Intervention de Frédéric Cuvillier

Réunion du 24 janvier 2013 à 15h00
Débat sur l'avenir du service public ferroviaire

Frédéric Cuvillier, ministre délégué :

Sur ce point également, il me semble important de faire preuve de pédagogie et d’apporter des explications.

Au cours de votre intervention vous avez évoqué l’heureux rendez-vous des Assises ferroviaires, appelées à sauver « un système à bout de souffle ». Je suis tenté de terminer votre phrase en précisant que le gouvernement d’alors était lui-même à bout de souffle ! §Eneffet, en décembre 2011, il semblait difficile d’engager de grandes réformes. Certes, il était utile de mener de semblables réflexions, il est toujours passionnant de croiser nos analyses au sujet du ferroviaire. Toutefois, il s’agit, en l’occurrence, de réformer concrètement le système ferroviaire.

Il est regrettable que ce chantier ait pris tant de retard, avez-vous dit. Certes ! Mais au moins ce retard nous permet-il de garantir que la réforme, que nous allons engager, répondra aux enjeux d’efficacité. De fait, s’il y a un point sur lequel nous nous accordons, c’est sur la nécessité de simplifier et de réunifier le système existant, en mettant un terme à ce jeu de ping-pong entre la SNCF, SNCF Infra et RFF, tel qu’il existe actuellement. A contrario, il faut assurer une véritable intégration de la gestion des infrastructures, dans la perspective d’une optimisation des moyens.

Cela ne peut se faire en dehors de l’opérateur historique et sans l’existence d’un certain nombre de liens. Il faudra que nous déterminions, ensemble, l’intensité de ces derniers. Des règles existent, qui sont évidemment européennes.

Certains, quand j’ai pris les fonctions qui sont aujourd’hui les miennes, m’enjoignaient d’accélérer la libéralisation, me sommaient de forcer le pas, de libéraliser encore plus vite, dès 2014, alors même que nous n’avions pas encore réfléchi aux conséquences des règles européennes et des trois paquets ferroviaires précédents. De notre côté, nous exigions, avant tout, de faire le bilan de ce que la libéralisation du fret avait apporté.

Notre ambition, très volontariste, telle qu’elle s’exprime dans les conclusions du Grenelle de l’environnement, est de porter à 25 % la part du ferroviaire dans l’ensemble du transport de marchandises, et ce à court terme, à l’horizon 2022.

Or nous avons constaté, comme j’en faisais la réflexion à M. Siim Kallas, que la libéralisation, loin de permettre une augmentation de la part du fret, l’a au contraire diminuée. Je reviendrai sur les chiffres pour répondre précisément aux sénateurs, dont M. Gérard Le Cam, qui ont évoqué cette question en abordant l’ambition du développement du fret ferroviaire.

La création d’un GIU permettra de conférer à une même structure l’ensemble des instruments nécessaires à un pilotage efficace du réseau, en optimisant d’abord la réalisation des travaux, puis la gestion de la circulation, dont nous savons qu’elle est un enjeu majeur en termes d’efficacité.

Le rattachement à la SNCF doit permettre le développement d’une culture professionnelle, mais aussi la mise en commun des métiers et des savoir-faire indispensables au bon fonctionnement du système ferroviaire.

Encore faudra-t-il, comme je l’indiquais, que nous positionnions très précisément le curseur dans ce processus de rattachement. Plutôt qu’une séparation se traduisant nécessairement par une certaine forme d’isolement des acteurs, chacun dans sa sphère, fort de sa propre légitimité, juridique ou financière, nous favorisons une logique de travail en réseau permettant de rendre le système ferroviaire dans son ensemble bénéficiaire du processus.

Un certain nombre d’entre vous ont évoqué les aspects financiers de la réforme : on ne saurait les mésestimer, ni les dissimuler.

Précisément, la nécessité de mettre fin aux dérives financières constitue le deuxième axe, essentiel, de cette réforme.

