles vertueuses, afin que, progressivement, le système ferroviaire retrouve un équilibre économique. Notre ambition, à ce stade, est au moins de stabiliser un dispositif dans lequel, aujourd’hui, la dette génère la dette, nous privant mécaniquement, automatiquement, de perspectives.

Il nous faut donc retrouver l’équilibre économique nécessaire pour assurer la pérennité du système ferroviaire. Cet effort de restauration nécessitera de repenser les fonctionnements et les organisations, pour qu’ils soient plus efficaces à un moindre coût.

Il nous faudra, en complément de cet effort, examiner les leviers que devront mobiliser tous les acteurs afin d’y contribuer.

Certains ont légitimement évoqué l’enjeu social. En effet, et c’est le troisième axe de la réforme, nous offrirons aux partenaires de la branche ferroviaire l’occasion de conclure un nouveau pacte social. Depuis l’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire, deux régimes distincts de durée du travail coexistent dans le secteur, entraînant des écarts importants, avec des conséquences non moins importantes, notamment sur l’organisation du travail.

Il ne s’agit pas de revenir sur le statut. Il faut, en revanche, que la SNCF puisse bénéficier des mêmes capacités en matière d’organisation du travail que les autres opérateurs. Il est donc nécessaire de mettre en place un cadre commun à toutes les entreprises de la branche ferroviaire. Elles sont aujourd’hui dix-huit, notamment dans le fret.

Compte tenu du nombre d’opérateurs ferroviaires, il est donc impératif de définir un nouveau cadre devant s’appliquer à tous afin de mettre la SNCF en situation de réussite économique.

Ce nouveau dispositif, intégrant le maintien tant du statut que de la protection sociale, sera fondé sur un décret pris en concertation avec les partenaires sociaux. Roland Ries affirmait que les partenaires sociaux n’étaient pas bloqués mais jouaient bien leur rôle de force de proposition. Pour les avoir déjà reçus, je peux vous dire qu’ils font preuve d’un grand sens des responsabilités.

J’attends beaucoup des discussions que nous aurons avec les partenaires sociaux, j’attends beaucoup de leur vision des choses et de l’enrichissement de la réflexion qu’elle nous permettra.

Ces rencontres permettront de préciser les principaux aspects de l’évolution du temps de travail au regard des exigences de la sécurité comme de la continuité du service public, deux questions qu’ils ont tous évoquées.

L’organisation du travail et l’aménagement du temps de travail relèveront d’une convention collective de branche à négocier par les partenaires sociaux et qui pourra être complétée par des accords d’entreprise.

Voilà donc les grands axes que je souhaite mettre en œuvre et qui font l’objet de la concertation pilotée par Jean-Louis Bianco.

Cette réforme définit également la position que la France défendra dans le futur débat européen relatif au quatrième paquet ferroviaire, qui devra permettre de bâtir une Europe du rail, de même qu’une Europe durable, dont bénéficieront le pôle public et l’industrie ferroviaire.

L’enjeu de l’industrie ferroviaire, sa structuration, ses emplois et l’ambition du Gouvernement à cet égard ont été évoqués par M. Jean-Jacques Filleul et Mme Delphine Bataille. Mais, si nous voulons soutenir nos industries ferroviaires, encore faut-il que nous disposions d’un système ferroviaire efficace qui offre des perspectives et de la lisibilité. Dans ce domaine, c’est aussi cela, le rôle de l’État stratège !

Alors, je négocierai avec la Commission, avec le commissaire Kallas, dont la parole ne saurait s’imposer !

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué

Elle doit être discutée et j’ai cru comprendre qu’elle l’était déjà beaucoup…

Nous devons porter une position simple, fondée sur nos objectifs - qualité de service, soutenabilité financière, ambition sociale, respect de la sécurité, définition de perspectives d’avenir -, mais aussi sur une méthode respectueuse des situations nationales, selon le principe de subsidiarité, qui peut tout à fait s’appliquer aux modes de fonctionnement.

Certains pays dont les structures ferroviaires sont regroupées ou unifiées souhaitent les séparer pour plus d’efficacité ; d’autres souhaitent, au contraire, les réunifier ; d’autres encore essaient de faire preuve d’imagination et de créativité. C’est notre cas, avec ce modèle français que certains orateurs décrivaient comme étant à mi-chemin entre tel ou tel autre.

