Intervention de Michel Teston

Réunion du 24 janvier 2013 à 15h00
Débat sur l'avenir du service public ferroviaire

Photo de Michel TestonMichel Teston :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec la création en 1938 de la SNCF, société anonyme détenue à 51 % par l’État et regroupant les anciennes compagnies de chemin de fer, et sa transformation en établissement public à caractère industriel et commercial, ou EPIC, en décembre 1982, la France s’est dotée d’un grand service public ferroviaire.

Le fait que le réseau soit détenu par l’État et que le service soit assuré par une entreprise publique a permis de conserver un grand réseau et de le développer, avec la réalisation, à ce jour, de 1 884 kilomètres de lignes nouvelles à grande vitesse.

La cohérence du choix du service public a également permis de faire preuve de créativité, et même d’audace, et de conforter l’industrie ferroviaire française, devenue leader, notamment dans le domaine de la grande vitesse.

Grâce à l’action de l’ensemble des personnels, les prestations fournies sont globalement d’un excellent niveau, ce qui explique que nos concitoyens soient attachés au service public ferroviaire, au-delà des réactions de mécontentement des usagers lors des inévitables incidents intervenant dans l’exploitation du réseau.

Ce rappel me permet d’affirmer que le service public ferroviaire doit non seulement être préservé, mais aussi conforté, dans un contexte caractérisé par un légitime besoin de mobilité, lequel n’avait jamais atteint un tel niveau dans notre nation, ce dont il convient de se réjouir.

À grand traits, je donnerai ma vision de ce qu’il faut faire pour assurer l’avenir du service public ferroviaire, mais aussi de ce qu’il ne faut pas faire.

Assurer l’avenir du service public ferroviaire nécessite, à mon avis, la réunion de quatre conditions.

La première, c’est l’élaboration d’un schéma d’organisation cohérent. Les Assises du ferroviaire ont confirmé un constat largement partagé, à savoir l’inadaptation du système d’organisation mis en place en 1997 et reposant sur la séparation entre la gestion des infrastructures et l’exploitation.

Certes, les personnels tant de RFF que de la SNCF ont œuvré de leur mieux pour faire fonctionner malgré tout un schéma d’organisation séparant artificiellement des fonctions et entraînant des difficultés parfois importantes au quotidien.

J’approuve donc pleinement l’intention de Frédéric Cuvillier de créer un gestionnaire d’infrastructure unifié, en fusionnant la Direction de la circulation ferroviaire, ou DCF, RFF et SNCF Infra.

Les modalités de la réforme ferroviaire font l’objet de différentes réflexions, conduites notamment par Jacques Auxiette. Pour l’instant, M. le ministre a seulement précisé que le gestionnaire devrait être rattaché à la SNCF au sein d’un grand pôle public ferroviaire unifié.

En outre, on ne peut parler de l’organisation du service public ferroviaire sans donner toute leur place aux trains d’équilibre du territoire, qui doivent continuer à être exploités et développés par la SNCF. Je n’oublie pas non plus les conseils régionaux, qui, en tant qu’autorités organisatrices, ont très fortement contribué à rénover et à renouveler les trains régionaux, et qui doivent conserver toute leur place dans le service public ferroviaire.

Quant au fret, même s’il ne relève pas du service public ferroviaire, il convient de le conforter. Doit-on aller jusqu’à la reconnaissance de son caractère d’intérêt général ? La question a en tout cas été posée lors d’un débat au Sénat.

La deuxième condition pour assurer l’avenir du service public ferroviaire est un cadre social harmonisé.

Depuis que l’Union européenne a ouvert à la concurrence, sans précaution particulière, le fret, son volume a continué à baisser en France et un cadre social à deux vitesses a commencé à s’installer : d’un côté, les règles d’organisation du travail applicables aux cheminots de la SNCF, le fameux RH 0077, et, de l’autre, celles qui concernent les cheminots des autres opérateurs, régis par le décret du 27 avril 2010.

Ce système à deux vitesses fait courir un risque majeur au service public ferroviaire. Il convient donc d’élaborer un nouveau cadre social défini par décret, qui constituerait un socle commun traitant particulièrement de la question de la durée du travail. En tout cas, l’harmonisation ne doit pas être faite par le bas. Ce sont donc les opérateurs entrants qui devront, à mon sens, effectuer le plus gros effort.

Tout comme la mission confiée à Jacques Auxiette sur le schéma d’organisation, celle qui a été confiée à Jean-Louis Bianco sur le cadre social est essentielle.

La troisième condition pour assurer l’avenir du service public ferroviaire est de disposer d’un réseau performant.

À la suite de l’audit réalisé en 2005 par l’École polytechnique fédérale de Lausanne, l’effort de régénération sur le réseau classique a été multiplié par plus de deux, pour atteindre 1, 7 milliard d’euros par an, ce qui permet de rénover 1 000 kilomètres de voies par an.

Le nouvel audit mené par cette école en 2012 confirme la nécessité de poursuivre l’effort, en particulier pour rénover les axes structurants essentiels pour le transport de voyageurs et le fret.

J’approuve donc la demande de Frédéric Cuvillier à RFF, qui devra proposer un nouveau plan de renouvellement et de modernisation, avec un effort financier porté à 2 milliards d’euros par an. Le rapprochement entre la DCF, RFF et SNCF Infra devrait y contribuer.

Cela m’amène à évoquer la quatrième condition nécessaire pour assurer l’avenir du service public ferroviaire, à savoir un financement maîtrisé.

De très nombreux observateurs regrettent que l’État n’ait pas, comme en Allemagne, repris l’intégralité de la dette de l’opérateur historique, ce qui constitue un handicap considérable pour RFF. Aujourd’hui, comment empêcher la dette de RFF de croître ? Comment ensuite la réduire progressivement, tout en continuant à investir à un niveau suffisant ?

Dans ce contexte délicat, il est pourtant nécessaire de trouver rapidement le milliard et demi d’euros manquant pour équilibrer le système ferroviaire.

Parmi les principales recettes supplémentaires envisagées, je citerai l’écotaxe poids lourds, dont nous débattrons prochainement. J’évoquerai également les gains d’efficacité attendus de l’unification de la gestion de l’infrastructure, gains qui, à terme, pourraient atteindre 300 millions d’euros par an.

Telles sont, exposées à grands traits, les quatre conditions qui me paraissent devoir être réunies pour assurer l’avenir du service public ferroviaire.

Atteindre cet objectif majeur suppose, en particulier, de ne pas céder à la Commission européenne, dont la volonté est d’imposer, d’une part, une séparation stricte entre le gestionnaire d’infrastructure et les transporteurs ferroviaires et, d’autre part, une ouverture à la concurrence en open access, chaque opérateur pouvant intervenir librement sur la ligne qui l’intéresse, quitte à délaisser complètement les liaisons non rentables. Face à cette logique, celle de l’écrémage, qui risque de mettre en péril le service public ferroviaire, il est urgent et nécessaire de se mobiliser ! §

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