Je rappelle que ces dérives se traduisent par une augmentation annuelle de la dette de plus de 1, 5 milliard d’euros §vous l’avez dit et répété, en particulier Roland Ries et Jean-Vincent Placé et je vois que Michel Teston approuve. Autant d’argent consacré non pas à la modernisation du réseau, mais au service d’une dette qui s’accroît et qui s’accumulera, avec des conséquences terribles, si nous ne bougeons pas les lignes en profondeur !

Il nous faudra d’abord mettre l’accent sur une meilleure priorisation des projets d’investissements et sur la mise en place de règles vertueuses, afin que, progressivement, le système ferroviaire retrouve un équilibre économique. Notre ambition, à ce stade, est au moins de stabiliser un dispositif dans lequel, aujourd’hui, la dette génère la dette, nous privant mécaniquement, automatiquement, de perspectives.

Il nous faut donc retrouver l’équilibre économique nécessaire pour assurer la pérennité du système ferroviaire. Cet effort de restauration nécessitera de repenser les fonctionnements et les organisations, pour qu’ils soient plus efficaces à un moindre coût.

Il nous faudra, en complément de cet effort, examiner les leviers que devront mobiliser tous les acteurs afin d’y contribuer.

Certains ont légitimement évoqué l’enjeu social. En effet, et c’est le troisième axe de la réforme, nous offrirons aux partenaires de la branche ferroviaire l’occasion de conclure un nouveau pacte social. Depuis l’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire, deux régimes distincts de durée du travail coexistent dans le secteur, entraînant des écarts importants, avec des conséquences non moins importantes, notamment sur l’organisation du travail.

Il ne s’agit pas de revenir sur le statut. Il faut, en revanche, que la SNCF puisse bénéficier des mêmes capacités en matière d’organisation du travail que les autres opérateurs. Il est donc nécessaire de mettre en place un cadre commun à toutes les entreprises de la branche ferroviaire. Elles sont aujourd’hui dix-huit, notamment dans le fret.

Compte tenu du nombre d’opérateurs ferroviaires, il est donc impératif de définir un nouveau cadre devant s’appliquer à tous afin de mettre la SNCF en situation de réussite économique.

Ce nouveau dispositif, intégrant le maintien tant du statut que de la protection sociale, sera fondé sur un décret pris en concertation avec les partenaires sociaux. Roland Ries affirmait que les partenaires sociaux n’étaient pas bloqués mais jouaient bien leur rôle de force de proposition. Pour les avoir déjà reçus, je peux vous dire qu’ils font preuve d’un grand sens des responsabilités.

J’attends beaucoup des discussions que nous aurons avec les partenaires sociaux, j’attends beaucoup de leur vision des choses et de l’enrichissement de la réflexion qu’elle nous permettra.

Ces rencontres permettront de préciser les principaux aspects de l’évolution du temps de travail au regard des exigences de la sécurité comme de la continuité du service public, deux questions qu’ils ont tous évoquées.

L’organisation du travail et l’aménagement du temps de travail relèveront d’une convention collective de branche à négocier par les partenaires sociaux et qui pourra être complétée par des accords d’entreprise.

Voilà donc les grands axes que je souhaite mettre en œuvre et qui font l’objet de la concertation pilotée par Jean-Louis Bianco.

Cette réforme définit également la position que la France défendra dans le futur débat européen relatif au quatrième paquet ferroviaire, qui devra permettre de bâtir une Europe du rail, de même qu’une Europe durable, dont bénéficieront le pôle public et l’industrie ferroviaire.

L’enjeu de l’industrie ferroviaire, sa structuration, ses emplois et l’ambition du Gouvernement à cet égard ont été évoqués par M. Jean-Jacques Filleul et Mme Delphine Bataille. Mais, si nous voulons soutenir nos industries ferroviaires, encore faut-il que nous disposions d’un système ferroviaire efficace qui offre des perspectives et de la lisibilité. Dans ce domaine, c’est aussi cela, le rôle de l’État stratège !

Alors, je négocierai avec la Commission, avec le commissaire Kallas, dont la parole ne saurait s’imposer !

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