Ce modèle, nous vous le soumettrons, mesdames, messieurs les sénateurs, confiants dans les enrichissements que permet le débat parlementaire.

Avec un tel modèle, nous pourrons, certes, prendre en compte une réalité, celle de l’Europe, avec ses vertus, son ambition de construire un véritable schéma, un véritable réseau. Je crois à cet égard le commissaire Kallas sincère dans sa volonté de favoriser les échanges et la mobilité, de faire valoir une vision européenne de la sécurité et de l’interopérabilité. Cette ambition, nous l’avons insuffisamment souligné, doit permettre de construire une belle et grande Europe de la mobilité.

Mais, dans le même temps, notre modèle doit aussi être conforme à la conception française, à notre histoire du ferroviaire, à la réalité de nos territoires et à cette nécessité, tout simplement, de partager. C’est à partir de ce principe de subsidiarité et du respect des grands équilibres européens que nous aboutirons.

Ainsi donc l’ouverture à la concurrence n’est-elle pas inéluctable. La France a affirmé qu’elle n’interviendrait qu’en son temps. Des dates ont été fixées, mais l’ouverture n’est pas pour nous une priorité : non que nous soyons hostiles à toute évolution, mais pourquoi, alors que certains textes européens sont à peine stabilisés, notamment ceux qui définissent les obligations de service public, aller aujourd’hui remettre en cause des dispositions adoptées par des majorités politiques instables, précaires et acquises à l’arraché ?

J’ai donc demandé que nous puissions bénéficier de temps. Nous nous situons dans le temps long de l’organisation et de la structuration, afin de permettre les adaptations nécessaires ainsi que les expérimentations, dont nous devons pouvoir tirer les enseignements. Et ce qui est vrai pour le ferroviaire l’est d’ailleurs aussi pour d’autres modes de transport, je pense en particulier à l’aérien.

Notre position, c’est la quête de l’efficacité.

Certains d’entre vous ont demandé que ces textes soient évalués. C’était, je crois, la volonté exprimée par Mireille Schurch. Mesdames, messieurs les sénateurs, analysons ! Faisons le point ! C’est exactement la position que les autorités françaises ont adressée à la Commission il y a quelques semaines.

Notre objectif était, à partir de l’analyse de situations rencontrées et de l’évaluation de l’inflation textuelle que nous connaissons, de bénéficier d’une image précise, une photographie en quelque sorte, de ce qui est adapté, de ce qui l’est moins et de ce sur quoi il serait bienvenu d’intervenir.

La France a en outre proposé à la Commission que cette évaluation soit faite pour le ferroviaire comme pour les autres modes de transport, notamment le routier et l’aérien. J’espère que la Commission comprendra l’intérêt d’une telle démarche. Comme vous le voyez, nous nous inscrivons dans la suggestion, la discussion, la proposition.

Avec un certain nombre de pays amis, nous entendons faire valoir cette position. Comme vous, j’étais à Berlin il y a deux jours, pour le cinquantième anniversaire du traité de l’Élysée. J’ai, à cette occasion, rencontré mon homologue, M. Peter Ramsauer. J’ai bien entendu, comme vous, combien ces enjeux de transport étaient sensibles également pour nos amis allemands. Nous faisons nôtres leurs ambitions, mais nous devons également faire valoir un certain nombre de nos réalités, qui diffèrent des leurs.

La France a fait part de sa position de façon très nette sur le quatrième paquet ferroviaire. Cette position est susceptible d’évoluer, parce que je ne commente que les textes qui me sont soumis une fois finalisés, et non des éléments qui n’en sont encore qu’au stade de la discussion.

Je vous rappelle, et c’est important, que nous avons enfin engagé des discussions avec le commissaire Kallas, qu’un dialogue s’est enfin noué entre la France et la Commission. Il est heureux que nous ayons pu nouer ou renouer ce lien, car la discussion est le seul moyen de faire entendre la position française et de la faire valoir.

Mesdames, messieurs les sénateurs, notre stratégie n’est pas de jouer la chaise vide. Il s’agit pour nous au contraire d’affirmer une présence marquée, conformément à la volonté du Président de la République, sous l’autorité du Premier ministre. Et je puis vous assurer que chacun des ministres attache une importance particulière à la contribution de la France dans les discussions européennes.

La France a donc fait part de sa position, qui s’articule autour de quelques principes : un bilan de l’ouverture à la concurrence du fret ; une harmonisation des conditions sociales, au moins dans chaque pays, afin d’éviter la concurrence déloyale – ce qui est vrai chez nous dans le domaine qui nous occupe ici l’est également dans d’autres domaines – ; et le respect du principe de subsidiarité s’agissant de la gouvernance.

En effet, les États doivent pouvoir choisir un modèle intégré ou un modèle intégré entre le GIU et l’exploitant historique, dès lors que, et c’est une condition, l’égalité d’accès au réseau est acquise. Nous aurons à réaffirmer ce nécessaire point d’équilibre, mais ce volet étant encore en discussion, nous attendons les conclusions de la mission de concertation confiée à Jean-Louis Bianco et les apports des parlementaires.

Très en amont, la France a agi pour que le quatrième paquet ne contienne pas d’obligation de séparation. Dans certaines formules, il était envisagé, je vous le rappelle, de rendre cette séparation obligatoire dès le 1er janvier 2013. Cette disposition n’existe plus.

Liberté est donc donnée à tous de réfléchir aux modalités d’évolution de leur système respectif.

Vous le voyez, les discussions sont en cours. Aucune décision définitive n’a été prise ; en tout cas, aucune discussion ne sera close avant d’avoir été ouverte ! Je ne me résigne pas, comme d’autres collègues, à devoir accepter des positions dont nous n’avons pas même été définitivement saisis.

Il reste encore un certain nombre de jours, voire de semaines. Laissons mûrir les propositions, car nous avons tous intérêt à ce que la Commission européenne améliore son texte en fonction des discussions en vue de présenter un dispositif qui soit le plus acceptable possible.

Quoi qu’il en soit, nous serons très vigilants pour que, si cette obligation de séparation devait être formulée, elle ne soit pas maintenue, afin que le pôle public unifié ait une vraie réalité.

Voyons maintenant ce qu’il en est des actions concrètes d’ores et déjà engagées.

Vous avez tous évoqué la rénovation du réseau.

À cet égard, j’ai demandé au mois d’octobre dernier à RFF, à la suite de l’audit réalisé par l’École polytechnique fédérale de Lausanne, dont les conclusions soulignaient la dégradation progressive, bien que ralentie, des infrastructures, de me proposer, avant l’été, un « plan rail », avec l’objectif d’améliorer l’entretien des infrastructures.

Ce plan, de plus de 2 milliards d’euros, est, vous le savez, indispensable pour améliorer la qualité de service des transports. Il s’agit d’une priorité pour RFF, ainsi que je l’ai précisément indiqué dans la lettre de mission que j’ai adressée à son nouveau président, Jacques Rapoport.

Concernant le matériel roulant, je ne m’attarderai pas ici sur l’enjeu majeur qu’il constitue pour la compétitivité de nos entreprises à l’extérieur, tant la filière ferroviaire est la vitrine de la France. Le savoir-faire français en la matière, qui est souvent loué, est une réalité. En témoignent les nombreuses commandes qui sont passées.

Vendredi 11 janvier, j’ai annoncé avec Arnaud Montebourg et Nicole Bricq, lors du comité stratégique de la filière ferroviaire, le déblocage d’une première enveloppe de 400 millions d’euros en 2013 afin d’amorcer la politique indispensable de renouvellement du matériel roulant des trains d’équilibre du territoire, les TET.

La répartition des compétences entre les régions et l’État mérite d’être affinée. Là encore, j’ai bien compris qu’une main était tendue. L’État participe déjà, je tiens à le souligner, et j’y reviendrai si vous le souhaitez, à une mobilisation financière importante.

Au-delà de cette enveloppe, nous avons souhaité voir rapidement mise en place une deuxième phase du financement du renouvellement du matériel roulant, en vue de donner une lisibilité à l’industrie ferroviaire. Tout le monde l’affirme, qu’il s’agisse des grands industriels du Nord – Pas-de-Calais ou de ceux d’autres régions encore, l’industrie ferroviaire connaîtra un trou d’air en 2015 : les carnets de commande ne sont pas suffisamment remplis pour assurer la soutenabilité financière et maintenir la compétitivité.

C’est pourquoi nous avons conjointement saisi les différents acteurs industriels – Arnaud Montebourg le rappellera sans doute ce soir encore – leur demandant de commander le TGV d’avenir, le TGV de demain, à l’horizon 2018. J’espère que nous y parviendrons, car ces commandes sont un soutien important pour nos industries.

Par ailleurs, une réflexion a été engagée sous l’autorité du Président de la République à propos de la mobilisation des investissements innovants ou des investissements d’avenir. Voilà pour les TET.

Dans le même temps, nous voulons donner aux régions les moyens d’assurer elles-mêmes les commandes publiques, à hauteur de plusieurs milliards d’euros pour le renouvellement des TER. Certes, la possibilité existe de mobiliser les fonds d’épargne, sous une forme ou sous une autre. Nous savons bien que l’épargne est là – la France est l’un des pays qui en bénéficient le plus –, et elle ne demande qu’à être mobilisée, mais encore faut-il la rendre active, afin que les générations futures en tirent profit, madame Schurch.

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué

Cet objectif est partagé et nous souhaitons que la mise en place des dispositifs suive.

Je rappelle que les commandes publiques pour les TER dans les dix prochaines années représentent potentiellement 3 à 4 milliards d’euros. Or nous connaissons la situation financière des collectivités. Je ne ferai qu’évoquer ici le versement transport, que nous retrouverons à l’occasion d’autres débats, notamment lorsque nous aborderons le volet « transport » du projet de loi sur la décentralisation et que nous examinerons les dispositions législatives financières qui en découleront. Je n’engagerai pas ce débat à cette heure, encore que…

Sourires.

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué

Quoi qu’il en soit, nous œuvrerons en faveur d’un nouveau pacte de confiance entre l’État et les collectivités, afin d’assurer la soutenabilité financière pour chacun.

Nous proposerons donc un dispositif qui permettra aux régions de porter l’ambition ferroviaire. Je sais combien nous devons aux collectivités, qui sont effectivement très impliquées : ce sont elles qui assurent le transport régional au quotidien.

Ainsi que l’ont souligné notamment Jean-Jacques Filleul et Delphine Bataille, la relance des commandes ferroviaires doit également être l’occasion de renforcer le lien entre les donneurs d’ordre et les sous-traitants, afin de favoriser l’émergence de PME innovantes. Et nous en avons sur notre territoire ! La réalité est que nous avons du « made in France » dans le secteur ferroviaire !

Le donneur d’ordre public étant la puissance publique, nous devons attendre des opérateurs industriels eux-mêmes qu’ils soutiennent le tissu des PME. La formule n’est pas nécessairement heureuse, mais quand on dit qu’il faut chasser en meute, on signifie tout simplement qu’il est nécessaire de soutenir l’innovation à l’export ou sur le marché intérieur. Les grands opérateurs doivent se tourner vers les grands industriels qui, eux-mêmes, doivent assurer le dynamisme des petites et moyennes entreprises. Il y va de notre dynamisme économique et de l’emploi.

Vous avez également évoqué les grands projets d’investissements.

Certains ont pris pour exemple – ou en exemple - le grand projet de schéma national des infrastructures de transports bâti par le gouvernement précédent. Qu’on en juge : avec, au mieux, des chantiers inachevés, au pire, des chantiers annoncés, mais jamais engagés, nous devons faire preuve d’un certain pragmatisme… Je remercie à cette occasion ceux d’entre vous, et ils étaient nombreux, qui m’ont souhaité bon courage

Sourires.

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué

ou qui, en tout cas, m’ont exprimé leur confiance, en moi, en ma politique, bref en l’ambition du Gouvernement.

M. Vincent Capo-Canellas s’étonne.

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué

Un certain nombre d’investissements ferroviaires dépendent précisément du SNIT, qui devrait représenter 245 milliards d’euros d’ici à 2020, alors même que l’AFITF, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, n’a la possibilité d’assurer un financement qu’à hauteur de 2 milliards d’euros.

Nous ne pourrons donc pas donner suite à toutes les promesses, cela n’aurait pas de sens, mais nous devrons expertiser ce document. Certains ne manqueront pas de nous opposer que c’était prévu, que c’était écrit. Alternance politique oblige, les territoires se tournent vers le nouveau gouvernement pour demander la concrétisation de toutes ces promesses. À nous la charge d’expliquer que, non, toutes les lettres de promesses envoyées, tous les documents non contractuels ne pourront être honorés, pas plus que ne pourront être tenus tous les engagements pris.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous allons travailler ensemble. Et c’est pourquoi j’ai souhaité que soit confié à une commission parlementaire, composée de députés et de sénateurs de toutes tendances politiques, le soin d’analyser et d’expertiser les différents projets, une commission suffisamment nombreuse, mais pas trop, monsieur Mézard, pour rester opérationnelle et être en capacité d’apporter des solutions à la commande gouvernementale.

Certains projets ont des ambitions transnationales, supranationales, qui nécessitent la mobilisation indispensable de financements européens. D’autres, s’appuyant sur l’intermodalité, devront être hiérarchisés, la complémentarité des modes de transport conduisant aussi à des solutions équilibrées sur le territoire.

Il est illusoire de croire que la collectivité nationale - ou les collectivités territoriales, d’ailleurs - sera en situation de répondre d’ici à vingt ans à cet engagement financier, qui se répartit à hauteur de 88 milliards d’euros à la charge de l’État et à hauteur de 56 milliards d’euros à la charge des collectivités territoriales. Le besoin de hiérarchiser les projets est donc bien réel.

L’analyse du SNIT permettra de réorienter ce grand chantier. Le Président de la République a pris l’engagement de moderniser, de restructurer, de rénover l’existant. Je ne veux pas préempter les conclusions de la commission Mobilité 21, que préside Philippe Duron, mais les réflexions que vous avez versées au débat, mesdames, messieurs les sénateurs, nous permettront d’éclairer ces enjeux.

Je l’ai dit, d’autres actions sont en cours de préparation, telle la décentralisation.

En effet, il nous faut également mieux articuler les différents services ferroviaires existants. J’ai entendu des inquiétudes concernant les trains d’équilibre du territoire. Il est en effet nécessaire de procéder à une rationalisation de l’offre de transport sur nos différents territoires. Cette nécessité est économique, mais aussi sociale.

On peut aujourd'hui déplorer un manque de lisibilité dans le partage des responsabilités de chacun, en l’occurrence pour ce qui concerne le TER, le TET et le TGV, et la complémentarité avec d’autres modes de transport. Cela a été dit, et telle est aussi notre position, il n’y a pas d’opposition entre les modes de transport. S’il faut compléter un schéma d’organisation du transport sur nos territoires au moyen du transport par car, par exemple, nous aurons cette réflexion dans le cadre de la décentralisation afin de savoir quelle collectivité sera organisatrice des transports et assurera l’intermodalité.

Je souhaite que le prochain acte de la décentralisation soit l’occasion de créer un instrument permanent, au niveau régional, pour mieux articuler les services entre les différentes autorités organisatrices, pour mieux articuler les TER et les TET en ce qui concerne les trajets entre le domicile et le travail.

À cet égard, la région parisienne présente de réelles spécificités ; je ne m’étendrai pas, mais elles sont importantes. Je ne m’engagerai pas non plus dans d’autres débats qui relèvent de compétences partagées avec ma collègue Cécile Duflot. Reste que nous avons à simplifier l’organisation actuelle pour la rendre plus lisible, s’agissant notamment des investissements – j’ai consacré une partie de la matinée à ces enjeux-là.

Nous devons agir dans l’immédiat pour garantir la qualité du service et satisfaire les attentes des usagers tout en assurant la plus grande cohérence entre ces actions immédiates et les grands schémas de moyen et de long terme.

Un certain nombre d’entre vous ont formulé des propositions en matière de financements ; en particulier, vous avez suggéré la création d’un versement transport spécifique à destination des régions. Ces questions se poseront au moment de l’examen du projet de loi sur la décentralisation et des projets de loi de finances qui en tireront les conséquences. Il importe que, grâce aux travaux de la mission confiée à Jacques Auxiette, nous parvenions à clarifier au préalable les compétences de chacun.

Pour finir, je parlerai du fret, avec l’indulgence de M. le président…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Monsieur le ministre, je vous en prie, ce que vous dites est fort intéressant.

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué

Je vous remercie, monsieur le président.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez attiré mon attention sur le fret, particulièrement sur le wagon isolé. La régression de la part du fret dans le transport de marchandises, notamment ces dernières années, n’est pas un phénomène propre à la France. Il résulte d’une situation économique et industrielle, d’une crise qui est bien réelle, et qui a commencé voilà plusieurs années. Dans ce domaine, nous devons nous méfier des grands objectifs et des grandes ambitions, notamment chiffrés.

Le fait est que la part du fret ferroviaire dans le transport de marchandises recule : elle s’est établie à 9, 1 % en 2011, contre 10 % en 2007, alors que l’objectif était d’atteindre 25 % en 2022. Force est de constater que, si la SNCF n’a pas encore trouvé de modèle économique pour cette activité, les autres entreprises de fret ne l’ont pas trouvé non plus ; toutes font face aujourd’hui aux mêmes difficultés. Il y a de grandes annonces incantatoires sur les grands projets que certains ont appelés de leurs vœux, mais il y a aussi cette réalité difficile, qui concerne la France comme les autres pays.

Dans ce contexte, nous devons avoir des ambitions, comme les grands corridors ou les autoroutes ferroviaires, afin que le fret retrouve une part de marché supérieure dans le transport de marchandises. Dans la mesure où le fret est d’autant plus compétitif par rapport aux autres modes de transport que la distance à parcourir est longue, nous devons assurer une cohérence entre les différents modes plutôt que de les opposer entre eux ; à cet égard, Jean-Jacques Filleul a eu raison de souligner que les autoroutes ferroviaires n’ont de sens que si la route existe et joue son rôle.

Il nous appartiendra de revenir sur tous les dysfonctionnements et sur toutes les difficultés. Nous avons le devoir vis-à-vis de la SNCF et de RFF de réaffirmer que, lorsqu’une commande est passée à l’opérateur historique, dans le fret, par exemple, les travaux engagés sur les infrastructures doivent être cohérents avec les enjeux économiques pour les territoires, pour nos entreprises et pour le rayonnement du fret. Telle est la logique de notre politique.

Le fret doit être une exigence. Actuellement, il représente 30 % de l’activité, mais 70 % du déficit : nous ne pouvons pas nous résoudre à cette situation. En soutenant les autoroutes ferroviaires et en lançant de nouveaux projets dans ce domaine, nous répondrons aux enjeux du fret, qui sont sociaux, économiques et d’aménagement du territoire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je pourrais poursuivre encore très longtemps, tant vos interventions ont été denses. Vous avez balayé toute l’étendue des enjeux et signalé tous les aspects, parfois subtils, des questions qui se posent : les infrastructures, le matériel roulant, la gestion de la dette, le problème du fret, la liaison entre l’Île-de-France et les différents acteurs de la mobilité.

À propos de l’Île-de-France, je vous rappelle que l’État n’a pas attendu pour simplifier la gestion du RER B, pour lequel un centre de commandement unique va être mis en place. D’autres améliorations sont prévues et en cours de réalisation ; nous y reviendrons au cours de futurs débats.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je me félicite de la densité et de la qualité de vos interventions, qu’elles concernent Aurillac ou bien d’autres territoires…

Sourires.

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué

Je me réjouis aussi d’avoir entendu un satisfecit. Il est toujours agréable, pour un ministre des transports, donc un ministre de tous les modes de transport, aérien, maritime et terrestre, de pouvoir fonder son action sur des ambitions. En l’occurrence, nous avons une ambition environnementale, l’ambition de la transition énergétique et l’ambition d’une grande politique de transport qui doit être élaborée dans la concertation, mais de façon extrêmement volontariste.

Nous devons fixer un cap et lancer une dynamique pour nos entrepreneurs et pour nos filières industrielles, mais aussi pour nos concitoyens, afin que leurs trajets quotidiens, loin d’être subis comme un mal nécessaire, soient vécus comme des moments agréables, tout pleins du sens de la vie. Mesdames, messieurs les sénateurs, tel est le souhait que vous formez pour vos populations. Au nom du Gouvernement, le ministre chargé des transports vous assure qu’il aura à cœur de faire en sorte que vous soyez des représentants du peuple satisfaits et heureux !

Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Merci, monsieur le ministre, pour ce message de bonheur qui conclut un débat très intéressant sur l’avenir du service public ferroviaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

J’informe le Sénat que la proposition de loi pour une fiscalité numérique neutre et équitable (682 rectifié, 2011-2012), dont la commission des finances est saisie au fond, est renvoyée pour avis, sur leur demande, à la commission des affaires économiques, à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, et à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 28 janvier 2013, à quinze heures et le soir :

Proposition de loi portant création d’une Haute autorité chargée du contrôle et de la régulation des normes applicables aux collectivités locales (119, 2012-2013) ;

Rapport de M. Alain Richard, fait au nom de la commission des lois (282, 2012-2013) ;

Texte de la commission (n° 283, 2012-2013).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à dix-neuf heures cinq.